Elle se manifeste par un chancre (ulcération) initial et par des atteintes viscérales et nerveuses tardives, certaines manifestations survenant plusieurs années après la contamination. L'évolution de la maladie se fait donc en stades successifs, classiquement trois, aujourd'hui différenciée entre stade précoce et tardif.
Le terme syphilis a pu être utilisé par le passé comme synonyme demaladie vénérienne. Par ailleurs, d'autres termes ont pu être utilisés pour désigner cette maladie :« mal français », (grosse ou grande) vérole[3],« mal de Naples ». L'origine de « mal napolitain » ou « mal de Naples » viendrait de sa manifestation épidémique àNaples en 1494, apportée par des marins espagnols de l'équipage deChristophe Colomb, qui participaient à une campagne militaire deCharles VIII.
La bactérieTreponema pallidum, source de cette maladie se transmet par des rapports sexuels non protégés (vaginal, anal ou bucco-génital), par voie sanguine (transfusion ou rarement usage de matériel souillé) et par voie transplacentaire pendant la grossesse, de la mère à l'enfant. La période d'incubation est de 3 semaines à 1 mois.
La syphilis au stade primaire n'a pas toujours de signes apparents, et, lorsqu'ils existent, ils n'apparaissent en général que 3 semaines après la contamination. Il s'agit d'une lésion caractéristique des muqueuses appelée« chancre d'inoculation » (petite plaie rosée, creuse, propre, atone, à fondinduré, à l'aspect cartonné au toucher, et indolore) : il correspond au point d'entrée de la bactérie. Cette ulcération, généralement unique, se retrouve au niveau du fourreau de laverge, sur le gland, dans l'urètre (non visible), au niveau du col utérin (non visible), duvagin, de lavulve. D'autres localisations sont possibles : anus, amygdales (ce qui fait penser à une angine), lèvres, langue, etc. Cette lésion s'accompagne d'uneadénopathie importante, le plus souvent unique, mais qui peut être entourée de plusieurs autres plus petites dans la région de drainage lymphatique du chancre. Ces adénopathies sont légèrement inflammatoires et indolores. Le malade est contagieux dès l'inoculation.
Les lésions syphilitiques sont toutes extrêmement contagieuses. Le prélèvement à la recherche de la bactérie en est donc facilité.
Lésions syphilitiques dorsales lors d'une syphilis secondaire.
Ce stade secondaire apparaît trois à dix semaines après le chancre. Il perdure de 4 mois à 2-3 ans. Il correspond à une diffusion générale du tréponème dans le corps, par la voie sanguine, qui s'accompagne d'éruptions multiples sur la peau et/ou sur les muqueuses (sans démangeaison) : c'est laroséole (petites taches rose pâle sur la peau et rouges sur les muqueuses du gland, de l'anus, de la gorge, de la langue, des lèvres). Ces lésions peuvent se voir sur le torse ou le dos, mais aussi sur la paume des mains et la plante des pieds, ce qui est assez rare pour une éruption dermatologique. Les signes visibles peuvent disparaître même sans traitement, mais la syphilis reste présente dans l'organisme et transmissible
Dessyphilides sont retrouvés au niveau du visage, des paumes et des plantes, et en périorificiel. Ces petitespapules brun cuivré, polymorphes sont très contagieuses : le simple contact d'une muqueuse syphilitique ou d'une syphilide contre une peau ayant une lésion quelconque (grattage, coupure, brûlure ou autre forme de plaies) suffit à être contaminant.
La syphilis secondaire est caractérisée par son polymorphisme clinique car elle peut mimer toutes sortes de dermatoses fugaces ou persistantes (psoriasis, eczéma, lèpre, acné, lupus…) associées à unepolyadénopathie et un syndrome infectieux (fièvre céphalées), ce qui a valu à cette infection le surnom de « grande simulatrice »[4].
Le stade tertiaire de la syphilis est devenu très rare dans les pays occidentaux. Il apparaît après plusieurs années d’évolution chez des patients non traités ou insuffisamment traités, en moyenne entre 3 et 15 ans après l’apparition du chancre, avec des extrêmes allant d’un mois à 40 ans. Environ 5 à 10 % des personnes non traitées développent ce stade avancé[5].
À ce stade, la syphilis n’est plus contagieuse, mais elle peut entraîner des atteintes graves et multiviscérales. Elle peut notamment affecter le système cardiovasculaire, avec des lésions des gros vaisseaux comme l’aorte, pouvant provoquer l'insuffisance aortique, l'insuffisance cardiaque, la myocardite, ainsi que l'inflammation des vaisseaux coronaires entraînant des crises cardiaques parfois mortelles. Les atteintes ostéoarticulaires sont fréquentes, avec des dommages au squelette, des fractures spontanées et des douleurs spécifiques appelées maux perforants plantaires. Des gommes peuvent également apparaître, correspondant à des lésions tissulaires localisées dues à une infiltration monocytaire. Il s'agit de lésions tumorales ramollies et ulcérées, qui peuvent entraîner des déformations chez le patient, De telles gommes peuvent aussi affecter des organes comme le foie, le squelette et le cerveau.
Le système nerveux est souvent touché. Les patients peuvent présenter des céphalées intenses, la dysarthrie, ainsi que des douleurs lancinantes des membres ou de l’abdomen (tabès dorsalis), parfois si vives qu’elles peuvent faire penser à une urgence chirurgicale[6]. Des épisodes neurologiques transitoires comme l’aphasie, l’hémiplégie ou l’hémiparésie sont également caractéristiques.
Chez les personnes vivant avec le VIH, la syphilis tertiaire évolue plus rapidement et provoque plus souvent des complications neurologiques. De plus, elle augmente significativement le risque de transmission du VIH.
Il s’agit de la persistance du tréponème dans certains sites (œil, cerveau, aorte…). C’est une période asymptomatique qui est souvent décelée à l'occasion d'un examen sérologique de routine (prénuptial, prénatal, d'embauche…). La contagiosité est faible.
Elle peut se voir à la forme précoce ou tardive de la maladie.
Sans traitement, de 8 % à 10 % des personnes atteintes souffrent de troubles neurologiques importants dix à vingt ans après le début de la maladie. Un quart des patients non traités sont victimes d'uneméningoencéphalite (Syphilis cerebrospinalis) qui aboutit à ladémence (avec parfois une augmentation transitoire des capacités mentales et cognitives des individus contaminés) : c'est le tableauneuropsychologique anciennement connu sous le nom deparalysie générale (PG). Des changements extraordinaires dans la sensibilité ou le psychisme au cours de cette phase ont été décrits, mais ils ne sont pas constants. Une augmentation de lalibido et différentes sortes d'hallucinations ont été rapportées. Les malades peuvent aussi présenter uneataxie locomotrice combinée à desdouleurs invalidantes avec dysfonctionnements et de pertes de contrôle de lavessie et desintestins : c'est letabès syphilitique par destruction progressive des racines postérieures ou une dégénérescence des cordons postérieurs de lamoelle spinale. Des troubles circulatoires ou des lésions osseuses sont fréquents.
Grâce aux antibiotiques, de telles évolutions sont devenues rares dans les pays occidentaux.
Les formes cliniques de syphilis congénitale sont distinguées selon leur moment d'apparition :malformations acquises congénitalement ou apparaissant après la naissance. Les formesin utero (se manifestant cliniquement dès le stade fœtal) représentent 50 % des cas et sont habituellement fatales (avortement, mortin utero, décès néonatal précoce…). Laprématurité représente 25 % des cas[8]. La syphilis congénitale précoce apparait avant l'âge de 2 ans (lésions cutanées,osseuses et troubles hématologiques) avec unemortalité périnatale de 20 %[7].
Les séquelles graves chez les enfants survivants représentent 20 % des cas. La syphilis congénitale tardive apparait après l'âge de 2 ans, elle est le plus souvent asymptomatique (diagnosticsérologique), mais elle peut entraîner des séquelles[7].
En France, le dépistage de la syphilis est obligatoire en début de grossesse, et doit être répété en cas de risque élevé (prostituées, toxicomanes, infectées par le VIH, partenaires multiples…)[8].
Examen direct au microscope (microscope à fond noir) à partir d'unfrottis d'une lésion cutanée : letréponème est facilement identifiable. Une technique parPCR existe également[9], mais l'absence d'identification du germe ou de ses molécules constitutives ne permet pas d'éliminer le diagnostic[10].
Sérologies syphilitiques :VDRL peu spécifique ;TPHA etFTA sont spécifiques des tréponèmatoses dans leur ensemble mais pas de la syphilis en particulier. TPHA etFTA se positivent en général avant le VDRL et restent positifs même après traitement chez les personnesimmunocompétentes.
Depuis 2018 en France, réalisation d’un seul test des antigènes tréponémiques, spécifiques des tréponématoses : parELISA ou méthode apparentée, ouTPHA ouFTA. Ils peuvent être négatifs s'ils sont pratiqués tôt au cours d'une syphilis primaire et doivent donc être répétés une quinzaine de jours après[10]. Après traitement, dans quelques cas, les sérologies se négativisent[11].
Lapénicillineparentérale est le traitement de choix de la syphilis à tous ses stades[12]. Son efficacité a été prouvée dès le milieu des années 1940[13]. Contrairement à beaucoup de germes vis-à-vis des antibiotiques, il n'a pas été retrouvé, depuis, desouches résistantes[14].
Chez tout patient infecté, le traitement spécifique de la syphilis doit être accompagné d'une recherche d'éventuelles autres infections sexuellement transmissibles. Ses partenaires sexuels (contemporains ou anciens) doivent être pris en charge médicalement pour le dépistage et le traitement de la syphilis (ou d'une autreIST) si nécessaire.
Les instances internationales recommandent une injection unique enintramusculaire debenzathine pénicilline G (extencilline) à la dose de 2,4 millions d’unités[15]. L'injection étant particulièrement douloureuse, il est préférable d'administrer unanesthésiant dans le même temps.
Ce traitement apporte la guérison dans plus de 95 % des cas selon le site therapeutique-dermatologique.org, mais un échec clinique ou sérologique ainsi qu'une réinfestation sont possibles. Ceci justifie une surveillance clinique et sérologique[16]. Selon d'autres sites, l'efficacité de ce traitement est de 100 % et a permis l'éradication de la maladie dans de nombreuses parties du monde[17].
En cas d’allergie aux bêtalactamines on peut utiliser en seconde intention descyclines, sauf pour les enfants et les femmes enceintes chez qui ils sontcontre-indiqués[18]. Laceftriaxone est également efficace[19].
Comme de nombreuses maladies sexuellement transmissibles, la prévention s'appuie sur l'usage dupréservatif. Toutefois, l'utilisation de ladigue dentaire ou dupréservatif pourrait s'avérer insuffisante pour prévenir la transmission de la syphilis[21][source insuffisante] et doit être accompagnée d'une limitation du nombre de partenaires et de l'éviction desrapports sexuels à risque.
Même s'il existe une recherche sur desvaccins[22], aucun n'est disponible à ce jour.
AuxÉtats-Unis, de 2000 à 2018, le taux d'incidence de la syphilis a été multiplié par trois. 86 % des patients sont des hommes, homosexuels pour plus de la moitié, et infectés par le VIH pour 42 %. Une augmentation de type similaire est constatée en Europe et en Chine[25].
Plus récemment, toujours aux États-Unis, une épidémie de syphilis touche les hommes hétérosexuels et les femmes (doublement entre 2014 et 2018) ; en particulier chez les femmes utilisant des drogues injectables (méthamphétamine,héroïne…) ou partenaires sexuelles d'hommes les utilisant (multiplication par six du taux de syphilis). Chez les femmes en âge de procréer, il existe une augmentation du nombre de naissances de cas de syphilis congénitale (contamination syphilitique au cours de grossesse)[25].
EnFrance, la syphilis était une maladie à déclaration obligatoire jusqu'en juillet 2000, date à laquelle elle a été retirée de la liste en raison de sa quasi-disparition. Mais selon une enquête[26],[27] de l'Institut de veille sanitaire (InVS), la syphilis est en recrudescence enFrance depuis les années 2000. Dans ce contexte, le ministère délégué à la Santé a décidé de mettre en place une stratégie de prévention sous forme d'actions de communication et d'actions ciblées vers les populations à risque. 455 nouveaux cas de syphilis ont été dénombrés en 2006, 855 en 2012[28], et près de 1 000 en 2014[29], sachant que ce chiffre n'inclut pas le nombre de cas non déclarés. Pour l'année 2015, le syndicat des dermatologues évoque le chiffre de 4 000 à 5 000 nouveaux cas par an[30],[31], l'infection touchant très majoritairement les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes[29], groupe dans lequel on observe également une forte croissance de l'infection[32].
Iconographie dePhilippe Ricord illustrant untraité sur la syphilis chez le nouveau-né parCharles-Paul Diday.Symptôme dermatologiques de la syphilisAffiche du gouvernement américain promouvant un traitement rapide de la syphilis. « Syphilis... six sur dix guéris car ils n'ont pas attendu trop longtemps »
Une étude portant sur des ossements médiévaux[33] aurait établi qu'une forme bénigne de la syphilis existait alors en Europe, mais l'apparition d'une forme mutante virulente originaire probablement duNouveau Monde apparaît en Europe peu de temps après le retour des marins deChristophe Colomb[34].
Elle est identifiée en tant que maladie en Europe vers la fin duXVe siècle[35] et porte des noms différents selon les pays et personne ne veut en revendiquer l'origine : elle est ainsi nommée « mal de Naples », « mal des Anglais » ou encore « mal des Français ». Le nom desyphilis est utilisé pour la première fois parGirolamo Fracastoro en 1530 dans son œuvre « Syphilis sive de morbo gallico », où de manière poétique il décrit l'histoireallégorique d'un berger nomméSyphilus qui aurait été le premier à contracter la maladie pour avoir mis en colère les dieux.
Quand la maladie qui n'épargne pas les monarques commeFrançoisIer se répand en Europe, les médecins sont d'abord selon Tilles et Wallac« frappés par une sorte de sidération intellectuelle devant cette maladie nouvelle, rapidement épidémique et à laquelle ils ne comprenaient rien, préférèrent « rejeter les malades tant ils leur faisaient horreur »[36].
Durant 400 ans, les malades sont traités par des sels mercuriels, bien que la science n'ait jamais pu prouver leur efficacité en termes de guérison, et bien qu'ils soient très toxiques pour le malade.
En 1837,Philippe Ricord montre que lagonorrhée et la syphilis sont deux maladies distinctes. Et Ricord distingue en outre l'infection syphilitique primaire, des infections secondaire et tertiaire. La symptomatologie de la maladie est alors bien établie, et, avant 1870, les écrits médicaux ne donnent généralement pas une image angoissante de la syphilis. Elle pose cependant un grave problème desanté publique associée à la « propagation vénérienne » habituelle. Les médecins peinent souvent à convaincre leurs patients de traiter cette maladie dont le premier stade est peu spectaculaire. Lemercure, remède pluricentenaire reste très utilisé, avec l'iodure de potassium. Ils sont réputés capables de traiter toutes les situations, mais probablement à tort. Le mercure a sans doute tué autant que la syphilis elle-même, et il était cause de souffrances supplémentaires pour le malade et parfois son entourage.
Dans lesannées 1850, leDrJoseph-Alexandre Auzias-Turenne s'inspire du traitement de la variole pour tester un vaccin contre la syphilis[38]. Cettesyphilisation, basée sur des conceptions erronées, est un échec.
Vers 1898,Albert Neisser tente un sérum curatif : c'est encore un échec et un drame, qui ne furent pas sans conséquences réglementaires[39].
En 1905, lePrFritz Schaudinn etErich Hoffmann isolent enfin l'agent causal : le tréponème pâle, à partir dusérum d'un patient atteint d'une syphilis secondaire. L'année suivanteAugust von Wassermann,Albert Neisser et Carl Bruck mettent au point un test diagnostic. En 1913,Hideyo Noguchi démontre la présence deTreponema pallidum dans lecerveau d'un patient atteint deparalysie générale (manifestation tardive de la neurosyphilis). En 1910, le médecin ardéchoisJos Jullien rédige unEssai de pathologie rurale sur la pathologie[40].
Dans les premières années duXXe siècle, des composésarsenicaux commencent à remplacer les médicaments à base demercure. Le premier médicament véritablement efficace est mis au point en 1908 parSahachiro Hata dans le laboratoire dePaul Ehrlich. Il est commercialisé en 1910 sous le nom deSalvarsan. Délivré en injection, il connait un succès immédiat et mondial, mais il a deseffets secondaires parfois très graves. Certains malades soignés au Salvarsan rechutent. Un procès est intenté à Ehrlich afin de faire interdire le Salvarsan, sans succès. Ehrlich met alors au point le Néosalvarsan, moins efficace, mais plus facile d'administration et causant moins d'effets secondaires. Il perfectionne aussi la technique d'injection.
En 1927,Julius Wagner-Jauregg obtint leprix Nobel pour sa découverte de lamalariathérapie : le parasite dupaludisme étaitinoculé aux patients atteints de paralysie générale due à la syphilis, et la forte fièvre provoquée par la malaria améliorait l'état de certains d'entre eux[42].
Avant la découverte desantibiotiques, la syphilis pouvait entraîner la mort. Grâce à eux, elle se guérit facilement aujourd'hui. Depuis 1999, elle est pourtant en recrudescence, en France et dans la plupart des pays. Elle peut être associée à l'infection par leVIH[43] et, comme pour le VIH, le préservatif ou la connaissance du statut sérologique du partenaire stable sont les meilleurs moyens de se protéger.
La maladie semble identifiée comme telle en Europe vers la fin duXVe siècle[35]. Durant environ 450 ans elle sera continuellement traitée avec des produits hautement toxiques (mercure, cyanure), bien que leur efficacité n'ait jamais pu être démontrée. Plusieurs plantes ont aussi longtemps été utilisées : legaïac des Antilles (Guaiacum officinale etGuaiacum sanctum, la salsepareille du HondurasSmilax regelii, la salsepareille du Mexique (ou de Veracruz)Smilax aristolochiifolia, la salsepareille d'ÉquateurSmilax febrifuga, la salsepareille de ParáSmilax spruceana et la squine,Smilax china, importée de Chine.
Elle n'est pas connue avec certitude. Le médecinJean Astruc en 1755 proposait l’hypothèse que le mercure aurait été testé de manière hasardeuse, partant du principe que la syphilis était probablement uneparasitose (ce qui est proche de la réalité, lesmicrobes n'étant pas connus à cette époque), et que le mercure avait été efficacement utilisé contre des parasites par des médecins arabes[44]. Un médecin français, Anselme Jean-Baptiste Deleau a en 1826 fait sa thèse« Sur la syphilis et son traitement sans mercure »[45]. Le professeur dedermatologie,Édouard Jeanselme, auteur d'un important traité sur la maladie, en 1931, pense que le mercure a d’abord été proposé par descharlatans ou desbarbiers[46] et que ces derniers avaient peut-être obtenu un réel effet cosmétique en atténuant les symptômes cutanés de la maladie. Bien que le traitement ne guérît pas la maladie, il aurait été systématiquement utilisé par les médecins[46]. Selon O'Shea[47]Paracelse aurait été l’un des premiers utilisateurs au début duXVIe siècle d’un onguent mercuriel ; mais Astruc estimait[44] queGaspar Torella l’aurait déjà utilisé en 1497 etSébastien Aquilina dès 1498.
Dès, ce sont en tous cas le médecin génoisJean de Vigo[48] puisJacques de Béthencourt[49], le premier auteur français à décrire la maladie, qui en ont ensuite fait la promotion.
Applications des traitements mercuriels :
Ils pouvaient être appliqués en frictions des membres une à deux fois par jour et durant une semaine[50] « jusqu'à ce que les dents commencent à s'agacer »[48]. L'apparition d'unesalivation anormale (signe habituel de toxicité aiguë) était alors jugée bénéfique et supposée être un signe de l'évacuation du « virus vérolique »[48] ;
Le mercure pouvait aussi être appliqué sur la peau enemplâtres, sur lesulcérations, mais ces emplâtres provoquaient souvent des érythèmes pustuleux nécessitant l'arrêt de ce traitement[50].
Il pouvait être utilisé en lavages (dans un sublimé corrosif mélangé d’eau)[50]
Il a enfin été très utilisé enfumigation : des « parfums mercuriels » étant jetés sur des braises dans une cabine/étuve (une sorte de grande boîte en bois dite « archet» d'où ne dépassait que la tête du malade, parfois elle-même couverte) où le malade respirait les vapeurs de mercure, parfois durant 20 à 30 jours[50]. Ce traitement dégradait notamment tout l'intérieur de la bouche du malade, provoquant des « glossites mercurielles » (pouvant fortement déformer la langue[51]) avec parfois la chute des dents[50]. Certains auteurs ont attribué cette glossite à la syphilis elle-même[52].
La liqueur de van Swieten dichlorure (ancien. bichlorure) de mercure (), décrit ci-dessus, a été remplacée par le proto-iodure de mercure () depuis quePhilippe Ricord l'a préféré, avant 1857. Il était administré sous forme de pilule[53] ou de pommade. La liqueur de van Swieten était aussi mélangée à de l'eau sucrée, tisane ou lait afin d'être avalée.
Même lesnouveau-nés sont traités au mercure, en bains tièdes de sublimé, ou per os par absorption de la « liqueur de van Swieten » mélangée à du lait, voire en traitant lanourrice (onguent mercuriel appliqué sur le corps) de manière que son lait contienne du mercure. Desânesses ouchèvres produisant le lait donné aux bébés ont aussi été traités au mercure pour la même raison. Peu à peu le nombre et la forme des traitements se diversifiaient, toujours sans preuves de résultats.
L’usage du mercure s'est poursuivi bien après que H. J. Nichols a expérimentalement montré[59], en 1911, que le tréponème alors connu n'était pas sensible au mercure aux doses non toxiques pour l’humain ou le lapin.
Il faut attendre 1943, et les effets spectaculaires de la pénicilline testée par Mahoney et coll[60]. mais des médecins utilisent encore (en sus) le mercure, jusque vers 1950 au moins[61]. Son usage diminue après la découverte de la pénicilline au début desannées 1940[60], mais l'histoire du traitement de cette maladie par le mercure[50],[62] montre en effet que l’usage délétère du mercure s’est même prolongé plusieurs années après la découverte de la pénicilline qu’on a par exemple recommandée après un pré-traitement par des injections decyanure de mercure.
Les origines de la syphilis sont inconnues, et débattues depuis plus d'un siècle[63],[64]. On a longtemps cru qu'elle venait duNouveau Monde, importée dans l'Ancien lors du premier voyage deChristophe Colomb, mais cette théorie n'est plus aujourd'hui unique. Une légende voulait en effet que les conquistadors l'aient attrapé avec des femmes indigènes étant elles-mêmes contaminées par leurs époux bergers qui allaient garder deslamas, ces animaux étant selon cette légende l'espèce-réservoir du germe[65]. Actuellement des recherches archéologiques et la possibilité d'étude ostéoarchéologique non destructrice des reliques établissent que la syphilis était déjà présente dès l'Antiquité en Europe ; c'est la thèse qu'avance lasociété d'anthropologie de Paris en 1998[66].
En 1963, Hackett estime que le tréponème pâle provient d'un autre tréponème, leTreponema caracteum ayant également engendré leTreponema pallidum sub speciesendemicum également nommébejel.
Pour l'archéologue, trois des quatre tréponématoses connues (le béjel, le pian et la syphilis) produisent unesyphilis osseuse dont les séquelles osseuses sont faciles à identifier, mais ne suffisant pas à distinguer laquelle des 3 formes de la maladie était en cause[68].
Des recherches archéologiques montrent qu'une ou plusieurs formes de tréponématoses sont anciennes en Europe, par exemple présentes dans la ville grecque deMétaponte enItalie auVIe siècle av. J.-C.[69] ; la découverte àPompéi de dents présentant des cannelures, déformations caractéristiques d'enfants infectés durant la grossesse par leur mère atteinte de la maladie, paraît confirmer cette antériorité. Avant 1493, de nombreux indices européens archéologiques sont cependant incertains (confusion possible avec d'autres maladies, dont la lèpre, les syphilitiques ayant peut-être également pu être confondus avec leslépreux et regroupés dans lesléproseries[70]).
La preuve la plus marquante d'une forme de syphilis dans l'Europe médiévale a été trouvée lors des fouilles d'un monastère augustinien datant desXIIIe et XIVe siècles dans le port deKingston-upon-Hull au nord-est de l'Angleterre, avec 2/3 des squelettes présentant des déformations osseuses typiques du troisième stade de la maladie. Ces stigmates touchaient notamment les squelettes proches de l'autel, ce qui signifie que les riches donateurs du monastère, les membres de la classe privilégiée de Kingston-upon-Hull, comptaient parmi ceux touchés par la maladie. La datation au carbone confirmerait que ces squelettes ont été enterrés pendant la période active du monastère[71], ce qui s'accorde difficilement avec la théorie de l'origine américaine[72]. Kingston-upon-Hull était alors, aprèsLondres, le deuxième port le plus important d'Angleterre et une ville portuaire à vocation internationale. En 1993, les archéologues trouvent en France àCostebelle (Hyères,Var), en place dans la cavité pelvienne du squelette de sa mère[73], les restes d'unfœtus duIVe siècle portant les symptômes (lésions osseuses[74]) d'une syphilis congénitale[75],[76], ce qui a motivé un colloque international, « L'origine de la syphilis en Europe - avant ou après 1493 ? »[77]. On en trouve des indices aussi dans les anciennes colonies grecques deMétaponte et d'Héraclée (VIe – IIIe siècles av. J.-C.)[78] et en France, àLisieux (Calvados, Normandie)[79], 5 cas paléopathologiques avec indices forts d'infection osseuse à tréponèmes, dans une nécropole duBas-Empire (contemporaine de celle de Costebelle)[80].
En 2008, une étude redonne un fort crédit à l'hypothèse de l'origine américaine[86] ; montrant par l'étude génétique de différentes souches de sous-espèces deTreponema pallidum que le plus proche « parent » deTreponema pallidum sous-espècepallidum (T. pallidum pallidum) (agent de la syphilis) semble être la souche américaine deTreponema pallidum sous-espècepertenue (T. pallidum pertenue) (agent d'une tréponématose cutanée, lepian ou yaws, tréponème transmissible par simple contact cutané, donc non-vénérien). Les auteurs estiment queT. pallidum pertenue serait liée à l'espèce humaine depuis son émergence (des tréponèmes simiens sont très proches de cette souche). Il aurait migré avec lui dans le monde avec quelques mutations. Les compagnons de Christophe Colomb auraient rapporté cette souche en Europe et, lors de ce transfert sur un hôte nouveau, pour une raison inconnue, une dernière mutation aurait renforcé son pouvoir pathogène et modifié son mode de transmission. C'est alors que serait apparuT. pallidum pallidum, agent de la syphilis. Le pian peut entraîner des lésions osseuses avec déformations, ce qui ne contredit pas les précédentes constatations.
Une autre hypothèse, n'excluant pas l'origine américaine, a été proposée pour expliquer la grande virulence de l'épidémie de 1493« qui n'a rien de commun, tant dans la sévérité des symptômes que dans l'extrême gravité du pronostic, avec la syphilis actuelle »[76], et qui pourrait éventuellement être expliquée par la conjonction d'une diffusion du tréponème avec celle d'uneimmunodéficience d'origine virale à transmission également vénérienne (une sorte deSIDA ?, qui aurait pu être importé d'Afrique par les esclaves) comme le Professeur Louis André le propose en 1994[87].
Les tréponèmes sont des germes fragiles et qui se conservent mal, mais les progrès de lapaléopathologie et de lapaléomicrobiologie pourront peut-être permettre de trouver des restes d'ADN sur des fragments osseux prélevés sur des spécimens paléopathologiques (comme on l'a déjà fait pour des restes d'ADN deMycobacterium tuberculosis,Mycobacterium leprae etYersinia pestis responsables respectivement de la tuberculose, de la lèpre et de la peste)[70].
T. pallidum pourrait avoir coévolué avec les ancêtres humains. Des lésions typiques ont été trouvées dans des os humains préhistoriques et des hominidés ancestraux, indiquant une origine paléolithique de la tréponématose[88].
La condition desouvriers verriers est très dure.Lesjoues cassées conséquence du soufflage du verre, mais aussi la syphilis professionnelle des verriers (transmise par les cannes de soufflage qui passent de bouche en bouche) est déclarée accident du travail par trois jugements successifs et confirmés en appel en 1898 en France[89],[90].
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↑« LES « TRAVAILLEURS DU VERRE» Dans les verreries. Labeur et salaire. Comment Ils vivent et comment ils meurent. Odieux abus du truck system. L'exploitation de l'enfance. »,L'Humanité,, Ce n'est pas tout. À souffler le verre sans relâche, les joues de l'ouvrier se rompent, les tissus se distendent, les nerfs se brisent tous les souffleurs ont « les joues cassées. » Ce n'est rien, mais leur appareil respiratoire « se casse » aussi. L'effort du soufflage toujours très dur, meurtrier quand il faut imprimer sur le verre qui se refroidit et devient rebelle à l'empreinte, les creux profonds ou les saillies d'un moule ornementé épuise rapidement l'ouvrier, exposé de plus à de brusques changements de température au sortir du hall de soufflage le souffleur devient bronchitique.(lire en ligne)
↑Léon Bonneff et Maurice Bonneff,La vie tragique des travailleurs, Éditions de l'Atelier,, 273 p.(lire en ligne).
↑E.Vander Elst, « Baudelaire malade à Bruxelles »,Communication présentée à la Société Française d'Histoire de la Médecine,,p. 161-168(lire en ligne).
Thierry de Héry,La Méthode Curatoire de la maladie vénérienne vulgairement appelée grosse Vérole et de la diversité de ses symptômes, Paris, Arnoul L'Angelier, 1552 ; Paris, Nicolas Pepingué, 1660.
Il s'agit du premier ouvrage français sur la syphilis.
Ludwik Fleck se sert de l'histoire de la découverte de la syphilis dans une étudeépistémologique célèbre (Genèse et développement d'un fait scientifique, 1935).