
L'ionsuperoxyde, noté O2•− ou O2− (la deuxième écriture ne fait pas apparaître explicitement le caractèreradicalaire) est issu de laréduction monoélectronique dudioxygène (O2)[1]. L'ion superoxyde estparamagnétique.
Des sels de l'ion superoxyde tels que le superoxyde depotassium (KO2) se forment naturellement par réaction directe du dioxygène avec certainsmétaux.
Le superoxyde estthermodynamiquement instable, quel que soit lepH, par rapport à sadismutation enperoxyde d'hydrogène H2O2 et endioxygène O2. La réaction de dismutation nécessite desprotons (H+).
Donc, auxpH élevés (faible concentration de H+), c'est-à-dire avec une grande concentration de HO− par rapport à la concentration des ions Hydrogène H+, les solutions contenant l'ion superoxyde peuvent avoir une certaine stabilitécinétique.
En revanche, l'ion superoxyde est stable en solution organique anhydre.
L'ion superoxyde est uneespèce réactive oxygénée (nom scientifique des « radicaux libres »).C'est un déchet métaboliquetoxique mais naturellement produit dans toutes les cellules des êtres vivants respirant le dioxygène, en particulier au sein desmitochondries (où ce superoxyde est probablement surtout produit par le complexe I et le complexe III), ainsi que par plusieurs autres enzymes, par exemple laxanthine oxydase[2].
Bien qu'instable ensolution aqueuse, saconcentration stationnaire serait trop élevée pour la vie cellulaire sans un bon système de protection : l'enzymesuperoxyde dismutase. Cette enzyme protectrice est produite par presque tous les organismes vivants connus en présence d'oxygène ; il en existe plusieurs variantes (isoformes). Ellecatalyse très efficacement la neutralisation du superoxyde, presque aussi vite que sa capacité à se diffuser spontanément en solution.
D'autres protéines pouvant être à la fois oxydées et réduites par le superoxyde présentent une faible activité de type SOD ; c'est par exemple le cas de l'hémoglobine). L'inactivation génétique («knock-out») de l'enzyme SOD chez desanimaux de laboratoire produit desphénotypes délétères chez des organismes aussi différents que des bactéries et des mammifères. Elle a fourni de précieux indices pour mieux comprendre les mécanismes de toxicité du superoxydein vivo.
Lesystème immunitaire utilise la toxicité de cet ion pour tuer nombre de microorganismes aérobies infectieux ou envahissants : lesphagocytes produisent du superoxyde en quantité via l'enzymeNADPH oxydase et l'utilisent pour détruire les agents pathogènes phagocytés.
Les mutations dans le gène codant la NADPH oxydase provoquent un syndrome d'immunodéficience ditGranulomatose septique, maladie caractérisée par une susceptibilité extrême auxinfections, en particulier par des organismes positifs à lacatalase.De même des microorganismesgénétiquement modifiés pour ne pas synthétiser lasuperoxyde dismutase (SOD) perdent leurvirulence.
Sa toxicité intrinsèque a plusieurs causes :

L'absence de SOD cytosolique augmente spectaculairement lamutagenèse et l'instabilité génomique. Les souris dépourvues de SOD mitochondriale (MnSOD) meurent en moyenne 21 jours après la naissance en raison de phénomènes deneurodégénérescence,cardiomyopathies et/ouacidose lactique[2].
Les souris dépourvues de SOD cytosolique (CuZnSOD) sont viables mais souffrent de pathologies multiples dont cancer du foie, atrophie musculaire, cataractes, involution thymique, anémie hémolytique et déclin très rapide de la fertilité chez la femelle, avec l'âge, qui induisent une moindre durée de vie[2].
Le superoxyde est la source ou l'une des sources (pathogenèse) de nombreuses maladies (notamment liées à l'empoisonnement par rayonnement et blessures hyperoxiques), et il semble impliqué dans le vieillissement par dommages oxydatifs infligés aux cellules. Son rôle dans la pathogenèse de certaines maladies est fort (par exemple, les souris et les rats surexprimant CuZnSOD ou MnSOD sont plus résistants auxaccidents vasculaires cérébraux et auxinfarctus du myocarde), cependant son rôle dans levieillissement n'est pas encore clair ni même prouvé. Chez des organismes modèles (ex :levure,drosophile ousouris), la suppression génétique de CuZnSOD réduit l'espérance de vie et accélère certaines caractéristiques du vieillissement (cataractes,atrophie musculaire,dégénérescence maculaire,involution thymique), mais inversement une augmentation des niveaux de CuZnSOD, ne semble pas (sauf peut-être chezDrosophila) augmenter constamment la durée de vie[2].On suppose en général que les dommages oxydatifs (dont le superoxyde n'est qu'une des nombreuses causes possibles) ne sont qu'une partie des facteurs limitant la durée de vie.
Remarque : Les organismes anaérobies y sont moins sensibles. Ainsi une levure dépourvue de SOD mitochondriale et cytosolique se développe très mal dans l'air, mais assez bien dans un milieu anoxique.
La première étape de l'activation de O2 par les complexes fer-porphyrine implique une liaison avec l'ion Fe (II).Les tentatives initiales de préparation de cesadduits Fe-O2 1:1 ont rencontré des difficultés en raison de la propension de ces premiers modèles à subir une auto-oxydation via des intermédiaires (μ-η1: η1-peroxo) diiron.Mais des travaux récents ont apporté de nouvelles idées et la présence de superoxyde a pu être confirmée par plusieurs moyens, dont la spectroscopie à rayons X, à rayons L ou par laspectroscopie Mössbauer[3].
Il est rendu très difficile par la haute réactivité du superoxyde en présence d'autres molécules et par sa très courte demi-vie dans la cellule[4].
Un moyen détourné est de convertir le superoxyde, dès qu'il se forme, enperoxyde d'hydrogène, qui est assez stable pour laisser le temps de le quantifier par exemple par une méthodefluorimétrique[4].Comme radical libre, le superoxyde a un « signal RPE » fort. Il est donc possible de le détecter ainsi, mais uniquement quand il est significativement présent. Or en raison de ses effets, il est intéressant de pouvoir le mesurer aux très faibles doses. En outre, cette mesure nécessite aujourd'hui des conditions non physiologiques dont un pH élevé (qui ralentit la dismutation spontanée). Des outils de type "pièges à spin" sont en développement. Ils peuvent réagir avec le superoxyde, formant un radical méta-stable (demi-vie de 1 à 15 minutes) plus facilement détectable parRésonance paramagnétique électronique (RPE). Le piégeage a d'abord été réalisé avec du DMPO, mais plus récemment des dérivés de phosphore (ex : DEPPMPO, DIPPMPO) ont amélioré la demi-vie du radical, et sont plus largement utilisés.
Des chercheurs de l'UCL ont réussi chez l'animal de laboratoire à bloquer des métastases de deux types de cancers (mélanome etcancer du sein), simplement en inactivant le superoxyde par des molécules existantes, en cours de tests de phase 2 pour traiter lamaladie de Parkinson ou l'hépatite C (et qui n'ont pas montré de toxicité pour l'homme). Ils ouvrent une nouvelle piste de traitement, encore à tester chez l'Homme[5].