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Lathéologie de la substitution outhéologie du remplacement, ou encoresupersessionisme, est une doctrine chrétienne selon laquelle lechristianisme se serait substitué aujudaïsme dans le dessein deDieu. Dans cette optique, lepeuple d'Israël autrefois choisi par Dieu a cessé d'être lepeuple élu et il est maudit parce qu'il a rejeté et tué le Sauveur,Jésus-Christ. Les dons et les promesses de Dieu à l'« ancien Israël » sont transférés à l'Église, qui devient le « nouvel Israël », le « nouveau peuple de Dieu ». Il s'ensuit que le judaïsme n'a plus qu'une valeur toute relative, en fonction du christianisme, dont il n'est que l'imparfaitepréfiguration et letémoin dépassé[1].
Le théologienJean-Miguel Garrigues souligne que cette « doctrine de la substitution » est la cause de siècles de persécutions que l’Église a infligées ou fait subir au peuple juif en l'accusant de déicide[1]
Cette thèse est présente dans plusieurs passages duNouveau Testament, selon des modalités sujettes à diverses interprétations, comme chez lesPères de l'Église, notammentAugustin. Elle a déterminé pendant près de vingt siècles lesrelations entre judaïsme et christianisme.
Cette approche s'oppose à lathéologie des deux alliances, qui affirme que l'Alliance de Dieu avec Israël n'a jamais été rompue.
Plusieurs textes duNouveau Testament, adressés aux chrétiens des deux premières générations, présentent la communauté des disciples deJésus de Nazareth comme un Israël spirituel. Tel est le cas, en particulier, desÉpîtres de Paul[2]. Lecorpus johannique, rédigé une cinquantaine d'années plus tard, contient des affirmations catégoriques à ce sujet[3].
Plus tard, l’Église primitive se singularise encore face aux juifs, elle fonde son hostilité sur l’idée que Dieu a envoyé leMessie à Israël qui ne l’a pas reconnu, et l’a mis à mort. La « doctrine de la substitution » née vers lesIIe – IIIe siècles, ancre l'hostilité envers le peuple déicide, rejeté par Dieu et condamné (les romains dispersent les pharisiens et détruisent letemple de Jérusalem). L’Église est maintenant seule élue de Dieu, les juifs sont bannis[1].
Parallèlement, lemarcionisme est apparu vers 140 sous l'influence deMarcion, il allait encore plus loin en demandant que l’Église rejette l’Ancien Testament car, selon lui, leDieu de la Loi révélé dans la Bible hébraïque était absolument différent duDieu de miséricorde de l’Évangile. Marcion fut excommunié à Rome, et le marcionisme condamné comme hérésie en 144[1].
En tout état de cause, c'est à la même époque, aux alentours de l'année 150, que lechristianisme naissant affirme être le « véritable Israël » (Verus Israel) qui remplace (se substitue à) l'« ancien Israël » (Vetus Israel) dorénavant banni et déchu selon cette théologie qui devient doctrine[4].

La théologie de la substitution prend une place considérable dans l'enseignementpatristique : estimant que le peuple d’Israël ne s’est pas converti, puisqu'il n’a pas reconnu leMessie, lesPères de l'Église affirment que son rôle est terminé, et que les chrétiens doivent le remplacer.
Cette doctrine est développée par plusieurs auteurs.
Dans sonAdversus Judaeos,Tertullien (v. 150-230) emploie métaphoriquement Gn 25:23, et fait de l'aîné des jumeauxÉsaü l'incarnation des juifs et du cadetJacob celle les chrétiens, le « moindre » (Jacob) devant supplanter son aîné[5]. Il semble que Tertullien adopte la même démarchetypologique que Paul relativement àAgar etSarah en Ga 4:21-31[5],[6].
Jean Chrysostome (349-407),patriarche de Constantinople, écrit à son tour unAdversus Judaeos.
Augustin d'Hippone (354-430), tout en affirmant la doctrine du « peuple déicide », définit dansLa Cité de Dieu son rôle de « peuple témoin » dont l'utilité est depréfigurer, et de favorisera contrario, le triomphe du Christ :
« Quant aux Juifs qui mirent [le Christ] à mort et ne voulurent pas croire en lui – parce qu’il lui fallait mourir et ressusciter –, lamentablement ruinés par les Romains, complètement déracinés du sol de leur royaume où ils étaient déjà dominés par des étrangers, dispersés par toute la terre [...], ils témoignent par leurs Écritures que nous n’avons pas inventé les prophéties relatives au Christ. [...] Dieu a donc montré à l’Église à propos de ses ennemis les Juifs la grâce de sa miséricorde, parce que, selon la parole de l’Apôtre, «leur faux pas a procuré le salut aux gentils » (Rm 11,11). »
L'Église catholique, longtemps favorable à la théologie de la substitution, n'a changé de doctrine que dans la seconde moitié duXXe siècle.
Dans lecatholicisme, la paternité de la théologie de la substitution est généralement attribuée àPaul de Tarse, sur la base de l'interprétation de l'épître aux Galates 3:15-16 et 6:15-16. Cette doctrine est constamment réaffirmée au cours des siècles, notamment auconcile de Florence (XVe siècle), jusqu'à l'encycliqueMystici Corporis Christi dePie XII, qui indique en 1943 :

« La mort du Rédempteur a fait succéder le Nouveau Testament à l'Ancienne Loi abolie ; [...] sur le gibet de sa mort il annula la loi avec ses prescriptions [...], établissant une Nouvelle Alliance dans son sang répandu pour tout le genre humain. [...] La Loi Ancienne est morte ; bientôt elle sera ensevelie et elle deviendra cause de mort, pour céder la place au Nouveau Testament[7]. »
Cependant, plusieurs réalités historiques viennent contredire l'idée d'un Israël déchu et voué à la disparition, surtout à partir de l’émancipation des Juifs dans les pays de culture chrétienne, depuis la fin duXVIIIe siècle. En accordant la citoyenneté et l'égalité aux Juifs, les nations européennes démentent l'idée d'un peuple condamné et dégénéré, d'autant plus que les Juifs prospèrent de manière extraordinaire au cours de cette période, excellant dans les sciences, les arts et l'industrie[8].
D'autre part, la poursuite de la tradition exégétique juive, transmise dans lesyeshivot et les maisons d'étude, aurait dû s'interrompre si la substitution avait pleinement réussi. Or force est de constater qu'au moins pour les Juifs, l'« ancienne Loi » n'a jamais été abolie et donne lieu à une littérature extrêmement abondante[9],[10].
Enfin, la seconde moitié duXXe siècle voit l'ensemble des confessions chrétiennes réagir aux événements : à la découverte des conséquences tragiques du discoursantijuif, lors du génocide perpétré par un peuple de culture chrétienne au cours de laShoah, s'ajoute le retour d'une partie importante du peuple juif sur laTerre d'Israël, avec la création de l'État d'Israël en 1948 et la renaissance de laTerre sainte sous le gouvernement des Juifs[11].
Dans la première moitié des années 1960, leconcile Vatican II rappelle le dogme duVerus Israel, et donc de la substitution mais en expliquant que le concept depeuple déicide n'est pas valable, point déjà affirmé lors duconcile de Trente. Cependant, Vatican II redéfinit, non pas le dogme, mais les relations avec les Juifs en invitant à appliquer une nouvelle pastorale, animée d'intentions pacifiques. Ainsi, la section 4 de la déclarationNostra Ætate rappelle la filiation de l'Église chrétienne avec le judaïsme tel qu'il était au temps de Jésus :
« Le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même des deux a fait un seul (Eph 2:14-16). [...] Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S'il est vrai que l'Église est le Nouveau Peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. [...] En outre, l'Église qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu'ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu'elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l'Évangile, déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations d'antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs[12]. »
Toutefois, d'après certains commentateurs, l'expression « Nouveau Peuple de Dieu », exprimerait[13] l'intériorisation qu'aurait faite l'Église de la théologie de la substitution, ou, pour d'autres[14] pourrait à l'inverse permettre des approches théologiques non exclusives.
La constitution dogmatiqueLumen Gentium (1964) utilise l'expression « nouvel Israël » :« L'Israël selon la chair, cheminant dans la solitude, prend déjà le nom d'Église de Dieu (II Esdr. 13, 1; cf. Nombr. 20, 4 ; Deut. 23, 1 et suiv.) ; de même le nouvel Israël, celui de l'ère présente en quête de la cité future et qui ne finit pas (cf. Hébr. 13, 14), s'appelle également l'Église du Christ (cf. Mt. 16, 18). » De même, la note première du décret conciliaireOptatam Totius (1965) reprend la notion de « nouveau peuple élu » (novi populi electi dans sa version latine[15])[16]. Le chapitre 5 du décretAd Gentes (1965) insiste également sur le « nouvel Israël »[17] :« Les Apôtres furent ainsi les germes du Nouvel Israël et en même temps l’origine de la hiérarchie sacrée. »
Après le concile, la doctrine du « Nouvel Israël » reste donc inchangée[18].
À la source, l'évangile selon Matthieu (5:17), rapportant une parole du Christ, présente les Juifs comme garants de la Loi, et les chrétiens comme chargés d'accomplir la Loi : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. »
En ce sens, l'allocution adressée par le papeJean-Paul II aux dirigeants des communautés juives d'Allemagne (Mayence,) évoque le« peuple de Dieu de l'Ancienne Alliance, qui n'a jamais été révoquée par Dieu »[19].
Francis Deniau,évêque de Nevers, et président du Comité épiscopal pour les relations avec lejudaïsme, a déclaré en 2004[20] :
« Paul, dans l'épître aux Galates 6, 15-16 , après avoir affirmé : "la circoncision n'est rien, ni l'incirconcision ; il s'agit d'être une créature nouvelle" ajoute : "à tous ceux qui suivront cette règle, paix et miséricorde, ainsi qu'à l'Israël de Dieu". On a souvent opposé cette expression à 1 Corinthiens 10, 18 qui parle de l'Israël selon la chair , en l'interprétant comme le peuple juif, alors que les chrétiens seraient l'Israël de Dieu , le véritable Israël. (...) Aujourd'hui, l'Église a répudié toute « théologie de la substitution » et reconnaît l'élection actuelle du peuple juif,« le peuple de Dieu de l'Ancienne Alliance qui n'a jamais été révoquée » selon l'expression du pape Jean-Paul II devant lacommunauté juive de Mayence le. »
Le rejet de la théologie de la substitution est loin de rapprocher l'Église d'unsyncrétisme. La foi catholique trouve sa forme classique dans le « Credo » qui intervient après l'homélie. Sa deuxième phrase (« Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles ») affirme la spécificité du christianisme.
De nombreuses Églises se réclamant duprotestantisme ont également fait progressivement le choix de s'éloigner de la théorie de la substitution à partir duXIXe siècle, jugée comme trop exclusive ou insuffisamment nuancée.
Des théories de remplacement ont donc commencé à être avancées, telles que :
Les églisespentecôtistes adhèrent plutôt à laThéologie de la substitution[21] mais avec une approche légèrement différente etphilosémite, voiresioniste pour certaines.