Issu d'une famille aristocratique de Constantinople et devenu très riche par son mariage, il renonce cependant à la vie séculière dans les années 780. Devenuhomme d'Église, il s'implique notamment dans la controverse sur laquestion des images, très importante dans l'Empire byzantin, où s'opposent lesiconoclastes et lesiconodules. Lui-même iconodule, il est emprisonné en 815 par l'empereur iconoclasteLéon V et meurt peu après sa libération.
La vie de Théophane est essentiellement connue par deux sources principales dont, à quelques détails près, les récits sont assez concordants[1] : unpanégyrique de l'ami de ThéophaneThéodore Studite, probablement prononcé en 822 à l'occasion de la déposition de la dépouille de Théophane en son monastère, puisant dans les souvenirs personnels de l'auteur et les informations recueillies auprès de personnes qui ont connu Théophane[2] ; ensuite uneVita composée parMéthode, le futur patriarche de Constantinople (843-847), écrite avant 832[3].
Théophane naît vers la fin 759 ou en 760[4] dans une familleiconodule de la haute noblesse deConstantinople. Son père, Isaakios, est gouverneur (strategos) des îles de lamer Noire. Orphelin de père à l'âge de trois ans, Théophane est recueilli à la cour impériale parConstantin V (741 à 775)qui veille à son éducation[réf. nécessaire].
La mère de Théophane, nommée Théodote, choisit une fille dupatrice Léon comme future épouse de son fils dans le cadre d'un accord entre deux riches familles aristocratiques dont l'empereur se porte garant de la bonne application[5]. Les fiançailles sont célébrées vers 770[4] alors que Théophane « franchit le seuil de la puberté »[5] et que Mégalo est encore une enfant[6].
LorsqueLéon IV, parrain de Théophane[7], succède à Constantin à la tête de l'empire, Théophane, bien qu'encore adolescent mais décrit comme un jeune homme de belle apparence passionné de sport, décontracté et généreux[8], est nomméstrator[3]. À l'instigation de son beau-père qui souhaite le voir embrasser une carrière dans l'administration de l'Empire, Léon IV lui confie la surveillance des travaux des fortifications deCyzique[5], mission dont le jeune homme s'acquitte sur sa cassette personnelle[9].
Vers 778[4], probablement pressée par la maladie qui l'emportera peu après, Théodote précipite le mariage de son fils — qui, alors dans sa dix-huitième année, n'a pas encore atteint l'âge légal — avec Megalo dont l'oncle Léon est devenu l'un des favoris du nouvel empereur[5]. Théodote meurt et, après une période de deuil, le mariage est célébré[10], Théophane devenant ainsi l’un des hommes les plus riches de l'Empire.
Mais, peu après, alors que ce dernier est âgé de vingt et un ans[4], l’empereur meurt le 8 septembre 780, suivi de près par le beau-père de Théophane, laissant ainsi le terrain libre à ce dernier qui, attiré depuis son enfance par la vie monastique, convainc sa jeune épouse que le monastère est la voie à privilégier pour chacun d'eux[5]. Théophane liquide alors la plus grande partie de leurs fortunes respectives puis s'embarque avec son épouse pour un monastère situé sur l'île de Prinkipos près de Constantinople, où Megalo, dotée par son mari d'une somme importante, devientmoniale sous le nom monastique d’Irène[5]. Après quoi les deux ex-époux se séparent en promettant de ne plus se rencontrer[5].
Théophane, après avoir affranchi ses serfs et distribué ses biens aux pauvres, entre au monastère de Polychronius sur la montagne de Sigiane, près deCyzique, sur la côte sud de lamer de Marmara[11]. Par la suite, il fonde son propre monastère sur des terrains lui appartenant dans l’île deKalymnos, au nord de Sigriane. Six ans plus tard, il revient à Sigiane pour y fonder le monastère de Megalos Agros (« du grand acre ») enBithynie, dont il devient l’abbé.
Lors de la controverse concernant le deuxième mariage deConstantin VI (empereur de 780 à 797) qui oppose l’empereur au patriarcheTaraise de Constantinople, Théophane prend le parti du patriarche contrairement àThéodore Studite.
Théophane apparait à cette époque comme un ardent partisan des images, qu’il défend lors dudeuxième concile de Nicée en 787, ce qui lui vaudra le titre de « Confesseur » lorsqu’il sera canonisé[12].
Il est emprisonné en 815 pour son refus de dénoncer la vénération des images, en s'en tenant à sa pratique au sens du second concile de Nicée. Libéré en 817, il est exilé dans l’île deSamothrace où il meurt deux semaines après son arrivée.
De nombreux miracles lui sont attribués après sa mort, survenue, selon la tradition, un, jour où on commémore sa mémoire dans leMartyrologe romain[14].
À la requête pressante de son ami,Georges le Syncelle, Théophane reprit entre 810 et 815 saChronique là où celui-ci l’avait laissée, c’est-à-dire àDioclétien et la mena jusqu’à la chute deMichelIer Rhangabé, couvrant ainsi les années 284 à 813[15]. Les deux chroniques diffèrent toutefois par leur ton. Le Syncelle, s’appuyant sur des sources protobyzantines commeEusèbe de Césarée, donne une place très importante aux calculs chronologiques[12]. Chez Théophane, les calculs chronologiques tiennent une place moins importante, mais les sources utilisées par l’auteur font l’objet de controverse.
L’ouvrage se compose de deux parties. La première donne les faits et évènements en ordre chronologique ; elle comporte des inexactitudes et un manque de sens critique surprenant chez un homme de méthode comme l’était Théophane. CommeJean Damascène, Théophane présente sa version comme des faits démontrés plutôt que comme sa propre opinion[13]. En dépit de ces défauts, cette chronique surpasse de beaucoup la majorité des chroniques byzantines semblables[19]. La deuxième contient des tables chronologiques spécifiant l’année du monde (il se serait écoulé 5492 entre la création du monde et la naissance duChrist), l’année chrétienne, l’année courante du règne de l’empereur byzantin ainsi que les années du règne des souverains perses, puis arabes, des papes et des quatre patriarches. Elle donne également le calcul par cycle d’indiction[N 1]. Si les années d’indiction sont calculées de façon très précise, il arrive dans le système des années du monde qu’il y ait un retard d’une unité par rapport au quantième de l’indiction pour les années comprises entre 6102 et 6265, sauf pour la période de 6207 à 6218[20],[21].
Écrite dans une langue à mi-chemin entre le style ecclésiastique sévère et le grec vernaculaire, cette chronique, en dépit d’une valeur historique contestable[22], fut fréquemment utilisée par les chroniqueurs subséquents. Vers 873-875, un bibliothécaire papal du nom d’Anastase produisit une compilation en latin des chroniques du patriarcheNicéphore, de Georges le Syncelle et de Théophane à l’intention d’un diacre nommé Jean, ce qui la fit connaître enEurope.
Une suite de cette chronique, entreprise à la demande deConstantin VII Porphyrogénète et comprenant six livres, nous est également parvenue. Écrite par divers auteurs, la plupart anonymes, réunis sous le nom deTheophanes Continuatus (Οἱ μετὰ Θεοφάνην /Hoi metà Theophánên) ouScriptores post Theophanem, elle complète celle de Théophane jusqu’à l’an 961,
C'est dans cette chronique que Théophane dresse une violente critique contreMuhammad, qu'il présente comme un danger pour l'Occident, évoquant une alliance avec lesJuifs arabes contre les Occidentaux. Il essaye aussi de discréditer Muhammad en le présentant comme un homme malhonnête et comme un imposteur. Dans ce passage, il attaque également lesiconoclastes, expliquant qu'un moine iconoclaste exilé a approuvé les révélations de l'ange Gabriel et la position de Muhammad dans la chaine desprophètes. C'est donc une façon de rendre illégitime Muhammad, mais aussi de s'attaquer à ses ennemis iconoclastes.
↑Calcul utilisé à la fin duIIIe siècle pour évaluer l’impôt des citoyens ;ConstantinIer utilisa ce système en y ajoutant le numéro d’ordre de l’année au sein de l’indiction plutôt que la référence aux consuls de l’année dans le système juridique byzantin.
↑Francis JamesThomson, « The Name of the Monastery where Theophanes the Confessor Became A Monk : ΠΟΛΙΧΝΙΟΝ OR ΠΟΛΥΧΡΟΝΙΟΝ ? »,Analecta Bollandiana,vol. 125,,p. 123(lire en ligne, consulté le)
(en)CyrilMango et RogerScott (traduction et commentaires),The Chronicle of Theophanes Confessor. Byzantine and Near Eastern history AD 284–813, Oxford,.
JulesPargoire, « Saint Théophane le Chronographe et ses rapports avec saint Théodore Studite »,VizVrem, Saint-Pétersbourg,vol. IX,,p. 31-102(lire en ligne, consulté le).
(de)KarlKrumbacher,Geschichte der byzantinische Litteratur von Justinian bis zum Ende des oströmischen Reiches (527-1453), Beck,(lire en ligne).