Surnom | Sonny Blount, Sun Ra |
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Nom de naissance | Herman Poole Blount (ou Herman Lee) |
Naissance | [1] Birmingham (Alabama) ![]() |
Décès | (à 79 ans) Birmingham (Alabama) ![]() |
Activité principale | Dirigeant duSun Ra Arkestra, compositeur |
Genre musical | Jazz,free jazz,jazz fusion,bebop |
Instruments | Piano,orgue Hammond,orgue,Minimoog,célesta,synthétiseurs |
Années actives | Années 1930-1993 |
Labels | El Saturn Records (en) Leo Records |
Sun Ra, néHerman Poole (ouHerman Lee)Blount[1] le àBirmingham (Alabama) et mort le dans la même ville, est uncompositeur etpianiste dejazzaméricain.
Il est connu pour ses compositions et sesperformances phénoménales autant que pour l'étrange « philosophie cosmique » qu'il prêchait.
À la tête de son Arkestra, il a enregistré plus de deux cents albums, le plus souvent sur son labelEl Saturn Records (en) depuis la fin des années 1950.
Sun Ra nait le àBirmingham dans l'Alabama, à l'époque une ville où laségrégation raciale est très forte[3]. Son nom de naissance fait débat : il est généralement considéré que celui-ci est « Herman Blount », mais Dave Ginsburg de l'Université du Michigan soutient qu'il s'agit de « Herman Lee »[1].
Grand lecteur, bon élève, il étudie la musique[1] et pratique le piano[3]. Il est également membre d'uneloge maçonnique noire[4].
Par convictions chrétiennes et non-violentes, pendant laSeconde Guerre mondiale, il est l'un des premiersobjecteurs de conscience noirs[3] et est emprisonné[5]. Il refuse de porter l'uniforme américain[6], est classéschizophrène et est réformé vers 1942[4].
Les débuts professionnels de Sun Ra sont assez incertains[7]. Il semble qu'il accompagne de nombreux musiciens dans leMidwest. Dès les années 1930, il ferait partie de l'orchestre de John Fess Whatley, puis, à la fin des années 1930, il estsideman àChicago sous le nom de « Sonny Blount »[1],[7]. Comme pianiste et/ou comme arrangeur, il aurait enregistré avec le chanteur de bluesWynonie Harris (1946), avecFletcher Henderson (1946 et 1947), avecColeman Hawkins etStuff Smith (1948)[8]. Avec certitude, il enregistre avec le big band d'Eugene Wright en[1].
Ses vrais débuts comme leader datent de 1953 àChicago, où il monte sonbig band qu'il appelle l'Archestra à partir de 1955 (un jeu de mots sur « orchestra » et « arch », l'Arche de Noé[9],[n 1]). Il se choisit comme pseudonyme « Sun Ra » (« soleil » en anglais suivi du nom dudieu du soleil égyptien) afin de se défaire de son prénom Herman qui marque pour lui l'héritage de l'esclavage[9]. Il joue une musique influencée par lebebop, expérimente les premiers claviers électroniques (dont certains de son invention[7]), et joue« free » avant l'invention du terme[8]. Ses premiers albums (Super-Sonic Jazz (en), 1956,Jazz in Silhouette (en), 1959...) sont pour la plupart enregistrés sur son labelEl Saturn Records (en), qu'il a créé en 1957 avec Alton Abraham, après avoir acheté un Sound Mirror, le premiermagnétophone grand public en vente auxÉtats-Unis. C'est un des premiers musiciens à s'autoproduire[9].
Sun Ra emménage àNew York en1961. Il enregistreThe Heliocentric Worlds of Sun Ra, Vol. 1 (en) etVol. 2 (en) (1965), souvent considérés comme ses meilleurs albums[8]. L'Arkestra joue tous les lundis soir au Slug's Saloon, un club duLower East Side. Il est très apprécié des critiques et desbeatniks, tout en étant acclamé parDizzy Gillespie ouThelonious Monk[8]. Ses musiciens s'installent dans le même logement, vivant, mangeant et jouant ensemble[3].
Dans lesannées 1960, il participe aux travaux de laJazz Composers Guild[10].
En 1968, il s'installe àPhiladelphie. Il tourne sur lacôte ouest, oùhippies etDeadheads découvrent ses performances spectaculaires[8]. Le, il fait la couverture duno 31 deRolling Stone[11].
L'Arkestra tourne en Europe en 1970, et va pour la première fois enÉgypte en 1971[8].
En 1972, Ra enregistre labande originale (en) du film de science fictionSpace Is the Place (1974), qu'il a coécrit et dans lequel il joue le personnage principal. Sun Ra et son Arkestra y visitent une nouvelle planète, qu'il élisent nouvelle terre desAfro-Américains[12]. Le film intègre des éléments duTarot de Marseille, demythologie égyptienne et de science-fiction[13]. Le film est souvent cité comme précurseur de l'Afrofuturisme[8].Un album (en) en est issu, qui est l'un de ses plus influents[8].
En 1977, il participe auFESTAC 77, un festival des cultures et arts noirs et africains qui se tient àLagos, auNigeria, et réunit près de 60 pays[14].
L'Arkestra continue d'enregistrer (surImpulse!,Atlantic, Philly Jazz…) et de se produire en concert. Sun Ra participe à de nombreuses émissions de radio et donne des conférences[8].
À la suite de sa participation à l'album collectifStay Awake: Various Interpretations of Music from Vintage Disney Films (en) (1988), il développe une obsession pour les musiques des films deDisney et en joue régulièrement dans ses concerts[8].
Sun Ra a une attaque en 1990, ce qui ne l'empêche pas de continuer à composer et à diriger l'Arkestra. Quand il est trop faible, il confie néanmoins àJohn Gilmore (en) le soin de diriger le groupe[8].
Sun Ra meurt le[2] àBirmingham (Alabama), à l'âge de 79 ans. Il est inhumé au cimetière Elmwood, dans la même ville[15].
L'Arkestra continue de jouer la musique de Sun Ra depuis sa mort, avec Gilmore en leader jusqu'en 1995, etMarshall Allen depuis[9].
Précurseur et hors normes, d'avant-garde tout en restant accessible[3], Sun Ra s'inscrit dans un premier temps dans la lignée des orchestresBebop (comme celui deTadd Dameron) ouellingtonien, en y ajoutant des percussions « exotiques », pouvant évoquer l'Égypte antique, ou des instruments électriques[10]. Rapidement, est un des premiers musiciens à avoir joué « free », préfigurant ce qui allait devenir lefree jazz[8]. Sa musique intègre également, et souvent avant que ce soit à la mode, des éléments depsychédélisme, demusique africaine, demusique concrète[4]… ce qui ne l'empêchera pas, tout au long de sa carrière, de revisiter le répertoire deJelly Roll Morton, deFletcher Henderson ou deThelonious Monk[10].
Imprévisible, sa musique joue sur la modification des timbres, des structures et des rythmes, parfois de façon subtile, parfois de façon paroxystique, notamment en jouant sur l'amplification[10].
Ses concerts alternent généralement des improvisations « free », des chorals mystiques et d'excentriques versions de morceaux swing[8].
Leader exigeant voire tyrannique, il réveille fréquemment ses musiciens à 4 heures du matin pour répéter de la musique qu'il venait d'écrire. Il peut humilier en concert les musiciens en retard ou pas assez concentrés[3]. Pourtant, nombreux sont ceux qui restèrent membre de l'Archestra pendant des dizaines d'années. Parmi ceux-ci, on peut notamment citerJohn Gilmore (en),Marshall Allen ouPat Patrick (en).
D'abord pianiste, Sun Ra a été précurseur dans l'utilisation de claviers électroniques. Il a notamment joué sur desHohner Clavinet, des Rocksichord ou encore desClavioline[16]. Il était proche deRobert Moog et a pu échanger avec lui et tester différents instruments et effets[16].
Dans les années 1950, il se produit en trio, jouant un clavier électrique de son invention,« dont certaines possibilités sonores évoquent davantage celles desOndes Martenot ou de l'Aetherwellen — instrument conçu par le russeTheremin en 1924[n 2] — que celles du piano électrique ou de l'orgue traditionnel[1]. »
Sun Ra a construit une mythologie autour de son personnage, affirmant être un ange[13], et de sa musique, inspirée à la fois de l'ancienne Égypte et de lascience-fiction. Il raconte avoir été enlevé par des extraterrestres en 1936,« qui l'auraient emmené sur Saturne pour lui assigner la mission de vaincre le chaos avec son art[17]. »
Son pseudonyme signifie « soleil » en anglais (« Sun ») et en égyptien (« Ra », ledieu du soleil de l'Égypte antique)[7]. Son changement de nom et l'invention du surnom « Sun Ra » s'inscrit dans une tradition deLa Nouvelle-Orléans, qui voulait que les grands chefs d'orchestre se renomment et s'anoblissent :King Oliver (roi),Duke Ellington (duc),Count Basie (comte)[13], etc.
Avec son complice Alton Abraham, avec qui il a fondéEl Saturn Records (en), Sun Ra édite des textes, des poèmes[18], des tracts et des manifestes dans lesquels sont développés leur pensée et leur univers[4].
Lors de ses concerts, il portait généralement des costumes extravagants :« vêtu de chasubles métallisées, coiffé de casques ethno lunaires, paré de bijoux vénusiens[4]… » Ses musiciens, qui avaient parfois le visage peint, portaient le même genre de costumes afro-futuristes[19]. À partir des années 1980, on pouvait régulièrement voir des tourneurs d'assiette ou descracheurs de feu[8].
Sun Ra est impliqué dans la défense desAfro-Américains, notamment via les tracts qu'il diffuse à partir des années 1950[18]. Il s'intéresse aux séparatistes, pour lesquels les Noirs devraient avoir un État souverain plutôt que s'intégrer aux États-Unis[18]. On peut l'inscrire dans la lignée deMarcus Garvey ouElijah Muhammad[20].
Sa réflexion est tournée à la fois vers le passé et vers le futur. D'un côté, Sun Ra participe à un travail de déconstruction historique pour faire entrer les Noirs dans l'histoire. À la suite deGeorge G. M. James (en)[21], Ra accuse par exemple lesphilosophes Grecs d'avoir volé leurs fondements à l'Égypte antique. Il cherche ainsi à démontrer l'importance de l'Afrique dans l'histoire et dans le monde occidental[n 3],[18], afin de sortir les Noirs d'un passé créé pour eux par les Blancs colonisateurs et esclavagistes. Sun Ra, parmi d'autres, invente des« contre-mythologies, stratégies de résistance politique et identitaire, permettant de retrouver sens et filiation[13]. »
Sur un autre versant, son intérêt pour la science-fiction vise à imaginer un futur pour les Noirs, préfigurant l'Afrofuturisme. On peut y voir un lien avec la condition des Noirs aux États-Unis, considérés comme des « aliens[n 4] », qui peuvent se libérer en retournant sur leur planète[16]. C'est d'ailleurs un des thèmes du film de science-fictionSpace Is the Place, qu'il a coécrit[8].
Sa musique avant-gardiste a une vocation politique, celle d'inventer un futur souhaitable pour les Noirs[18] :« la musique de Sun Ra témoigne du sentiment d'impuissance de la masse noire face à la condition qui lui est faite, la résolution de cette impuissance étant donnée par la musique comme magique : Sun Ra proposait une sorte d'utopie musicale[20]. »
La discographie de Sun Ra est une des plus importantes de l'histoire du disque[24],[25]. Le claviériste et compositeur américain a enregistré des dizaines de singles et plus de 100 albums, cumulant plus de 1000 morceaux, ce qui en fait l'un des musiciens les plus prolifiques duXXe siècle[26].
OutreSpace Is the Place, Sun Ra apparaît dans plusieurs films ou documentaires[10] :
Protéiforme, la musique de Sun Ra a influencé énormément de musiciens (c'est peut-être même l'artiste le plus cité en référence dans les articles desInrocks[27]). Par sa philosophie ainsi que la dimension mystique, cosmique de son œuvre, il a influencé notamment la mythologie duP-Funk deGeorge Clinton[13] etThe Residents. Sa démarche d'autoproduction a inspiré certainspunks dans leur démarche[9]. On peut aussi citerSonic Youth,Spacemen 3,MC5,The Stooges[27],[9]. La chanteuseSolange Knowles, lors de la tournée accompagnant son albumA Seat at the Table (2016), utilise un dispositif qui rappelle l'univers de Sun Ra : section de cuivres, pyramides, orbes… Le Sun Ra Arkestra a d'ailleurs joué en première partie de certains de ses concerts[19].
De nombreux musiciens ont samplé sa musique :Zombie Zombie,Lady Gaga (qui a sampléRocket Number 9 sur sonVenus),Agoria,Carl Craig[16]…Moor Mother (en) a utilisé des extraits de discours de Sun Ra[19].
Le groupe derock indépendantYo La Tengo a enregistré plusieurs versions du morceauNuclear War en 2002[19].
En 2014,Thomas de Pourquery a sorti un album en hommage à Sun Ra,Supersonic Play Sun Ra. Le groupe de jazz Heliosonic Tone-tette, fondé par le saxophoniste Scott Robinson avec entre autresMarshall Allen et Danny Ray Thompson, membres historiques de l'Arkestra, a publié en 2015Heliosonic Toneways, Vol. 1, en hommage à l'albumThe Heliocentric Worlds of Sun Ra, Volume One (en) (1965)[19].
Il a inspiréJean-Claude Mézières etPierre Christin, dans les aventures deValérian et Laureline, pour le personnage de Sun Rae dansLa Cité des eaux mouvantes (1970).
Dans la nouvelleJazz et vin de palme (1982) de l'écrivain congolaisEmmanuel Dongala, Sun Ra, après avoir sauvé la planète, devient le premier président noir des États-Unis[28].
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