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Lasuppression de laCompagnie de Jésus, ordre religieux fondé parIgnace de Loyola en1540, est prononcée par le papeClément XIV en1773.
Après avoir été expulsée duPortugal et de ses colonies en 1759, deFrance en 1763, d’Espagne et de ses colonies et duroyaume de Naples en 1767, deParme en 1768, laCompagnie de Jésus est supprimée universellement par lebref apostoliqueDominus ac Redemptor du pape Clément XIV (). Elle survivra dans les pays dont les souverains — non catholiques — interdisent la publication du bref.
La Compagnie est restaurée quelque quarante ans plus tard, en1814, par le décretSollicitudo omnium ecclesiarum.
En1640, laCompagnie de Jésus célèbre fastueusement son premier centenaire. Tout semble lui réussir : lesréformes tridentines sont entrées dans la vie de l’Église catholique, leprotestantisme ne progresse plus, le réseau de collèges en Europe est vaste et l’éducation jésuite est fort appréciée, les missions d’outre-mer se développent rapidement grâce aux efforts d’inculturation enChine, enInde, dans lesréductions d’Amérique latine, son influence est substantielle auprès des cours européennes (les jésuites sont souvent les confesseurs des princes) autant qu’àRome, le nombre de ses membres est en croissance régulière (près de 16 000 en 1640), etc. À l’occasion de ce centenaire, les jésuites desPays-Bas publient un volumineux album, l’Imago primi sæculi dont le ton, exaltant la gloire de la Compagnie de Jésus, est si triomphal que lesupérieur généralMuzio Vitelleschi en est mal à l’aise et leur envoie une mise en garde et un blâme.
Mais bientôt, à partir de la seconde moitié duXVIIe siècle, des nuages se présentent et s’amoncellent. Les controverses avec lesjansénistes deviennent rapidement acrimonieuses, et même si lejansénisme est finalement condamné, l’image des jésuites en sort ternie. Laquerelle des rites chinois aboutit à une première interdiction en1704 ; le peu de promptitude des jésuites à obéir suscite de violentes critiques. AuXVIIIe siècle, les promoteurs desLumières cherchant à déstructurer lareligion, et considérant l’Église catholique comme obstacle, s’attaquent à la Compagnie de Jésus qu’ils perçoivent comme pilier principal de l’institution religieuse.
À l’intérieur de l’Église catholique, les jésuites n’ont pas que des amis non plus. La polémique avec lesdominicains surla question de la « grâce et le libre arbitre » — qui est si virulente que lepape doit imposer le silence aux deux parties — a laissé des traces. Le ton que prennent les disputes dethéologie morale (adopter leprobabilisme ou le probabiliorisme ?), malgré les fréquents appels à la modération de langage que lancent les supérieurs généraux, donnent aux jésuites une réputation d’arrogance. Des questions d’obéissance sont également soulevées. Certains hommes d’Église se demandent sincèrement si laCompagnie de Jésus est vraiment fidèle à celle qu’avait fondée Ignace de Loyola[1].
Ledespotisme éclairé va être fatal à l'Ordre qui est successivement banni des royaumes catholiques, les papes ne s'y opposant que faiblement ou maladroitement.
C’est du pays qui le premier accueillit lesmissionnaires jésuites, lePortugal, que part la campagne anti-jésuite. Sebastião de Carvalho e Melo (plus tardmarquis de Pombal), premier ministre et homme desLumières, qui admire l’Angleterre où l’Église est entièrement sous la coupe du pouvoir souverain, estime que les jésuites ont trop d’influence à la cour. À la suite d'un attentat manqué contre le roiJosephIer, il pousse celui-ci qui informe le pape qu’il a décidé d’expulser les jésuites de tous les territoires portugais () à l’exception de ceux qui renonceraient à leurs vœux.
En, 133prêtres sont placés sur un bateau en partance pourCivitavecchia, dans lesÉtats pontificaux et en octobre, les jésuites sont déclarés« rebelles et traîtres ».
Quand l’opération est terminée, quelque 1 100 jésuites portugais expulsés du Portugal et de ses colonies sont en exil enItalie. Près de deux cents restent dans les prisons du Portugal. Les survivants, une soixantaine, ne seront libérés qu’en1777, après la mort de JosephIer.
EnFrance le processus est plus lent et, au départ, plus idéologique : les jésuites ont toujours eu quelque difficulté avec l’université et leparlement de Paris. La manière est« bienséante » : un juridisme sur fond dejansénisme,gallicanisme etencyclopédisme, obtiendra les mêmes résultats qu’auPortugal. La fidélité inconditionnelle des jésuites auSaint-Siège les rend toujours quelque peu suspects lorsqu'un pouvoir tend vers l'absolutisme.
Ce qui permet au parlement d’agir plus résolument, c’est le scandale financier causé par le pèreAntoine Lavalette, chargé de la gestion financière de la mission de laMartinique. Il est engagé dans des opérations commerciales à grande échelle entre lesCaraïbes et l’Europe — le commerce de sucre et de café — et cela malgré les interdictions réitérées de ses supérieurs religieux. Lavalette doit déclarer faillite lorsque plusieurs de ses bateaux sont capturés par descorsaires anglais. Les pertes sont considérables. Les jésuites de France refusent d’en porter la responsabilité.
Des actions légales sont introduites contre les jésuites à Marseille, Paris et ailleurs. Ils sont condamnés à rembourser les pertes de Lavalette. Le, le Parlement de Paris auquel ils ont fait appel confirme le jugement. L’attitude négative du provincial de France amplifie le scandale financier. L’existence même de la Compagnie de Jésus en France est mise en question. Certains, conduits par l’abbé de Chauvelin, croient découvrir dans lesConstitutions de l’Ordre la source même du comportement répréhensible des jésuites.Le, le parlement de Paris ordonne que les écrits de 23 jésuites, dontBellarmin,Toledo etLessius, soient bannis comme« contraires à la morale et nuisibles à la jeunesse ». Interdiction leur est faite de recevoir des novices. Dans les villes où existent d’autres écoles, les collèges jésuites doivent fermer le et ailleurs ils sont fermés en.Louis XV, favorable aux jésuites, intervient plusieurs fois, temporise et obtient quelques délais. Cela tourne au conflit politique entre le parlement et le roi. Des compromis successifs sont proposés aux jésuites, tous à tendance gallicane (pratiquement une séparation vis-à-vis de Rome), et sont rejetés comme inacceptables.
Défiant le roi, le parlement de Paris, le, déclare que la Compagnie de Jésus« nuit à l’ordre civil, viole la loi naturelle, détruit la religion et la moralité, corrompt la jeunesse » et la bannit de France. Certains parlements régionaux (comme celui deFlandre) refusent d’emboiter le pas ; la plupart temporisent. Le roi, de nouveau, obtient un délai, mais doit finalement s’incliner tout en mitigeant les mesures prises. En, Louis XV édicte ce qui devient la mesure pour toute la France : son édit royal entérine l'expulsion des Jésuites. La Compagnie de Jésus est proscrite en France, et ses biens sont confisqués. Les jésuites sont cependant autorisés à y demeurer comme « bons et fidèles sujets », sous l’autorité desévêques. Les jésuites anglais de Saint-Omer doivent également partir : ils s’installent dans lesPays-Bas méridionaux (alors autrichiens).
Si l’exécution de l’édit royal se passe moins dramatiquement qu’au Portugal les conséquences en sont tout aussi graves. L’enseignement en France est désorganisé, de nombreux jésuites ayant choisi de partir en exil. Outre-mer, les missions des jésuites français sont confiées aux pères deMissions étrangères de Paris, mais ils ne suffisent pas à la tâche. De nombreux postes sont fermés.
Une alliance de circonstance entre jansénistes,gallicans etphilosophes des Lumières a raison des jésuites. En 1761, dans une lettre àVoltaire,D’Alembert écrit :« Que la canaille janséniste nous débarrasse des polissons jésuites. Ne fais rien pour empêcher que ces araignées se dévorent les unes les autres ». En 1763 il triomphe :« Les jésuites étaient les troupes régulières et disciplinées luttant sous l’étendard de la Superstition […] Les jansénistes ne sont que des cosaques dont la Raison va vite se débarrasser maintenant qu’ils doivent se battre seuls. »
EnEspagne, la campagne anti-jésuite, qui se nourrissait de l’exemple du pays voisin, le Portugal, accuse les jésuites d'être à l'origine de la rébellion des Indiens lors de laguerre des Guaranis (dont le filmMission deRoland Joffé retracera l'odyssée en 1986). Elle exploite aussi des troubles sociaux qui éclatent àMadrid, et particulièrement la révolte populaire contre le SicilienLeopoldo de Gregorio, marquis d'Esquilache et ministre des Finances, qui tente d’imposer aux Madrilènes des mesures vestimentaires impopulaires : ce que l’on appelle larévolte contre Esquilache (1766). Les émeutes sont si graves queCharles III doit éloigner son ministre.
Le nouveau ministre des Finances,Pedro Rodríguez de Campomanes,régalien déterminé et admirateur de Pombal, convainc sans difficulté le roi que les instigateurs de la révolte sont lesjésuites,« membres d’une organisation supranationale qui est une menace pour l’Espagne ». Même si le rapport de la commission secrète d’enquête sur les émeutes ne mentionne pas les jésuites, des partis intéressés font courir le bruit que, voyant leur pouvoir s’effriter au Portugal et en France les jésuites ont tenté de renverser la couronne en Espagne et de soumettre le pays au Saint-Siège. La conclusion est claire : ou bien on déracine la Compagnie de Jésus ou l’Espagne succombe.Bernardo Tanucci, deNaples, exhorte le roi à suivre les« brillants exemples du Portugal et de la France ». Même si, début, il donne encore son accord au départ de 40 jésuites pour les missions d’Amérique latine, Charles III penche en faveur des arguments régaliens.
Tout se passe dans le plus grand secret. Le, leconseil de Castille décide que les jésuites doivent être expulsés d’Espagne et leurs biens confisqués. Les raisons avancées sont familières : cupidité et avarice, corruption de la jeunesse (exaltation du Saint-Siège comme pouvoir suprême, au détriment du roi), et incitation à la révolte contre la couronne. Le conseil du roi approuve la décision le, suggérant de plus que Charles III ajoute dans son décret qu’il« garde en son cœur certaines autres raisons de sa décision ». Le roi signe le décret (secret) debannissement le.
L’exécution de l’ordre se fait avec brutalité. Le, des copies du décret sont envoyées sousscellés aux autorités municipales des villes où se trouvent collèges etrésidences jésuites. Les scellés ne peuvent être brisés qu’au milieu de la nuit du au, dans chacune des maisons jésuites : le décret doit être lu devant les jésuites rassemblés dans le réfectoire de leur maison. Instruction est donnée de faire quitter immédiatement les lieux, autorisant les pères à n’emporter que leurbréviaire et quelques objets de première nécessité. Deux jours plus tard près de 2 700 jésuites sont sur les routes, dirigés vers les divers ports d’Espagne et l’exil. Craignant une réaction populaire Charles III décrète que toute démonstration en faveur de jésuites serait considérée comme un acte de« haute trahison ».
Dans l’année qui suit, 2 300 jésuites venant duMexique, des colonies d’Amérique du Sud et desPhilippines sont ramenés en Europe. Le problème de ces réfugiés est considérable. Pour des raisons dedroit international,Clément XIII refuse de les laisser débarquer àCivitavecchia (port principal desÉtats pontificaux). Après plusieurs mois passés sur des bateaux surpeuplés, ils sont autorisés à ancrer àBastia, enCorse. En 1768 arrivent les centaines d’exilés d’Amérique latine.Joseph Pignatelli, nommé supérieur religieux de ce large groupe, organise tant bien que mal une vie religieuse régulière pour ses compagnons.
Comme au Portugal, ce coup porté à la Compagnie de Jésus n’est qu’un prélude à ce qui est l'objectif véritable : l’Église de Rome. La même année Charles III décrète que tous les documents pontificaux,bulles,brefs et édits destinés au royaume d’Espagne doivent être soumis au conseil de Castille avant d’être promulgués en Espagne[2]. En fait, la correspondance triomphale entre les « esprits éclairés » de l’époque révèle le dessein ultime. AinsiManuel de Roda écrit auduc de Choiseul :« Nous avons tué le fils. Il nous reste maintenant à faire de même avec la mère, notre Sainte Église romaine »[3].

Leroyaume de Naples et leroyaume de Sicile ont pour souverainFerdinand d'Espagne, (Ferdinand IV pour Naples, Ferdinand III pour la Sicile), fils cadet deCharles III d'Espagne, âgé de 16 ans. Une campagne publique de propagande anti-jésuite suivie de la création d’une « commission des abus » qui ressasse sans preuve les traditionnelles accusations obtiennent l’effet escompté. Le Premier ministre,Bernardo Tanucci, persuade Ferdinand qu’il convient de suivre l’exemple de son père.
Le, les troupes encerclent les maisons jésuites de Naples. Les jésuites sont emmenésmanu militari et débarqués àTerracina, port des États pontificaux. Un tiers choisit de quitter la Compagnie plutôt que de partir en exil. La même opération a lieu enSicile peu après.
Un autre État bourbon — le plus petit d’entre eux — leduché de Parme agit de même. Dans la nuit du 7 au, les jésuites sont arrêtés et conduits à la frontière, cette fois sur la route deBologne. Comme ailleurs le but est d’asseoir la suprématie de l’État sur l’Église. Et les jésuites sont un obstacle :Guillaume Du Tillot ne s’en cache pas. Sous la pression deBernardo Tanucci, ministre de Naples,Manoel Pinto da Fonseca, Grand-Maitre de l'Ordre hospitalier, fait de même àMalte : les Jésuites en sont expulsés en 1768.
Devant cette montée de la vague anti-jésuite, prélude aux attaques plus directes contre l’Église et lareligion même, les papes ne restent pas indifférents, même s’ils sont lents à percevoir les dangers ultimes. Face à Pombal qui réclame impérativement« la fin de la désobéissance des jésuites »,Benoît XIV, âgé et malade, est d’abord attentiste. Quelques mois avant sa mort en1758, il ordonne une visite canonique des jésuites au Portugal, dont son successeur ne recevra jamais aucun rapport.
La même année (en)Lorenzo Ricci est élusupérieur général de la Compagnie de Jésus. Religieux intègre et intellectuellement très respecté, il reconnaît que« la haine que rencontre la Compagnie en certaines régions vient en partie de l'arrogance des écrits de certains des nôtres ». Il manque cependant d’expérience de gouvernement. Durant ces années de crise ses réactions consistent à envoyer à ses confrères des exhortations« au courage, à la patience et à la prière ». Il s’en remet entièrement au Saint-Siège.
Clément XIII,pape de 1758 à 1769, défend vigoureusement la Compagnie de Jésus. Il intervient une cinquantaine de fois durant la crise française pour empêcher l’expulsion des jésuites du royaume. En 1765, par sorte de bravade, il ose même donner une nouvelle approbation publique et universelle de l'Ordre religieux, par la bulleApostolicum pascendi munus. Par ailleurs, il refuse les compromisgallicans qui leur sont proposés. Lorsque les jésuites sont expulsés d’Espagne en 1767, il exprime son sentiment profond dans une lettre àCharles III d'Espagne :
« De tous les malheurs que nous avons personnellement connus aucun n’a autant blessé notre cœur paternel que la décision prise par votre Majesté d’expulser les jésuites de son royaume […] Nous témoignons devant Dieu et les hommes que la Compagnie — comme groupe —, son Institut et son esprit, est sans faute. Non seulement sans faute, mais pieuse, utile et sainte dans ses objectifs comme dans ses règles et principes »
— Clément XIII, source : Louis von Pastor,Histoire des papes, vol. XXVII, p. 152-154
Le prestige de lapapauté est au plus bas. Le pape n’est plus écouté, pas même par les souverains qui se disent catholiques. Les exigences de ceux-ci vont plus loin. Vers la fin desannées 1760 les Bourbons commencent à faire pression sur le pape pour qu’il supprime la Compagnie de Jésus. Les ambassadeurs à Rome reçoivent des instructions : Leduc de Choiseul écrit à l’ambassadeur de France auprès du pape :« Si le pape était prudent, éclairé et ferme il arriverait à la décision de supprimer définitivement la Compagnie… » En1768, l’annulation papale d’ordonnances prises par leduché de Parme en contradiction des droits de l’Église donne à Choiseul l’occasion de consolider lepacte familial des Bourbons : il se dit offusqué et estime intolérable que l’un d’eux subisse des insultes en toute impunité. La pression monte sur Clément XIII qui reste ferme jusqu’à la fin de sa vie.
Auconclave qui suit la mort deClément XIII () la question jésuite empoisonne l’atmosphère et oriente les délibérations.Lorenzo Ganganelli, uncardinal,franciscainconventuel, dont l’opinion à ce sujet reste intentionnellement ambiguë est élu () : il prend le nom deClément XIV. Pendant quatre ans, de 1769 à 1773, il subit des pressions politico-religieuses de plus en plus fortes et savamment orchestrées ayant pour objectif d'obtenir de lui la suppression des jésuites. L’ambassadeur de France, lecardinal de Bernis, joue le rôle de l’ami conciliateur, tandis que celui d’Espagne lefranc-maçonJosé Monino fait du chantage brutal, menaçant unschisme espagnol à la manière anglaise. Malgré une promesse écrite faite en1769 à Charles III, Clément XIV tergiverse, prenant des mesures de plus en plus vexatoires contre les jésuites et désirant ainsi attester de sa sincérité : refus de recevoir lesupérieur général, contrôle financier duCollège romain, interdiction aux jésuites d’entendre lesconfessions à Rome, etc.
Le dernier espoir de Clément XIV disparait lorsqu’il apprend que la cour de Vienne, seule autre grande puissance catholique, a fait savoir à Charles III, au début 1773, qu’elle ne s’opposerait pas au programme des Bourbons. Les frictions avec les grandes cours d’Europe sont à éviter alors que l’impératriceMarie-Thérèse cherche à marier ses nombreuses filles (dontMarie-Antoinette).
L’ambassadeur espagnol se fait plus pressant. Il a un texte prêt à être signé. Âgé et malade, Clément XIV cède. Le, il signe le brefDominus ac Redemptor qui supprime la Compagnie de Jésus dans le monde entier. La promulgation se fait le. Après avoir signé il aurait dit :« Je me suis tranché la main droite ». Les maisons et églises jésuites de Rome sont immédiatement fermées avant d’être confiées à d’autres religieux. Le supérieur général, bien qu’acceptant la décision n’en est pas moins arrêté et incarcéré auchâteau Saint-Ange, prison des États pontificaux. Un décretGravissimis ex causis crée une commission qui est chargée d’informer les évêques : ils doivent chacun promulguer le décret dans leur diocèse, et veiller aux aspects juridiques et pratiques du bref de suppression. Les jésuites sont 23 000 en1773.

Clément XIV meurt un an plus tard, le, nerveusement miné et dans la crainte permanente d’être empoisonné. Malade et prisonnier,Lorenzo Ricci meurt à Saint-Ange le. Peu avant de mourir, il atteste sur l’Eucharistie :« Je déclare et proteste que je n’ai donné aucun sujet, même le plus léger, à mon emprisonnement (…) Je fais cette seconde protestation seulement parce qu’elle est nécessaire à la réputation de la Compagnie de Jésus éteinte, dont j’étais le supérieur général »[4].
Les communautés et collèges jésuites survivent enPrusse et dans la partie polonaise de l’Empire russe, dont les souverains - plutôt hostiles au catholicisme - interdisent aux évêques de promulguer le bref pontifical[5]
Après les guerres napoléoniennes, le climat politique a changé, les princes sont devenus contre révolutionnaires et le catholicisme organisé une garantie et un appui. Au reste les monarques qui avaient expulsé les jésuites ne sont plus au pouvoir et le papePie VII procède à la restauration universelle de la Compagnie en promulguant le décretSollicitudo omnium ecclesiarum ().
Lorsque la Compagnie est dissoute en 1773, il y avait 23 000 jésuites dans le monde, répartis dans 39 provinces. La Compagnie avait alors 800 résidences, 700 collèges (avec une équipe enseignante de 15 000 personnes) et 300missions[6]. Durant ces quarante années de suppression, la Compagnie a perdu 90 % de ses effectifs. En 1814, les jésuites ne sont plus que 2 000. Il faudra une quinzaine d'années pour que se rétablisse leur situation, en particulier sous la direction du supérieur généralJean-Philippe Roothaan, surnommé le « second fondateur de la Compagnie de Jésus ».