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Le motθέατρον /théatron engrec ancien désignait également lascène ou leplateau, c'est-à-dire la partie cachée au public par lerideau[2].
Au sens figuré, « théâtre » peut désigner un lieu où se déroule une action importante, par exemple unthéâtre d'opérations militaires.
Aujourd'hui, avec le développement desarts pluridisciplinaires, la définition de l'art théâtral s'est élargie, jusqu'à se confondre avec l'expressionspectacle vivant, au point que certains grandsmetteurs en scène considèrent que, pour qu'il y ait théâtre, il suffit d'avoir un lieu, untemps, unacte et unpublic[3].
Il s'agit despectacles dans lesquels descomédiens, mis dans les circonstances et les situations créées par untexte et la vision d'unmetteur en scène/réalisateur, incarnent des personnages pour un regard extérieur (lepublic), dans un temps et un espace limité. Les dialogues écrits sont appeléspièces de théâtre, mais il peut y avoir également du théâtre sans texte écrit ou même sans aucune parole. Il existe aussi des œuvres de théâtre musical, le genre étant particulièrement représenté dans les célèbres quartiers deBroadway auxÉtats-Unis ou duWest End à Londres, mais aussi de plus en plus autour desGrands boulevards à Paris[4].
Dans la création contemporaine, les frontières entre les différentsarts de la scène (théâtre,mime,cirque,danse...) sont de plus en plus ténues, si bien que certains professionnels n'hésitent pas à remplacer le motthéâtre par les motsspectacle pluridisciplinaire ouspectacle vivant, mettant ainsi l'accent sur le métissage des disciplines.
Dès les débuts de l'humanité, le « théâtre » désignait l'acteur qui racontait, qui revivait une expérience de chasse, de conflit, pour la partager avec son groupe. Dans la civilisation occidentale on considère les cortèges en l'honneur du dieu grecDionysos comme les premières représentations théâtrales, bien avant leVIe siècle av. J.-C.[5]. C'est en effet d'abord à l'époque grecque antique qu'apparaît leθέατρον /théatron, mot qui vient deθεάομαι /theáomai, « regarder, contempler ». Le terme désigne alors l'hémicycle destiné aux spectateurs. Un théâtre est donc à l'origine un lieu d'où le public observe un spectacle. À laRenaissance, la signification s'étend non seulement à l'ensemble de l'édifice de spectacle, scène comprise, mais également à l'art dramatique. Ce n'est qu'après la période duthéâtre classique que le terme devient parantonomase le texte qu'il soit lu ou joué.
Dans le théâtre romain, plus anciennement dans le théâtre grec, les acteurs portaient unmasque : cet accessoire leur permettait d'être mieux vus des spectateurs assis sur les gradins parfois éloignés et d'en être mieux entendus, leur voix étant amplifiée comme par desporte-voix. Il y avait des masques tragiques (un visage triste) ou comiques (un visage fendu d'un large rire) ainsi que des masques doubles (un côté tragique, un côté comique) ; les acteurs qui se servaient de ces derniers devaient jouer de profil. L'acteur, exclusivement masculin, porte aussi des vêtements aux rembourrages voyants et cloturaux ainsi qu'une coiffure très haute, censés évoquer le gigantisme des dieux et des héros qu'il incarne.
Au Moyen Âge, des troupes itinérantes jouent des pièces de genre dites des « Miracles », des "Mystères" et des « drames liturgiques », d'abord dans les églises puis dans leurs porches, sur leurs parvis et sur les places publiques. Elles ont pour vocation de raconter la vie des Saints mais sont très longues, alors pour maintenir le spectateur éveillé on y glissait en intermède quelques petites farces.
Un genre théâtral est le résultat d'une création comique correspondant à une forme particulière : le spectateur, connaissant un genre donné, sait à quoi s'attendre, et selon la présentation de l'œuvre (tragédie, comédie…), il a une vision stéréotypique de l'œuvre.
Lethéâtre de société, théâtre amateur joué dans les demeures privées de riches propriétaires, par, et pour, des proches de ces derniers, est une forme théâtrale qui s'est développée plus particulièrement à partir duXVIIIe siècle. Notamment en Suisse romande sous l'influence deVoltaire, installé près de Genève, et deGermaine de Staël, auchâteau de Coppet. Des témoignages exceptionnels (costumes et décors) ont été conservés auchâteau d'Hauteville[6].
Molière disait, traduisant ainsi une devise deSanteul : le but de lacomédie est de corriger les mœurs (castigat ridendo mores), ce qui vaut aussi pour latragédie. Ces deux formes théâtrales ont en effet uneportée édifiante.
Lacomédie se propose de « corriger les vices des hommes en les divertissant », dit Molière. Ce célèbre dramaturge français, tout en faisant rire les spectateurs, tournait en ridicule les travers humains. Il le dit lui-même : « On veut bien être méchant, mais on ne veut pas être ridicule. » Il s'est ainsi moqué entre autres du pédantisme dansLes Femmes savantes, des faux dévots et des crédules dansTartuffe ou l'Imposteur, de l'avarice dansL'Avare et des faux savants — il y vise en particulier la médecine — dansLe Malade imaginaire.
Latragédie tente, elle aussi, de corriger les vices des hommes, ou plutôt leurs passions, de deux manières :
d'abord en montrant les dégâts que peuvent provoquer les passions : dans les tragédies, les passionnés se font tuer, tuent ou se suicident (comme dans Phèdre où cette dernière s'empoisonne à cause d'un amour illégitime), deviennent fous, telOreste à la fin d'Andromaque deRacine (hors de la scène, par respect de larègle de bienséance) ;
ensuite, lesdramaturges comptent sur la « catharsis » (du grecκάθαρσις /kátharsis, « purification »), oupurgation des passions : les spectateurs d'une tragédie sont ainsi censés se purger, se purifier des passions en les vivant par procuration, en éprouvant terreur et pitié, comme l'écritAristote dans saPoétique.
Depuis quelques années est apparu un genre nouveau : le théâtre témoignage. Les premiers spectacles abordaient la question des drames vécus par les personnes ayant subi des licenciements économiques (Les yeux rouges pour les employés de Lip ;501 blues pour ceux deLevis). Puis sont apparus des spectacles témoignant des horreurs des génocides de la fin duXXe siècle :Olivier Py et sonRequiem pour Srebrenica, ou encoreJacques Delcuvellerie avecRwanda 94.
Il n'y a pas d'autrices ou d'auteurs pour le théâtre contemporain à cause de la proximité temporelle : nous n'avons pas le recul nécessaire, à notre époque, pour déterminer les auteurs qui seront confirmés comme des auteurs célèbres.
Cette section est franco-centrée et doit êtreinternationalisée (octobre 2017).
Le metteur en scène au théâtre prend une réelle dimension à la fin duXIXe siècle. Il acquiert la place de « maître du plateau ». Ce bouleversement est notamment provoqué parConstantin Stanislavski, auteur et metteur en scène russe né en1863 àMoscou, qui va, à35 ans, créer avecVladimir Nemirovitch-Dantchenko leThéâtre d'art de Moscou. Il y crée[8] des spectacles deTchekhov notamment (Les Trois Sœurs, 1900) et y enseigne une nouvelle pratique du théâtre basée sur le travail corporel, le travail physique et le refus du jeu conventionnel. Ce « système » (nom donné, par les contemporains, à sa façon de travailler), également intitulé « La Méthode (théâtre) », qu'il décrit dans son livre,La Formation de l'acteur, influence ses successeurs, dontValère Novarina,Claude Régy ou encoreJean Vilar qui, dans la préface du roman, expose qu'« il n'est pas de comédien authentique qui n'ait, un jour ou l'autre, emprunté, sciemment ou non, quelques-uns des sentiers » du livre de Stanislavski.
En constituant leurs écoles, Constantin Stanislavski ou Vsevold Meyerhold, en particulier, veulent mettre fin au mythe du talent et de l'inspiration. Le théâtre se construit, selon eux, sur des bases scientifiques. Si l'on devient acteur, si l'on devient actrice, c'est grâce à une pédagogie et une pratique rigoureuses - ils ne seront pas d'accord sur ce qu'est cette pédagogie et cette pratique, mais c'est un autre question[7].
Pour la préparation d’une production et les représentations, le metteur en scène peut faire appel à plusieurs autres personnes, notamment :
L'acteur de théâtre ne joue généralement qu'un seul rôle à la fois, clairement défini et cohérent. L'acteur sait qu'il n'est pas réellement le personnage, même s'il doit s'identifier à lui. Les rôles de théâtre ne sont donc pas constituants. Cependant, afin de rendre celui-ci fort et cohérent, un acteur peut s'investir dans son rôle avec sa personnalité et son vécu. Le fait de créer un passé au personnage à l'aide d'événements déjà vécus par l'acteur est théorisé parConstantin Stanislavski comme le « revivre » et l'exploration de la mémoire affective. Il n'empêche que certains sont accusés de jouer tous leurs personnages de la même manière, decabotiner. Ce problème duparadoxe sur le comédien est exposé parDiderot. Contrairement à Stanislavski, Diderot croit que le meilleur comédien est celui qui garde une distance entre son personnage et lui et qui ne joue pas la pièce en allant puiser dans ses propres émotions. La vision du jeu théâtral de Diderot le rapproche donc de Brecht et de sa théorie de ladistanciation.
Les humains, vivant en société, deviennent nécessairement des acteurs sociaux, qui changent de rôle constamment (au travail, en famille, entre amis, etc.). Cela renvoie à la notion deTheatrum mundi qui soutient que la vie est un spectacle, que le monde est une scène, que les êtres humains sont des comédiens et que Dieu est l'auteur et le metteur en scène de cette grande pièce de théâtre[9].
À rebours de la plupart des autres spectacles, où l'on admet, et quelquefois recherche, une certaine décontraction des individus composant le public, il s'est construit auXXe siècle une discipline de spectacle acceptée de tous. Par exemple, auXIXe siècle, il était très courant que le public siffle un spectacle de théâtre ou se mette à se disputer ; ce n'est plus le cas aujourd'hui. Aujourd'hui prime le respect du travail présenté, et la recherche d'une communion entre les personnes présentes[10].
Cette exigence n'est pas toujours bien vécue lorsque le spectacle n'est pas intéressant : le spectateur se mettant à remuer, à tousser, quitter la salle, etc, toutes attitudes qui ne sont pas considérées comme correctes ; en cas de spectacle ennuyeux, seulement deux attitudes sont admises : dormir sur son siège, ou partir à l'entracte. Ces règles sont si bien acceptées qu'il est exceptionnel, de nos jours, de voir des spectateurs siffler, manifester bruyamment un désaccord, encore moins envahir la scène. Pour préserver le travail des acteurs, pour ceux qui prennent plaisir au spectacle, il est même exceptionnel de les voir applaudir à contre-temps, c'est-à-dire avant la fin. Le public recherche avant tout un plaisir partagé par toute la salle, des bruits d'émotions, un pari, que les émotions de chacun viendront conforter les émotions de tous et non les contredire[10].
La salle est importante pour déterminer comment faire collectif. Le public français est réflexif, c'est-à-dire qu'un individu donné comprend intuitivement comment fait le public où il est pour faire public. Pour cet individu, cela a des conséquences importantes sur sa sensation d'être à l'aise ou pas, quel que soit le spectacle présenté. Chaque théâtre « suggère » comment se comporter. Par exemple, à laComédie-Française, « il faut » parler doucement et se tenir à certaines règles vestimentaires ; auThéâtre national de Chaillot, « il faut » être plus libre. Le théâtre n'est pas seulement un rapport à une œuvre, mais il est aussi une façon d'être ensemble, il est aussi la manifestation d'une solidarité sociale[10].
Pourquoi, s'ils jouent déjà naturellement des rôles, les humains se sont-ils mis à jouer du théâtre ? De façon générale, comme le rappelleAristote dansLa Poétique, les gens réagissent différemment dans la vie, et face à une œuvre d'art. Un cadavre en décomposition horrifie, mais une nature morte ravit. Il y a donc un pouvoir propre à la représentation (mimésis), au jeu, qui permet d'appréhender avec plaisir ce qui autrement pose un problème.
Le théâtre est donc joué pour faire face aux mystères et conflits qui inquiètent.
Les gens de théâtre cherchent ainsi à créer unmiroir social, un reflet plus ou moins caricatural de la société, qui permet de mieux la comprendre, et de mieux dénoncer ses failles : ce rôle politique était particulièrement évident dans laGrèce antique, avec lacomédie ancienne. Mais cette citation duHamlet deShakespeare peut aussi être mentionnée : « for any thing so overdone is from the purpose of playing, whose end, both at the first and now, was and is, to hold, as 'twere, the mirror up to nature ». Le théâtre est aussi un miroir tendu à la nature : le spectateur, comme l'acteur, vient chercher une réponse, se construire une identité.
Le théâtre peut avoir un effetcathartique, servant d'exutoire aux passions qui ne sont pas autorisées par la société. Le théâtre peut aussi être un divertissement, sans autre objectif que de changer les idées à ses spectateurs, par l'utilisation du comique notamment.
Augusto Boal, qui aborda une manière de faire du théâtre résolument politique, c'est-à-dire qu'il faisait jouer à des gens des situations conflictuelles en changeant la position des personnages : par exemple, le directeur qui avait licencié tel salarié jouait le rôle du salarié. Cela permettait selon lui de régler certains conflits. C'est l'origine de ce qu'on a appelé lethéâtre forum, et enBelgique lethéâtre-action.
Peter Bu propose une définition générale du théâtre permettant d'inclure toutes ses formes.
Le festival le plus renommé enFrance est leFestival d'Avignon. Le plus grand festival européen, et peut-être mondial est lefestival international d'Édimbourg. Il existe de nombreux festivals, notamment en période estivale. Certains se concentrent sur un genre particulier (Aurillac pour lethéâtre de rue, ou celui deCharleville-Mézières pour le théâtre demarionnettes,Mimos de Périgueux pour le théâtre gestuel, par exemple) ou bien restent « généralistes » en tentant la plupart du temps de programmer un spectacle avec unetête d'affiche pour attirer le public.
↑Peter Brook,L'Espace vide,, première phrase: "Pour qu'il y ait théâtre, il suffit d'avoir un lieu, untemps, unacte et unpublic". Ne serait-ce plutôt: "Pour qu'il y ait théâtre, il suffit d'avoir un lieu, untemps, unacteUR et unpublic"? CfPeter Bu inMichel Corvin (dir.),Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Paris, Bordas, 1995.
↑Ce travail de création est détaillé dans Cahiers de régie sur la Cerisaie et les Trois sœurs. Constantin Stanislavski. Préface d’Alain Françon. Présentation de Camille Combes-Lafitte. Textes de Stanislavski traduits par Jacqueline Razgonnikoff. Textes de Tchekhov traduits par André Markowicz et Françoise Morvan. Éditions Aux forges de Vulcain/Sciences, 2011.
Jacqueline de Jomaron,Le théâtre en France, Paris, Armand Colin, 1992 [rééd. Le Livre de Poche, 1998(ISBN978-2-253-06396-4)]
André G. Bourassa et Frédéric Kantorowski,Bibliographie générale d'études théâtrales, Montréal,Université du Québec, 1995-2006 (en ligne)
Julie Faure, Joël Huthwohl et Isabelle-Cécile Le Mée, « Lever de rideau sur les patrimoines du théâtre »,In Situ [En ligne], 53 | 2024, mis en ligne le 22 juillet 2024, URL : http://journals.openedition.org/insitu/42833 ; DOI :https://doi.org/10.4000/122p5
La sortie au théâtre, sous la direction de Pascale Goetchel et de Jean-Claude Yon, 2014, Publications de la Sorbonne