Ne doit pas être confondu avecThéorie du complot sioniste.

Le « complot juif » est unethéorie du complot qui prête auxJuifs une volonté et les moyens dedominer le monde. Ce mythe est particulièrement incarné parLes Protocoles des Sages de Sion, document du début duXXe siècle se présentant comme un programme juif dedomination du monde, mais en réalité créé par le faussaireantisémite russeMatveï Golovinski pour le compte de lapolice politiquetsariste. Auparavant, cette théorie avait été largement popularisée en France par le pamphlet antisémite d'Édouard Drumont,La France juive paru en 1886, véritable « best-seller » de la fin duXIXe siècle selon les termes deLéon Poliakov.
Relevant originellement de l'antijudaïsme chrétien, les théories du complot juif sont plus élaborées que la simpleallégation antisémite et leurs auteurs insistent sur le thème de la domination.
La théorie du complot juif connaît un regain de popularité enEurope durant les crises des années 1930, après avoir été développée dans le manifeste d'Adolf Hitler,Mein Kampf. À l'époque, une telle théorie est cautionnée principalement àdroite et à l'extrême droite : la droite de l'époque est fortementnationaliste et hait donc autant le Juif « apatride » que lecommuniste, tous deux étant regroupés dans le concept de « judéo-bolchevisme »[1], tandis qu'àgauche, depuis leXIXe siècle, le Juif est accusé de contrôler lafinance et identifié à la figure ducapitaliste.
Après la mise en œuvre de la« Solution finale à la question juive » par lesnazis et lacréation de l’État d'Israël, le thème du complot juif renaît dans certains milieuxantisionistes qui assimilent abusivement les substantifs « sionisme » et « fascisme » aux adjectifs « juif » et « sioniste ». Cette fraction radicale d'antisionistes a développé une opposition àIsraël fondée sur l'antisémitisme et lacontestation de la Shoah. Lathéorie du complot sioniste qui en résulte est considérée parPierre-André Taguieff etJacques Tarnero comme une variante moderne de la théorie du complot juif.
La thématique du complot juif connaît aujourd'hui une popularité dans certains mouvements extrémistes auMoyen-Orient, comme leHamas, qui se réfèrent explicitement, en 1988, auxProtocoles des Sages de Sion dans sacharte[2].
Taguieff considère que le mythe du complot juif a revêtu quatre formes historiques[3] : en premier lieu durant l'Antiquité et leMoyen Âge, il se présente sous la forme derumeurs de complots locaux car les Juifs seraient « solidaires entre eux ». À ces rumeurs, s'ajoutent de multiplescalomnies comme celles de la « haine du Christ, donc de Dieu », donc deschrétiens, qui peut se traduire par desaccusations d'infanticide rituel. En deuxième lieu, à partir duXIXe siècle, il prend la forme de récits plus ou moins élaborés de complots nationaux car les Juifs forment un « corps étranger » et jouent un « rôle d'État dans l'État ». En troisième lieu, de la fin duXIXe siècle au milieu duXXe siècle, le complot juif devient un « complot international ou mondial ». Depuis 1948 et la création de l'État d'Israël, le complot juif devient le « complot sioniste mondial »[3] ou, depuis les années 1990, le « complot américano-sioniste »[4], appelé « alliance judéo-croisée » par lesislamistes[5].
D'aprèsPierre-André Taguieff,« le motif du complot juif contre la société chrétienne se constitue historiquement autour de l'accusation d'empoisonnement des fontaines et des puits, quisurgit en 1321 en Aquitaine sous la forme de la fiction d'un complot judéo-lépreux »[6].
AuXVIe siècle, laLettre des Juifs de Constantinople estfabriquée par l'archevêque de TolèdeJuan Martínez Silíceo dans un butantisémite. L'auteur s'attaque aux « nouveaux chrétiens » et donne ces conseils à l'adresse desrabbins deSaragosse[7] :
« … et comme vous ne pouvez pas faire autrement,baptisez-vous comme l'édit du roi l'ordonne, uniquement pour vous y conformer, mais conservez toujours dans votre poitrine votreSainte Loi.
Et pour ce que vous dites, qu'ils vous dépouillent de vos biens, faites de vos enfants des marchands et des avocats afin qu'ils puissent les dépouiller de leurs biens.
Et pour ce que vous dites qu'ils vous retirent la vie, faites de vos enfants des médecins, des chirurgiens ou desapothicaires afin qu'ils puissent ôter la vie de leurs enfants et de leurs descendants.
Et pour ce que vous dites que les dits Chrétiens ont profané et souillé vos cérémonies et synagogues, faites de vos enfants des membres du clergé, afin de pouvoir facilement profaner leurs temples et souiller leurs sacrements etbénéfices. »
Les « conseils » de laLettre des Juifs de Constantinople seront repris au mot près en 1882 par le chanoineEmmanuel Chabauty dans son ouvrageLes Juifs nos maîtres)[7],[8].
En 1650, l'écrivain espagnolFrancisco de Quevedo écrit unesatireantijuive,L'Île des Monopantos (es) dansHora de Todos, qui constitue avec laLettre des Juifs de Constantinople l'un des deux textes fondateurs du mythe du « complot juif » pour la domination du monde. Ces deux ouvrages sont les précurseurs du faux document intituléLes Protocoles des Sages de Sion, texte de référence de l'antisémitisme[9],[10].

Le, lejésuiteAugustin Barruel reçoit à Paris une lettre deFlorence provenant d'un soldat italien, Giovanni Battista Simonini[11], dans laquelle ce dernier le félicite pour sesMémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme. Il tient toutefois à évoquer un témoignage personnel sous la forme d'une théorie qui met en scène uncomplot judéo-maçonnique, lamaçonnerie étant sous la direction dujudaïsme. Barruel transmet la lettre au papePie VII, qui lui répond par son secrétaire, puis au roiLouis XVIII[12]. Ces correspondances ont été publiées pour la première fois en 1882, dans le journaljésuiteLa Civiltà Cattolica[13]. Elles sont republiées en 1924 dans l'ouvrage d'Alexandre Netchvolodov,L'Empereur Nicolas II et les Juifs[12].
À la fin duXIXe siècle, l'idée d'un « complot juif » se développe enEurope. L’origine de cette croyance se confond avec un roman publié àBerlin en 1868. Ce roman, intituléBiarritz et signé du pseudonyme de « Sir John Retcliffe », est l'œuvre deHermann Goedsche, un fonctionnaire qui avait été révoqué des services de posteprussiens. Dans un chapitre intitulé « Dans le cimetière juif de Prague », il décrit une réunion derabbins issus des douzeTribus d'Israël et prenant tour à tour la parole dans levieux cimetière juif de Prague. Ils annoncent alors un plan méthodique, rigoureusement articulé, de domination et de contrôle du monde.
Suivent alors plusieurs publications enEurope orientale où, peu à peu, le romanBiarritz se déforme. Le contenu des dialogues révélant le complot juif est imprimé séparément en Russie à partir de 1872, et publié sans que soit mentionné leur caractèrefictif. Ainsi isolé de son contexte romanesque, le récit atteint la France en 1880 sous la forme d'une histoire vraie. Dans le numéro duContemporain de par exemple, la scène du cimetière juif passe pour être véridique, connue grâce au témoignage d’un authentique diplomate britannique, « Sir John Readclif » (le nom a déjà été légèrement déformé). En 1896, dans l’ouvrage deFrançois Bournand (1855-1911)Les Juifs, nos contemporains, les propos des douze rabbins sont fondus en un seul monologue, celui du rabbin Eichhorn (ou Reichhorn) sous l’appellation « le discours du rabbin ». La diffusion va alors être sans cesse élargie. Il faut attendre 1933, dans l’édition suédoise et dans l’introduction qui la précède, pour voir enfin annoncer la mort de « Sir John » (le nom a encore été modifié), « mystérieusement assassiné » comme il se doit[14].
En 1859, lephilosophecontre-révolutionnaireJoseph de Maistre s'exprime sur ce qu'il perçoit comme une attitude nuisible des Juifs dans son livreQuatre chapitres inédits sur la Russie[15].
En 1869, lejuif russeconverti au christianismeJacob Brafmann publia un essai nomméKniga Ḳahala[16] dans lequel il développe le concept duKahal juif ou l'idée d'une sorte de pouvoir central de la communauté juive sous la forme d'unconseil d'administration, tissant la trame de nombreux complots[17].
L'essayisteOsman Bey critiqua l'Alliance israélite universelle (AIU), voyant dans ses avatars l'ayant précédée les déclencheurs de laRévolution française et désigna la franc-maçonnerie comme contrôlée par le judaïsme (thèse ducomplot judéo-maçonnique). Il dénonça uncomplot juif visant à s'attaquer à laRussie.
Dans les années 1870, Bey fut suivi parHippolytus Lutostansky dans ses écrits[18].
En 1882, leprélatEmmanuel Chabauty publia dans son livreLes Juifs nos maîtres[19] un opuscule de l'abbé Jean-Baptiste Bouis, présenté comme prêtre d'Arles en 1644, décrivant une lettre de 1489 intituléeLettre des juifs d'Arles envoyée aux juifs de Constantinople rédigée au nom desjuifs de Provence par lerabbin d'Arles, leur chef, écrivant à ses frères deConstantinople, le, pour leur demander la ligne de conduite à suivre dans le contexte de l'édit sévère deCharles VIII de France, moins tolérant que les anciensrois de Provence, par lequel il enjoignait aux Juifs provençaux de se faire chrétiens ou de quitter le pays. Le texte présente également la réponse du de cette même année des Juifs de Constantinople, leur enjoignant la dissimulation, la prise de pouvoir clandestine et lapratique secrète du judaïsme. Il pourrait s'agir d'une copie ancienne d'unfaux provenant d'Espagne, intituléLettre des Juifs de Constantinople[20].
Pour l’archevêqueLeo Meurin, la volonté juive de domination se comprendrait théologiquement. Ainsi en 1893, dans son livreLa Franc maçonnerie Synagogue de Satan, il prête aux Juifs la non compréhension du sens spirituel desprophéties de l'Ancien Testament, et l'idée que lemessie sera un roi terrestre chargé de subjuguer toutes les nations en leur faveur exclusive[21].
Dès 1898, lesJésuites dans la revueLa Civiltà Cattolica dénoncent lePremier congrès sioniste comme étant un « complot sioniste mondial ». Dans la foulée, un agent secret de l’Okhrana lance la première version desProtocoles des Sages de Sion. On peut considérer le « discours du rabbin » d'Hermann Goedesche comme un précurseur, lequel fut d'ailleurs parfois publié comme ajout à certaines éditions desProtocoles[22].
Le thème du complot juif est particulièrement présent en France lors de l'affaire Dreyfus. En Allemagne, la thématique du complot juif secristallise notamment autour de familles juives influentes, telles que ladynastie des Rothschild, accusée de contrôler les systèmes financiers du monde ou laRéserve fédérale des États-Unis.
Cette idée de « complot juif » n'est pas partagée par le philosophe allemand duXIXe siècleFriedrich Nietzsche qui la réfute en filigrane :
« C'est un fait que les juifs s'ils le voulaient pourraient dès maintenant exercer leur prépondérance et même littéralement leur domination sur l'Europe, c'est un fait qu'ils n'y travaillent pas et ne font pas de projet en ce sens. Ils aspirent à s'établir enfin quelque part où ils soient tolérés et respectés[23]. »
Après laPremière Guerre mondiale, lesProtocoles des Sages de Sion gagnent en succès : ils expliquent en substance la Grande Guerre et larévolution bolchévique – les tenants du complot fantasment volontiers sur lacoïncidence des dates entre laDéclaration Balfour () et celle de larévolution d'Octobre ().Les Protocoles se modifient et passent alors pour être les « séances secrètes du premier Congrès sioniste ». Ainsi, en 1924, l’éditeur allemandTheodor Fritsch peut publier lesProtocoles sionistes. Les effets se font sentir rapidement, dans un contexte où les foules avides cherchent des explications à des phénomènes qui semblent les dépasser.
De même, laGrande Dépression en 1929 trouve pour certains une explication toute faite dans le complot juif mondial. En Allemagne, leparti nazi a abondamment usé de cepostulat du « complot juif ». Lapropagande allemande a fortement nourri lemythe de la « banque juive », notamment via l'idée que les Rothschild suscitaient des guerres entre les gouvernements en manipulant les fonds.
Après laSeconde Guerre mondiale, lesnégationnistes du génocide nazi accusent les Juifs de contrôler les gouvernements, les historiens, les systèmes judiciaires :« Se trouvent associés, et dénoncés ès qualités, comme complices, les USA capitalistes et l’URSS communiste, tous au service du « sionisme » »[24].
Un petit livre prétendument paru auxPays-Bas en 1933, écrit sous lepseudonyme deSydney Warburg (Les ressources du national-socialisme, trois conversations avec Hitler), et en réalité publié en 1947 enSuisse, désigne des banquiers, dont la famille juive-allemande des Warburg, comme ayant financé ou contribué à financer l'accession au pouvoir dunational-socialisme en Allemagne. Véritableimposture, ce livre a été largement démenti.

En 1985, est publiée l'œuvre posthume du journaliste et essayiste britanniqueDouglas Reed, mort en 1976, qui présente une théorie du complot juif intituléeLa Controverse de Sion ; il explique que les juifs ont instrumentalisé les deuxguerres mondiales et en prépareraient unetroisième dans le but d'installer ungouvernement mondial à leur solde[25]. Il a été qualifié d'antisémite virulent[26]. Mort depuis dix ans à la parution, il avait renoncé à publier son ouvrage de son vivant et s'était réfugié enAfrique du Sud.
James von Brunn, auteur de la fusillade auUnited States Holocaust Memorial Museum (Musée de l'Holocauste) deWashington en 2009, est l'auteur d'un essai dénonçant un complot juif mondial :Kill the Best Gentiles[27].
Article détaillé :Mein Kampf en arabe
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