LaSuisse gallo-romaine couvre l'histoire des différentes cultures peuplant le territoire de laSuisse actuelle pendant la période allant de laguerre des Gaules menée parJules César jusqu'à l'assassinat du généralAetius en454 et le repli des troupes romaines vers l'Italie, marquant l'entrée du territoire dans leHaut Moyen Âge.
La première mention desHelvètes, populationgauloise localisée sur leplateau suisse, est le fait de Jules César, alorsproconsul de laGaule narbonnaise, qui décrit leur projet d'émigration en direction de l'ouest de laFrance actuelle. Ce mouvement est stoppé par les troupes romaines lors de labataille de Bibracte qui forcent les Helvètes à retourner sur leur territoire pour défendre la frontière duRhin contre les invasions desGermains. Progressivement, les Romains vont s'installer sur le territoire actuel de la Suisse en créant successivement descolonies àJulia Equestris, àAugusta Raurica, àAventicum (qui deviendra la principale ville du pays), puis àOctodurum. AuIer siècle, la bordure nord duRhin est une zone frontalière stratégiquement importante de l'empire romain : elle est occupée militairement et garnie de camps militaires permanents qui sont démantelés lors de l'extension maximale de l'empire auIIIe siècle, qui correspond à une période de prospérité économique et de développement pour la région. À cette même époque, lechristianisme se répand progressivement sur le territoire avec l'apparition des premièreséglises entre350 et400.
Dès la fin duIIIe siècle, des incursions barbares desAlamans (ou Alémans) enGermanie puis sur le territoire suisse ramènent progressivement la frontière sur le Rhin, le long duquel les lignes défensives (forteresses et tours de guet) sont reconstruites. Progressivement, dès401, les troupes romaines quittent leRhin pour gagner le sud desAlpes, abandonnant ainsi définitivement le territoire de la Suisse auxBurgondes et aux Alamans.

AuIer siècle av. J.-C., le territoire de la Suisse actuelle abrite une grande diversité culturelle : si la plupart des populations sontceltes, lesUbères et lesRhètes, qui occupent respectivement leHaut-Valais et lesGrisons, ainsi que lesLépontiens peuplant leTessin, viennent de souches différentes. Les tribus celtes identifiées de cette époque sont lesRauraques dans la régionbâloise, lesSéquanes à l'ouest duJura, lesAllobroges dans la région deGenève, lesNantuates dans leChablais vaudois et leBas-Valais jusqu'àSaint-Maurice, lesVéragres dans la région deMartigny et lesSédunes dans celle deSion[flutsch 1].
À la suite de la migration de la tribu germanique desCimbres qui quitte leJutland vers-115 en direction du sud[durrenmatt 1] et de celle desTeutons qui les rejoignent quelques années plus tard[1], la plus grande partie duplateau suisse est occupée à partir de100 av. J.-C. environ par les cinq tribus desHelvètes qui sont mentionnées pour la première fois par l'historienlatinTacite[2]. Les Helvètes sont surtout décrits parJules César qui, s'il n'a jamais pénétré en territoire helvète, décrit celui-ci dans sesCommentaires sur la guerre des Gaules[GDG 1] comme étant délimité« d'un côté par leRhin [...], d'un autre par leJura [...] et du troisième par leLéman et leRhône »[GDG 1].
Poussés par les Cimbres, la tribu helvète desTigurins descend lavallée du Rhône sous le commandement du jeune chefDivico. Arrivés au bord de laGaronne, ils affrontent et défont en-107 à labataille d'Agen, une armée romaine dont les soldats survivants doivent ensuite passer sous lejoug en signe de défaite. En réaction, Rome envoie une nouvelle armée commandée parCaius Marius qui rattrape les germains en-102 et les extermine presque lors de labataille d'Aix ; les Tigurins s'étaient retirés du conflit avant les grandes défaites et se fixent dans la région d'Avenches[durrenmatt 2].
En58 av. J.-C., 368 000Helvètes[GDG 2] accompagnés deRauraques[fellmann 1] quittent leur territoire après avoir brûlé leurs villes, estimées à une douzaine mais jamais identifiées[3] et se mettent en route en direction de laSaintonge, poussés par leur chefOrgétorix et emportant avec eux de lafarine pour trois mois[felber 1]. Différentes raisons sont données à cette migration, parmi lesquelles la pression constante des peuplades germaniques, le manque de place disponible[4] ou les souvenirs positifs que les participants au voyage précédent gardaient du climat du sud[durrenmatt 3]. Les émigrants se présentent en mars-58 dans les environs deGenava, dernieroppidum desAllobroges récemment conquis par lesRomains[GDG 3].
Jules César, alorsproconsul de laGaule narbonnaise, parvient à les précéder à Genève où il coupe l'uniquepont permettant de franchir leRhône. Il oblige ainsi les Helvètes à effectuer un large détour par le Jura pour rejoindre laSaône. Ils sont rejoints par leslégions romaines qui attaquent victorieusement l'arrière-garde de l'armée émigrante, constituée par la tribu desTigurins. Le chef helvèteDivico tente de négocier avec César, mais sans succès ; la guerre, devenue inévitable, se joue notamment lors de labataille de Bibracte[flutsch 2]. Victorieux, César lie les Helvètes par unfœdus et les renvoie sur leur ancien territoire pour empêcher les tribus germaniques habitant de l'autre côté du Rhin de s'y installer, tout en ordonnant aux Allobroges de les ravitailler enblé pour le voyage de retour[GDG 4]. Revenus sur leurs terres, les Helvètes vont rebâtir lesoppidums deBerne,Yverdon-les-Bains,Zurich ouWindisch entre autres.
L'accord passé ne sera cependant respecté que quelques années par les Helvètes. En effet, en52 av. J.-C., près de 8 000 d'entre eux sont réquisitionnés lors du soulèvementGaulois mené parVercingétorix[GDG 5],[5] contre les Romains qui se terminera par la défaite gauloise lors dusiège d'Alésia. Les Helvètes ne sont pas punis à la suite de cette insurrection, mais à nouveau renvoyés sur leur territoire, qui est ensuite progressivement colonisé et incorporé dans l'Empire romain.

Ce n'est qu'auXIXe siècle que la Suisse va redécouvrir les Helvètes qui vont être progressivement incorporés à l'imagerie populaire des ancêtres fondateurs de la nation, que cela soit dans la peinture avec, par exemple, le tableau deCharles Gleyre commémorant la victoire helvète sur les Romains en107 av. J.-C. ou celui deKarl Jauslin représentant le chef helvèteDivico et Jules César sur la Saône, ainsi que dans les évocations historiques, très à la mode dans la seconde moitié du siècle[6].
Le terme d’helvète sera par la suite parfois utilisé comme synonyme desuisse : par exemple le « corps helvétique » (Corpus helveticum enlatin), l’Helvetia[7] ou la Confédération helvétique pour désigner laConfédération suisse (Confoederation helvetica enlatin)[8] ou la « République helvétique », choix littéraire qui néglige les autres peuples celtes ou autres, ayant habité sur le territoire de la Suisse actuelle.
Bien qu'occupant une position stratégique centrale, le territoire de la Suisse actuelle n'est que très peu touché par les différentes campagnes gauloises de César : seules la rive gauche de Genève en 58 et l'Ajoie, peuplée par les Séquanes qui sont soumis en50 av. J.-C. sont conquises. Cependant, en57 av. J.-C., laXIIe légion romaine sous le commandement de Servius Galba est envoyée dans la région de Martigny pour y contrôler l'accès aucol du Grand-Saint-Bernard« où les marchands ne circulaient jusque-là qu'au prix de grand dangers et en payant de lourds péages »[GDG 6]. Les peuples autochtones vont profiter de l'hiver pour attaquer la légion stationnée qui va devoir battre en retraite sur Genève[flutsch 3].
Dans les premières années de notre ère, le territoire actuel de la Suisse est réparti par l'empereurAuguste sur quatre provinces : Genève et ses environs restent dans laGaule narbonnaise, le Valais et le Tessin sont attribués à la Gaule cisalpine, la Suisse orientale et les Grisons rejoignent la province de Rhétie ; le reste du territoire, à savoir l'ensemble du Plateau duLéman aulac de Constance devient un territoire appelé « Germania superior » et dépendant de la province de Gaule belgique[durrenmatt 4].

Jules César ne fait pas vraiment confiance aux Helvètes, et il installe sur leur territoire unecolonie appeléeColonia Julia Equestris, basée àNyon et s'étendant d'Aubonne à l'est jusqu'au Rhône, sur l'ensemble des terres allant du Jura au Léman[felber 2]. Cette colonie est remise à des vétérans de l'une des légions decavalerie, lalegio X equestris, d'où son nom[fellmann 2]. Parallèlement, César demande à l'un de ses lieutenants,Lucius Munatius Plancus, de créer une seconde colonie sur le territoire desRauraques[9] dans le but de bloquer le passage entre le Rhin et le Jura. Cette colonie sera, sousAuguste, nomméeColonia Augusta Raurica et également confiée à des vétérans qui vont ainsi progressivement commencer la romanisation du territoire, alors rattaché à laprovince romaine deGaule belgique. Toujours sous Auguste, une importante campagne militaire envoyée à la conquête desAlpes entre25 et7av. J.-C. va permettre aux Romains de se rendre maîtres duValais actuel qui est rattaché à la nouvelle province desAlpes Grées et Pennines, tout comme la colonie nouvellement fondée deAugusta Praetoria qui deviendra par la suiteAoste de l'autre côté des Alpes[fellmann 3].
Dès la fin de la campagne des Alpes, l'empereur Auguste initie une nouvelle phase de conquête en préparant l'invasion de la Germanie par plusieurs axes, dont l'un, à partir du Rhin supérieur, devait passer parZurzach en direction de laBaar comme en témoignent les restes du camp militaire datant de-12 découverts en face de Zurzach[fellmann 4].
La route ducol du Grand-Saint-Bernard, alors appeléJupiter Mons, traduit plus tard enMont-Joux[10], est carrossée sous l'empereurClaudeIer et l'ancienne cité d’Octodurus (Martigny) est reconstruite sous le nom deForum Claudii Vallensium.
Lorsque l'empereurTibère rappelle le généralGermanicus en14 et met ainsi un terme à la campagne contre la Germanie, il fait également installer une légion sur le territoire helvète, marquant ainsi l'intégration de l'ensemble des terres au sud du Rhin à l'Empire romain[fellmann 5]. Cette période romaine, qui va durer duIer siècle av. J.-C. auIVe siècle, va transformer laCivitas Helvetiorum et ses habitants qui vont, en l'espace de deux générations, profondément changer leur mentalité et leur culture, principalement grâce à l'amélioration des voies de communication et à l'arrivée decitoyens romains qui apportent avec eux leur mode de vie que les élites locales vont vouloir imiter[felber 3].
Selon l'historienTacite[11], la révolte éclate en69, dans le contexte troublé de « l'année des quatre empereurs ». Les Helvètes, excédés par le comportement de laXXIe légion romaine (dont le nom delegio XXI Rapax témoigne de l'avidité) qui s'est emparée de fonds destinés à l'entretien d'une garnison. En guise de rétorsion, les Helvètes retiennent quelques soldats en prison. C'est l'occasion qu'attendait le généralAlienus Caecina, au service deVitellius, lui-même engagé dans une lutte pour le pouvoir suprême contreOthon[fellmann 6]. Caecina lève aussitôt le camp, se met à ravager les campagnes et pilleAquae Helveticae.« Les Helvètes, arrogants avant l'épreuve de force, et, dans le danger, tremblants, bien qu'ils eussent, au début de l'alerte, choisi pour chefClaudius Severus, ne connaissaient rien aux armes, ne respectaient pas les rangs, ne formaient pas un plan de concert. »[12] L'intervention romaine est massive, appuyée par des Rhètes, des Thraces et des Germains. Pris en tenaille, les Helvètes se font massacrer par milliers lors d'une bataille dans la région deBaden. Alors que les Romains s'apprêtent à détruire la ville d'Aventicum, ils parviennentin extremis à intercéder pour sauver leur capitale. Considéré comme l'instigateur de la révolte,Julius Alpinus, un des premiers citoyens, est supplicié, mais la ville est épargnée. Des milliers d'Helvètes sont cependant réduits en esclavage. Pendant quelque temps, le sort des Helvètes en tant que nation est en jeu. Les soldats réclament leur anéantissement et le nouvelimperator Vitellius ne semble pas y être opposé ; mais les Helvètes sont finalement sauvés par l'éloquence deClaudius Cossus, l'un de leurs envoyés[13].
L'intégration et la romanisation s'accélèrent dès le règne de l'empereurVespasien, grâce à la mise en place d'une politique donnant des avantages aux notables locaux, particulièrement dans lesvici, des agglomérations accédant à une certaine autonomie municipale telles queEburdunum (Yverdon-les-Bains),Lousonna (Lausanne),Minnodunum (Moudon) ouSolodurum (Soleure), ainsi que dans les troupes chargées de la défense de l'empire. Les troupes profitent à l'économie locale, qui fournit aux légions les matières premières ainsi que le ravitaillement dont elles ont besoin. Parallèlement, les soldats dépensent leur solde dans les faubourgs organisés autour des camps et les ateliers de la troupe produisent différents biens et équipements qui se retrouvent par la suite sur l'ensemble duplateau[flutsch 4].
À partir de89, le territoire helvète est rattaché à la province deGermanie supérieure dont la capitale est l'actuelleMayence, alors que le sud-est du territoire, occupé de nos jours par les cantons desGrisons et duTessin, fait partie de laRhétie, conquise en-15.
Entre leIIe siècle et leIIIe siècle, laPax Romana règne sur l'empire, les frontières ayant reculé vers le nord et le Rhin n'étant plus une zone frontalière ; les camps fortifiés sont progressivement abandonnés par la troupe dès101 pour se transformer, dans certains cas, en petites agglomérations civiles de quelques milliers d'habitants comme dans le cas deVindonissa (aujourd'huiWindisch, dans lecanton d'Argovie), où une garnison fortifiée garnie d'une légion avait été installée entre 16 et 17apr. J.-C.[fellmann 7], non loin de la jonction entre l'Aar et laReuss et au carrefour des deux routes principales qui traversent le pays[durrenmatt 5] Pendant cette même période, des Rhètes, des Rauriques et des Helvètes sont intégrés dans différentes troupes de l'empire et en particulier dans les unités de cavalerie (alea)[fellmann 8].

Dès la fin duIIIe siècle, ce que l'historienEdward Gibbon nommaitl'âge d'or de l'humanité[14] va prendre fin, en particulier à la suite des premières incursions barbares desAlamans (ouAlémans) enGermanie puis en territoire suisse, notamment en260 où les villes sont pillées et de nombreuxvici détruits[felber 4]. Pendant la même période, unepeste venue d'Éthiopie et qui tue des dizaines de milliers de personnes s'abat sur l'Empire entre249 et251, suivie par untremblement de terre qui ravageAugusta Raurica et la région attenante[flutsch 5] ; signe révélateur de temps troublés, plusieurs trésors enterrés durant cette période ont été mis au jour dans la région d'Augst : de la vaisselle et des statues accompagnent des dépôts de monnaie dont les pièces les plus tardives ont été frappées dans les années précédant immédiatement l'an 260[fellmann 9].
Avenches, en particulier, ne se remettra pas de ces pillages. Environ un siècle plus tard,Ammien Marcellin visite la ville« qui était jadis fort illustre, comme l'attestent aujourd'hui ses édifices à moitié ruinés. »[15] ; dans plusieurs cas, les populations abandonnent leurs villages impossibles à défendre et se réfugient sur des collines ou derrière des murailles, comme c'est le cas par exemple à Genève, Lausanne ou Yverdon. La grande offensive des Alamans prend fin à la suite d'une bataille défensive livrée en 260 dans la région actuelle deSaint-Maurice, comme en témoignent deux inscriptions retrouvées sur une tombe et sur un monument triomphal érigé au-dessus de la colline de Saint-Léonard, près deSion[fellmann 10].
Progressivement, et malgré les victoires des empereursProbus en281 etJulien en357 qui repoussent les Germains« au-delà duNeckar et de l'Alb (de) »[fellmann 11], la frontière de l'Empire revient sur le Rhin, le long duquel les empereurs successifs duIVe siècle font construire des lignes défensives (forteresses appeléescastra et tours de guet) et réactivent le camp militaire deVindonissa. Dans le même temps, sous l'empereurDioclétien, une réorganisation des provinces romaines réunit le pays des Rauraques et celui des Helvètes dans la provinceMaxima Sequanorum (ouSéquanaise)[bogli 1].
Dès401, la population romaine inquiète migre vers le sud en abandonnant les villes deNyon, dont les pierres des monuments servent à l'édification des murailles deGenève[nhss 1], puis d'Augusta Raurica, pour cette dernière en faveur deBâle. La Rhétie est également prise par les peuples germaniques, seules de petites enclaves de romanisation persisteront, en particulier autour deCoire d'où vient leRätoromanisch (littéralement « roman de la Rhétie » enallemand), unelangue romane. En443, le général romainAetius déplace le peuple desBurgondes (qu'il avait préalablement décimé en436) sur le plateau suisse pour l'utiliser comme rempart contre les barbares avant d'affronterAttila en451. Son assassinat en454 marque le retrait des troupes sur le sud desAlpes, marquant ainsi la fin de l'occupation romaine du territoire suisse et son abandon aux peuples germaniques dits « fédérés », à savoir lesBurgondes et les Alamans[felber 5].

Comme dans la plupart des nouveaux territoires conquis, les Romains vont ouvrir plusieurs chantiers visant à créer descentres urbains, soit en transformant des agglomérations modestes existantes, soitex nihilo. Ces centres urbains, organisés comme la ville deRome, sont caractérisés par leurplan en damier et leur découpage en deux axes principaux, dont leforum marque le centre[felber 6].
Outre les villes, de nombreuxvici (villages ou hameaux) se développent, souvent autour d'unevilla rustica utilisée comme centre d'exploitation agricole et appartenant aux hauts fonctionnaires ou aux vétérans de l'armée qui y installent tout le confort et les éléments de décoration correspondant à ce standing dans la région de Rome, comme en témoignent les bains, canalisations, statues ou mosaïques découverts à la suite de fouilles[durrenmatt 6]. Plusieursvillae rusticae ont encore des vestiges visitables comme celles d'Orbe-Boscéaz, deVallon, dePully ou encore deZofingue. Dans la plupart des cas, le développement des différentsvici semble avoir été relativement anarchique, sans plan général comme c'est généralement le cas pour les villes[fellmann 12].
Enfin, plusieurs établissements militaires, dont le camp légionnaire deVindonissa, sont construits sur la base d'un plan de base standard tout en y apportant des déviations dues au terrain ou aux besoins locaux : la structure rectangulaire théorique coupée par deux axes de communications perpendiculaires prend, dans le cas deVindonissa, la forme approximative d'unheptagone contenant l'ensemble des bâtiments nécessaires à la vie militaire[fellmann 13].
Aventicum (actuelAvenches), dont le nom vient de la déesse celteDea Aventia[bogli 2], est créée probablement sous le règne d'Auguste. Le plus ancien vestige daté avec certitude est le quai du port sur lelac de Morat en5apr. J.-C.[16] La ville se développe sousTibère et devient officiellement lacaput (capitale) de l'Helvétie au début duIIe siècle selonTacite[17]. Avenches connait ensuite un important développement dû à la fois à sa situation géographique et à l'aide matérielle que lui offre l'empereurTitus qui, tout comme son père l'empereurVespasien, y a vécu pendant les premières années de sa vie[felber 7]. En73, Avenches devient une colonie sous le nom deColonia Pia Flavia Constans Emerita Helbetiorum Foederata (littéralementcolonie pieuse, flavienne, constante, avec des vétérans, des Helvètes, fédérée) entourée d'une muraille de 5,5 kilomètres de long flanquée de 73 tours[fellmann 14] et reliée par un canal de 800 mètres de long et de sept mètres de large au port.

Augusta Raurica (près de l'actuel village d'Augst, dans lecanton de Bâle-Campagne) est construite sous Auguste entre20 et50apr. J.-C., sur les restes d'une première colonie fondée en44 av. J.-C. Tout comme Aventicum, la cité possède un forum, un théâtre, des temples (dont celui de Schönbühl, le premier, a été construit vers60-70), des thermes et un amphithéâtre. À son apogée vers l'an200, la cité abrite environ 20 000 habitants, soit un peu plus qu'Avenches[18]. À cette période, la ville est le lieu de transit quasi obligé pour la totalité des biens et des personnes voyageant sur le Rhin.

LaColonia Julia Equestris (aujourd'huiNyon) est fondée par Jules César en44av. J.-C. sur une colline naturelle qui surplombe leLéman. AppeléeNoviodunum (Nouvelle forteresse) par les indigènes, la colonie comprend unebasilique, unmarché, des bains, un amphithéâtre et un forum, centre de la vie politique, sociale et économique de la cité. Plus à l'extérieur, plusieursvillae s'élèvent alors qu'un quartier artisanal se développe au sud-ouest et un port à l'emplacement de l'actuel quartier de Rive[19].
L'ancienne cité d’Octodurus, devenueForum Claudii Vallensium (aujourd'huiMartigny) après l'ouverture de la route ducol, devient la capitale duValais sous le règne de ClaudeIer. Elle est formée de dixinsulae (quartiers) dont l'un est occupé par un forum[fellmann 15] et compte un amphithéâtre, dont les fouilles ont permis de mettre au jour plusieurs statues de bronze, dont une tête devache de larace d'Hérens[20],[21].
Avant même leur réunification à l'Empire romain, plusieurs peuples celtes alignent, à partir de 100av. J.-C., leur système monétaire sur celui des marchands romains afin de faciliter les échanges avec ceux-ci ; les Helvètes, par exemple, frappent à cette époque une pièce dont la valeur est proche duquinaire romain. Par la suite, les monnaies locales et les pièces impériales debronze comme lesesterce coexistent avant que la totalité des espèces ne passe sous la responsabilité de Rome dès la fin duIer siècle[flutsch 6].
La monnaie sert aussi à la propagande en diffusant le portrait de l'empereur, des slogans y sont aussi gravés, tels quePaix, Concorde, Liberté, Providence, Espoir etSécurité[nhss 2].
Le principal problème rencontré reste le manque chronique de petit numéraire. Ce problème est résolu dès leIIe siècle par la décentralisation d'ateliers de production dans les différentes provinces de l'Empire. Sur le territoire de la Suisse actuelle, le camp retranché deVindoniss frappe la monnaie nécessaire au payement de la solde des soldats[nhss 2].
Si les marchands romains sont déjà en affaires avec les Celtes bien avant l'Empire, celui-ci, grâce à l'amélioration des infrastructures et des conditions mercantiles, va permettre une intensification des échanges commerciaux. Le plateau suisse, à cette époque, va découvrir la culture de produits méditerranéens, tels que lefroment, leseigle ou l'avoine, mais également l'olivier, lenoyer ou leprunier ou encore les plantes aromatiques que sont l'ail, lasarriette, lacoriandre ou l'aneth. La culture de lavigne, déjà existante en Valais, connait également un important développement[22].
De multiples espaces sont organisés pour lesmarchés dans les grandes villes ; il peut même s'y trouver divers marchés spécialisés. C’est leforum qui est généralement occupé par le marché, excepté lors des jours de pluie où il se trouve sous labasilique[23].
Une mezzanine est l’endroit où un affranchi ou un esclave d'un propriétaire dort ; celui-ci s’occupe d’une boutique qui est souvent louée à un habitant d'unedomus. Ces boutiques servent non seulement à vendre diverses choses telles des épices, des fruits, de la viande... mais peuvent abriter d'autres activités telles que l'enseignement scolaire ou même les soins réalisés par les dentistes ou les ophtalmologues qui y opèrent des patients.
De nombreuses matières premières, telles que lefer de Gaule méridionale, lecuivre, lebronze, lapâte de verre ou lemarbre sont importées, de même que des produits finis tels que lespoteries, lestuiles ou la vaisselle à vernis rouge dite « sigillée ». Technologiquement, ce sont le soufflage du verre, la forge d'objets enfer, le développement de laserrurerie et de lalampe à huile, lemortier dechaux et labrique qui s'imposent progressivement dès le début duIer siècle[flutsch 7].
En retour, le bois, lecalcaire, lalaine, lechanvre ainsi que la poterie locale, lefromage et lebétail sont exportés vers le sud, compensant ainsi quelque peu unebalance commerciale globalement négative. En particulier, les nombreux objets décoratifs ou de parure possédés par les riches commerçants locaux vont totalement disparaitre avec le départ des troupes romaines et l'appauvrissement, puis l'arrêt, du flux matériel[flutsch 8].
Enfin, le commerce d'esclaves semble avoir été florissant sur le territoire helvète à la fois sous la forme d'importation et d'exportation. Une tablette retrouvée dans un temple au col du Grand-Saint-Bernard atteste ainsi de l'existence d'une section consacrée aux marchands d'esclaves dans la corporation des commerçants transalpins[fellmann 16].

En parallèle avec l'urbanisation, le développement des voies de communication, qui débute dès leIer siècle av. J.-C., permet à la fois une unification des différentes tribus du pays et l'intégration de celui-ci au reste du monde romain. Deux sources principales permettent de se faire une idée précise de l'étendue du réseau des voies de communication sur l'ensemble du territoire actuel de la Suisse : laTable de Peutinger, carte des routes médiévales rédigée dans la première moitié duVe siècle et un document intituléItinerarium Antonini, probablement rédigé quelques années après l'an 286 et qui indique les distances séparant les différents relais situés sur les routes principales de l'empire[fellmann 17].
Selon ces documents, l'Helvétie est traversée par deux axes principaux laVia Francigena qui relieRome àCantorbéry en passant par le col du Grand-Saint-Bernard,Saint-Maurice, le long du lac Léman jusqu'àLausanne, puis le Jura jusqu'àPontarlier et un autre tracé, plus à l'est, qui traverse lesGrisons parCuira (Coire), ville citée pour la première fois auIIIe siècle dans l'Itinéraire d'Antonin[24], rejoint lelac de Zurich pour partir sur Augst et continuer versStrasbourg et Mayence. Une voie intermédiaire, également documentée dans l'Itinéraire d'Antonin et laTable de Peutinger relieVevey àAugst parAvenches. Elle a été encore parcourue et décrite au milieu duXIIe siècle par Nikulas de Munkathvera dans leLeiðarvísir. La liaison entre ces axes est assurée par une voie transversale partant de Genève qui relie Nyon, Lausanne,Avenches puisWindisch[felber 8]. Le tracé de ces routes, à quelques détails près, sera repris lors de la réalisation du réseau national développé par la Confédération dans la seconde partie duXXe siècle[nhss 3].
Réalisées le plus possible en ligne droite (parfois sur des digues pour traverser les marais) et édifiées sur un fond de pierres sur lequel sont répandus des cailloux et du sable[durrenmatt 7], les grandes routes, d'un écartement standard variant entre 107 et 110 centimètres[fellmann 18] sont jalonnées tous les 10 ou 15 kilomètres des relais de chevaux pour la poste appelésmutationes et, tous les 30 kilomètres environ, desmansiones, auberges et motels généralement mal famés et proposant le gîte et le repas pour les hommes et les bêtes[flutsch 9].
La navigation fluviale et lacustre est également largement développée et contrôlée par des corporations, en particulier sur les lacs Léman, deMorat, auquel Avenches est reliée par uncanal, ou deNeuchâtel où trois embarcations (deuxchalands et une barque) ont été découverts en bon état, mais également sur le Rhône et laThièle. La plus grande partie des transports commerciaux est assurée par les voies et plans d'eau[25].
Pendant la période de domination de l'Empire, les échanges commerciaux sont soumis à plusieurs taxes dont lecentesima rerum venalium, impôt d'un centième du prix de vente introduit par Auguste[fellmann 19] ou auquarantième des Gaules (en latinquadragesima Galliarum), taxe frappant l'ensemble des produits qui entrent sur le territoire de la Gaule de 2,5 % de sa valeur ; cette taxe est encaissée dans des bureaux de douane situés aux frontières sur les grands axes routiers (on en a retrouvé à Zurich, Genève et Saint-Maurice) par des préposés quiplombent ensuite les marchandises à l'aide desceaux officiels[flutsch 10].
Pendant la période de l'Empire, et contrairement à la Gaule où les dialectes indigènes continuèrent à être utilisés, lelatin s'impose comme langue écrite en Helvétie. Tous les textes retrouvés sur le territoire, écrits pour la plupart sur des tablettes enduites decire sont en effet en latin, prouvant ainsi que la langue s'était répandue non seulement dans l'administration et le commerce, mais aussi dans la vie de tous les jours[felber 9].
Cette « latinisation » de la population passe également par l'école publique ou privée où les enfants se retrouvent dès 7 ans pour apprendre à lire, à compter et à écrire sous la direction d'un maître d'école appelémagister ludi. À l'âge de 12 ans, les filles et la plupart des garçons cessent leurs études, bien que certains les poursuivent au secondaire, où est enseignée la littérature, puis dès 16 ans, l'art de larhétorique[flutsch 11]. Il est possible qu'une académie demédecine ait vu le jour àAventicum, comme en témoigne une pierre votive érigée en l'honneur desmedici et professores qui y auraient enseigné[fellmann 20].
Pour les adultes et les gens du peuple, la culture romaine est diffusée dans des spectacles donnés dans les différents théâtres et amphithéâtres de la région où sont donnés différents divertissements, tels que les représentations allégoriques ; les combats de chars, degladiateurs ou entre animaux sont également appréciés. Outre la pratique de jeux de société, les différentes couches de la population se retrouvent et se mélangent dans lesthermes romains, en particulier ceux de Nyon, alimentés par unaqueduc amenant l'eau depuisDivonne-les-Bains, ou deBaden ; la mixité n'y est pas encouragée : soit des bâtiments distincts sont dédiés aux hommes et aux femmes, soit la fréquentation se fait en alternance par demi-journée[fellmann 21]. Les restes d'unorgue enbronze ont été retrouvés à Avenches[26] où il était utilisé au théâtre comme accompagnement avec destrompettes,cors,flûtes,lyres ouharpes.
Les Helvètes, comme tous les sujets de l'empire, sont rattachés à une ville ou à un peuple et ont tous l'un des trois statuts qui leur sont réservés, à savoir celui depérégrin (étranger ou non-citoyen), de droit latin (citoyen civil, mais sans droits politiques) ou dedroit romain qui offre entre autres le droit de vote (jus suffragii) ainsi que celui d'accéder à la magistrature (jus Honorum)[nhss 4]. L'accession aux degrés successifs de la citoyenneté est alors perçu par les populations locales comme un honneur et une récompense ; de fait, un grand nombre d'Helvètes, identifiables par leur triple nom, accédèrent au titre de citoyen romain[felber 10]. Ceux-ci se regroupent au sein de l'association descives Romani conventus Helvetici (traduit enUnion helvétique des citoyens romains) autorisée à élire ses propres dirigeants[fellmann 22].
Les trois colonies du territoire (Augst, Avenches et Nyon), sont dirigées par lesduoviri, deux magistrats élus à l'année qui sont secondés (et remplacés si besoin est) par despraefecti (préfets), et épaulés d'une assemblée de 100 membres choisis tous les cinq ans, qui correspond auSénat romain. Augst et Avenches, en tant que colonies, sont également des chefs-lieux descivitates (peuples non romains) rauraques et helvètes ; dans les deux cas, le pouvoir desduoviri s'étend à l'ensemble de la population de lacivitate. LaCivitas Vallensium valaisanne, quant à elle, est mise au bénéfice du droit latin, ce qui permet aux habitants exerçant une magistrature, ainsi que leurs familles et descendants directs, de devenir automatiquement citoyens romains[felber 11]. La partie de la province de Raetia qui se trouve sur le territoire actuel de la Suisse, quant à elle, est sous le contrôle decivitate des Caluconi dont le siège se trouve àCuria (actuelleCoire)[fellmann 22].
À l'intérieur descivitates, les villages disposent d'une certaine autonomie administrative tout en restant soumis à l'autorité de la capitale. Ils sont administrés par une assemblée locale et deux ou quatre magistrats, élus pour une année.

Pendant la période romaine, la Suisse connaît successivement plusieurs mutations religieuses, passant dupaganisme celte aux dieux romains et au culte impérial avant de se convertir, au cours duIVe siècle, auchristianisme.
Comme pour la plupart des tribus celtes, le panthéon des Helvètes nous est mal connu. La religion desdruides repose sur une transmission des connaissances et rites uniquement orale, peu de témoignages, si ce n'est ceux d'explorateurs romains, ne nous sont parvenus. Parmi les déités locales, on trouve la mention deDea Geneva dans la région de Genève ouDea Artio (la déesse desours) vénérée près deBerne[bogli 3].
L'insertion de la région dans l'empire romain et la progressiveromanisation entraîne la substitution des dieux du panthéon romain aux dieux locaux sans effacer toutefois toutes les traces de la religion indigène. L'un des effets les plus visibles sera le double nom porté par les dieux, tel queMars Caturix, dieu celte de la guerre assimilé au dieuromain ouJupiter Poeninus, le protecteur du col du Grand-Saint Bernard[bogli 4]. On peut voir là une pratique semblable à celle que Jules César appelle l’interpretatio romana, à savoir l'appellation des dieux celtes par le nom de leurs correspondants romains[GDG 7] : ainsi,Mercure remplaceLug etApollon prend la place deBelenos[nhss 5]. Comme le reste de l'Empire, l'Helvétie romaine pratique le culte impérial, comme en témoigne la présence, au centre duforum de Nyon, d'un temple dédié au culte de l'empereur.
Le christianisme, officiellement toléré dans l'Empire romain par la publication de l'Édit de Milan parConstantin en313, se répand rapidement dans le pays en suivant les axes de communication. La première inscription chrétienne, retrouvée àSion, date en effet de l'an377 et comporte un christogramme[27]. Par la suite, après la promulgation par l'empereurThéodose du christianisme commereligion d'État le[bogli 5], la présence d'évêques est certifiée àGenève,Martigny etKaiseraugst (Bâle), lesdiocèses se constituant naturellement en suivant les frontières des anciennescivitates tout en en changeant la cité hôte : ainsi, le diocèse de Martigny deviendra celui deSion, celui d'Avenches lediocèse de Lausanne, Augst cèdera sa place audiocèse de Bâle et enfin Nyon deviendra le diocèse de Genève (qui se regroupera avec celui de Lausanne après laRéforme protestante)[felber 12]. Parmi les légendes de l'époque du début du christianisme, celle dumassacre de la légion thébaine est encore vivace dans le pays ; cette légion, composée d'officiers et de soldats originaires de la ville deThèbes enÉgypte aurait été massacrée pour la piété chrétienne de ses soldats : un homme sur dix, dont le commandantsaint Maurice, aurait été exécuté et les survivants dont en particuliersaint Victor, se seraient dispersés sur l'ensemble du plateau, allant fonder certaines des grandsabbayes duHaut Moyen Âge[durrenmatt 8].
La manière de s'habiller permet d'identifier la provenance géographique, la condition de vie et le statut juridique. Les hommes s'habillent d'une ampletunique gauloise (tunica) possédant des manches fendues à l'encolure. Descendant sous le genou, voire à mi-mollet, elle est plus courte que celle portée par les femmes, appeléestola. Chez les enfants, les garçons portent également des tuniques plus courtes que les filles, ornées de pompons et de fourrures. Les femmes portent des sous-vêtements fixés avec unefibule. Leursoutien-gorge est constitué d'une bande de tissu serrée autour de la poitrine. Les hommes et les femmes en utilisent aussi comme slip[fellmann 23].
L'hygiène a une place importante dans la vie desGallo-romains qui vont régulièrement auxthermes. Certains domaines ruraux ou maisons de riches possèdent des bains privés. À la campagne, la toilette quotidienne se fait avec un seau, ou un autre récipient, et uneéponge. Ils se servent d'objets que nous utilisons encore aujourd'hui: lesavon, laspatule, lecure-dent, le cure-oreille, lapince à épiler et lemiroir.
Ledentifrice est parfois utilisé, sansbrosse à dents mais avec le doigt. Il est fabriqué avec de la cendre de rat, dumiel et des racines defenouil ou avec l'urine de jeune garçon mêlée à de la pierre ponce pilée[28].
Les coiffures féminines et masculines sont variées. Les hommes ont les cheveux très courts, à la mode romaine alors que la mode gauloise permet des cheveux un peu plus longs. Pour les femmes, la coiffure dépend du rang social : plus le statut est élevé, plus la coiffure est compliquée. Dans les classes moyennes, on imite la mode lancée par la cour impériale romaine avec toutefois un décalage chronologique en raison de la distance qui sépare Rome et la Suisse gallo-romaine. Les femmes coiffent leur longue chevelure de différentes façons : en chignon, en nattes, ou en rouleau. Elles utilisent des épingles à cheveux en os ou en métal, des peignes taillés en os ou en bois, des perruques et des nattes postiches. Elles se servent parfois de teintures pour masquer leurs cheveux blancs. Les petites filles ont également les cheveux longs mais des coiffures simples, les garçons peuvent avoir les cheveux longs seulement dans la petite enfance.
Le rasage se fait grâce à une lame en acier, la barbe est égalisée avec une petite force en fer (équivalent des ciseaux d'aujourd'hui). Si la majorité de la population garde moustache et barbe comme le démontre le nombre élevé de représentations d'hommes barbus, certains préfèrent se raser.
Le maquillage et le parfum sont plus fréquents chez les riches à cause de leur prix élevé. La mode est au teint très pâle, voire blanc. L'utilisation descraies et desonguents permet cette teinte du visage. Les femmes se font les lèvres rouges à l'aide devermillon, elles se noircissent les sourcils et se peignent les paupières de différentes couleurs, (exemple: lefard à paupière jaune se fait avec dusafran). Les parfums les plus coûteux viennent d'Asie ou d'Arabie et seule une infime partie des femmes en possèdent. Les parfums les plus accessibles sont faits à base de plantes courantes (iris,marjolaine etcitronnelle).
LesHelvètes portent différentes sortes de bijoux : lachevalière est réservée aux hommes, les femmes et les filles portent des boucles d'oreilles. Il y a aussi d'autres bijoux : les bagues (certaines servent également de clé pour les coffrets personnels), les bracelets, les colliers, les diadèmes, etc. Contrairement à aujourd'hui, les femmes mettent leurs bagues jusqu'à la seconde phalange et non pas jusqu'à la base du doigt. Certains bijoux permettent d'identifier la profession de leur porteur, tels que les militaires, qui portent des bagues et des fibules typiques[28].
Grâce à la progression de la romanisation, les centres urbains changent peu à peu leur manière de préparer les mets. Notamment, l'introduction de l'huile d'olive et les sauces pour poissons influence la cuisine gallo-romaine. Ils utilisent desgobelets, descouteaux, descuillères, desassiettes mais ne connaissent pas lesfourchettes. Les mets sont servis dans des plats. Les sauces sont servies à part, dans des sortes de tasses[fellmann 24].
Alors que les plus pauvres se contentent depain et de bouillie sans accès à la viande, les plus aisés prennent trois repas par jour, comme les Romains : à l'aube, on prend lepetit déjeuner,jentaculum, qui est composé de pain, defromage, de fruits et d'olives. En fin de matinée, se prend leprandium, dont la nourriture est la même qu'au repas précédent. Avant le coucher du soleil, il y a le repas du soir,cena, où l'on mange d'abord quelques hors-d'œuvre, puis plusieurs plats au choix, et finalement des desserts.
Des marchands ambulants vendent de la nourriture aux passants, et l'on achète le pain dans des boulangeries. Il est possible aussi dans les villes de boire des boissons chaudes, la plupart du temps duvin épicé, d'emporter ou de consommer sur place quelques plats. Ces petites échoppes sont appeléesthermapolia. On ne peut vendre que des légumes dans les auberges[29].
En Helvétie, comme à Rome, on adore se faire plaisir. Il y a une grande concurrence entre lesthéâtres et lesamphithéâtres. Beaucoup de visiteurs viennent voir despantomimes, desballets et des représentations allégoriques. AuIIIe siècle, le nouvel amphithéâtre d'Augusta Raurica, le théâtre-arène et le champ légionnaire de Vindonissa présentent des combats degladiateurs, ainsi que d'autres jeux guerriers.
Les combats detaureaux et d'ours sont très fréquents dans les amphithéâtres. Les mises à mort sont souvent pratiquées dans les amphithéâtres et les prisonniers deviennent ainsi les principaux acteurs de ces spectacles. Lors des représentations de pièces de théâtre, les musiciens jouent de la musique pour accompagner la pièce. Certains habitants de la Suisse gallo-romaine sont privés de cirque ; ne pouvant assister aux courses de chars dans leur village, ils sont contraints pour y assister de se déplacer àLugudunum (Lyon), àVienna (Vienne) ou àTreverorum (Trèves)[fellmann 25].