AuXIXe siècle, les sujets de l'empire austro-hongrois souhaitèrent s'émanciper de l'aristocratie etfaire reconnaître leurs cultures et leurs langues. Bien que les languestchèque etslovaque soienttrès proches, la situation sociale et politique des deux peuples était différente à la fin duXIXe siècle[6] : laBohême-Moravie était la partie la plus industrialisée de l'Autriche et une classe moyenne tchèque commençait à émerger, soutenant la « renaissance tchèque » ; la Slovaquie et la Ruthénie, en revanche, étaient beaucoup plus rurales et plus traditionnellement gouvernées par lanoblesse hongroise. Les deux composantes de l'empire austro-hongrois avaient, de plus, une politique différente vis-a-vis de leurspopulations slaves : l'Autriche ne cherchait pas à assimiler lesTchèques, lesPolonais ou lesSlovènes, et introduisit pour eux des représentations ethniques et des droits linguistiques en Bohême-Moravie[7] alors que laHongrie était déterminée à magyariser la Slovaquie et laRuthénie hongroise par la scolarisation et en réprimant les aspirations culturelles et politiques autres qu'hongroises ou allemandes[8]. Au Parlement de Budapest, sur 453 députés, 372 étaient magyars car la nation hongroise (47 % de la population du royaume, et environ 20 % en Slovaquie et Ruthénie) était largement sur-représentée[9],[10],[11].
Vers le début duXXe siècle, l'idée d'uneentité commune« Tchéco-Slovaque » commença à être défendue par les dirigeants tchèques et slovaques après que les contacts entre les intellectuels des deux peuples se furent intensifiés dans lesannées 1890. En dépit des différences, les Slovaques partageaient desaspirations similaires avec les Tchèques et avec les autresSlaves de l'Empire, dont les Ruthènes[12],[13]. Le refus constant des aristocrates austro-hongrois de toute forme d'autonomie des populations slaves, causa finalement ladislocation de l'empire des Habsbourg[6].
Le, dans la petite ville deDarney (Vosges), laFrance a été le premier pays à reconnaître officiellement leConseil national tchécoslovaque. L'indépendance de la Tchécoslovaquie fut officiellementproclamée le dans le « Hall Smetana » de la mairie dePrague, lieu éminemment symbolique. Les Slovaques ont officiellement rejoint le nouvel État deux jours plus tard dans la ville deMartin. Une constitution temporaire fut adoptée, qui établissait la « nation tchécoslovaque » comme fondatrice et élément principal de l'État, et Tomáš Masaryk fut déclaré président le. EnRuthénie subcarpatique, Grigor Zatkovitch forma d'abord unerépublique ukrainienne indépendante[14], avant de se rallier au projet tchécoslovaque pour éviter de revenir sous domination hongroise[15].
Lors de laguerre civile russe, les légions tchécoslovaques formées de prisonniers austro-hongrois capturés par lesRusses furent mobilisées par les forces desRusses blancs face auxBolcheviks. Elles contrôlèrent un temps leTranssibérien et assurèrent l'évacuation des forces antibolchéviques versVladivostok[19]. Tout cela contribua à assurer le soutien des Alliés à la République tchécoslovaque, dont les forces furent également mises à contribution contre laHongrie bolchévique deBéla Kun et contre sesalliés slovaques ; le ralliement de la Ruthénie de Grigor Zatkovitch fut reconnu autraité de Trianon, en[20]. Les petits litiges frontaliers avec la Pologne, concernantTěšín/Cieszyn et deux districts de 580 km2 des ancienscomitats deSzepes/Spisz et d'Árva/Orava, sont réglés par le partage de. Concernant Těšín/Cieszyn, le Conseil Suprême des Alliés procède au partage du territoire et de la ville entre la Tchécoslovaquie et la Pologne qui reçoit la moitié nord-est, mais s'estime lésée, parce qu'une minorité polonaise passe sous contrôle tchèque dans la moitié sud-ouest. C'est pourquoi, en, la Pologne participera au démantèlement de la Tchécoslovaquie pour annexer la totalité de l'ancienduché de Těšín/Cieszyn[21].
1ducat d'or de la république tchécoslovaque, avec l'emblème du lion et le roi Wenceslas, 1926.
La Première République tchécoslovaque parvînt à sauvegarder son régime parlementaire démocratique pendant l'entre-deux guerres, et promulgua des réformes dans le domaine du logement, de la sécurité sociale et des droits des travailleurs ; elle abolit aussi tous les indicateurs denoblesse (titres et noms de terres), nationalisant 90 % des immenses domaines des aristocratesautrichiens ethongrois, etdistribuant les terres aux paysans locaux[22],[23]. En 1929, le PIB avait augmenté de 52 % et la production industrielle de 41 % par rapport à 1913. En 1938, la Tchécoslovaquie occupe la dixième place dans la production industrielle mondiale, mais doit faire face à des problèmes liés à sa diversité ethnique et aux histoires distinctes des peuples tchèque, slovaque et ruthène, sans même compter les minorités allemande et hongroise, mécontentes de leur nouvelle situation. Les Allemands et Magyars de Tchécoslovaquie aspirent ouvertement àrejoindre respectivement l'Allemagne etla Hongrie. Après lacrise économique de 1929 et la montée dunazisme en Allemagne, la minorité allemande des Sudètes est instrumentalisée par l'impérialismehitlérien. Concentrés dans la région frontalière de la Bohême et de la Moravie, appeléeSudetenland en allemand, lesAllemands des Sudètes constituaient la principale menace contre l'État tchécoslovaque, avec un effectif de 3 à 3,5 millions de personnes sur les14 millions de la population tchécoslovaque de l'entre-deux guerres. À partir de 1933, les leaders de cette minorité, sympathisant avec l'Allemagne nazie, réclament leur rattachement auTroisième Reich.
Après l'annexion de l'Autriche en 1938, le révisionnisme allemand et hongrois, le nationalisme slovaque et lespolitiques d'« apaisement » des puissances occidentales vis-à-vis d'Adolf Hitler débouchent sur lesaccords de Munich en qui voient la sécession des Sudètes reconnue par la communauté internationale, tandis que les nationalistes slovaques profitent de la situation pour revendiquer un État indépendant sous les auspices deJozef Tiso, soutenu par l'Allemagne nazie. La première république tchécoslovaque avait pris fin avec le départ en exil de son président,Edvard Beneš le. Privée d'alliés et diminuée desSudètes au profit de l'Allemagne nazie et de son bassindanubien au profit de la Hongrie, la deuxième République tchécoslovaque n'a duré que cinq mois et demi. Elle prend fin le après lepremier arbitrage de Vienne. Ce qui restait de la partie tchèque, envahie par laWehrmacht, devint unprotectorat allemand le ; laSlovaquie devint un État-satellite du Reich et la Ruthénie fut annexée par la Hongrie.
Certains historiens, tchèques en particulier, considèrent comme illégitimes et frappés de nullité les gouvernementsde facto suivant la démission d'Edvard Beneš : pour eux, la continuité de la première République tchécoslovaque se prolongede jure jusqu'au « coup de Prague » du par lequel leParti communiste tchécoslovaque et son chefKlement Gottwald, premier ministre depuis1946, s'emparent du pouvoir.
Selon les statistiques officielles duParti communiste tchécoslovaque, dans les années 1950, la Tchécoslovaquie aurait connu une croissance économique de 7 % en moyenne par an qui aurait substantiellement augmenté les salaires et le niveau de vie, favorisant la stabilité du régime[25]. Mais dans la réalité concrète de cetétat communiste, la pénurie de denrées et l'absence des libertés civiles accroit nettement les mécontentements dans les années 1960, y compris à l'intérieur du Parti communiste, ce qui aboutit à la démission du présidentAntonín Novotný[25]. Une timide libéralisation en1968, appelée « Printemps de Prague », entraîne l'intervention des forces duPacte de Varsovie qui fait capoter ce qu'Alexander Dubček a appelé la « dernière chance de sauver le socialisme réel » et referme le pays pour vingt ans derépression : c'est la « Normalisation »[26].
Face aux revendications autonomistes des Slovaques, la République socialiste tchécoslovaque devient officiellement, à partir du, unÉtat fédéral, la « République socialiste fédérative tchèque et slovaque », composée de laRépublique socialiste tchèque et de laRépublique socialiste slovaque[27]. Dans les faits, le système politique ne change pas et le pouvoir, dévolu dans les textes aux parlements tchèque, slovaque et fédéral, reste aux mains du Parti communiste subordonné aubloc de l'Est (pacte de Varsovie etCAEM).
La politique de « glasnost » et de « perestroïka » mise en place parGorbatchev en URSS aboutit à l'ouverture durideau de fer qui oblige leparti communiste tchécoslovaque à desserrer son étreinte et finalement à abandonner le pouvoir : c'est la « révolution de velours » du. Le, un nouveau gouvernement est formé, qui porte à sa tête le dramaturge etdissidentVáclav Havel : c'est ce que l'historiographie tchèque et slovaque appelle parfois la « Quatrième République tchécoslovaque »[28].
↑La Ruthénie subcarpathique est devenue soviétique par le traité soviéto-tchécoslovaque du (« Traité au sujet de l’Ukraine subcarpatique » et « Protocole annexé au traité conclu entre l’URSS et la République tchécoslovaque au sujet de l’Ukraine subcarpatique »).
↑Max Schiavon,L'Autriche-Hongrie la Première Guerre mondiale : la fin d'un empire, Soteca 14-18 Éditions, coll. « Les Nations dans la Grande Guerre », Paris 2011,(ISBN978-2-9163-8559-4), P. 139
↑Marie-Noëlle Snider-Giovannone,Les Forces alliées et associées en Extrême-Orient, 1918-1920. Les soldats austro-hongrois, Poitiers, Université de Poitiers (thèse),(lire en ligne)
JuditHamberger, « The Debate over Slovak Historiography with Respect to Czechoslovakia (1990s) »,Studia Historica Slovenica,
IgorLukes, « Strangers in One House: Czechs and Slovaks (1918–1992) »,Canadian Review Of Studies In Nationalism,
Kamil Krofta,Histoire de la Tchécoslovaquie, traduit par G. Aucouturier de l'édition tchèque parue en 1934, Editions A.A.AM. Stols.
Jean-Philippe Namont, « République tchèque, Slovaquie - examen d’un divorce national », chapitre de l’ouvrage collectif sous la direction de Joao Medeiros (dir.),Le mondial des nations (30 chercheurs enquêtent sur l’identité nationale), Paris, Choiseul Editions- RFI, 2011, pp.461-474.