Cet article concerne la ville italienne. Pour les autres significations, voirSyracuse (homonymie).
Syracuse Siracusa
De haut en bas, de gauche à droite : vue aérienne de l'île d'Ortygie, fontaine de Diane, théâtregrec,cathédrale de Syracuse, monument àArchimède, palazzo dell'Orologio, pont d'Ortygie et palazzo delle Poste.
Elle est située près de la pointe sud-est de la Sicile, au bord de lamer Ionienne, sur les rives du golfe de Syracuse auquel elle prête son nom. Bien qu'étant positionné à faible altitude (le centre-ville culmine à 17 m au-dessus de la mer), le terrain syracusain est remarquablement élevé compte tenu des profondeurs marines attenantes, qui atteignent parfois 2 000 m non loin de la côte.
Fondée il y a 2 700 ans par descolons grecs deCorinthe et deTénée[3], elle devient bientôt unecité-État puissante et accède au rang de grande puissanceméditerranéenne en exerçant son influence sur l'ensemble des cités de laGrande-Grèce et au-delà. Rivalisant avecAthènes en taille et en splendeur à partir duVe siècle av. J.-C.[4],Cicéron la décrit à son époque comme « la plus grande des villes grecques et la plus belle de toutes »[5]. Elle suivra la destinée de Rome depuis sa conquête par laRépublique romaine jusqu'à l'Empire byzantin, dont elle devient même la capitale sous le règne de l'empereurConstant II (663-669). Distancée démographiquement parPalerme, cette dernière lui ravit son rôle de plus grande ville sicilienne et devient la capitale duroyaume de Sicile jusqu'à son union avec celui deNaples pour former lesDeux-Siciles avant l'unification italienne en 1860.
De nos jours, Syracuse est une ville moyenne d'environ 115 000 habitants dont le centre historique est classé aupatrimoine mondial de l'UNESCO aux côtés de lanécropole de Pantalica. Mentionnée dans la Bible lors du récit du voyage dePaul dans lesActes des Apôtres[6], la ville est l'héritière d'une longue tradition chrétienne et célèbre tous les13 décembre la naissance desainte Lucie,patronne de la ville.
Syracuse bénéficie d'unclimat méditerranéen à été chaud (classification climatique de Köppen :Csa), caractérisé par des hivers doux et humides ainsi que des étés chauds et secs. La neige y est très rare ; la dernière chute de neige mesurable enregistrée dans la ville date de décembre 2014[8]. Les gelées sont tout aussi rares, la dernière remontant à la même période, en décembre 2014, ce qui rend les températures négatives quasi inexistantes.
Le territoire communal est traversé par les axes routiers suivants :
SS114 « Oriente sicula », entreMessine et Syracuse, dont le tronçon final fait office de périphérique urbain à la ville de Syracuse et permet la liaison entre l'autoroute Catane-Syracuse et l'autoroute Syracuse-Gela ;
Les deux ports de la ville prennent place de part et d'autre de l'île d'Ortygie - l'un à l'ouest, le porto Piccolo (« petit port » ou Lakkios), et l'autre, le porto Grande (« grand port »), à l'est - reliés entre eux via un canal enjambé par deux ponts. Considéré comme l'un des ports les plus anciens de la Méditerranée, le port de Syracuse possède unehistoire millénaire(it) bien que sa vocation soit désormais réduite à laplaisance (porto Grande) et à la pêche (porto Piccolo). L'activité commerciale est détournée vers la rade de Santa Panagia où transitentpétroliers,chimiquiers et méthaniers.
Le nom ancien de Syracuse possède deux variantes principales attestées, Συράκουσαι (Syrákousai) et Συρακώ (Syrakō)[13].
L'hypothèse la plus couramment avancée concernant l'origine du nom est qu'il proviendrait duphénicienSour-ha-Koussim, « pierre aux mouettes »[14]. Ce terme aurait ensuite évolué phonétiquement pour devenir « Syrákousai » en grec. Cependant, cette étymologie ne rend pas compte de la variante alternative Συρακώ (Syrakō).
Vibius Sequester[15], citantÉtienne de Byzance[16], explique que « Syrakō » désigne à l'origine un marécage voisin.Marcien d'Héraclée confirme cette hypothèse dans laPériégèse en ajoutant que le nom du marécage aurait été créé par Archias, fondateur de la cité. Ainsi, c'estSyrakō qui aurait donné son nom à la ville et non l'inverse, ce que ne manque pas de soulignerÉpicharme dans un fragment parvenu de l'une de ses comédies[17].
Quelques cultes indigènes auraient persisté dans les sanctuaires grecs :
ArtémisLyaia (« Libératrice »), vénérée dans la grotte de la Scala Greca, serait l'héritière d'une déesse sicule associée à la fertilité et à la fécondité ;
Aristée, inventeur de l'apiculture, serait leparèdre d'une « Grande Mère sicane »[22].
En 485 av. J.-C.,Gélon, le tyran deGela, se rend maître de Syracuse en s'appuyant sur l'aristocratie terrienne des Gamores qu'un mouvement populaire des Cyllyriens avait chassé des lieux. Il en fait le centre de son pouvoir, laissant à son frèreHiéronIer la gestion de sa cité d'origine, et c'est sous son règne que Syracuse devient la puissance hellénique dominante de l'époque. Il renforce sa population par l'arrivée de la moitié des habitants deGela, tous ceux de Camarina, de quelques uns deMegara Hyblaea ainsi que de nouveaux colons grecs. L'île d'Ortygie n'ayant plus la capacité d'accueillir tous ces nouveaux arrivants, ces derniers s'installent sur le continent où ils fondent les quartiers de Neápolis et de Tyché et y élèvent une seconde agora[24],[25]. Syracuse se dote d'entrepôts sur les quais, d'unarsenal et decasernes, consacre de nouveaux sanctuaires à Déméter et à Coré, et enjolive celui d'Apollon. Gélon assoit son influence par des alliances matrimoniales avecThéron, tyran d'Akragas, dont il épouse la fille Démarète et à qui il offre la main de sa nièce, fille dePolyzalos[26]. Les Grecs de la grande terre requièrent son aide contre laPerse mais se désistent devant ses ambitions. Allié àThéron, il bat àHimère, en 480 av. J.-C., une grande expéditioncarthaginoise menée parHamilcar, selon la tradition le jour même où les Grecs battent les Perses àSalamine[27]. Un temple dédié àAthéna est érigé sur le site de l'actuelle cathédrale pour commémorer cette victoire.
Après la mort de Gélon, son frèreHiéronIer lui succède tandis que la cité poursuit sa croissance spectaculaire. Plus avare et violent que son frère selon Diodore, il initie néanmoins une politique de mécénat et invite à sa cour les poètes et philosophes grecsXénophane,Simonide de Céos et son neveuBacchylide,Eschyle,Épicharme etPindare. Ce dernier compose en son honneur les trois premièrePythique et laPremière olympique. Hiéron participe en effet à plusieursjeux panhelléniques, vainqueur aux courses de chevaux montés puis de chars, à trois reprises auxjeux olympiques et autant auxjeux pythiques. Il commande aux sculpteursCalamis etOnatas un groupe statuaire pourOlympie. En 474 av. J.-C., Hiéron bat lesÉtrusques à labataille de Cumes et dédie àZeus un casque sur lequel il fait inscrire« Hiéron fils de Deinoménès et les Syracusains à Zeus sur le butin fait sur les Étrusques àCumes. » Il entre en conflit avec son frèrePolyzalos, maître de Gela depuis son départ pour Syracuse, qui se réfugie auprès de son beau-père, Théron. Hiéron videNaxos etCatane de leur population qu'il déporte àLéontinoi et refonde la deuxième sous le nom d'Ætna (Etna) à l'aide de colons de Syracuse et du Péloponnèse[28]. Il soumet égalementZancle qui est contrainte de lui garantir l'accès à son détroit.
En 466 av. J.-C.,Thrasybule succède à son frère Hiéron. « Violent et sanguinaire, il fit mourir injustement beaucoup de citoyens et, après en avoir exilé un grand nombre sur des accusations mensongères, il confisqua leurs biens au profit du trésor royal » raconte Diodore. Aussi est-il renversé au terme de moins d'un an de règne et exilé à son tour[29].
Un régime démocratique est installé pour soixante ans à Syracuse en s'appuyant notamment sur lepétalisme. Larhétorique éclot avecCorax etTisias,Sophron crée lemime à partir de sujets populaires[30]. En 415 av. J.-C., la population totale de la cité de Syracuse est estimée à 250 000 habitants, chiffre comparable à celui de la population d'Athènes à la même époque[31].
Avec la chute des tyrans, Syracuse perd la domination qu'elle exerçait sur la Sicile orientale mais redevient rapidement une grande puissance régionale par une série de victoires militaires :
En 453 av. J.-C., sur les districts miniers étrusques deCorse et de l'île d'Elbe ; trois ans plus tard sur le SiculeDoukétios ; en 445 av. J.-C., sur Akragas au bord de l'Himéras et, la même année, sur les Sicules encore dont elle fait raser la cité dePalikè ;
En 427 et 416 av. J.-C., Syracuse attaque Léontinoi et Égeste, alliées d'Athènes. Cette dernière, dans le contexte de laguerre du Péloponnèse, souhaitait contrer la puissance grandissante de Syracuse et prendre pied en Sicile pour s'assurer le contrôle des mers. En juin de l'année suivante, l'expédition de Sicile prend la mer avec 134trières portant 5 100 combattants sous le commandement deNicias, d'Alcibiade et deLamachos. Les Syracusains cherchent le soutien deSparte, cité ennemie d'Athènes. En 413 av. J.-C., Syracuse est assiégée par les Athéniens qui sont défaits sur la terre aux Épipoles et au cours d'une bataille navale dans larade de la ville, et définitivement sur les rives de l'Asinaro grâce aux renforts spartiates dirigés parGylippos ainsi qu'au génie tactique d'Hermocrate qui parviennent ensemble à anéantir la flotte athénienne[32] ;
En 410 av. J.-C., des négociations pour rétablir la paix entreAkragas et les Élymiens échouent, déclenchant ainsi une longuesérie de conflits avec Carthage qui ne prendra fin qu'en 341 av. J.-C.. En 406 av. J.-C.,Carthage use de ce prétexte pour attaquerAkragas,Gela et Syracuse, mais elle est arrêtée par uneépidémie depeste. La paix est signée l'année suivante mais les guerres reprendront par la suite de 398 à 393, de 383 à 376, de 367 à 366 et de 345 à 341 av. J.-C. Dans l'ensemble, l'équilibre des forces sur l'île n'est jamais remis en cause.
En 405 av. J.-C., la menacecarthaginoise met au pouvoirDenys l'Ancien (DionysiosIer), d'origine modeste, qui parvient à négocier avec l'ennemi et surtout à contenir son expansion après la prise de Gela et de Camarina. Protégé par une garde de 1 000 hommes, le nouveautyran persécute les aristocrates, affranchit les Cyllyriens et les esclaves. Il accroît son armée jusqu'à 50 000 fantassins et 10 000 cavaliers, la dote de catapultes portant à 300 mètres, et fait d'Ortygie une citadelle imprenable (22 km de fortifications) qu'il complète duchâteau d'Euryale sur lesÉpipoles. Il construit de vastes gymnases sur les rives de l'Anapo, élève de nouveaux temples tout en pillant les trésors sacrés comme le manteau d'or de Zeus, levant destributs, augmentant les impôts et altérant les monnaies pour couvrir les nombreuses dépenses impliquées[33]. Contre les Carthaginois, dans trois guerres successives, il prend Motyé mais subit un siège à Syracuse en 397 av. J.-C., lors duquel les assaillants détruisent le temple de Déméter et Coré ainsi que le tombeau de Gélon avant d'être victimes d'une épidémie qui les contraint à se retirer[34],[35].
Sous son règne, Syracuse est la cité la plus peuplée et la plus riche du monde grec. À son tour, il veut réunir autour de lui des intellectuels commePhilistos etAristippe, mais il supporte moins la liberté artistique que ses prédécesseurs :Platon, trop proche deDion, est emprisonné voire vendu comme esclave d'après certaines sources[41], tandis quePhiloxène de Cythère est envoyé auxlatomies. Amateur de drame et dramaturge amateur, il fait creuser dans la roche unthéâtre[42]. Les anecdotes surDenys l'Ancien sont innombrables et l'on peut encore voir aux abords de la ville la fameuse « Oreille de Denys », une imposante grotte artificielle dans laquelle le tyran enfermait ses prisonniers et dont l'acoustique lui permettait d'écouter les conversations[43]. Denys l'Ancien meurt en 367 av. J.-C. et son fils lui succède.
Denys le Jeune (Dionysios II), élève de Platon mais adepte d'Aristippe de Cyrène, exile son oncleDion en 366 av. J.-C., lequel revient de Grèce neuf ans plus tard pour le renverser avant d'être assassiné en 354 av. J.-C. Denys reprend le contrôle d'Ortygie. Les Syracusains assiégés parHicétas demandent alors de l'aide à Corinthe, leur ancienne métropole, qui dépêcheTimoléon pour faire exiler les deux tyrans, démanteler la citadelle d'Ortygie qu'il remplace par un tribunal, et restaurer les lois en 344 av. J.-C.[44] : le pouvoir est donné à uneboulè de 600 citoyens et une assemblée populaire, l'un des trois prêtres de Zeus olympien, élus par le peuple, est désigné chaque année à la tête de la cité[45]. Victorieux de Carthage à labataille de Crimisos, Timoléon repeuple la Sicile de colons grecs[46].
Pièce de monnaie frappée sous Agathocle en 308 av. J.-C. : pile,Niké tenant d'une main l'armure de ses ennemis à côté de latriskèle, symbole de la Sicile / face, la déessePerséphone.
Lorsque Timoléon se retire en 337 av. J.-C., il laisse un pouvoir fragile qui tombe, moins de deux décennies plus tard, dans les mains d'un nouveau tyran,Agathocle. Ce dernier élimine les oligarques et ses opposants avec le soutien du peuple[47]. En 315 av. J.-C., le tyran déclenche une nouvelle guerre contre les Carthaginois. Il parvient en 309 av. J.-C. à prendre l'ascendant sur ses ennemis en leur livrant bataille sur le sol africain où il remporte plusieurs victoires mais échoue devant les murs deCarthage. Il est vaincu deux ans plus tard, laissant ainsi la cité punique devenir la principale puissance de la région. Il domine cependant encore toute la Sicile grecque et s'empare deCorcyre[48].
À sa mort, en 289 av. J.-C., Syracuse recouvre sa liberté mais s'enfonce dans une série de troubles politiques. Elle bat Akragas en 280 av. J.-C., mais aucun dirigeant ne s'impose[49]. Carthage assiège une nouvelle fois la cité deux ans plus tard, qui en appelle àPyrrhusIer, roi d'Épire et gendre d'Agathocle. Après deux ans de batailles en Sicile, il se retire et l'un de ses officiers,Hiéron II, est élu comme stratège par les Syracusains[50].
Carte des territoires romains, carthaginois et syracusains en 264 av. J.-C., avant lapremière guerre punique.
En raison de sa position géostratégique entre la péninsule italienne, aux mains des Romains, et l'Afrique du Nord, contrôlée parCarthage, la Sicile est un enjeu majeur entre les deux puissances méditerranéennes.
C'est sous le règne de Hiéron II que naquit le plus célèbre de tous les Syracusains, lephilosophe et mathématicienArchimède, de même que le poèteThéocrite.
En 269 av. J.-C., Hiéron II attaque lesMamertins, anciens mercenaires d'Agathocle occupantMessine. Ces derniers demandent de l'aide à Rome et à Carthage. Cinq ans plus tard, les Carthaginois prennent la ville deMessine. Le consul romainAppius Claudius Caudex traverse le détroit de Messine et prend par surprise la garnison punique implantée dans la ville : c'est lecasus belli (cause directe) de lapremière guerre punique.
Hiéron II décide de s'allier à Rome contre Carthage, ce qui permet à Syracuse de conserver son indépendance après la victoire romaine, donnant lieu à une nouvelle ère de prospérité pour la cité. Il s'inspire de la législation fiscale du roi d'Égypte,Ptolémée Philadelphe, pour écrire laLex Hieronica(it), que Rome appliquera plus tard à toute la Sicile en l'adaptant. Conseillé sur les questions militaires parArchimède, il renforce l'Euryale et se compose une flotte qu'il envoie naviguer jusqu'en Égypte. Il réaménage le théâtre et fait édifier unautel monumental, l'autel de Hiéron II en l'honneur deZeus (probablement accompagné d'un temple aujourd'hui disparu)[51]. Des ateliers locaux de céramique produisent des vases à vernis noir ou à fond blanc et aux décorations végétales polychromes. Les pièces de monnaie frappées sous le règne de Hiéron portent la tête de sa femme, Philistis[52].
La légende veut qu'Archimède ait mis au point des miroirs géants pour réfléchir et concentrer les rayons du soleil dans les voiles des navires romains pour ainsi les enflammer. L'historien romainTite-Live (XXIV-34) décrit le rôle important d'Archimède comme ingénieur dans la défense de sa ville (aménagement des remparts, construction de meurtrières, construction de petitsscorpions et différentes machines de guerre), mais il ne dit pas un mot de ces supposés miroirs. De même, il raconte la prise de Syracuse, organisée pendant la nuit, non par crainte du soleil mais pour profiter du relâchement général lors de trois jours de festivités (généreusement arrosées) en l'honneur de la déesseArtémis (XXV-23). C'est un capitaine infiltré qui aurait laissé entrer les Romains près des fontaines d'Aréthuse. Au signal convenu, lors d'une diversion, il ouvrit la porte. Après avoir placé ses gardes sur les maisons des partisans de la faction romaine, Marcellus livra Syracuse au pillage de ses soldats. Il faudra encore un an pour que l'ensemble de la cité soit annexée au domaine romain[56].
Ordre avait été donné de capturer Archimède. Un soldat romain demanda son identité à un vieillard qui réfléchissait, dans sa maison, à un problème de mathématique. Ne recevant pas de réponse de sa part, il le tua.
Vestiges de l'amphithéâtre romain.Vestiges du temple d'Apollon.
En 212 av. J.-C., les Romains s'emparent de Syracuse et la mettent à sac. Tite-Live considère que la prise de Syracuse est l'événement qui marque la prise de conscience romaine de la richesse de l'art grec[57].
Rome fait de la Sicile uneprovince, et de Syracuse sa capitale, siège dupréteur. La cité subit les déprédations deVerrès et deSextus Pompée et entame un long déclin. Recolonisée sousAuguste, elle voit la restauration duthéâtre grec et du forum, la construction de l'amphithéâtre et d'un nouveau gymnase, ainsi que l'exportation à travers la Méditerranée de son artisanat céramique tandis que ses arts se distinguent avecMoschos[58].
La première est l'île dont je viens de parler ; baignée par les deux ports, elle se prolonge jusqu'à leur embouchure. C'est là que se trouve l'ancien palais deHiéron II, aujourd'hui le palais du préteur. On y voit aussi un grand nombre de temples. Deux l'emportent sur tous les autres : celui de Diane, et celui de Minerve, richement décoré avant la préture de Verrès. À l'extrémité de l'île est une fontaine d'eau douce nomméeAréthuse : son vaste bassin, rempli de poissons, serait inondé par la mer, s'il n'était défendu par une forte digue.
La seconde ville, l'Achradine, renferme un forum spacieux, de très beaux portiques, un superbeprytanée, un vaste palais pour le sénat, un temple majestueux de Jupiter olympien. Une large rue la traverse dans toute sa longueur.
Dans la troisième ville, nommée Tyché parce qu'il y avait autrefois un temple de la Fortune, on remarque un grand gymnase et plusieurs édifices sacrés. C'est la partie la plus peuplée.
La quatrième est la Ville-Neuve, ainsi nommée parce qu'elle a été bâtie la dernière. Dans sa partie la plus haute, se trouve un vaste théâtre. Elle est dotée de deux temples, l'un de Cérès, l'autre de Proserpine, et d'une statue colossale d'Apollon surnomméTéménitès »[59].
À l'époque des persécutions chrétiennes, d'immensescatacombes ont été creusées sous la ville de Syracuse, les deuxièmes en longueur derrière celles de Rome.
Paul de Tarse fait étape trois jours à Syracuse avant de rejoindreRhegium et en fait l'un des principaux centres deprosélytisme à partir desquels la religion chrétienne se diffuse en Occident[60]. Il aurait prêché dans la crypte de San Marciano (saint Marcien) qui doit son nom actuel au premier évêque de Syracuse, martyrisé sous les règnes deValérien et de son filsGallien (254-259)[61]. D'après les sources chrétiennes, le martyre deLucie de Syracuse aurait eu lieu au début duIVe siècle. Brûlée vive par les Romains, peut-être sousDioclétien, elle ne serait pas morte de ses blessures et il aurait fallu la transpercer avec un glaive pour l'achever. Elle est la sainte patronne de Syracuse, célébrée le 13 décembre[62].
Syracuse subit les incursions desGoths d'Alaric puis desVandales deGenséric qui occupent la ville de 469 à 477, jusqu'à sa reconquête par Odoacre (477–491) suivie par celle de Théodoric le Grand qui la rattache au reste de l'Italie ostrogothe (491–526). Le 31 décembre 535,Bélisaire réintègre la ville à l'Empire romain d'Orient, sous lequel elle demeure la principale cité de Sicile. Siège d'un diocèse dont l'évêque est représentant du pape de Rome, elle devient par la suite le siège dumétropolite de Sicile ainsi que celui d'untourme. Probablement repliée derrière ses fortifications sur l'île d'Ortygie après les invasions, la ville recommence à s'étendre à cette époque avec de vastes faubourgs où sont érigés oratoires et monastères[63].
Devant le risque de voir lesSarrasins envahir la Sicile, l'empereurConstant II prend en 663 la décision historique de transférer la capitale de sonempire à Syracuse afin d'affermir sa présence sur l'île. Tout juste rentré d'un échec àBénévent devant lesLombards du roiGrimoaldIer, l'empereur meurt assassiné dans sa retraite occidentale en 668 alors que s'ébruitait la rumeur selon laquelle son départ et celui du trône impérial pour Syracuse étaient définitifs[64]. La charge impériale revient aussitôt à Constantinople[65] et, dès l'année suivante, la ville est pillée une première fois par les Sarrasins qui reviennent l'assiéger en 740[66].
Le général byzantinGeorges Maniakès reprend brièvement la ville en 1038, transfère les reliques de sainte Lucie en lieu sûr àConstantinople et pose les fondations de l'ouvrage militaire auquel il a donné son nom jusqu'à nos jours (malgré sa reconstruction totale sous lesHohenstaufen), lecastello Maniace. Minée par des conflits internes qui l'affaiblissent constamment, la garnison de Maniakès est profondément instable et ne parvient pas à tenir Syracuse plus de deux ans[71].
En 1086, Syracuse, l'un des derniers bastions arabes de l'île, est prise par lesNormands après un siège d'un été mené parRoger de Hauteville (futur Roger Ier de Sicile) et son filsJourdain à qui la ville est offerte en tant que comté. La cité conserve son dynamisme sous cette période et continue à s'étendre, ce qui témoigne d'une croissance démographique soutenue, pendant que la cathédrale et toutes les églises de la ville converties en mosquées retrouvent leur foi d'origine.
En 1194, Syracuse est prise et saccagée par le nouvel empereur devenu roi de Sicile,Henri le Cruel. Après une brève périodegénoise (1205–1220) sous l'autorité de l'amiral Alamanno da Costa[72], qui redresse la ville et favorise l'essor du commerce, l'autorité royale est réaffirmée à Syracuse sous le règne deFrédéric de Hohenstaufen qui contribue au renouveau de la ville[73]. Ce dernier fait édifier le palazzo Arcivescovile (palais des archevêques) ainsi que le palazzo Bellomo, et réédifier lecastello Maniace, alors réduit à l'état de ruines[74].
La mort de Frédéric entraîne une nouvelle période de troubles et d'anarchie féodale qui culmine lors desVêpres siciliennes (1282) suivies par un long conflit dynastique entre les maisons d'Anjou et d'Aragon se disputant le trône de Sicile. Les Syracusains, qui expulsent les derniers Angevins toujours sur place en 1298, reçoivent de nombreux privilèges de la part des princes aragonais en récompense de leur soutien. Cette prééminence des familles baronniales est également démontrée par la construction à cette époque depalazzi appartenant aux Abela, auxChiaramonte ou encore aux Nava.
En 1837, la propagation d'une épidémie decholéra ruine une nouvelle fois la ville et déclenche une révolte contre lesBourbons. Syracuse est sanctionnée et se voit retirée le statut de capitale provinciale au profit deNoto (qu'elle retrouvera en 1865, après l'unification italienne), ce qui va renforcer l'impopularité du régime en place auprès des habitants de la ville qui prennent part à larévolution sicilienne en 1848.
Après l'unité italienne, Syracuse a connu une émigration de masse dirigée vers le nord du pays ainsi que vers les Amériques, les pays industrialisés d'Europe occidentale et l'Australie[réf. nécessaire].
Durant laSeconde Guerre mondiale, Syracuse est une ville de grande importance stratégique pour le débarquement desAlliés (opération Husky etopération Ladbroke[75],[76]). Elle en paye le prix fort en étant la cible de multiples bombardements destructeurs mais est capturée précocement dès le 9 juillet 1943, qui marque bien vite la fin des hostilités pour la ville[77]. En effet, l'opération Husky, nom de code du débarquement allié en Sicile, débute par le déploiement des forces britanniques dans le sud-est de l'île dans la nuit du 9 au 10 juillet. En quelques heures, la5e division d'infanterie de la8e armée (British Army), sous le commandement dugénéralBernard Montgomery, se lance à l'assaut de Syracuse avec succès et la ville tombe dès la première nuit. Le port sert ensuite de base stratégique à laRoyal Navy pour la suite des opérations.
Dans un premier temps, l'AMGOT, le gouvernement d'occupation des Alliés, s'installe à Syracuse avant d'être déplacé à Palerme après la libération plus tardive de la capitale sicilienne. Le 3 septembre 1943, l'armistice entre l'Italie et les Alliés est signé àCassibile, village situé à proximité de Syracuse[78]. Un millier de soldats sont enterrés dans le « Syracuse War Cemetery », à l'ouest de la ville.
Après la guerre, Syracuse connaît une phase d'expansion chaotique favorisée par l'industrie pétrochimique pendant les années 1960, apportant une prospérité économique qui va hélas de pair avec des impacts écologiques parfois importants, notamment dans les communes voisines dePriolo,Melilli etAugusta[réf. nécessaire].
Depuis les années 1990, Syracuse, chef-lieu provincial d'une centaine de milliers d'habitants, suscite un intérêt croissant auprès des touristes et son centre historique est restauré.
En 2016, la population de Syracuse comptait 122 051 habitants, dont 48,7 % d'hommes et 51,3 % de femmes. Les mineurs (moins de 18 ans) représentaient 18,9 % de la population, contre 16,9 % pour les retraités. La moyenne italienne est de 18,1 % et 19,9 % respectivement[82].
L'âge moyen des habitants de Syracuse est de 40 ans, contre une moyenne nationale italienne de 42 ans. Entre 2002 et 2007, la population syracusaine a diminué de 0,5 %, tandis que celle de l'Italie dans son ensemble a augmenté de 3,8 %. Cette décroissance démographique dans la commune de Syracuse s'explique principalement par le départ d'une grande partie de la population du centre-ville vers des zones résidentielles situées dans les communes de l'aire métropolitaine voire lenord de l'Italie[83],[84]. Ainsi, bien que la population de la commune de Catane diminue, celle des communes périphériques augmente, entraînant une augmentation globale de la population locale.
Le taux de natalité actuel à Syracuse est de 9,75 naissances pour 1 000 habitants, comparé à une moyenne nationale de 9,45 naissances.
En 2006, 97,9 % de la population était italienne[85]. Les plus grands groupes d'immigrants à Syracuse proviennent d'autres pays européens, en particulier de Pologne et du Royaume-Uni (0,6 %), d'Afrique du Nord, notamment desTunisiens (0,5 %), et d'Asie du Sud (0,4 %).
Syracuse est représentée en championnat italien de football par l'ASD Siracusa, héritière d'une série de clubs remontant à 1924 dans la ville. La caractéristique commune à ces différentes équipes est la couleur bleu azur de leurs maillots, d'où leur surnom d'Azzurri. Le club joue ses matchs à domicile austade Nicola-De Simone, qui peut accueillir 5 000 à 6 000 spectateurs.
Syracuse, inscrite aupatrimoine mondial de l'UNESCO[86], est une destination touristique populaire. Son patrimoine architectural baroque ouart nouveau, dit style Liberty, ses vestiges archéologiques et sa situation géographique, sur l'île d'Ortygie, en font une cité méditerranéenne prisée des visiteurs.
Falaises littorales de Syracuse.
Chambre de commerce derrière le port de plaisance.
Depuis 2005, le centre historique Syracuse, incluant l'île d'Ortygie et lazone archéologique de Neápolis, ainsi que lanécropole de Pantalica sont inscrits aupatrimoine mondial de l'UNESCO : « Le groupe des monuments et des sites archéologiques situés à Syracuse présente l'exemple éminent d'une création architecturale exceptionnelle incluant plusieurs influences culturelles (grecque,romaine etbaroque). La Syracuse antique fut directement liée à des événements, des idées et des œuvres littéraires d'une signification universelle exceptionnelle. »
Vue aérienne de la piazza del Duomo sur fond marin.
Chiesa di San Francesco all'Immacolata, église à la façade convexe entrecoupée de colonnes et de pilastres. Elle abritait autrefois une fête disparue, laSvelata (« Révélation »), au cours de laquelle une image de la Vierge était dévoilée à l'aube du 29 novembre ;
Château d'Euryale, construit à 9 km de la cité par Denys l'Ancien, était l'une des forteresses les plus puissantes de l'Antiquité. Il était doté de trois douves avec une série de galeries souterraines qui permettaient aux défenseurs d'extraire les matériaux que les attaquants pourraient utiliser pour les combler.
Depuis les années 1950, nombre de fouilles sous-marines ont été conduites en Sicile et notamment dans la région de Syracuse. Des fouilles dans le port de Syracuse ont révélé des vestiges de l'ancien petit port, oulakkios, un môle, ainsi que des murs du port. Dans l'isthme, beaucoup d'objets de l'époque classique ont été trouvés. Des caniveaux en marbre grec de l'époque classique, et des colonnes en marbre ont aussi été trouvés.Thucydide mentionne ce port dans sesHistoires[87]. Il a été connu sous le nom de « port en marbre » dans certains écrits. L'historien romainFlorus nous le décrit dans son livre (Livre II, ch. 6, section 34), de même queCicéron dans son cinquième discours contreVerrès (ch. 37, section 95).
Temple d'Apollon (construit vers 565av. J.-C.), templedorique le plus ancien de Sicile. Transformé en église à l'époque byzantine puis en mosquée sous la domination arabe, il n'en reste que des ruines disséminées sur la piazza Emanuele-Pancali ;
Latomies (latomìa,latomìe au pluriel), près du théâtre, carrières de pierre à ciel ouvert ayant fait office de prisons dans l'Antiquité. La latomie la plus célèbre est l'« Oreille de Denys » ;
Tombeau d'Archimède, dans la nécropole de Grotticelli, décoré de deux colonnes doriques ;
Fontaine Aréthuse : la légende raconte qu'Alphée,dieu fleuve, poursuivit lanympheAréthuse (qui s'était baignée dans ses eaux) sous l'apparence d'un chasseur. Effrayée, elle s'enfuit jusqu'enSicile, où elle se réfugia sur l'île d'Ortygie.Artémis la changea en source mais Alphée, déterminé, répandit ses eaux sous la mer jusqu'en Sicile, et émergea à Ortygie afin de fusionner avec la nymphe.
Le « gymnase » romain, dans le quartier de l'Achradine, est en réalité un ensemble constitué de quatre portiques formant une cour avec un autel, un temple et un petit théâtre semi-circulaire duIer siècle av. J.-C. ;
Tétradrachme de Syracuse avec le portrait d'Athéna (vers 400 av. J.-C.).
Décadrachme de Syracuse signé d'Evainète (vers 380 av. J.-C.).
Le monnayage de Syracuse est l'un des exemples les plus remarquables de l'art de la numismatique antique. La cité était célèbre pour sa production monétaire dès leVIe siècle av. J.-C. sous le règne de GélonIer[88]. Les monnaies de Syracuse étaient réputées pour leur qualité artistique exceptionnelle et leur influence sur le développement de la monnaie grecque.
Les premières monnaies syracusaines étaient des drachmes en argent, mais au fil du temps, des dénominations plus importantes telles que les décadrachmes ont été frappées[89]. Les motifs étaient variés, mettant en vedette des déesses, des dieux, des créatures mythologiques et des personnalités locales. L'une des monnaies les plus célèbres de Syracuse est le décadrachme d'Aréthuse, qui représente la nymphe éponyme entourée de dauphins[90].
Syracuse a également émis des monnaies de bronze et de cuivre, souvent en réponse aux besoins économiques de la cité. Le monnayage de Syracuse a eu une influence durable sur la monnaie grecque et a contribué à façonner l'art numismatique dans l'ensemble du monde grec antique. Aujourd'hui, les pièces de Syracuse sont recherchées par les collectionneurs du monde entier pour leur beauté et leur importance historique.
Lepizzolo, une variété de pizza typiquement syracusaine.Granita aux amandes accompagnée d'unebrioche.
La cuisine traditionnelle de Syracuse s'inscrit pleinement dans lerégime méditerranéen, reconnu patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Elle s'en distingue toutefois par l'utilisation de produits locaux emblématiques, tels que lesolives et lepoisson pêché à même le port. Parmi les produits typiques de la région, plusieurs bénéficient de labels de qualité, comme lecitron de Syracuse, l'orange sanguine de Sicile, la pomme de terre de Syracuse, l'huile d'olive des Monts Hybléens et la pastèque de Syracuse.
La tradition culinaire de Syracuse se reflète dans ses nombreux plats typiques. Lapasta fritta alla siracusana (aux anchois et à la chapelure torréfiée) et les spaghettis à lapoutargue dethon figurent parmi les spécialités les plus prisées. La soupe de poisson à la syracusaine et letonno alla ghiotta (thon avec câpres, olives, tomates et céleri branche) témoignent également de la richesse gastronomique locale. Outre les plats à base de produits de la mer, on retrouve dans la ville l'impanata, une pizza fermée et garnie de pommes de terre inspirée de l'empanadaespagnole, lepizzolo ainsi que lesarancini al ragù.
Parmi les desserts emblématiques de Syracuse figurent lestotò, des biscuits au chocolat recouverts de glaçage, lagiurgiulèna, lacuccìa, lacotognata, ainsi que lagranita auxamandes, dont la variante syracusaine est vantée dans le romanIl garofano rosso d'Elio Vittorini[91].
Victor Bérard,La colonisation grecque de l'Italie méridionale et de la Sicile dans l'Antiquité. L'histoire et la légende, Paris, Presses Universitaires de France, 1957.
John Boardman,Les Grecs outre-mer. Colonisation et commerce, traduit en français par Michel Bats, Études II, Naples, Centre Jean Bérard, 1995.
↑Victor Bérard,Les phéniciens et l'Odyssée, Paris: Armand Colin, tome 2,p.515
↑New York Public Library,Vibius Sequester De fluminibus, fontibus, lacubus, nemoribus, paludibus, montibus, gentibus …, apud Amandum König,(lire en ligne)
↑Edward AugustusGetty Research Institute et ArthurEvans,The history of Sicily from the earliest times, Oxford : At the Clarendon Press,(lire en ligne),p. 380-390
↑V. Prigent, « La carrière du tourmarque Euphèmios, basileus des Romains »,Histoire et culture dans l’Italie byzantine. Acquis et nouvelles recherches, éd. A. Jacob, Rome, 2006 (CEFR, 363), p. 279-317