L'appellation terbium, provient de l'endroit,Ytterby près deStockholm enSuède, où l'on a découvert le minerai dans lequel ont également été identifiées plusieurs autres terres rares. Les éléments chimiquesyttrium,erbium etytterbium partagent la même étymologie.
On extrait aujourd'hui le terbium du sable demonazite (teneur d'environ 0,03 %) comme beaucoup d'autres lanthanides.
Diagrammes des découvertes des terres rares. Les dates entre parenthèses sont les dates d'annonces des découvertes[7]. Les branches représentent les séparations des éléments à partir d'un ancien (l'un des nouveaux éléments conservant le nom de l'ancien, sauf pour le didyme).
En 1789, le chimiste finlandaisJohan Gadolin identifie un nouveloxyde (ou « terre ») dans un échantillon d'ytterbite (rebaptisée plus tard « gadolinite » en son honneur). Cette nouvelle roche avait été découverte deux ans auparavant par le lieutenantCarl Axel Arrhenius près du village d'Ytterby enSuède. Ces travaux sont confirmés en 1797 parAnders Gustaf Ekeberg qui baptise le nouvel oxydeyttria[8].
Près d'un demi-siècle plus tard, le SuédoisCarl Gustav Mosander parvient à isoler plusieursterres rares (cérium,lanthane etdidyme) grâce à de nouveaux procédés decristallisation fractionnée[9]. Convaincu que l'yttria extraite de la gadolinite est également un mélange, il décide d'y chercher certains de ces nouveaux composés. À l'automne 1842, il parvient à isoler deux oxydes, l'un blanc (donnant des sels incolores), qu'il considère comme le véritable yttrium, et l'autre jaune (donnant des sels roses), qu'il décide de nommer « odinium » en l'honneur du dieuOdin de lamythologie nordique. Avant de publier les résultats de ces recherches en 1843, Mosander achève une étape supplémentaire de fractionnement desoxalates de ces composés et découvre un troisième oxyde. Il décide de conserver le termeyttria pour la fraction incolore (oxyde d'yttrium pur) et nomme la fraction jaune « erbine » et la fraction rose « terbine », toujours en rappel du village d'Ytterby[10].
Durant les décennies qui suivent, les découvertes de Mosander sont remises en question. En 1860, son compatrioteNils Johan Berlin reprend l'étude de l'yttria brute et parvient à en isoler deux oxydes. Il en considère un comme étant de l'oxyde d'yttrium pur et identifie l'autre comme l'erbine de Mosander, malgré le fait qu'il donne des sels colorés en rose. Il ne trouve par contre aucune trace de la terbine[11]. Ces expériences sont répétées en 1864 àGöttingen par Friedrich Otto Popp et àGenève parMarc Delafontaine, avec des conclusions opposées : le premier ne trouve aucun autre élément que l'yttrium et prétend que les autres composés sont des oxydes déjà connus (ducérium et dudidyme)[12], alors que le second soutient l'existence à la fois de l'erbine et de la terbine[13]. Puis en 1866, c'est au tour deRobert Bunsen et de son assistantJohan Bahr de l'Université d’Heidelberg de réitérer le processus de séparation. Ils reconnaissent que les sels d'yttrium sont incolores et que leurs solutions ne présentent pas de bandes d'absorption, alors que les sels d'erbium ont une belle coloration rose et que leurs solutions donnent un spectre d'absorption tout à fait différent de celui dudidyme. Mais ils ne trouvent aucun autre composé[14].
Ainsi, la confusion s'installe et les noms choisis par Mosander sont intervertis. Delafontaine a beau rétorquer que l'erbine de Berlin et de Bahr et Bunsen n'est autre que la terbine de Mosander, et qu'il détient les preuves de l'existence de la vraie erbine (celle de Mosander), il n'est pas entendu. Pendant plusieurs années, le terbium disparaît de la liste des éléments connus et se trouve ainsi absent de la première version dutableau périodique des éléments deDmitri Mendeleïev en 1869[9]. Les SuédoisPer Teodor Cleve etOtto Magnus Höglund(de) tentent de vérifier en 1872 l'hypothèse de Delafontaine, mais échouent une fois de plus à isoler autre chose que l'erbium (au sens de Bahr et Bunsen)[15]. L'existence de ce dernier fait bientôt l'unanimité au sein de lacommunauté scientifique, grâce à sa détection dans lespectre solaire par l'astronome américainCharles Augustus Young la même année[16].
C'est finalement dans un autre minerai, lasamarskite, que Delafontaine finit par retrouver la trace de l'erbine jaune de Mosander. Il pense un temps la renommer « mosandrium » en l'honneur du chimiste suédois, puis s'accorde avec son compatrioteJean Charles Galissard de Marignac pour conserver le nom de terbine :
« Dans une note antérieure, j'ai proposé d'appliquer au radical de cette terre jaune, le nom de Mosandrium, quoique ce soit le vrai erbium de Mosander ; ce changement me semblait justifié par la notoriété qu'ont les travaux de M. Bunsen et de M. Cléve et qui rend impossible d'enlever à leur terre rose son nom impropre d'erbine, sans créer une confusion regrettable. M. Marignac pense qu'il serait préférable de ne pas créer un nouveau nom et qu'il vaut mieux compléter l'interversion des noms en appelant terbine la terre jaune (erbine Mosander non Bunsen), et erbine la terre rose (terbine de Mosander). Je me rangerai volontiers à cet avis [...] »
En 1878, ses travaux sont confirmés par Marignac, qui isole lui-même le terbium de lagadolinite. Parallèlement, l'AméricainJohn Lawrence Smith publie la découverte d'une nouvelle terre jaune dans la samarskite, à laquelle il choisit de donner le nom de « mosandrum »[18]. Marignac l'analyse et déclare qu'elle n'est rien d'autre que la terbine dont Delafontaine et lui-même viennent de prouver l'existence[19], ce qui donne lieu à une vive dispute entre les trois scientifiques[20]. Ces découvertes sont définitivement ratifiées par la publication en 1882 des 194 lignes du spectre du terbium par le chimiste britanniqueHenry Enfield Roscoe[16].
Le terbium est unmétal d'aspect gris argenté. Comme les autres membres de la famille deslanthanides, il est malléable, ductile et assez mou pour être coupé avec un couteau. Il est assez stable dans l'air, et existe sous deux formesallotropiques, avec un changement dephase à1 289 °C[21].
Lavalence la plus commune dans les composés solides est de III. Un valence de IV est connue pour le métal dans sondioxyde (TbO2) et sontétrafluorure (TbF4). Le terbium forme également plusieursoxydesnon stœchiométriques de composition approximative Tb4O7. En solution, le métal existe seulement à l'étattrivalent : [Tb(H2O)n]3+.
Le terbium est présent en combinaisons avec d'autresterres rares dans plusieursminéraux, comme lexénotime (1 % d'oxyde de terbium), l'euxénite (1,3 %), ou encore lacérite, lamonazite et lagadolinite. L'élément a également été détecté dans la matière stellaire. Son abondance dans lacroûte terrestre est estimée à 1,2 mg/kg[24], il est donc deux fois plus commun que l'argent[8].
Les procédés d'extraction du terbium sont similaires à ceux des autres lanthanides. L'élément est séparé des autres terres rares par des méthodes basées sur l'échange d'ions, qui sont relativement faciles et plus rapides que les techniques decristallisation fractionnée. Le métal est obtenu à partir de son trifluorure (TbF3) ou de son trichlorure (TbCl3) anhydres par réduction thermique avec lecalcium métallique dans uncreuset entantale. Il peut ensuite être purifié par refusion sous vide[24].
Le prix d'un gramme de terbium pur à 99,9 % était d'environ 40dollars américains en 2015[21].
Enfin, de manière plus anecdotique, la fluorescence verte du terbium est utilisée comme moyen de protection contre lacontrefaçon des billets de lamonnaie européenne[32].
↑Per TeodorCleve et Otto MagnusHöglund, « Sur les combinaisons de l'yttrium et de l'erbium »,Bulletin de la Société chimique de Paris,t. 18,,p. 193-201(lire en ligne).
↑John LawrenceSmith, « Le Mosandrum, un nouvel élément »,Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences,t. 87,,p. 148-151,lire en ligne surGallica
↑Jean CharlesMarignac, « Observation sur la découverte, annoncée par M. L. Smith, d'une nouvelle terre appartenant au groupe du cérium »,Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences,t. 87,,p. 281-283,lire en ligne surGallica
↑MarcDelafontaine, « Sur le Mosandrum, de M. Lawrence Smith »,Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences,t. 87,,p. 600-602,lire en ligne surGallica