Letamoul, outamil (தமிழ் (tamiḻ),/t̪ɐmɨɻ/), est une langue originaire de l'Inde du Sud, appartenant à la branche méridionale deslangues dravidiennes. Il s'écrit au moyen d'unalphasyllabaire dérivé dugrantha, provenant lui-même de labrahmi[3], qui a été conçu selon le modèle de l'ancien tamoul. Ses locuteurs natifs sont appelés lesTamouls.
Langue d'une ancienneté millénaire et riche d'une vaste tradition littéraire et culturelle, le tamoul a officiellement été déclaré comme « langue classique » par legouvernement indien en 2004[10]. Elle est la première langue du pays à bénéficier de ce statut, qui octroie des facilités à destination de la recherche, soutenue par l'État[10]. Le tamoul comprend cependant de nombreux dialectes assez éloignés les uns des autres[11].
Le tamoul appartient au sous-groupe méridional de la famille des langues dravidiennes[12]. L'histoire de la langue tamoule est habituellement subdivisée en trois stades : le vieux tamoul, le moyen tamoul et le tamoul moderne. Le passage d'un stade à l'autre correspond à un certain nombre de changements phonologiques et grammaticaux, ainsi qu'à des évolutions de la syntaxe.
Le moyen tamoul emploie une écriture probablement issue du tamil-brahmi, levatteluttu, qui se traduit littéralement par « écriture arrondie ». Nombre de temples médiévaux, tels que les parois du grandtemple Brihadesvara deThanjavur, en sont couverts.
Il existe une grande divergence entre la langue tamoule écrite (sentamizh) et la langue parlée (koduntamizh). D'une façon générale, il existe un tamoul littéraire, utilisé dans les journaux, les livres, etc., qui respecte des règles strictes d'orthographe, de grammaire et de syntaxe ; et un tamoul populaire, utilisé à l'oral ou dans les médias ; une telle situation peut être qualifiée dediglossie. Le tamoul populaire est extrêmement variable d'un pays à l'autre, d'une région à l'autre, voire d'un village à l'autre : même un locuteur maîtrisant le tamoul littéraire, c'est-à-dire officiel, peut ne rien comprendre à cette langue, qui utilise en abondance des noms étrangers (lugéj : bagage, de l'anglaisluggage,zanti : gentil, du français…) souvent adaptés à la prononciation de la langue. Ceci s'explique par le fait qu'une communauté tamoule importante réside dans des pays étrangers, la population vivant dans ces pays mélangeant le tamoul avec la langue parlée dans le pays[réf. souhaitée].
Depuis le début duXXe siècle, les grammairiens tamouls tentent de rapprocher la langue écrite de la langue parlée, tout en conservant les particularités de cette écriture très ancienne.
Différences avec les langues dravidiennes sud-indiennes
L'histoire littéraire du tamoul, longue de plus de deux millénaires, est marquée par diverses périodes caractérisées par une alternance de rapprochement et d'éloignement par rapport ausanskrit jusqu'à une époque relativement récente, le milieu duXXe siècle, où l'on a entrepris en Inde tamoule leTanittamil Iyakkam ou « Mouvement du Tamoul indépendant », important mouvement littéraire et politique cherchant à « purifier » la langue écrite en la dépouillant d'une partie de son lexique sanskritisant[23],[24],[25]. Cela s'est traduit par une importante création et institutionnalisation denéologismes construits à partir du tamoul ancien, à l'usage peu populaire hors des milieux savants et lettrés[24]. Ainsi, le tamoul standard moderne se distingue des autres grandes langues dravidiennes du sud de l'Inde, qui ont conservé davantage de lexique sanskrit.
Sur le plan de la syntaxe, cependant, la proximité avec les langues dravidiennes dérivées des états voisins : malayalam (Kerala),télougou (Andhra Pradesh),kannada ou canarais (Karnataka) reste très grande et sur le plan culturel, les affinités sont extrêmement fortes entre ces différents états de l'Inde du Sud.
Le tamoul du Sri Lanka, lui, n'a été touché par ces transformations que dans une moindre mesure et a conservé davantage de lexique sanskrit dans sa langue écrite tout en ayant aussi gardé des éléments de tamoul ancien qui ont disparu du tamoul indien[26],[27]. Les contacts prolongés avec la langue et la culturesinghalaises et l'histoire même du Sri Lanka et des migrations tamoules lui confèrent d'autres caractéristiques qui le distinguent clairement du tamoul indien, même s'il s'agit bien de la même langue et que de nombreux traits culturels sont semblables.
« Tamoul srilankais » peut désigner deux variétés de langue. L'une est une variété formelle et institutionnalisée à l'échelle de l'île, le tamoul standard srilankais, qui ne se distingue que peu du tamoul standard moderne indien, car les deux se basent sur le tamoul littéraire[11] ; l'autre est un ensemble de variétés dialectales propres aux populations indigènes de l'île, les dialectes tamouls srilankais, qui se distinguent très fortement du tamoul indien dans ses formes dialectales[26]. Ainsi, selon les dialectes, le « tamoul srilankais » peut être complètement nonintelligible mutuellement avec le tamoul parlé en Inde[28].
Marapun parlant tamoul.Les virelangues de parler tamoul.L'enregistrement principal en tamoul.Les virelangues alternatifs parlent tamoul.Encore des virelangues tamouls.
Le tamil est noté à l'aide d'unalphasyllabaire — tout comme les autres langues indiennes et sud-asiatiques d'origine indienne — composé de douze voyelles, உயிர் எழுத்து (Lettres de l'âme ; 5 courtes : a, i, u, e, o ; 5 longues : ā, ī, ū, ē, ō ; 2 diphtongues : ai, au), et de dix-huit consonnes, divisées en trois classes (6 consonnes rudes, 6 moyennes et 6 douces). Cinq autres consonnes, ditesgrantha, sont ajoutées à ce système pour retranscrire les sons des mots étrangers, historiquement sanskrits, mais de plus en plus anglais.Le graphème d'une consonne est doté par défaut d'une voyelle, le plus souvent un /a/, pour former une syllabe. D'autres signes, ajoutés en linéaire à la consonne, viennent modifier la voyelle par défaut pour former de nouvelles syllabes finissant par /i/, /u/, etc. Le tableau ci-dessous recense les différentes combinaisons possibles.
Ainsi, le motuyir (« vie, âme ») s'écrit உயிர், c'est-à-dire u + yi + r.
Une voyelle n'est utilisée qu'en initiale d'un mot (ici u/உ pourஉயிர்.
Le système de numération décimal tamoul utilise les lettres dérivées dugrantha.
௧ (1)
௨ (2)
௩ (3)
௪ (4)
௫ (5)
௬ (6)
௭ (7)
௮ (8)
௯ (9)
௰ (10)
௱ (100)
௲ (1000)
Ce système de notation n'est plus utilisé depuis plusieurs siècles, mais on retrouve de telles inscriptions sur les temples hindous. On utilise aujourd'hui les chiffres dits « arabes » ou « indo-arabes », originaires de l'Inde du Nord et transmis au reste du monde par lesArabo-musulmans.
Le tamoul est une langue post-positionnelle, principalementSOV, qui possède une syntaxe très stricte :
les adjectifs précèdent les noms ;
les compléments d'objet directs précèdent les compléments indirects ;
les adjectifs et compléments de temps précèdent ceux relatifs au lieu.
Le tamoul compte trois temps : le passé, le présent et le futur. Le contexte de la phrase permet de situer avec plus de précision. Il n'existe pas de verbe en tamoul pour exprimer la possession ; on a recours à une formule employant undatif (complément indirect). Le premier dictionnaire français-tamoul, constamment réédité depuis 1850, a été publié par un missionnaire français,Louis-Savinien Dupuis (M.E.P., 1806-1874), aidé de Louis-Marie Mousset[29] (1808-1888).
En grammaire tamoule, on compte une seule déclinaison, puisque tous les noms prennent à leurs divers cas les mêmes terminaisons. Les grammairiens ne sont pas unanimes sur le nombre de cas, même si, probablement sous l'influence dusanskrit, on retient sept cas plus levocatif comme le huitième cas. Ces cas portent le nom de leur numéro d'ordre (ex.1er cas,2e cas…) ou le nom de leur terminaison[30] :
le premier cas, lenominatif, est généralement le cas du sujet. Il n'a pas de terminaison, sinon celle des noms, qui est extrêmement variée (நாய் பார்க்கிறது,nāy pārkkiṟatu, « le chien regarde ») ;
le deuxième cas, l'accusatif ou encore complément d'objet direct, a pour terminaisonai (நான் நாயை பார்க்கிறேன்,nāṉ nāyai pārkkiṟēṉ, « je regarde le chien »). Lorsque le C.O.D est indéfini, celui-ci peut se mettre au nominatif (நீ ஒரு நூல் படி,nī oru nūl paṭi, « lis un livre ») ;
le troisième cas tamoul regroupe l'instrumental (moyen) et l'associatif ou lecomitatif qui exprime l'accompagnement et ses terminaisons sont les suivantes :āl,ōṭu ouuṭaṇ ; cette dernière terminaison est plus formelle (அவன் நாயோடு வந்தான்,avaṉ nāyōṭu vantāṉ, « il est venu avec le chien »). Certains linguistes considèrent l'instrumental (-āl) et l'associatif (-ōṭu et-uṭaṇ) comme deux cas distincts ;
le quatrième cas, ledatif, qui désigne à la fois le complément d'attribution et la direction, a pour suffixe(u)kku (அதை நாயுக்கு கொடு!,atai nāyukku koṭu, « donne-le au chien ! ») ;
le cinquième cas, l'ablatif, qui exprime la provenance, se décline généralement par(il)iruntu (அவன் மரத்திலிருந்து விழுந்தான்,avaṉ marattiliruntu viḻuntāṉ, « il est tombé de l'arbre ») ;
le sixième cas, legénitif, exprimant la possession, a pour terminaisoniṉ,atu ouuṭaiya. C'est le possesseur qui porte la marque du génitif (நாயின் உணவு,nāyiṉ uṇavu, « la nourriture du chien ») ;
le septième cas, lelocatif, correspond généralement au complément circonstanciel de lieu-il, et dans certains cas au complément d'objet indirect -iṭam (மரத்தில்,marattil, « dans l'arbre ») ;
un huitième cas complète parfois la liste : levocatif (interpellatif) (எட்டனுருபு,eṭṭaṉurupu).
Comme toutes les langues dravidiennes, le tamoul possède deux pronoms à la première personne du pluriel, le premier exclusif,nāṅkaḷ/நாங்கள், qui n'intègre pas l'interlocuteur dans le groupe (eux, moi — mais pas toi ou vous), le second inclusif,nām/நாம், qui inclut la personne qui écoute (eux, moi mais également toi). À la troisième personne du singulier et du pluriel, on distingue deux séries de pronoms personnels, la première commençant pari/இ, exprimant la proximité du locuteur avec la ou les personnes désignées (ivaṉ/இவன், il, la personne proche), et la seconde para/அ, exprimant l'éloignement (avaṉ/அவன், il, la personne éloignée). Les pronoms personnels de la troisième personne servent également d'adjectifs démonstratifs. Le tamoul se distingue aussi par l'existence des pronoms honorifiques ou de politesse spécifiques aux deuxième et troisième personnes du singulier.
La syntaxe est marquée par la position du verbe conjugué, toujours à la fin de la phrase. Les verbes sont divisés en deux groupes :
les verbes « forts » : le radical du présent finit en « k » prononcé G ou H (exemple : ponga,aller) ;
les verbes « faibles » : le radical du présent finit en « kk » prononcé K (exemple :koḍukka,donner).
Généralement, seul le verbe principal est conjugué en fonction du sujet ; les autres verbes prennent une forme infinitive ou dépendant de leur rôle et ne portent pas la marque de la personne.
Le tamoul possède dans son paradigme verbal deux flexions distinctes, positive etnégative.
Les termes français dérivés du vocabulaire tamoul sont rares. On trouve parmi eux le terme marin decatamaran et les termes d'origine tamoule et plus largementdravidienneorange etcurry (cari en français vieilli).
எப்படி இருக்கீங்க? (Eppaṭi irukkīṅka?) — Comment allez-vous?
நல்லா இருக்கின்றேன். (Nallā irukkīṅṟēn.) — Je vais bien.
மிக்க நன்றி. (Mikka naṇṟi.) — Merci beaucoup.
உங்கள் பெயர் என்ன? (Uṅkaḷ peyar eṉṉa?) — Quel est votre nom?
என் பெயர்… (Eṉ peyar…) — Je m'appelle…
வருகிறேன். (Varukiṟēn.) — Au revoir.
நீங்கள் எங்கிருந்து வருகிறீர்கள்? (Nīṅkaḷ eṅkiruntu varukiṟīrkaḷ?) — D'où venez-vous?
எனக்கு தமிழ் பேசத் தெரியாது. (Eṉakku tamiḻ pēcat teriyātu.) — Je ne sais pas parler le tamoul.
என்னை மன்னிக்கவும். (Eṉṉai maṉṉikkavum.) — Je suis désolé.
நான் சோர்வாக இருக்கிறேன். (Nāṉ cōrvāka irukkiṟēṉ.) — Je suis fatigué.
எனக்கு உடம்பு சரியில்லை. (Eṉakku uṭampu cariyillai.) — Je suis malade.
எனக்கு நேற்று முதல் உடம்பு சரியில்லை. (Eṉakku nēṟṟu mutal uṭampu cariyillai.) — Je suis malade depuis hier.
எனக்கு உதவுங்கள்! (Eṉakku utavuṅkaḷ!) — Aidez-moi!
நான் தொலைந்துவிட்டேன். (Nāṉ tolaintuviṭṭēṉ.) — Je suis perdu.
நான் சென்னைக்கு போறேன். (Nāṉ ceṉṉaikku pōṟēṉ.) — Je vais àChennai.
எனக்கு சென்னை செல்ல வேண்டும். (Eṉakku ceṉṉai cella vēṇṭum.) — Je veux aller àChennai.
அருங்காட்சியகம் / விமான நிலையம் / தெரு /உணவகம் / ஹோட்டல் / இந்து கோவில் எங்கே? (Aruṅkāṭciyakam / vimāṉa nilaiyam / teru / uṇavakam / hōṭṭal / intu kōvil eṅkē?) — Où est le musée / aéroport / rue / restaurant / hôtel / temple hindou?
நான் ஒரு கனடியன் / பிரெஞ்சு / அமெரிக்கன் /பெல்ஜிய குடிமகன். (Nāṉ oru kaṉaṭiyaṉ / pireñcu / amerikkaṉ / peljiya / cuvis kuṭimakaṉ.) — Je suis un citoyen canadien/français/américain/belge/suisse.
↑AppasamyMurugaiyan,Langues de l'Inde en diasporas : Maintiens et transmissions, Paris, SCITEP éditions,, 446 p.(ISBN979-10-93143-32-3,OCLC1155045817), « La diaspora tamoule : un continuum linguistique tamoul des Indes méridionales aux Antilles »,p. 62-64.
↑Krishnamurti, Bhadriraju (2003),The Dravidian Languages, Cambridge Language Surveys, Cambridge University Press(ISBN978-0-521-77111-5).
↑Mahadevan, Iravatham (2003),Early Tamil Epigraphy from the Earliest Times to the Sixth Century A.D, Harvard Oriental Series vol. 62, Cambridge, Massachusetts: Harvard University Press(ISBN978-0-674-01227-1),pp. 90-95.
↑Zvelebil, Kamil (1973),The Smile of Murugan: On Tamil Literature of South India(ISBN978-90-04-03591-1).
↑Grammaire Française-Tamoule, ouLes règles du tamoul vulgaire, celles de la langue révélée et celles de la poésie tamoule par un provicaire apostolique de la congrégation, Première édition à Pondichéry en 1863 et Dernière édition à New Delhi en 1984.