L'ancien nomununseptium relève de ladénomination systématique attribuée par l'Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC) aux éléments chimiques inobservés ou dont la caractérisation expérimentale n'est pas encore formellement validée. Il est composé de racines latines signifiant « un-un-sept » et du suffixe -ium générique pour les noms d'éléments chimiques.
La découverte de l'élément 117 a été confirmée par l'IUPAC le30 décembre 2015[8]. Le8 juin 2016, la division de chimie inorganique de l'IUPAC annonça sa décision de retenir comme nom finaliste (en anglais)tennessine, de symbole Ts. Une consultation publique fut ouverte jusqu'au8 novembre 2016[9],[10]. L'IUPAC l'adopta définitivement le28 novembre 2016[11].
La traduction du nom anglaistennessine dans les langues autres que l'anglais a posé certaines difficultés inédites, notamment en français, dans la mesure où il ne se terminait pas en-ium, immédiatement transposable dans de nombreuses langues. Par une recommandation d'avril 2016, l'IUPAC avait en effet indiqué que le nom anglais deséléments du groupe 17 devait normalement avoir ladésinence-ine[12]. L'usage en français a alors largement repris la forme anglaisetennessine à travers la presse[13] et les magazines[14],[15], ainsi que par leministère de l'Éducation duQuébec[16]. La formetennesse, déduite par continuité avec le nom des autres éléments dugroupe 17 — qui, hormis lefluor, ont en français la désinence -e — a d'abord été attestée assez marginalement[17], puis a été proposée par la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada[18] et a finalement été retenue enmars 2017 par la Société chimique de France[19] et publié enjuin 2017 auJournal officiel[20],[21].
Tous les produits de désintégration de l'élément 117 étaient inconnus avant cette expérience, de sorte que leurs propriétés ne pouvaient servir à confirmer la validité de cette expérience. Une seconde synthèse fut réalisée en 2012 par la même équipe du JINR, qui obtint cette fois sept noyaux d'élément 117. Les résultats de cette expérience confirmèrent ceux de la première synthèse[3]. Enfin, deux noyaux supplémentaires d'élément 117 furent synthétisés en 2014 auCentre de recherche sur les ions lourds (GSI) àDarmstadt, enAllemagne, par une équipe conjointe du GSI et de l'ORNL à l'aide de la même réaction que celle réalisée au JINR[2] ; l'équipe du GSI avait initialement songé à explorer les réactions alternatives244Pu (51V, xn) 295-xTs, et, éventuellement,243Am (50Ti, xn) 293-xTs[28], s'ils ne parvenaient pas à obtenir du249Bk de l'ORNL.
La stabilité desnucléides décroît rapidement au-delà ducurium (élément 96) lorsque lenuméro atomique augmente. À partir duseaborgium (no 106), tous lesisotopes connus ont unepériode radioactive ne dépassant pas quelques minutes, tandis que celle de l'isotope le plus stable dudubnium (no 105), qui le précède dans letableau périodique, est de30h, et qu'aucunélément chimique de numéro atomique supérieur à 82 (correspondant auplomb) n'a d'isotope stable[29]. Cependant, pour des raisons qui ne sont pas encore bien comprises, la stabilité desnoyaux atomiques tend à légèrement croître autour des numéros atomiques 110 à 114, ce qui semble indiquer la présence d'un « îlot de stabilité ». Ce concept, qui a été théorisé parGlenn Seaborg, expliquerait pourquoi lestransactinides ont une période radioactive supérieure à celle prédite par le calcul. L'élément 117 possède le second numéro atomique le plus élevé parmi les éléments identifiés — seul l'oganesson est situé après lui dans le tableau périodique — et son isotope294Ts a unedemi-vie d'environ51ms, sensiblement supérieure à la valeur théorique qui avait été utilisée dans la publication rendant compte de sa découverte[24]. L'équipe du JINR considère que ces données constituent une preuve expérimentale de l'existence de l'îlot de stabilité[30].
Carte denucléides utilisée par l'équipe duJINR en 2010, soulignant d'un cadre lesisotopes caractérisés à l'époque, et d'une ellipse blanche l'hypothétique « îlot de stabilité » ; selonOganessianet al., la relative stabilité des isotopes de l'élément 117 alors synthétisés accréditerait l'existence de ce dernier[30].
L'isotope295Ts aurait une période de 18 ± 7 ms. Il pourrait être possible de le produire à l'aide d'une réaction249Bk (48Ca, 2n) 295Ts semblable à celle ayant déjà permis de produire les isotopes294Ts et293Ts. La probabilité de cette réaction serait cependant au plus1/7 de celle de produire du294Ts[31],[32],[33]. Une modélisation tenant compte de l'effet tunnel permet de prédire l'existence de plusieurs isotopes de l'élément 117 jusqu'au303Ts. Selon ces calculs, le plus stable d'entre eux serait le296Ts, avec une période40ms pour ladésintégration α[34]. Des calculs par lemodèle de la goutte liquide donnent des résultats semblables, suggérant une tendance à l'accroissement de stabilité pour les isotopes plus lourds que le301Ts, avec une période partielle supérieure à l'âge de l'univers pour le335Ts si on ignore ladésintégration β[35].
Dans la mesure où le caractèremétallique s'affirme au détriment du caractèrehalogène lorsqu'on descend le long de la colonneno 17 dutableau périodique, on s'attend à ce que la tendance se poursuive avec l'élément 117, de sorte qu'il aurait probablement des propriétés demétal pauvre encore plus marquées que celles de l'astate[7]. Lepotentiel standard ducouple rédox Ts/Ts− vaudrait–0,25V, de sorte que, à la différence des halogènes, l'élément 117 ne devrait pas êtreréduit l'état d'oxydation –1 dans les conditions standard[1],[36].
Par ailleurs, les halogènes forment desmolécules diatomiques unies par desliaisons σ, dont le caractèreantiliant s'accentue lorsqu'on descend le long dugroupe 17. Celle de la molécule de diastate At2, qui n'a jamais été caractérisée expérimentalement, est supposée déjà très antiliante et n'est énergétiquement plus très favorable, de sorte qu'on s'attend à ce que la molécule diatomique Ts2 soit en fait unie essentiellement par uneliaison π[1] ; lechlorure TsCl — écriture qui n'a aucun rapport avec lechlorure de tosyle, couramment abrégé TsCl également — aurait quant à lui uneliaison simple entièrement π.
Enfin, lathéorie VSEPR prédit que tous les trifluorures d'éléments du groupe 17 ont unegéométrie moléculaire en T. Cela a été observé pour tous les trifluorures d'halogènes, qui présentent une structure notée AX3E2 dans laquelle l'atome central A est entouré par troisligands X et deux paires d'électrons E. C'est par exemple le cas dutrifluorure de chlore ClF3. On pourrait s'attendre à observer le même phénomène pour l'élément 117, cependant, les effetsrelativistes sur son cortège électronique, notamment d'interaction spin-orbite, rendent plus probable une géométrie trigonale pour la molécule TsF3, en raison du caractère davantage ionique de la liaison entre le fluor et l'élément 117, qui pourrait s'expliquer par la plus grande différence d'électronégativité entre ces deux éléments[37].
Le trifluorure d'iode IF3 a une géométrie en T.
La géométrie du TsF3 serait trigonale.
Niveaux d'énergie des sous-couches électroniques périphériques pour lechlore, lebrome, l'iode, l'astate et l'élément 117[38].
Les effets dus aux interactions spin-orbite tendent globalement à croître avec le numéro atomique, dans la mesure où laquantité de mouvement desélectrons croît avec lui, ce qui rend les électrons périphériques plus sensibles aux effetsrelativistes pour leséléments superlourds[39]. Dans le cas de l'élément 117, ceci a pour effet d'abaisser les niveaux d'énergie des sous-couches 7s et 7p, ce qui a pour effet de stabiliser les électrons correspondants, bien que deux des niveaux d'énergie 7p sont davantage stabilisés que les quatre autres[40]. La stabilisation des électrons 7s relève de l'effet de paire inerte ; la séparation de la sous-couches 7p entre électrons stabilisés et électrons moins stabilisés est modélisée comme une séparation dunombre quantique azimutalℓ de 1 à1/2 et3/2 respectivement[39]. Laconfiguration électronique de l'élément 117 peut par conséquent être représentée par7s2 7p2 1⁄2 7p3 3⁄2[1].
Les autres sous-couches sont également affectées par ces effets relativistes. Ainsi, les niveaux d'énergie 6d sont également séparés en quatre niveaux 6d3/2 et six 6d5/2 et remontent à proximité des niveaux 7s[40], bien qu'on n'ait pas calculé de propriétés chimiques particulières liées aux électrons 6d pour l'élément 117. L'écart entre les niveaux 7p1/2 et 7p3/2 est anormalement élevé :9,8eV[40] ; il n'est que de3,8eV pour la sous-couche 6p de l'astate, pour lequel la chimie des électrons 6p1/2 apparaît déjà comme « limitée »[39]. C'est la raison pour laquelle on s'attend à ce que la chimie de l'élément 117, si elle peut être étudiée, diffère de celle du reste du groupe 17.
↑Base de données Chemical Abstracts interrogée via SciFinder Web le 15 décembre 2009 (résultats de la recherche). Le CAS87658-56-8 publié par ailleurs (notammentwebElements) est celui de l'ion.
« The names of all new elements should have an ending that reflects and maintains historical and chemical consistency. This would be in general “-ium” for elements belonging to groups 1–16, “-ine” for elements of group 17 and “-on” for elements of group 18 »