


Lesuffrage féminin en Suisse est introduit au niveau fédéralsuisse après lavotation du, ainsi qu'au niveaucantonal entre 1959 et 1990.
Entre 1846 et 1847, 157 Bernoises lancent avec succès une pétition pour l’abolition de la curatelle des femmes dans le canton de Berne[1].

Laconstitution de 1848, qui est à l'origine de laSuisse moderne, proclame l'égalité en droit de tous les êtres humains (en allemandMenschen) mais n'inclut pas explicitement les femmes dans cette égalité. Les lois qui suivent cette constitution inscrivent cependant fermement les femmes dans une situation d'infériorité juridique.
De 1860 à 1874, les premiers mouvementsféministes s'organisent et, lors des débats précédant la première révision constitutionnelle de 1874, les droits politiques des femmes font l'objet de nombreuses discussions. Malgré tout, la nouvelle constitution n'apporte aucune amélioration dans ce sens.En 1886, une première pétition est présentée à l'Assemblée fédérale par un groupe de femmes emmenées parMarie Goegg-Pouchoulin. L'attention attirée par cette initiative débouche[réf. nécessaire] sur le premier article sur les revendications des femmes dans un grand quotidien,Ketzerische Neujahrsgedanken einer Frau deMeta von Salis publié en 1887 par laZüricher Post[1]. La même année,Émilie Kempin-Spyri réclame devant le Tribunal fédéral le droit de deveniravocate, mais sa demande est rejetée[2].
En 1893, l'Union suisse des ouvrières, créée en 1890, réclame officiellement le suffrage féminin[3]. En 1894, von Salis organise dans les principales villes suisses des réunions sur le thème du droit de vote des femmes. Ses conférences ont peu de succès et elle doit souvent faire face à de nombreuses manifestations d'hostilité. Deux ans plus tard, en 1896, se tient àGenève le premierCongrès suisse pour les intérêts féminins. De nombreux orateurs masculins appellent à l'alliance entre hommes et femmes et, en même temps, à la modération des revendications. L'importance que prennent ces revendications dans le débat public débouche sur la création de la première commission parlementaire sur laquestion féminine.
En 1909 est fondée l'Association suisse pour le suffrage féminin (ASSF) qui deviendra, en 1971, l'Association pour les droits de la femme (ADF)[4],[5]. En 1912, le Parti socialiste suisse[4] se prononce en faveur de l'octroi du droit de vote aux femmes, premier parti politique à le faire. La revendication est reprise par lecomité d'Olten en 1918[4].
En 1923, 26 activistes bernoises exigent leur inscription au registre électoral de la ville deBerne. Le gouvernement cantonal rejette cette requête etLéonard Jenni, l'avocat représentant ces 26 femmes, fait recours auTribunal fédéral. Il s'appuie sur la même argumentation qu'Émilie Kempin-Spyri, qui en 1887 plaidait auprès du Tribunal fédéral que l'article constitutionnel selon lequel « tous les Suisses sont égaux devant la loi » incluait les femmes[6]. Le Tribunal fédéral rejette le recours de Léonard Jenni, comme il avait rejeté celui d'Émilie Kempin Spyri, argumentant que pour inclure les femmes dans cet article constitutionnel, il ne suffit pas de le réinterpréter mais il faudrait le modifier[7].
En 1928 et en 1958 se tient une grande exposition sur le travail féminin, laSAFFA. Bien que l'obtention du droit de vote n'en soit pas l'objectif affiché, l'exposition y contribue selonElisabeth Pletscher, qui œuvre quelques années plus tard pour l'obtention du droit de vote des femmes dans le canton d'Appenzell[8]. Dans le sillage de la première SAFFA, l'Association suisse pour le suffrage féminin et les femmes socialistes lancent en 1929 une pétition pour le droit de vote des femmes. Elle est signée par 249 237 personnes (78 840 hommes et 170 397 femmes) mais reste sans réponse duConseil fédéral[9].
Dans les années 1930, la revendication du suffrage féminin passe au second plan face à lacrise économique et à la montée du conservatisme et du fascisme. Pendant laSeconde Guerre mondiale, les associations féministes s'engagent dans l'aide sociale de l'armée, avec l'espoir d'obtenir des droits politiques dans un second temps[3].
En 1944, leconseiller national socialisteHans Oprecht dépose un postulat dans lequel le Conseil fédéral est invité à examiner la possibilité d'insérer dans la Constitution une disposition prévoyant le droit de vote et l'éligibilité des femmes. Il est adopté par le Conseil national et transmis au Conseil fédéral lors de la session d'hiver 1945[10].

C'est au niveaucantonal qu'a lieu le tout premier vote féminin, en1957 dans la commune valaisanne d'Unterbäch[12],[13]. Unevotation populaire est organisée sur la participation des femmes à laprotection civile ; plusieurs communes annoncent alors que les femmes pourront se prononcer à titre consultatif. La commune d'Unterbäch, s'appuyant sur un avis de droit d'un juge fédéral, décide toutefois que le vote des femmes sera compté comme celui des hommes. Bien que leConseil d'État ait finalement ordonné que sa valeur soit seulement consultative, il s'agit du premier réel vote féminin[14].

Il faut attendre 1959 pour que les premiers cantons (Vaud,Neuchâtel puisGenève) introduisent le suffrage féminin[15],[16] ; 13 ans de plus sont nécessaires pour que ce droit soit généralisé à l'ensemble des cantons, à l'exception des deux cantons d'Appenzell. L'élection de femmes à des exécutifs se fera lentement, en commençant dans les communes rurales. AprèsRenée Pellet,Simone Zürcher est élue adjointe au maire dans la commune deChoulex, lors des élections municipales en ; elle est alors la seule femme à un exécutif[17]. En,Lise Girardin devient maire de Genève, la première femme élue à la tête d’une commune en Suisse[18]. En,Hedi Lang siège pour la première fois à un exécutif cantonal, àZurich[19].
En 1989, laLandsgemeinde d’Appenzell Rhodes-Extérieures décide d'accorder les droits de citoyen à l’échelle cantonale aux femmes[20].
Dans lecanton d'Appenzell Rhodes-Intérieures, les électeurs refusent le suffrage féminin à une forte majorité lors des scrutins fédéraux de 1959 et 1971, à 95 % (105oui et 2 050non) et 71 % (574oui et 1 411non) respectivement, soit les taux de refus les plus élevés parmi tous les cantons suisses[21]. Au niveau cantonal, laLandsgemeinde exclusivement masculine refuse ce droit en 1973, 1982 et le[22].
Dans un arrêt du dans la causeTheresia Rohner et consorts contre Appenzell Rhodes-Intérieures[23], leTribunal fédéral juge anticonstitutionnel le suffrage exclusivement masculin pratiqué dans ledemi-canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures[20] ; le principe de l'égalité entre femmes et hommes garanti par laConstitution fédérale commande en effet d'interpréter la Constitution appenzelloise de telle sorte que le suffrage féminin soit également possible.
| Date | Canton |
|---|---|
| Vaud (scrutin cantonal jumelé au scrutin fédéral)[24] | |
| Neuchâtel | |
| Genève | |
| Bâle-Ville | |
| Bâle-Campagne | |
| Tessin | |
| Valais | |
| Lucerne | |
| Zurich | |
| Argovie,Fribourg,Schaffhouse etZoug (en même temps qu'au niveau fédéral) | |
| Glaris | |
| Soleure | |
| Berne,Thurgovie | |
| Saint-Gall | |
| Uri | |
| Schwytz et lesGrisons | |
| Nidwald | |
| Obwald | |
| Jura[N 1][réf. nécessaire] | |
| Appenzell Rhodes-Extérieures | |
| Appenzell Rhodes-Intérieures (par décision duTribunal fédéral) |

Le 22 février 1957, le Conseil fédéral publie un message à l'Assemblée fédérale sur l'institution du suffrage féminin en matière fédérale[25]. En juin 1958, l'Assemblée fédérale se prononce sur le projet et décide de le soumettre au vote populaire, par 26 voix contre 12 au Conseil des États[26] et 96 contre 43 au Conseil national[27].

La votation populaire se déroule le 1er février 1959. L'introduction du suffrage féminin est rejetée par le peuple (33 % pour / 67 % contre) et par les cantons (3 cantons pour / 16 cantons et 6 demi-cantons contre)[28]. Seuls les cantons de Vaud, Neuchâtel et Genève se sont prononcés en faveur du projet. Au niveau des partis, le Parti socialiste, le Parti suisse du travail et l'Alliance des indépendants avaient recommandé d'accepter le projet alors que l'Union démocratique du centre en avait recommandé le rejet. Les libéraux-radicaux et les démocrates-chrétiens avaient laissé la liberté de vote[29].
Le suffrage féminin est finalement introduit après avoir été accepté lors d'une secondevotation, le par 65,7 %[30] des votants, soit dans une proportion exactement inverse à celle constatée lors de la votation du (refusé à 2 contre 1)[31].
Le film suisseL'Ordre divin ouLes Conquérantes, dePetra Volpe (2017), retrace la mobilisation des femmes d'un village suisse, y compris par la grève, en vue de la votation du qui a institué le vote féminin au niveau fédéral.
Le premier vote fédéral auquel les femmes ont pu participer sont lesélections fédérales suisses de 1971, qui se sont déroulées le.
L'adoption du suffrage féminin a permis à la Suisse d'adhérer à laConvention européenne des droits de l'homme (ratifiée par l'Assemblée fédérale en 1974)[32]. Au-delà de la volonté populaire, exprimée notamment lors de manifestations et dans les instances cantonales, cette possibilité pourrait avoir été une motivation supplémentaire duConseil fédéral en faveur de cette mesure[33],[34].
La votation populaire du prononce également l'éligibilité des femmes aux élections nationales[35].
Le nombre de femmes auConseil national passe de 10 à 52 sur 200 de 1971 à 2003, et de 1 à 11 sur 46 auConseil des États pendant la même période. Enjuin 2005, il y a 53 femmes au Conseil national (à la suite de remplacements). Après lesélections fédérales du, 64 femmes siègent au Conseil national (32 % des sièges)[36] et sept au Conseil des États (15,2 % des sièges).
Lesélections fédérales de 2019 marquent plusieurs records : 84 femmes sont élues au Conseil national (42,0 % des sièges et progression de 30 % par rapport aux élections de 2015)[37] et 12 au Conseil des États (26,1 % des sièges et +5 femmes par rapport à 2015)[38]. La Suisse fait alors un bond de 21 places au classement de l'Union interparlementaire en passant de la38e à la17e place mondiale et de la17e à la6e place des pays d'Europe continentale[39] en ce qui concerne le nombre de femmes élues dans un parlement national.
Sur les sept membres duConseil fédéral, il y a une femme de 1984 à 1989 (Elisabeth Kopp) puis de 1993 à 1999 (Ruth Dreifuss). Ce nombre passe à deux entre 1999 et 2003 (Ruth Dreifuss etRuth Metzler-Arnold), puis retombe à un (Micheline Calmy-Rey) avec la non-réélection de Ruth Metzler-Arnold. Depuis l'élection deDoris Leuthard en 2006, il est de nouveau de deux, puis trois depuis le avec l'arrivée d'Eveline Widmer-Schlumpf. L'élection deSimonetta Sommaruga le est un pas symbolique car pour la première fois legouvernement, composé alors de quatre femmes et de trois hommes, est à majorité féminine[40] : la Confédération fait alors partie pendant un an des rares pays (Finlande,Norvège,Espagne etCap-Vert) ayant à cette date une majorité de femmes au gouvernement[41]. Le nombre de femmes siégeant au Conseil fédéral redescend à trois en 2011, puis à deux à la suite de l'élection du. Il remonte à trois lors de l'élection du.
Une première femme est éluejuge auTribunal fédéral en ; il s'agit de lasocialisteMargrith Bigler-Eggenberger[42].
Lors du renouvellement intégral du, le parlement élit ou réélit 37 juges fédéraux, dont 14 femmes (soit 38 %)[43].
| Généralités | |||||||
|---|---|---|---|---|---|---|---|
| Typologies |
| ||||||
| Histoire du droit de vote |
| ||||||