
Lethéâtre yiddish est un stylethéâtraljuif qui s'est développé chez lesAshkénazes d'Europe de l'Est. Cette tradition est aussi théâtralement particulière de la cultureyiddish, que peut l'être leklezmer en musique.
Le théâtreyiddish est né auMoyen Âge. Il est fortement influencé par les formes artistiques du monde chrétien :troubadours, bateleurs,mystères,moralités et plus tardCommedia dell'arte.

AuXVIe siècle, des compagnies juives itinérantes jouent pour les communautés juives pour lesquelles elles élaborent un répertoire et des personnages appropriés qu'elles présentent lors de cérémonies familiales ou en public[1]. La fête dePourim joue un rôle primordial dans la naissance du théâtre yiddish. En effet, cette fête qui a lieu en février-mars, invite à latransgression, à l'inversion des hiérarchies sociales et au port desmasques. Le répertoire comporte donc au départ la représentation du rouleau d'Esther par un ou plusieurs acteursdéguisés ou masqués. Les fragments les plus anciens dont nous disposons remontent au début duXVIe siècle.
Par la suite, le répertoire despurimshpiln se diversifie et inclut d'autres épisodes bibliques commeLa Vente de Joseph, David et Goliath, Le Sacrifice d'Isaac, Hanna et Pnina, La Sagesse de Salomon. Le jeu des acteurs est souvent excessif. Les représentations sont agrémentées avec des interludes dansés, chantés et musicaux[1].
Dans la seconde moitié duXIXe siècle, lethéâtre yiddish obéit à deux impératifs : instruire et distraire. Les auteurs écrivent des dénonciations sociales sur le modecomique etsatirique. Avrom Goldfaden (1840-1908) est le principaldramaturge de cette nouvelle tendance. Il a écrit plus de soixante pièces: farces, comédies, satires sociales, mélodrames,opérettes à thèmesbibliques et contemporains.

Avec l'émigration des Juifs d'Europe centrale, le théâtre essaime dans de nouveaux lieux : àLondres dansWhitechapel, Paris où Goldfaden établit une troupe et une école dramatique pendant peu de temps et surtout àNew York dans leLower East Side où un vrai théâtre populaire s'installe[2],[3],[4]. À Londres, les représentations évidemment jouées enyiddish étaient en grande majorité desmélodrames. Les théâtres juifs déclinèrent lorsque le public et les acteurs partirent pourNew York ou des quartiers plus prospères de Londres[5].

Shomer (1849-1905), un des écrivains les plus populairesvenu de Russie adapte des centaines de romans et de pièces. Joseph Latteiner (1853-1935) en écrit quelque quatre-vingts pour l'Oriental Theater[1]. Le grand écrivainMendele Moich Sforim se lance lui aussi dans le théâtre avec des pièces originales ou des adaptations de ses récits et de ses romans. Il est imité parIsaac Leib Peretz. Ils suscitent des disciples.
Le théâtre yiddish de l'Entre-deux guerres regorge de pièces de qualités. À côté du théâtre commercial, un théâtreavant-gardiste mettant l'accent sur lamise en scène et la cohésion de l'ensemble se développe. Il est initié par des jeunes amateurs issus dumouvement ouvrier. À leur suite, des théâtres d'art professionnels voient le jour à New York dès 1918. À cette date, rien qu'à New York, il en existe vingt troupes, d'une qualité inégale[6].


En1876, lejuif ukrainienAbraham Goldfaden fonde la première troupe professionnelle de théâtre yiddish enRoumanie. L'année suivante, sa troupe connait un énorme succès àBucarest et en dix ans, Goldfaden et ses disciples apportent le théâtre yiddish en Ukraine,Russie,Pologne,Allemagne, mais ce style se répand bientôt également àNew York et d'autres villes comportant d'importantes communautésashkénazes à la suite despogroms et des vagues d'immigrations des Européens autour de 1900.
Les principaux compositeurs sontAaron Lebedov, Alex Olshanetsky, Herman Wohl, Anshel Schorr, Louis Gilrod, Isadore Lillian…
EnFrance, lespièces les plus jouées sontLe Jeu de Hotsmakh d'Itsik Manger (d'aprèsLa Sorcière de Goldfaden),Le Golem deH. Leivic ou encoreLe Dibbouk deShalom Anski, mais la plus connue est sans doute la fameuse comédie musicaleUn violon sur le toit d'aprèsSholem Aleichem, dans laquelleIvan Rebroff se rendit célèbre grâce à la version française de la chansonAh! si j'étais riche…

En 1882, le gouvernementtsariste interdit le théâtre yiddish. Cependant, on compte au début duXXe siècle une quinzaine de troupes sensibles aux conceptions dramaturgiques nouvelles. Le Théâtre artistique juif créé en 1908 àOdessa, adopte une approche scénique symboliste, « un théâtre stylisé », qui gagne lesÉtats-Unis.
La troupe deVilno, créée en 1916 laisse àNew York un de ses meilleurs acteurs, Buloff, qui contribuera à y implanter les techniquesexpressionnistes. Des salles s'ouvrent un peu partout. Elles adoptent le style de l'avant-garde européenne.
Après laRévolution russe, est créé àMoscou, le G.O.S.E.T., dirigé parAleksei Granovski[8]. Il développe les caractéristiques suivantes : l'attention aux techniques corporelles, au mouvement, au geste, à la rigueur quasi mathématique des constructions scénographiques[1].
Pendant laSeconde Guerre mondiale, les activités théâtrales se poursuivirent dans lesghettos et même dans lescamps de concentration. Certaines sont imposées par laGestapo qui cherche à se divertir. Elles représentent aussi une forme de résistance auxnazis.
Ainsi, dans leghetto de Varsovie, on a compté jusqu'à six théâtres professionnels qui jouent tous les soirs et deux fois le dimanche, accueillant de 30 000 à 50 000 spectateurs qui applaudissent chaque semaine les spectacles. On choisit de préférence des pièces à caractère national ou historique à thèmesmessianiques ou de résistance. De nouvelles œuvres naissent, en yiddish ou enhébreu. Elles sont lues ou montées, avant d'être enterrées afin d'être préservées pour les générations futures[1].