LeSundaland (également francisé sous le nom de Sondeland) est un ensemble biogéographique du sud de l'Écozoneindomalaise, comptant entre autres laPéninsule Malaise et une partie desGrandes îles de la Sonde. Il est défini parConservation International comme unpoint chaud de biodiversité.
Le Sundaland se compose de lapéninsule Malaise (Provinces thaïlandaises deNarathiwat, dePattani et deYala,Malaisie péninsulaire,Singapour),Bornéo (incluant les États malais deSabah et deSarawak, ainsi que les provinces indonésiennes deKalimantan et leSultanat de Brunei),Sumatra,Java dontMadura,Bali. Ainsi que plusieurs petits archipels et îles alentour :îles Riau (Malaisie),îles Bangka Belitung,îles Mentawai,Enggano etNias (Indonésie),îles Nicobar (Inde)[1]. Cet ensemble biogéographique forme un territoire de 1 501 063 km² incluant donc certaines des plus grandes îles du monde dont les plus grandes d'Insulinde : Bornéo (725 000 km² - la3e plus grande île du monde, partagée entre Indonésie, Malaisie et Brunei) et Sumatra (473 481 km² -6e du monde), ainsi que Java (138 794 km² -12e du monde,4e en Indonésie).
Le Sundaland possède une histoire géologique complexe. En effet la région est incluse dans un espace beaucoup plus grand appeléSunda (également appelé la Sonde), qui forme une masse continentale incluant donc l'Asie du sud-est continentale ainsi que Bornéo, Java, Sumatra et Bali. Ces îles ont constamment été séparées ou reliées de l'Asie continentale à travers la montée ou la baisse duniveau de la mer imputée aux glaciations duPléistocène. Raison pour laquelle la faune et - dans une moindre mesure - la flore sont très similaires à ce que l'on trouve en Asie du sud-est continentale : tigres, rhinocéros, primates, etc. Plus au sud, laligne Wallace, nommée d'après le naturalisteAlfred Russel Wallace sépare l'écozone indomalaise avec l'écozone australasienne, formant une zone tampon, biologiquement mixte, appeléeWallacea.
Il suffit d'une baisse du niveau de la mer de 50 mètres pour que les actuelles îles de Sumatra, Java et Kalimantan soient joignables par voie terrestre depuis le continent asiatique[2]. La liaison entre Kalimantan, Java, Sumatra et la péninsule malaise semble avoir été constante de 85 000 ans à 11 000 ansavant le présent (sauf pour Kalimantan, isolée vers 70 000 ans avant le présent)[2]. La surface du Sundaland a doublé il y a 30 000 ans, jusqu'audernier maximum glaciaire, soit il y a 21 000 ans environ[2]. Après ledernier maximum glaciaire, la fonte des glaces entraîne une remontée du niveau de la mer et par conséquent un remodelage géographique.
Cetteinsularisation progressive a eu également un rôle important pour les populations humaines. Deux théories s'affrontent.
La première théorie suppose qu'il y a environ 4 000 ans, des migrations de peupladesaustronésiennes ont eu lieu deTaïwan vers les Philippines. De nouvelles migrations commencent bientôt des Philippines versSulawesi etTimor et de là, vers les autres îles de l'archipel indonésien.
Une autre étude menée par l'Université de Leeds et publiée dans la revueMolecular Biology and Evolution suppose, à travers une étude duchromosome mitochondrial, qu'il y aurait un héritage paternel dans la majorité des habitants d'Indonésie et d'Océanie provenant de populations établies dans la région depuis le Pléistocène (c'est-à-dire il y a plus de 10 000 ans avant le présent, donc antérieurement aux migrations austronésiennes). Cette étude montre par ailleurs un apport génétique chez les Indonésiens en provenance du nord (Philippines et Taïwan) associé à des populations d'agriculteurs, donc datant duNéolithique.
Située entre les10e parallèles nord etsud et traversé de part en part par l'équateur une grande partie de la région possède unclimat équatorial, caractérisé par une température moyenne de 26,9 °C toute l'année et des précipitations abondantes et régulières (voire quotidiennes), ainsi que des zones auclimat de mousson tropicale - à Java notamment - avec des saisons sèches et humides plus marquées. Les précipitations vont de 1665 mm/an àJakarta à plus de 4290 mm/an àPadang (Sumatra - Indonésie), avec une moyenne sur l'ensemble de la zone de 2500 mm/an. Avec la combinaison de différents mouvements demoussons on observe des variations - plus ou moins importantes des précipitations - avec une baisse en fin d'hiver (janvier, février, mars) et en été (juin, juillet, août), qui reste très variable selon la localisation. De ce fait la végétation est composé majoritairement deforêts tropicales de plaines ou demontagnes, demangroves, ainsi que deforêts tropicales de tourbières (à Sumatra et Bornéo surtout). Les zones de haute altitude comportent également desprairies alpines et desforêts de conifères[3]. Situé intégralement le long de laCeinture de feu du Pacifique ce point chaud est donc très actif avec des séismes fréquents (comme celui du26 décembre 2004 qui tua pour la seule Indonésie près de 166 320 personnes ), mais également de très nombreux volcans parmi les plus actifs du monde. Les éruptions des volcansToba,Krakatoa ouTambora furent parmi les plus dévastatrices de l'Histoire de l'humanité, alors que leMerapi est entré en éruption en 2010, soit pour la49e fois depuis 1548. La plupart de ces volcans sont situés à Sumatra et Java car ces deux îles sont en bordure de laPlaque de la Sonde, qui est une zone desubduction (donc une zone sismique) de laPlaque australienne[4]. La Péninsule malaise et Bornéo étant situés au cœur de cette plaque tectonique, sont très peu touchés par les séismes et ne possèdent aucun volcan important. La zone est donc très montagneuse, avec de nombreux pics (principalement volcaniques) dépassant les 3000 m: leMont Kerinci à Sumatra (3800 m), une dizaine de volcans à Java de plus de 3000 m dont leMont Semeru (3676 m) ainsi que leMont Agung à Bali (3142 m). Paradoxalement le site le élevé de ce point chaud n'est pas un volcan mais unmassif plutonique, leMont Kinabalu situé sur laChaîne Crocker àSabah (Malaisie orientale) culmine en effet à 4095 m d'altitude, ce qui en fait la montagne la plus élevée de Malaisie et de Bornéo, ainsi que le point le plus haut sur un rayon de plus de 2500 km entre leHkakabo Razi (5881 m - Birmanie) et lePuncak Jaya (4884 m -Papouasie occidentale, Indonésie).
La liste des écoregions du Sundaland selonWWF:
En tant quepoint chaud de biodiversité, le Sundaland est extrêmement riche enespècesanimales etvégétales. Il est composé de deuxpays mégadivers que sont laMalaisie et l'Indonésie et entouré en plus par trois autres points chauds de biodiversité :Philippines,Indo-Burma (Asie du sud-est continentale) etWallacea (Sulawesi,Moluques,Petites îles de la Sonde)[5]. Il forme donc un carrefour biologique d'une très grande importance et d'une immense richesse.
La diversité végétale est l'une des plus élevées de la planète avec quelque 25 000 espèces de plantes dont près de 15 000 sont présentes nulle part ailleurs soit 60 % d'endémisme. On retrouve entre autres une famille endémique (lesScyphostegiaceae avec une unique espèceScyphostegia borneensis propre à Bornéo) et 117 genres endémiques : 59 à Bornéo, 17 à Sumatra et 41 en Péninsule malaise. Bornéo, plus que les autres espaces du Sundaland, possède une diversité énorme. On y trouve près de 3 000 espèces d'arbres, incluant 265 espèces deDipterocarpaceae (l'essence dominante dans les forêts tropicales asiatiques) dont 155 endémiques. Sumatra possède une douzaine d'espèces de Dipterocarpaceae endémiques sur une centaine d'espèces. On trouve également une abondance depalmiers:Cyrtostachys,Nypa,Myrialepis,Calamus, etc. C'est également dans le Sundaland que l'on trouve les deux plus grandes fleurs de la planète: laRafflesia arnoldii qui est la plus grande fleur unique du monde et l'Amorphophallus titanum, qui est une fleur composée, présent respectivement sur Bornéo et Sumatra. On compte également plus de 3 000 espèces d'orchidées :Vanda,Phalaenopsis,Paphiopedilum,Dendrobium,Coelogyne,Bulbophyllum, etc. La forte variation d'altitude permet la naissance d'une végétation isolée du reste des forêts tropicales de plaines. C'est le cas des forêts de conifères avec comme essence dominante lePin de Sumatra (Pinus merkusii). Autour du Mont Kinabalu la végétation varie fortement via l'altitude avec des forêts de brouillards puis des forêts de bruyères d'altitude incluant une abondance denépenthes, d'ericaceae, derhododendrons, detheaceae, defougères, etc.
La diversité animale est également énorme.
Parmi ces espèces plusieurs sont gravement menacées comme lesorangs-outans, leNasique, leRhinocéros de Java ainsi que le Tigre dont deux des quatre sous-espèces présentes dans ce point chaud ont disparu : à savoir leTigre de Java et deBali. On ne trouve plus que leTigre de Sumatra et deMalaisie, tous deux gravement menacés.
La plus grande menace de cette région est de loin ladéforestation. Ce problème est aussi récent qu'intense. Le bois (teck,ébène, etc.) est utilisé pour la mobilier et le papier avec une très forte demande étrangère (États-Unis, Europe, Japon, Chine) alors que dans le Sundaland les terrains ainsi défrichés sont utilisés pour les cultures de l'hévéa (Malaisie1er producteur mondial), duPalmier à huile (Indonésie1er producteur mondial), ainsi que divers autres cultures incluant des essences utilisées pour la pâte à papier comme l'eucalyptus.
On estime que l'Indonésie aurait perdu 30,8 % de sesforêts primaires entre 1990 et 2005[9], et que depuis les années 1990 ce pays représente en termes de surfaces 16 % des zones déboisées dans le monde[10]. La Malaisie a perdu 6,6 % de ses forêts primaires pour la même période[11].
Si laMalaisie possède des programmes deprotection de l'environnement relativement efficaces, l'Indonésie reste un pays très corrompu (100e sur 182 pays, selonTransparency International[12]) avec de nombreux problèmes de déforestation au sein même des parcs nationaux, comme le Bukit Barisan Selatan National Park ou le Gunung Palung National Park. Le programme indonésien dit de « transmigration » instauré pendant lapériode coloniale, puis continué sousSoekarno, consiste à déplacer des populations de Java ou Bali qui sont des zones particulièrement surpeuplées pour les envoyer dans d'autres îles indonésiennes comme Sumatra, Bornéo, laPapouasie occidentale ou Sulawesi, augmentant ainsi la pression anthropique dans ces régions. La déforestation en plus rend les forêts plus éparses laissant apparaître des trouées où la végétation plus sèche s'embrase facilement, détruisant un peu plus les forêts primaires.
En 1997[13] après des périodes de sécheresse les feux de forêts ont détruit plus de 30 000 hectares àKalimantan et 15 000 à Sumatra.
Plus insidieusement lebraconnage reste un problème préoccupant. Lestigres et lesrhinocéros sont fortement chassés, car leur peau, corne et divers organes sont utilisés dans lapharmacopée chinoise. Mais c'est également le cas d'autres animaux capturés par milliers tels que lesours malais, lestortues, lespangolins, geckos, singes, etc. L’Indonésie est l'un des premiers pays producteurs de peaux de serpents, dont le rarePython réticulé. La plupart des espèces de tortues du Sundaland sont en déclin, car exportées massivement en Asie orientale pour l'alimentation, la médecine ou l'artisanat. Les quelque 700 espèces d'oiseaux de la région, dont beaucoup sont très colorés, représentent un marché énorme pour les oiseaux de cage, menant certaines espèces telles que l'Étourneau de Bali à la quasi-disparition.
De plus la densité humaine est élevée avec 153 habitants/km². Cela représente environ 230 millions de personnes incluant entre autres toute la population malaise (28 250 000 d'habitants), ainsi que la plus grande partie de la population indonésienne. Java avec 132 941 000 d'habitants est de loin l'île la plus peuplée du monde (Seule, elle serait le dixième pays le plus peuplé du monde, plus que leJapon, et, avec plus de 1 000 habitants/km², c'est l'une des îles le plus densément peuplées au monde). Sumatra et Bornéo sont respectivement4e et11e.
Sur 1,5 million de km², seuls 700 000 km2 de forêts persistent et seulement 100 000 km2 sont considérés comme à peu près intacts, principalement dans les régions montagneuses de la Péninsule malaise, de Sumatra et Bornéo[14].
Dans l'ensemble de la région, 179 723 km2 sont protégés (soit 12 % de la zone) mais seuls 77,408 km2 (5,2 % du hotspot) font partie des catégories I à IV de l'UICN (c'est-à-dire les catégories qui possèdent la plus forte protection). De plus les zones les plus protégées se concentrent surtout en montagnes, privant ainsi les forêts tropicales de plaines d'une protection réellement efficace. Il apparaît aussi qu'il y a sur l'étendue de ce territoire des degrés très divers en matières de protection : certains parcs comme leParc national du Kinabalu à Sabah,Parc national Gunung Gede Pangrango à Java ou encore leSanctuaire faunique de Hala Bala en Thaïlande possèdent une protection efficace, alors que d'autres tels que leParc national de Kutai, à Kalimantan a été, entre les feux de forêt, la sécheresse et le déboisement illégal, en grande partie détruit. Pour assurer une protection réelle il est nécessaire comme dans beaucoup de pays en développement d'influer sur les populations locales à travers l'éducation notamment.
À Bornéo les réserves transfrontalières sont un bon moyen de coopération internationale entre la Malaisie et l'Indonésie avec par exemple leSanctuaire faunique de Lanjak-Entimau et leParc National Batang Ai au Sarawak qui sont contigus avec les Réserves deGunung Bentuang et deKarimun au Kalimantan. Il existe également des réserves de ce genre entre la Thaïlande et la Malaisie.
Le Sultanat de Brunei, avec ses immenses réserves de combustibles fossiles off-shore, n'a pratiquement pas eu à développer la sylviculture ou l'agriculture, de ce fait près il reste environ 80 % de zones boisées dont 60 % sont intactes. De plus, le gouvernement limite strictement la coupe de bois, et interdit son exportation. De ce fait, une grande partie du territoire est constitué de réserves naturelles dont leParc national Ulu Temburong[15].
Une initiative importante est également l'extension de réserves naturelles déjà existantes. En 2004 le gouvernement indonésien en association avec leCEPF (Critical Ecosystem Partnership Fund - "Groupe de travail du fonds multi-bailleurs pour les écosystèmes en danger critique" en français) a prévu la création de 12 nouvelles zones protégées donc le corridor de Tesso Nilo-Bukit Tiga Puluh reliant quatre réserves naturelles entre elles dans le centre de Sumatra créant ainsi une zone protégée de 3 millions d'hectares[16].
Le gouvernement indonésien s'est aussi engagé dans une gestion durable des forêts et la transformation des anciennes zones de sylviculture en zones protégées. Avec le très grand étirement géographique et culturel de l'Indonésie il est nécessaire que les initiatives viennent également des gouvernements locaux, comme avec la création en 2004 duParc national de Batang Gadis dans le nord de Sumatra. Le rôle des ONG telles queBirdLife International, WWF ou encore Conservation International est également très important[17].