Comme l'écritSuger après l'inauguration de l'abside de l'abbatiale Saint-Denis, il voulait faire entrer plus de lumière dans l'église car « Dieu est lumière ». C'est le développement vertical des constructions avec l'augmentation des surfaces vitrées qui va en faire une architecture originale. Toutefois, Burkhard von Hall, moine de l'abbaye Saint-Pierre deWimpfen im Tal, rapporte dans une chronique de Wimpfen, écrite vers 1280/90, la nouvelle construction de l'église de cette abbaye, commencée en 1269, et qualifie la technique utilisée d'opus francigenum, c'est-à-dire, littéralement, une « mise en œuvre française »[1].
Cathédrale de Laon – transition du gothique primitif (avec tribunes) au gothique classique (avec triforium sans fenêtres).
Basilique Saint-Denis - Claire-voie et triforium du gothique rayonnant sur le déambulatoire du gothique primitif.
Cathédrale d'Amiens – transept avec nef (à droite, 1220–1236, gothique classique) et chœur (à gauche, 1236–1269, gothique rayonnant).
Chœur (1248–1304) de lacathédrale de Cologne, gothique rayonnant (triforium avec fenêtres).
Plus tard, vers 1500, on a opposé volontiers en Europe le gothique tardif ou flamboyant, qualifié de « moderne », au style italianisant, qualifié de « à l'antique »[2]. Le terme « gotico » est, semble-t-il, utilisé pour la première fois par le peintreRaphaël (ou parBramante ou encoreBaldassarre Peruzzi) en 1518 dans un rapport adressé à un pape (LéonX ouJules II) sur « la conservation des monuments antiques » : l'auteur de ce texte considère que les arcs en ogive de l'architecture gothique rappellent la courbure des arbres formant les cabanes primitives des habitants des forêts germaniques — un mythe qui réapparaîtra chez lesromantiques — et fait référence, de manière neutre, à l'art gothique duXVe siècle, désignant par contre l'« art français » médiéval sous le termeart tudesque[3]. « Gotico » est ensuite repris avec une connotation péjorative par le critique d'artGiorgio Vasari en 1530, qui fait, lui, référence ausac de Rome par les « barbares »Goths. L'art gothique était donc l'œuvre de barbares pour les Italiens de la Renaissance, car il aurait résulté de l'oubli des techniques et des canons esthétiques gréco-romains.
Dans lesannées 1950, les historiens de l'art Hans Swarzenski etLouis Grodecki créent le terme « style 1200 »[5] pour désigner un art médiéval romanisant et protogothique situé entre le roman et le gothique, notamment dans la sculpture.
Dans lesannées 1960,Erwin Panofsky énonce l'idée d'un compromis a posteriori, où les monuments dits de transition représenteraient en fait un compromis entre style roman ancien persistant et le style gothique nouvellement introduit.
L'identité très forte du gothique est autant philosophique qu'architecturale. Elle représente probablement, de ces divers points de vue, l'un des plus grands accomplissements artistiques duMoyen Âge.
Même s'il est courant de définir l'architecture gothique par l'usage de l'arc brisé (l'« ogive » des anciens antiquaires qui remplace l'arc en plein cintre) permettant aux murs de gagner en hauteur, la voûte surcroisée d'ogives qui permet à l'édifice de prendre en largeur et l'arc-boutant pour étayer la maîtresse voûte, on ne saurait réduire un style architectural précis, ou tout autre art, à des caractéristiques techniques. L'époque gothique est marquée par leur utilisation de plus en plus systématique qui permet, entre autres, d'évider plus largement les murs, ce qui conduit lesmaîtres d'œuvre, dans leur quête effrénée de la lumière, à la quasi-disparition de la paroi et à son remplacement par d'immenses verrières dans l'architecture rayonnante[6].
À l'encontre d'une idée reçue, l'arc brisé, la voûte sur croisée d'ogives et l'arc-boutant ne sont pas des inventions gothiques. Ils sont utilisés bien avant l'apparition des premiers bâtiments gothiques[note 1],[note 2] en particulier dans les constructions réalisées par les Templiers en France. Caractéristiques de l'époque gothique, l'arc brisé et l'arc-boutant sont employés dans l'architecture romane de Bourgogne et généralisés très tôt par les cisterciens, la voûte sur croisée d'ogives apparaît dans l'architecture romane normande[7].
De nombreux autres procédés architecturaux ou décoratifs ont été employés. L'alternance depiles fortes et piles faibles rythme lanef et renforce ainsi l'impression de longueur, d'horizontalité. Le rapport hauteur/largeur de la nef accentue ou diminue la sensation de hauteur de la voûte. La forme des piles, la décoration deschapiteaux, la proportion des niveaux (grandes arcades,triforium, fenêtres hautes) participent tous à l'expression de l'esthétique de l'architecture gothique :
volonté d'accueillir le plus grand nombre de fidèles (les deux tiers de l'église gothique sont désormais réservés aux laïcs)[8].
Ainsi, les éléments architecturaux ont été mis au service de choix et de recherches esthétiques. Ils n'ont été que des outils pour obtenir les effets recherchés. Pour élever les nefs toujours plus haut, il a fallu améliorer la technique de l'arc-boutant. Pour augmenter la lumière et évider les murs, l'usage de l'arc brisé était mieux adapté. Les piles fasciculées ont homogénéisé l'espace et donné une sensation de logique aux volumes.
Enfin, l'esthétique de l'architecture gothique est généralement associée à unepolychromie, à l'intérieur et à l'extérieur, notamment pour les sculptures, les arcs et les moulures, mais aussi fréquemment sur les parois. Ces décors ont fait l'objet des recherches de l'archéologie du bâti, discipline qui a pris son essor dans lesannées 1990. Contrairement à la vision que le public en a aujourd'hui, les églises à l'époque gothique sont parfois revêtues d'une épaisse couche d'enduit ou de mortier ornés d'unfaux appareil ou de couleurs produites par des pigments, de la feuille d'or ou des inclusions de matériaux polychromes (voire pour les toitures par des tuiles vernissées ou des tables de plomb polychromes). Cette ornementation chromatique, tout en contribuant à la protection de l'église, notamment du gel, participe à l'effet de transparence, favorisant la confusion visuelle entre la paroi et l'enveloppe et niant la réalité lithique de l’édifice sous le voile d'uneluminance incarnée[9].
Le style gothique apparaît essentiellement enÎle-de-France et en Haute-Picardie[10], les tout premiers édifices « protogothiques » naissant dans la région francilienne. La principale hypothèse pour expliquer ces lieux de naissance francilien et picard est qu'ils sont essentiellement peuplés à cette époque de monumentspaléochrétiens, notamment de cathédrales à murs fins, charpentées et percées de nombreuses baies. Ces régions sont donc déjà préparées aux choix techniques et esthétiques du gothique. De plus, elles voient l'avènement desCapétiens et la consolidation de l'État qui, à mesure de l'annexion desfiefsféodaux, impose comme symbole du pouvoir royal le renouvellement de ces édifices. Enfin, elles sont à la frontière de régions dynamiques au niveau des inventions architecturales : laBourgogne (arc brisé inventé à l'abbaye de Cluny, arcs-boutants inventés à Cluny), la voûte surcroisée d'ogives du monde anglo-normand (cathédrale de Durham,abbaye de Lessay). Lieu de passage, de brassage, l'Île-de-France et la future Picardie voient les premiers maîtres gothiques synthétiser toutes ces influences[11].
Le style évolue dans le temps : au gothique dit « primitif » (XIIe siècle) succèdent en France le gothique « classique » (1190-1230 environ), puis le gothique « rayonnant » (v.1230 - v.1350) et enfin le gothique « flamboyant » (XVe siècle /XVIe siècle). EnFrance, l'arrivée en1495 d'une colonie d'artistes italiens àAmboise va donner naissance à un style hybride de structure gothique et de décorRenaissance, c'est lestyle Louis XII[12],[13].
Son expansion géographique se fait essentiellement en Europe occidentale et l'architecture gothique se décline en de nombreuses variantes locales : gothique angevin, normand, perpendiculaire, etc.
Tableau des principaux édifices religieux gothiques en France
Basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay (nef romane, chœur au transition du gothique primitif au gothique classique).
Depuis la fin duXe siècle, les églises sont construites dans le styleroman commun à une grande partie de l'Europe occidentale : les nefs sont souvent couvertes d'unevoûte en berceau ; les murs sont épais et soutenus par descontreforts massifs situés à l'extérieur. Le nombre et l'ampleur des fenêtres sont limités et l'intérieur des édifices est décoré par desfresques aux couleurs vives.
Les historiens d'art actuels, se basant sur les découvertes de l'archéologie de la construction, tendent à diminuer la rupture entre les styles roman et gothique, en démontrant que l'héritage antique n'a pas été complètement oublié du style gothique. Les sculpteurs et les architectes s'inspirent souvent des méthodes romaines. La maîtrise précoce de l'art duvitrail se retrouve dans les églises duhaut Moyen Âge dont les verrières prennent place à des endroits précis de l'édifice, en lien probablement avec la liturgie. La quête de lumière s'intensifie dans l'architecture carolingienne qui fait un usage accru du vitrail, lequel investit toutes les baies des édifices religieux[14]. Les murs épais des églises romanes peuvent être percés dans leur niveau supérieur de larges baies qui apportent davantage de lumière, caractéristique notamment des grandeséglises normandes de la seconde moitié duXIe siècle[15].
Bien que des éléments techniques utilisés par les maîtres d'œuvre de l'époque existent depuis de nombreux siècles (ogive), l'édification du chœur et de la façade de labasilique Saint-Denis et de lacathédrale Saint-Étienne de Sens sont généralement considérés comme les premiers jalons majeurs dans la genèse de l'esthétique gothique en architecture[16],[17].
Les premiers édifices gothiques apparaissent vers les années1130-1150 enÎle-de-France et surtout en Picardie.
À cette époque, la croissance démographique (en lien avec la croissance agricole et commerciale) commande une augmentation de la taille des édifices religieux (les cathédrales de Trèves et de Genève auIVe siècle sont cependant immenses, au regard de leur population, ce qui traduit une autre motivation : l'orgueil des évêques ou abbés à l'origine de la construction de ces premiers édifices gothiques puis le « patriotisme urbain »[18]). La religion, le culte desreliques sont une composante essentielle de la vie des fidèles.
La diffusion des innovations techniques rend le travail plus productif. Enfin, les villes et le commerce se développent, ce qui entraîne l'émergence d'une richebourgeoisie qui souhaite s'émanciper du pouvoir de la seigneurie féodale dès leXIe siècle par l'obtention defranchises (droit d'impôts, de justice, etc.) et l'exemption dedroits seigneuriaux précisées dans les chartes de communes. Cette bourgeoisie souhaite s'émanciper aussi du pouvoir ecclésiastique en tenant ses conseils municipaux non plus dans les églises, mais dans leshôtels de ville dont lesbeffrois concurrencent les clochers. Au gré des circonstances, ces trois pouvoirs s'affrontent ou s'allient (il peut même y avoir concurrence entre le clergé cathédral et celui des autres églises paroissiales dont la responsabilité de la collecte et l'administration des fonds pour sa construction est assurée par leconseil de fabrique) pour le financement de nouvelles églises et cathédrales.
Même si elle ne fut consacrée qu'en 1163, les travaux de lacathédrale Saint-Étienne de Sens ont commencé en 1135 et de fait elle est considérée comme la première des cathédrales gothiques. Néanmoins, les premiers essais ne concernent pas les cathédrales.
Les églises et abbatiales deSaint-Martin de Paris (chœur de 1130) et deSaint-Germer-de-Fly (1135) présentent déjà quelques traits du gothique. Elles sont antérieures à l'abbatiale deSaint-Denis, mais celle-ci est une des premières constructions religieuses encore debout à se démarquer nettement du styleroman[11].
L'abbayebénédictinede Saint-Denis est un établissement prestigieux et riche grâce à l'action deSuger, abbé de1122 à1151. Ce dernier souhaite rénover la vieilleéglisecarolingienne afin de mettre en valeur les reliques desaint Denis dans un nouveau chœur : pour cela, il souhaite une élévation importante et des baies qui laissent pénétrer la lumière.
Suger décide d'achever la construction de sa nouvelle abbatiale en s'inspirant du nouveau style entraperçu dans lacathédrale Saint-Étienne de Sens. En1140, il fait édifier une nouvelle façade occidentale du type « harmonique », en s'inspirant des modèlesnormands de l'âge roman, comme l'abbatiale Saint-Étienne de Caen qui offre un bel exemple defaçade harmonique normande, rompant avec la tradition carolingienne dumassif occidental. En1144, la consécration du chœur de la basilique marque l'avènement d'une nouvelle architecture. Reprenant le principe dudéambulatoire àchapelles rayonnantes en le doublant, il innove en prenant le parti de juxtaposer les chapelles, autrefois isolées, en les séparant par un simple contrefort. Chacune des chapelles comporte de vastes baies jumelles munies devitraux filtrant la lumière. Le voûtement adopte la technique de lacroisée d'ogives qui permet de mieux répartir les forces vers lespiliers.
Le premier art gothique s’étend durant la seconde partie duXIIe siècle dans le Nord de la France. Leclergé séculier est alors tenté par un certain faste architectural. Saint-Denis passe pour le prototype : mais ce parti, très audacieux, ne sera pas immédiatement compris et suivi (façade harmonique, doubledéambulatoire,voûtes d'ogives). LacathédraleSaint-Étienne deSens est un autre exemple initiateur de ce mouvement, moins audacieux que Saint-Denis : alternance des supports (piles fortes et piles faibles), voûtes sexpartites, murs qui restent relativement épais - l'utilisation des arcs-boutants ne se généralisera qu'à lapériode gothique classique (même s'ils font leur première apparition attestée àSaint-Germain-des-Prés[20], dès lesannées 1150, jusqu'à la découverte de cet élément architectural en 1130 àCluny[11]). Toutefois, des innovations telles que l'absence detransept qui unifie l'espace et un éclairage plus abondant, peuvent être constatées.
L'élévation du gothique primitif se fait alors sur quatre niveaux :grandes arcades,tribunes,triforium et fenêtres hautes, lestribunes devenant ainsi l'une des caractéristiques principales des années 1140-1180 comme auxcathédrales de Laon,Noyon,Saint-Germer-de-Fly et bien que remanié àSenlis... Les apports de Sens sont compris plus vite que ceux de Saint-Denis. La cathédrale de Sens va avoir davantage de répercussions et rapidement de nombreux édifices vont suivre son exemple, au nord de laLoire dans un premier temps.
Lacathédrale de Laon présente encore une forme « archaïque » en conservant une élévation à quatre niveaux, dont des tribunes. Le contrebutement de la nef, malgré des voûtes sexpartites et une alternance piles fortes / piles faibles, n'est pas encore pleinement résolu.
Tableau des principaux édifices du gothique primitif en France
Pour cette période, on commence à connaître le nom desarchitectes, notamment grâce auxlabyrinthes (Reims). Lesmaîtres d'œuvre rationalisent la production en ayant progressivement recours à la préfabrication despierres de taille en carrière et à la standardisation[24] des modules de maçonnerie[25]. La mise au point desarcs-boutants permet de supprimer les tribunes qui jusqu'alors jouaient ce rôle. Les autres pays d'Europe commencent à s'intéresser à cette nouvelle forme architecturale comme enAngleterre àCanterbury etSalisbury ou enEspagne àTolède etBurgos.
Opposition du modèle chartrain et du modèle de Bourges
Cathédrale Notre-Dame de Chartres, nef et chœur (1194-1230).
Leshistoriens de l'art envisagent très tôt le projet ambitieux de lacathédrale Notre-Dame de Chartres comme étant le prototype du « gothique classique » : c'est le « modèle chartrain » où l'on va rechercher l'équilibre entre les lignes verticales et les lignes horizontales ainsi que la planitude des murs.
La construction de la cathédrale chartraine s'inscrit dès 1194 dans un contexte d'émulation générale faite d'échanges et detransferts d'expérience[26] : rendu possible grâce au perfectionnement du contrebutement et à la meilleure maîtrise de lacroisée d'ogives, on sacrifie lestribunes si caractéristiques desannées 1140-1180. Le grand vaisseau adopte désormais une élévation à trois niveaux : grandes arcades, triforium et fenêtres hautes. De l'étagement sur un seul plan, on obtient une planitude nouvelle de la paroi murale.
La base des piliers se réduit par rapport à lacathédrale Notre-Dame de Noyon et letore inférieur plus écrasé commence à déborder de l'aplomb du socle. La mise en place d'un nouveau type de pilier à quatre colonnes engagées va pouvoir créer une répétition à l'infini tout en augmentant visuellement l'élan vertical. Les grandes arcades enarcs brisés sont agrandies et profilées d'un méplat reposant entre deuxtores sur des colonnes à supports engagés. Pour ne pas rompre l'élan des lignes verticales, les crochets deschapiteaux sont désormais remplacés par des bagues de feuillages appliquées à lacorbeille. L'abandon duvoûtement sexpartite au profit d'unvoûtement quadripartite dit « barlong », est une grande innovation créant une ordonnance régulière obtenue par la suppression définitive de l'alternance des supports. Elle est pourtant subtilement rappelée en tant que motif décoratif, par la variation du dessin des piliers qui sont alternativement circulaires et octogonaux[27]. Letriforium à quatre arcades brisées, soulignées par deuxbandeaux profilés en amandes, devient ici continu, créant ainsi une « puissante horizontale »[28]. Autre nouveauté, les murs ne devenant plus un soutien mais plutôt une clôture, les fenêtres hautes peuvent dorénavant occuper toute la largeur du mur développant ainsi l'espace réservé aux verrières[29] : composées de deuxlancettes géminées systématiquement brisées, ces fenêtres atteignent maintenant la même hauteur que les grandes arcades, amenant ainsi plus de lumière à l'édifice. Elles sont surmontées d'une grande rose à huit lobes qui permettent l'épanouissement de la technique du vitrail[30]
Lacathédralegothique type présente unefaçade dite « harmonique », c'est-à-dire encadrée de deux tours symétriques. Sa composition extérieure reflétant ses dispositions intérieures, elle montre troisportails richement ornées ouvrant sur unenef et deuxbas-côtés ou, exceptionnellement, comme àBourges, cinq portails correspondant à cinq vaisseaux. Au-dessus, elle est percée d’une granderose ou alors d’une immense verrière en tiers-point. Unegalerie coupe horizontalement l’élévation ; ajourée de niches habitées par les statues des rois et prophètes de l’Ancien testament, elle est dite « galerie des rois ».
La façade harmonique parfaite est cependant assez rare. Si l’on compte celles à tours inachevées, dissymétriques ou terminées postérieurement à l'époquegothique, seule une quarantaine de cathédrales enEurope montrent une telle disposition. Cette façade constitue déjà la première page d’un gigantesque livre d’histoire religieuse, proposant au fidèles de découvrir l'Ancien Testament gravé dans la pierre des portails.
Cette « élévation à trois niveaux » ne sera pourtant pas reconnue comme un acte fondateur du gothique classique. C'est bien la transformation de la perception des volumes et de l'espace intérieur par la planitude des murs et par cet équilibre nouveau entre les lignes verticales et les lignes horizontales qui marquera une réelle avancée. L'esthétique définie aura une grande postérité. Le « modèle chartrain » sera non seulement repris àReims et àAmiens mais également à l'étranger, enAngleterre d'abord, dans les cathédrales deCanterbury etSalisbury, puis enEspagne àBurgos et plus tard dans leSaint-Empire romain germanique, à lacathédrale de Cologne.
Cathédrale de Bourges, intérieur (1195-1230).
Face au « modèle chartrain », lacathédrale Saint-Étienne de Bourges, dès 1195, représente une autre esthétique : contrairement à la cathédrale de Chartres, les effets recherchés sont essentiellement des jeux de volumes avec une perspective longitudinale et un profil pyramidal.
Henri de Sully,archevêque de Bourges fait une donation au chapitre de la cathédrale de Bourges pour la construction d'un nouvel édifice. L'archevêque est frère d'Eudes de Sully,évêque de Paris, d'où une similitude de plan et d'élévation avec lacathédrale Notre-Dame de Paris. Si l'idée d'un doubledéambulatoire est reprise, letransept est ici supprimé, contribuant à la sensation d'unité de l'espace et de longueur de l'édifice, totalement dépourvu de l'axialité appuyée qui caractérise le « modèle chartrain ». Nouveauté de l'époque, toutes les moulures et les chapiteaux ont la même hauteur, avec deux diamètres seulement de colonnettes, quelle que soit leur position dans l'édifice[31]. Si, comme à Chartres, lestribunes sont sacrifiées pour une élévation à trois niveaux, on reste pourtant fidèle comme à la cathédrale Notre-Dame de Paris, à lavoûte gothique sexpartite, ce qui entraîne dans la nef centrale, l'adoption d'une alternance de piles faibles et fortes qui sera habilement dissimulée par la présence de huit colonnettes engagées sur un cylindre. Cette plasticité se maintiendra d'ailleurs enBourgogne, àSaint-Étienne d'Auxerre ou àNotre-Dame de Dijon.
L'effet obtenu surprend aussi bien par l'absence de transept que par une ouverture visuelle sur le doublebas-côté se prolongeant autour duchœur : en résulte une perspective longitudinale avec une impression d'immense espace intérieur libéré de tout cloisonnement et dont les volumes ouvrant les uns sur les autres entrent en totale opposition avec le « modèle chartrain » qui met surtout l'accent sur la hauteur et l'axe menant au chœur[31]. On aboutit ainsi au profil pyramidal de la coupe transversale, les cinq nefs étant hautes respectivement de9 mètres, 21,30 mètres et 37,50 mètres[31] depuis les bas-côtés extérieurs jusqu'à la nef centrale. En complément, lemodèle de Bourges offre une recherche nouvelle sur la lumière : les collatéraux intérieurs, dotés de triforiums, ont une élévation à trois niveaux et la disposition des nefs, chacune pourvue de fenêtres hautes, permet d'apporter un éclairage latéral s'additionnant à celui du sommet de la nef centrale et du chœur.
Encore une fois, ce style est né à Saint-Denis avec la réfection des parties hautes duchœur de l'abbatiale en1231. Il s'impose réellement à partir des années1240, notamment à laSainte-Chapelle de Paris ; les édifices alors en chantier prennent immédiatement en compte cette nouvelle « mode » et changent partiellement leur plan[32]. Le gothique rayonnant va se développer peu à peu jusqu'en1350 environ, et se répandre dans toute l'Europe avec une certaine homogénéité. Des architectes français seront employés jusqu'à Chypre ou en Hongrie[33].
Les églises deviennent de plus en plus hautes. Sur le plan technique, c'est l'utilisation d'une armature de fer (technique de la « pierre armée ») qui permet des bâtiments aussi vastes et des fenêtres aussi grandes[34].
Les fenêtres s'agrandissent jusqu'à faire disparaître le mur : les piliers forment un squelette de pierre, le reste étant de verre, laissant pénétrer une lumière abondante. La surface éclairée est encore augmentée par la présence d'untriforium ajouré comme àChâlons. ÀMetz, la surface vitrée atteint 6 496 m2. Les fenêtres sont en outre caractérisées par desremplages d'une grande finesse qui ne font pas obstacle à la lumière, fondés sur l'exploitation de figures simples tracées au compas fournissant desfigures lobées à trois, quatre, cinq découpes ou plus. La rose, déjà très utilisée auparavant, devient un élément incontournable du décor (Notre-Dame de Paris,transept ; façade de lacathédrale de Strasbourg).
On notera aussi une certaine unité spatiale : les piliers sont tous identiques ; la multiplication deschapelles latérales permet aussi d'agrandir l'espace de la cathédrale.
Le pilier est le plus souventfasciculé, c'est-à-dire entouré de multiples colonnettes rassemblées en faisceau. Contrastant avec la tendance du pilier fasciculé, tout un groupe de cathédrales et grandes églises adoptent cependant des piles cylindriques à l'imitation de lacathédrale Saint-Étienne de Châlons.
Disparition des chapiteaux dans le chœur de la cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur de Narbonne (1336-1354).
Les réalisations de cette époque sont encore qualifiées de « rayonnantes » sans que rien de précis ne vienne justifier cette appellation. Abandonnant l'art monumental, on note une miniaturisation dans la sculpture où les thèmes profanes se développent. On découvre le réalisme et la sculpture devient progressivement indépendante de son support[36]. L'aspect purement décoratif est de plus en plus recherché et si l'esprit de raffinement l'emporte sur la simplicité robuste, l'évolution stylistique reste pourtant mesurée, sans doute liée à la baisse du nombre de constructions.
Certaines innovations qui seront importantes au siècle suivant, se font déjà jour : l'évolution générale se fait vers un évidement extrême des murs et lechapiteau étant progressivement abandonné, lesnervures desvoûtes viennent alors se prolonger directement dans lescolonnettes despiliers (Saint-Just-et-Saint-Pasteur de Narbonne). Le désir de multiplier les lignes ascendantes conduit à diminuer le diamètre descolonnes engagées qui tendent à se confondre avec de simplesmoulures. La base des piliers dont lascotie est supprimée, prend à la fin de la période, l'allure d'une assiette renversée[36].
Parallèlement, la crise pontificale qui touche lecatholicisme aboutit augrand schisme d'Occident, divisant pendant quarante ans la chrétienté catholique en deux courants rivaux tout en laissant les fidèles sans véritable guide spirituel. Deux successions pontificales simultanées, l'une àRome et l'autre àAvignon, provoquent alors une crise profonde du sentiment et de la pensée religieuse : malgré son élection, chaque tenant en titre étant qualifié d'antipape par ses adversaires.
Au milieu de cette tourmente, pourtant, un certain nombre de princes tels que les frères du roi,Jean de Berry,Louis d'Anjou etPhilippe le Hardi se comportent en grands mécènes : au temps des souverains va succéder l'âge des princes. Se dressent alors de somptueuses résidences où la décoration souvent remarquable témoigne d'un progrès des aménagements intérieurs déjà esquissés sous Charles V.
Au cours de ce mouvement, les cours européennes les plus puissantes cherchent également à s'étonner les unes les autres à travers leurs constructions, dans le seul but d'affirmer leur pouvoir. Celui-ci impose une nouvelle esthétique en faisant appel à une génération d'artistes tous très jeunes[37]. La mobilité d'architectes de renom, dont le prestige dépasse les frontières de la France, permet de diffuser en retour les innovations artistiques du temps, effaçant pour un temps, les spécificités nationales, créant ainsi un style international.Charles IV àPrague, les frères de Charles V, lespapes àAvignon ou encore lesVisconti àMilan, interviennent désormais directement sur l'activité artistique, d'où le terme de « style aristocratique »[38]. Cette recherche nouvelle d'élégance précieuse annonce d'ailleurs les commandes futures de bourgeois enrichis au cours duXVe siècle. Dès cette époque, l'intervention du monde laïque commence d'ailleurs à déterminer les axes de l'évolution des formes qui deviennent tributaires des commanditaires.
Chœur de la cathédrale Saint-Guy de Prague (1344-1420) par Mathieu d'Arras puis Peter Parler.
Entre la fin duXIVe et le début duXVe siècle, le gothique international[39] est une phase transitoire de l'art gothique témoignant de la proximité de caractères présents dans l’art de régions parfois fort éloignées, de l’Europe occidentale. Pouvant s'exprimer à l'échelle d'une cité[35], c'est un art brillant pliant les formes traditionnelles de l'architecture au rythme d’une écriture souple, tout en privilégiant les courbes et le raffinement : art de cour, il témoigne du goût prononcé de la société princière pour les fastes et le cérémonial. Certains historiens de l'art ont parfois remis en doute son caractère international[40], préférant même le considérer,« à de nombreux égards, [comme] non réellement pertinent […] dans la mesure où il tend à aplanir les différences comme les détails de la transmission [artistique] »[41], préférant désigner ce mouvement comme unstyle aristocratique, terme qui le définit également avec justesse[42].
Laguerre de Cent Ans et legrand schisme d'Occident provoquèrent la désagrégation progressive du mécénat religieux et royal, si présents durant leMoyen Âge et qui tendait jusqu'alors à maintenir des écoles locales. Désormais, ce sont les princes qui s'attachent à leur service un nombre croissant d’artistes, d'architectes ou de sculpteurs portant alors le titre de « valet de chambre » de « l'hôtel du prince ». Celui-ci n’impliquait pas par lui-même de fonction particulière, mais indiquait que l'artiste possédait un rang et en recevaient une pension tout en restant libre de répondre aux commandes d'autres cours princières. Ces artistes étaient donc aussi hommes de cour et en adoptaient l’esprit et les mœurs. Nul doute que le raffinement de l’art de l’époque en ait été redevable. Les enluminures desFrères de Limbourg dansLes Très Riches Heures du duc de Berry de leur mécèneJean de Berry sont un reflet des constructions nouvelles de l'époque et de cette vie de cour partagée avec la société princière. La mobilité d'architectes de renom, dont le prestige dépasse les frontières de laFrance, permet de diffuser en retour les innovations artistiques du temps, avant que l'affirmation desystèmes corporatifs stricts du début duXVe siècle, ne réaffirment les spécificités nationales.
Dès les années 1380, le mécénat deJean de Berry, frère deCharles V le Sage, s'illustre par l'édification de bâtiments d'aspect monumental, déjà marqués par les débuts de l'art gothique flamboyant dont l'architecteGuy de Dammartin est un des initiateurs[43]. Dans laSainte-Chapelle de Riom, le remplage des fenêtres forme des courbes et des contre-courbes, articulées ensoufflets etmouchettes, ce qui en fait l'un sinon le premier exemple ce nouveau style. Aupalais des comtes de Poitiers, la reconstruction de la tour Maubergeon est l'occasion pour l'architecte d'adopter une traduction monumentale du nouveau style flamboyant afin de réaliser pour le prince, un édifice hautement symbolique, offrant à la ville l'image d'une tour à l'architecture raffinée et porteuse d’un message iconographique fort[43]. Au premier étage, l'ancienne salle du sénéchal, transformée en une « salle à parer », manifeste cet abandon progressif des chapiteaux, réduit ici à de simples moulures. L'ogive peut pénétrer alors sans interruption dans la colonne qui la supporte. Lespiliers octogonaux se modèlent d'arêtes à angles vifs, montant alors d'un seul jet depuis le sol jusqu'à se fondre dans les voûtes. Faisant le lien avec ces travaux,Jean de Berry fait reprendre le pignon sud de la « Grande salle » qui est en connexion avec la tour Maubergeon. On reconstruit l'estrade noble surmontée d'une triple cheminée monumentale créée pour l'occasion et composée d'un triple conduit extérieur détaché du mur. Ses dimensions monumentales, 10 m de long sur 2 m, manifestent de cette monumentalité recherchée à l'époque en provoquant l'étonnement.Guy de Dammartin avait déjà fait l'expérience de la même commande pour le pignon sud de la « Grande salle » dupalais de Bourges. Cependant, alors qu'à Bourges la triple cheminée était couronnée d’une arcature aveugle, celle du palais des comtes de Poitiers est dominée par un ouvrage décoratif s'apparentant davantage à l'art de l'orfèvre qu'à celui du maître-maçon : s’opposant à la masse horizontale des trois cheminées, une triple arcature surmontée de gâbles se détache devant un grand fenêtrage de quatre jeux de lancettes formant une puissante source d’éclairage et comportant les mêmes soufflets et mouchettes qu'à laSainte-Chapelle de Riom.
Dernier vestige de l'hôtel de Bourgogne, la tourtour Jean-sans-Peur, fut construite entre 1409 et 1411 à la demande duduc de Bourgogne, après l’assassinat deLouisIer d'Orléans, frère cadet du roiCharles VI. À la suite de son accession auduché de Bourgogne,Jean sans Peur souhaite marquer symboliquement sa prise de pouvoir par la construction de cethôtel, en réalisant un grandescalier à vis, inspiré de celui construit sousCharles V le Sage auLouvre. Typique de ce style aristocratique, les dernières innovations architecturales y sont utilisées au service de la propagande politique. L'élimination progressive duchapiteau, observé àNarbonne puis au palais des comtes de Poitiers, a favorisé peu à peu la comparaison entre la colonne et le tronc d'arbre dont les nervures évoqueraient des branches[44]. Cette analogie qui s'exprime clairement dans le décor végétal de cette voûte d'escalier à vis, n'est pourtant pas gratuite puisqu'elle n'est reprise qu'à des fins héraldiques. Chaque plante représentée symbolise ainsi un membre de lafamille de Bourgogne : si d'un pot central, partent des branches dechêne sur lesquelles grimpe duhoublon, rejointes par des branches d'aubépine naissant des murs, le chêne ne représente rien d'autre quePhilippe le Hardi, l'aubépine, sa femmeMarguerite d’Artois et le houblon, Jean sans Peur leur fils.
La dominante monumentale marquant l'ensemble de la production artistique de l'époque dont la sculpture, apparaît avec netteté lorsquePhilippe le Hardi, fait appel en 1383, au maître d'œuvreClaus Sluter pour réaliser près deDijon le chantier de sachartreuse de Champmol. Les quelques éléments sculptés qui nous sont parvenus, montrent cette volonté d'accompagner à nouveau l'architecture. Par ailleurs, la Vierge à l'enfant au pilier central du portail, reflète la tradition de l'époque sous influence flamande : jambe d'appui et jambe libre, drapé en volutes, sensation de tension, d'énergie et de « dialogue » entre la Vierge et son enfant.
La construction du Temple parJean Fouquet (vers 1420) : Dans ce chantier de la cathédrale, métaphore de l'édifice religieux en tant queJérusalem céleste, des peintres sur un échafaudage, le long de la façade de droite entre les rosaces, terminent le revêtement polychrome.
En France, alors que le roiCharlesVI meurt de sa folie, son filsCharlesVII, ne peut se fairesacrer àReims, alors sous contrôle anglais. Faute de soldats, il se retrouve d'ailleurs dans l'incapacité de reprendre le contrôle de la totalité du territoire et n'hérite en1422, que d'un petit morceau duroyaume de France, alors partagé en trois parties : Le duché duduc de Bedford qui règne depuis les terres anglaises, leduché de Bourgogne et le royaume dit « deBourges » de Charles VII.
À la suite de l'intervention deJeanne d'Arc, la tendance s'inverse pourtant. Après avoir délivréOrléans, assiégée par les Anglais, elle redonne de l'espoir et du courage aux partisans de Charles VII. Traversant les terresanglo-bourguignonnes, lachevauchée vers Reims permet au roi de confirmer sa légitimité en se faisantsacrer àReims le dimanche. Dès lors en position de force, Charles VII parvient, au cours dutraité d'Arras de 1435, à renverser l'alliance entre lesducs de Bourgogne et deBedford à son avantage. Dès 1444, il peut signer latrêve de Tours, première étape vers la fin de laguerre de Cent Ans qui s'achèvera à labataille de Castillon en 1453. Son filsLouisXI lui succède en 1461, c'est un homme complexe et un fin diplomate qui saura imposer son pouvoir et régner sur un vrai royaume. Cependant, trop occupé à unifier laFrance, il ne sera pas un grand commanditaire, laissant lesgrands feudataires du royaume et quelques grandsbourgeois, dontJacques Cœur, assumer ce rôle.
Cette fin des hostilités avec l'Angleterre, amène à la reconstruction d'un pays meurtri. Elle touche les campagnes et les villes, dont les bâtiments, jusque-là de bois, sont désormais en pierre. Signe des temps, l'architecture des bâtiments est souvent monumentale : il y a une volonté affichée d'éblouir et de marquer la puissance urbaine retrouvée à cette époque par des emprunts au vocabulaire architectural des édifices religieux[46].
Le « gothique flamboyant » est plus un style qu'une période, le qualificatif « flamboyant » aurait été employé pour la première fois parEustache-Hyacinthe Langlois, antiquaire normand, pour décrire les motifs en forme de flammes articulés ensoufflets etmouchettes, se développant en nombre dans lesremplages desbaies, lesrosaces ou sur lesgâbles de l'époque.
Historiquement, le style gothique flamboyant, aboutissant à la phase transitoire duStyle Louis XII, peut être considéré comme la dernière manifestation d'un art duMoyen Âge, s'opposant d'une certaine manière au mouvement qui, amorcé dès leconcours du dôme de Florence en 1418, distingue une école d'architecture proprement italienne, donnant lieu à laPremière Renaissance.
Par rapport à la période précédente, la structure des édifices reste la même ; mais leur décor évolue vers une ornementation exubérante, caractérisé par une grande virtuosité dans lastéréotomie (taille de la pierre). La technique de la « pierre armée » de la période rayonnante fait place à la « pierre taillée » : cela explique par exemple que lesrosaces soient de dimensions plus modestes[34], même si elles se font plus aériennes reposant sur des structures plus légères comme dans laSainte-Chapelle de Vincennes.
Les façades flamboyantes présentent la caractéristique d'être ouvragées sur plusieurs plans, dont la surcharge décorative, recouvrant les surfaces de leurs motifs va parfois jusqu'à étouffer la sculpture et diluer les lignes de l'architecture (Tour du Beurre[48] àRouen)[49]. Les motifs curvilinéaires, lesarabesques développées en courbes et contre-courbes dominent désormais lesremplages, en évoquant, comme disaitMichelet« des flammes, des cœurs ou des larmes » (transept de l'église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors). Parallèlement, la brisure des arcs s'assouplit, s'abaisse progressivement enanse de panier ou se redresse enaccolade surmontés de gables comme dans les réalisations deJean de Beauce à laTrinité de Vendôme, ou d'arcs en cloches (maison des Têtes de Valence,Croisillon sud, cathédrale de Senlis)[12].
Le même esprit inventif présidant le style gothique flamboyant se manifeste dans les plans et les élévations des églises, tantôt à nef unique, tantôt à troisvaisseaux d'inégale hauteur, tantôtéglises-halles.
À partir d'une réflexion sur les monuments duXIIIe siècle, on aboutit à une remise en cause des recherches sur la transparence et sur la lumière et à un retour à la muralité (château de Vincennes)[37] : S'il est vrai que les murs tendent parfois à disparaître en une immense verrière, à la suite de la dimension croissante des fenêtres à réseaux flamboyants (Bras Sud de labasilique de Saint-Nicolas-de-Port), ils peuvent également reprendre de l'importance entre les ouvertures pour permettre un éclairage diffus car laspatialité évolue désormais à travers une recherche de fusion entre les volumes et la lumière[37]. Les grandes arcades qui ne récusent plus une certaine muralité, créent de ce fait, un espace intermédiaire qui permet par une ornementation et un éclairage différenciés, de définir des espaces sociaux et culturels privilégiés (co-cathédrale Notre-Dame-de-l'Annonciation de Bourg-en-Bresse,basilique de Saint-Nicolas-de-Port,basilique Notre-Dame de Cléry).
Leschapiteaux sont parfois réduits à des bagues décoratives, ou disparaissent, laissant les moulures de l'ogive pénétrer sans interruption dans la colonne qui la supporte (salle des gros piliers duMont Saint-Michel). Lespiliers qui se creusent, ondulent enspirales (cathédrale de Rodez) ou se modèlent d'arêtes à angles vifs, montent alors d'un seul jet depuis le sol en se fondant aux voûtes[49]. Un type très répandu, notamment dans l'Est de laFrance, est lepilier rond lisse, de forme archaïque, sanschapiteau, et qui reçoit sur sonfût lesnervures à des niveaux différents. Cet épanouissement desnervures, apparu dès legothique international, évoque l'image d'un palmier (pilier du chœur de l'église Saint-Séverin deParis)[12]. AuXVIe siècle, on rencontre lepilier à quatre ressauts[12]. En général, les multiplescolonnettes qui flanquaient lespiliers sont remplacées par desnervures prismatiques tendant à se fondre avec le mur tandis que leurbase prend des formes diverses : buticulaires, torsadées ou encore évoquant la forme de flacons polygonaux[49].
Cathédrale Notre-Dame de Sées, vers 1494.
Latravée n’apparaît plus désormais comme l’élément fondateur du volume intérieur : Cette dominante monumentale marque l'ensemble de la production duXVe siècle. Elle apparaît avec netteté dans le domaine dela sculpture où l'on abandonne la formule éclatée des siècles précédents pour accompagner à nouveau l'architecture[37]. Dès l'époque dugothique international,Peter Parler avait abandonné àSaint Guy de Prague, le principe de la travée pour une conception unitaire du volume, affirmée par le dessin dutriforium et surtout par le mode de couvrement. La conséquence en est une conception plastique qui rejoint celle dugothique rayonnant mais qui demeure originale. Si la structure des voûtes sur croisée d'ogives ne disparaît pas comme enAngleterre, le couvrement se complique, avec l’apparition deliernes et detiercerons. Les nervures alors se multiplient, s'entrecroisent, se recoupent avec une grande fantaisie, tout en s'enrichissant comme sur les voûtes de lachapelle du Saint-esprit de Rue, declefs pendantes appeléscul-de-lampe, véritable prouesse technique (portail deGuillaume Le Roux àNotre-Dame de Louviers)[49].
À la même époque, l'Angleterre développe une expression architecturale particulière, appeléegothique perpendiculaire. Apparu dès le milieu duXIVe siècle au cloître deGloucester, ce courant du gothique est marqué par les réalisations deThomas de Cambridge. Certaines régions germaniques, quant à elles, préfèrent se tourner vers un gothique particulièrement sobre, aux surfaces blanches subtilement fragmentées en formes géométriques polygonales. L'Albrechtsburg deMeissen, réalisé par Arnold deWestphalie, ainsi que de nombreux édifices deSlavonice, aujourd'hui enTchéquie, expriment clairement cette nouvelle recherche.
Gloire et vitrail du chœur de l'église Saint-Merri de Paris.Église Notre-Dame du Sablon de Bruxelles : statues d'apôtres (1641-1646) dans la grande nef (débutXVIe siècle).
Le styleLouisXII (1495 à 1525/1530)[12],[13] est un style de transition, un passage très court entre deux époques éblouissantes, lapériode Gothique et laRenaissance. Il qualifie une époque où l'art décoratif partant de l'arc ogival et du naturalisme gothique s'acheminera vers le plein cintre et les formes souples et arrondies mêlés de motifs antiques stylisés typiques de laPremière Renaissance : il y a encore beaucoup degothique auchâteau de Blois, il n'y en a plus autombeau deLouisXII à Saint-Denis[13].
Dès 1495, une colonie d'artistes italiens fut installée àAmboise et travailla en collaboration avec des maîtres maçons français. Cette date est généralement considérée comme étant le point de départ de ce nouveau mouvement artistique. D'une façon générale, la structure reste française, seul le décor change et devient italien[53]. Il serait regrettable pourtant de déterminer ce nouveau style au seul apport italien : Des relations existent entre la production architecturale française et celle duplateresque espagnol[54] et l'influence du Nord, surtout d'Anvers est notable aussi bien dans lesarts décoratifs que dans l'art de lapeinture et duvitrail[49].
Corniche Renaissance à oves sur le logis et « tempietto » surmontant la « tour du lion » (Meillant, vers 1510).
Les limites du styleLouisXII sont assez variables, en particulier lorsqu'il s'agit de laprovince en dehors duVal de Loire. Outre les dix-sept années du règne deLouisXII (1498-1515), cette période comprend la fin du règne deCharlesVIII et le commencement de celui deFrançois Ier, faisant débuter le mouvement artistique en 1495 pour le faire s'achever vers 1525/1530[13] : l'année 1530 correspondant à un véritable tournant stylistique, qui faisant suite à la création parFrançois Ier, de l'École de Fontainebleau, est généralement considérée comme la pleine acceptation dustyle Renaissance[53],[13]. Dans les travaux décoratifs de la fin de la période deCharlesVIII, on observe une tendance bien marquée à se séparer de l'arc ogival pour se rapprocher duplein cintre. L'influence des réalisations deBramante à Milan pourLudovic Sforza est perceptible dans la partie inférieure de l'aileCharlesVIII auchâteau d'Amboise[53] : Si la partie supérieure du bâtiment estgothique, la façade dupromenoir des gardes présente telleune loggia, une série d'arcades en plein cintre qui marque des travées rythmées de pilastres lisses. En général, les formes ornementales n'ont déjà plus la gracilité particulière de l'époque ogivale, le rythme des façades s'organise de façon plus régulière avec la superposition des ouvertures en travées et la coquille, élément important de la décorationRenaissance, fait déjà son apparition. Cette évolution est particulièrement perceptible auchâteau de Meillant dont les travaux d'embellissement voulus parCharles II d'Amboise débutent dès 1481 : si la structure est restée pleinementmédiévale, la superposition des fenêtres en travées reliées entre elles par un cordon à pinacles, annonce le quadrillage des façades sous laPremière Renaissance. De même, on remarque l'entablement à oves classique surmonté d'unebalustradegothique et le traitement enTempietto de la partie haute de l'escalier hélicoïdal avec sasérie d'arcatures enplein cintre munies de coquilles[55].
Si à la fin du règne deCharlesVIII, l'apport d'ornements italiens viennent enrichir le répertoire flamboyant, il y a désormais sousLouisXII toute une école française qui s'ouvre à l'Italie avec de nouvelles propositions, établissant ainsi les principes d'un style de transition[13].
Le styleLouisXII montre que l'on veut désormais autant étonner les Français que les Italiens : c'est à partir de la fantaisie avec laquelle sont incorporées lesnouveautés italiennes dans les structures encore toutesmédiévales françaises que naîtra vers 1515/1520 laPremière Renaissance[56].
Dès 1530, déclin de l'art gothique face à la Renaissance
Alors que leshumanistes de laRenaissance souhaitent un retour aux formesclassiques héritées de l'Antiquité, exprimant à leurs yeux un modèle de perfection, le terme « gothique » est employé pour la première fois, parGiorgio Vasari afin de désigner en1550, avec une connotation péjorative l'artmédiéval : il donne ainsi la paternité de ce style, aux peuplesGoths dont les armées barbares dirigées parAlaric avaient envahi lapéninsule italienne puispillé Rome en 410.
Dans ce contexte, les recherches décoratives « baroque » de la fin dustyle gothique flamboyant, se voient opposées à la mesure toute classicique apparue un siècle plus tôt àFlorence. Pour autant, les exubérantes dentelles de pierre deSaint-Maclou de Rouen restent bien contemporaines des réflexions antiquisantes de lachapelle des Pazzi deFlorence etLéonard de Vinci meurt alors que s'achève seulement la façadeflamboyante dela Trinité de Vendôme[49].
Collégiale Saint-Pierre d'Aire-sur-la-Lys, la nef (1492-1634) : abandon progressif du style gothique dans les parties hautes, même si les croisées d'ogives perdurent.
C'est pourquoi il serait caricatural de résumer le début duXVIe siècle comme l'opposition de deux univers artistiques que tout sépare[49] : une recherche de synthèse est même opérée enFrance au cours de la phase transitoire dustyle Louis XII, renouvelant la structuremédiévale grâce aux apports italiens[53]. Loin d'être un exemple isolé, ce phénomène s'illustre jusqu'enItalie même, où le chantier de lacathédrale de Milan prolonge à l'envi le décorgothique jusqu'au seuil duXVIIe siècle. C'est d'ailleurs presque à regret que les raffinements gothiques des palais vénitiens (ex. : laCa d'oro) cèdent face à laRenaissance[49].
Les réalisations destyle gothique auxXVIIe et XVIIIe siècles sont surprenantes, incongrues et dérangent nos habitudes de classifications. Durant cette période pourtant, il arrive en milieu rural qu'une église ou qu'une petite chapelle soient édifiées dans un style gothique tardif : Citons pour exemples la chapelle Saint-Samson deTrégastel, dont le chantier entrepris à la fin duXVIe siècle, ne sera achevé que vers 1630, ou encore au début duXVIIIe siècle, le projet deGuillaume Hénault pour les Célestins d'Orléans en style gothique flamboyant. La survivance de ce style est alors imputée à un certaintraditionalisme, pour ne pas parler d'archaïsme. Mais en milieu urbain, où les constructeurs ont le choix et connaissent ce qui se fait de mieux, le choix de bâtir dans unstyle gothique démodé paraît plus surprenant[50]. Si les chantiers de cette période font souvent suite aux destructions survenues lors desguerres de religion, le recours presque systématique austyle gothique paraît curieux. Représentant trois exemples majeurs de cette tendance, les cas descathédrales deNarbonne, deNantes et d'Orléans peuvent nous apporter une réponse à cette interrogation.
Cathédrale de Narbonne, le transept, amorcé au débutXVIIIe siècle.
On peut conclure avec ces trois exemples pris àNarbonne,Nantes etOrléans, que la volonté de continuer les édifices dans le style gothique initial, même avec des aménagements au goût du jour, a pu vouloir affirmer la continuité de l'église, dans des régions très marquées par leprotestantisme, à travers lacathédrale, édifice majeur et symbolique dumonde catholique. Du reste, l'architecturegothique devient dès cette époque, sous l'influence d'historiens et d'architectes tels queSoufflot, le symbole même de l'église enFrance. On peut citer l'opinion deMontesquieu qui pourtant n'aimait pas ce style :« Il semble que legothique convienne mieux auxéglises qu'une autrearchitecture, la raison m'en paraît de ce que legothique n'étant pas en usage, il est plus différent de notre manière de bâtir des maisons ; de façon que leculte de Dieu semble plus distingué des actions ordinaires »[50]. De même l'architectebordelais Jean-Baptiste Lartigue ayant conçu en1776 un projet de façade gothique pour la cathédrale de sa ville, appuya son choix par les considérations suivantes :« Nos templesgothiques offrent par leur légèreté apparente et par leur élévation prodigieuse, des beautés que l'on ne retrouve ni àSaint Roch, ni àSaint-Sulpice, ni dans les églises modernes dugenre grec : Ici notre esprit admire…, mais dans leséglises gothiques, c'est l'âme qui est émue »[63].
Le succès du néo-gothique se prolongea jusqu'au début duXXe siècle dans de nombreuxgratte-ciel, notamment àChicago et New York. En Europe, le monument le plus célèbre s'inspirant de l'héritage gothique tout en s'en démarquant très nettement dans le style organique propre à Gaudi est probablement laSagrada Família àBarcelone (Espagne).
AuXIIe siècle, les innovations de l'architecture du premierart gothique, apparues simultanément àSaint Denis et àChartres, sont en fait contemporaines de l'apogée de l'art roman et même, dans certaines régions (sud-est de laFrance etSaint-Empire Romain Germanique) légèrement antérieures à la grande floraisonromane. Ainsi, observe-t-on un grand décalage entre la préciosité des formesgothiques, enÎle-de-France et dans certaines zones de l'Europe où la nouvelle esthétique s'impose ponctuellement, et la résistance plus ou moins forte de régions entières à toute innovation. Il est d'ailleurs parfois difficile d'apprécier une transition nette entreroman etgothique tant ils coexistent ou se mêlent[49].
D'une façon générale, l’architecture gothique tend à effacer progressivement les particularismes locaux, d’ailleurs moins marqués durant l’époque précédente. Il est encore facile de rattacher la plupart deséglises « ordinaires » à des écoles régionales mais lescathédrales, constructions hors normes échappent le plus souvent aux influences locales. En effet, les bâtisseurs de plus en plus qualifiés se déplacent de chantiers en chantiers sur des distances parfois importantes et diffusent dans l’ensemble des provinces une architecture directement inspirée des grands édifices dressés dans le domaine royal descapétiens.
Lescathédrales gothiques se divisent plutôt schématiquement en deux grandes familles; séparées par une ligne théorique reliantBordeaux àLyon, celles du Nord sont généralement prestigieuses et souvent avant-gardistes, tandis que celles du Sud sont relativement austères et peut être plus « provinciales ». Mais cette division reste effectivement théorique et un certain nombre decathédrales occitanes y échappent.
La naissance de l’architecture gothique dénommée « angevine » s’est produite dans le même temps que celle de l’Île-de-France (opus francigenum). Elle est liée à un contexte politique particulier, celui de l'apogée atteint par la dynastie française desPlantagenêt. Placée aux portes du conflit franco-anglais qu'illustrent à leur manière la brillante cour poitevine d'Aliénor d'Aquitaine et labataille de Poitiers[64], cette province est durant la période gothique au carrefour d'influences multiples, dont lacathédrale Saint-Pierre de Poitiers, un des édifices les plus méconnus de la première génération gothique, témoigne à merveille. Legothique angevin s’est ainsi répandu enAnjou, enTouraine, enLimousin, enPoitou, enAquitaine, dansle Maine et jusque dans leroyaume de Naples et deSicile, où lamaison d'Anjou-Sicile va régner pendant plus de deux siècles, depuisCharlesIer d'Anjou auXIIIe siècle jusqu'auroi René auXVe siècle. Contrairement à l'Île-de-France, ce style d'architecture se caractérise par des façades àportail unique. La plupart du temps, les édifices à nef unique, conservent dans leur élévation le principe traditionnel desbas-côtés aussi élevés que lanef, décloisonnant l'espace intérieur supprimant par là même,tribunes ettriforium[49]. Sur les murs, les retombées des voûtes ont été réduites à de fines colonnettes engagées offrant peu de saillie. Parfois, comme dans la nef de lacathédrale du Mans ou dans l'église Notre-Dame de la Couture du Mans, des statues venaient souligner l'amorce des ogives desvoûtes, selon une innovation décorative dite « angevine » qui, en réalité, niait la logique épurée de l'élévation de l'avant-nef deSaint-Denis[49]. Quant auchevet des églises, il ne comporte presque jamais d'arcs-boutants : on peut citer le cas de lacathédrale Saint-Pierre de Poitiers dont le chevet est composé d'un simple mur vertical de près de50 mètres de haut.
Ce sont surtout les voûtes qui distinguent le style gothique angevin. Apparu dès le milieu duXIIe siècle, leur système devoûtement est une combinaison d'influences du renouveau gothique (voûte d'ogives) et de l'architecture romane de l'ouest de la France (églises à files decoupoles comme lacathédrale Saint-Front de Périgueux ou lacathédrale Saint-Pierre d'Angoulême). Lesogives y ont un profil puissant, parfois composé d'un méplat entre deuxtores ou plus rarement d'un seul et très gros tore comme àMareuil[49]. Lancées sur un plan simple proche du carré ou couvrant un espace barlong, les croisées d’ogives angevines présentent un profil très bombé, sous l'effet duplein cintre des ogives héritées destraditions romanes (laclef de voûte est sensiblement plus haute de trois mètres que lesdoubleaux et lesformerets), se différenciant ainsi des voûtes plus plates d'Île-de-France (clef de voûte au même niveau que les doubleaux et les formerets)[64]. Leur poussée plus verticale fait qu'elles n'ont pas besoin d'être contrebutées par des arcs-boutants, de simples contreforts suffisent. Les croisées d'ogives ont toujours les arcs diagonaux redivisés par desliernes, de manière à retrouver des secteurs identiques[65]. C'est ainsi que les voûtes angevines sont la plupart du temps armées de huitnervures qui rayonnent autour d'une clef de voûte ronde. De cette manière, les états d'avancement de construction peuvent se réaliser sans coffrage suivant les dimensions[65]. Ce type de voûtement ànervures multiples concerne en Anjou une quarantaine d'édifices. Dès leXIIIe siècle, apparaissent des nervures encore plus nombreuses et plus gracieuses retombant sur les hautes colonnes rondes, comme à l'abbaye Saint-Serge d'Angers.
Voûtes de la grande salle des malades, ancien hôpital Saint-Jean d'Angers (1188).
Voûtes du déambulatoire de Notre-Dame de Coutances.
Laduché de Normandie desPlantagenêts, avec sesprélats Normands, est très tôt associée au mouvementgothique dont le premier exemple apparaît dans la nef de lacathédrale deLisieux (1167-1174). Cette précocité s’explique par le commanditaire de l'ouvrage, l'évêqueArnoul de Lisieux.Prélat de premier plan, il découvre les nouveautés architecturales du gothique naissant lorsqu'il se rend à la consécration de laBasilique Saint-Denis[68] le. Ses bonnes relations avec l'abbé Suger, l'incita sûrement à faire appel à un maître d’œuvre français.
Pour autant, les éléments traditionnellement normands résistent dans l'architecture religieuse, tout particulièrement enBasse-Normandie, où l'on se contente le plus souvent d'adapter les procédés architecturaux nouveaux aux édifices de l'époque romane. En effet, jusqu'au deuxième quart duXIIe siècle, un grand nombre d'églises avait leurs nefs couvertes decharpentes ; c'est alors qu'elles reçurent des voûtes gothiques surcroisées d'ogives. Hérités de cette époque, les plans des églises ont souvent une ampleur remarquable avec un transept très saillant, tandis que l'utilisation d'un type devoûte surbaissée, encadrée par des arcs enplein cintre, rend la pesée si forte qu'elle nécessite des murs très épais[12].
Le cloître de la « merveille » du mont Saint-Michel (1225-1228).
Le chœur de l'abbatiale Saint-Étienne de Caen est le premier édifice construit après la fin du duché (1204). Néanmoins, les survivances normandes sont toujours visibles dans la nef : la coursière (galerie de circulation au niveau des fenêtres hautes) et la largeur de la nef centrale sont typiquement normands[12]. La reconstruction du chœur de lacathédrale de Bayeux (vers 1230) respecte également cette tradition normande : arcs brisés très aigus,tympans ajourés de trèfles, voussures, absence de statues, lumière.
Le cloître de la Merveille dumont Saint-Michel reconstruit dans le style architectural normand, avec tailloirs des chapiteaux circulaires, écoinçons enpierre de Caen, motifs végétaux, est achevé en1228.
ÀCoutances, la reconstruction de la nef précède celle du chœur (vers 1220-1235). Ces deux parties de l'édifice sont de style normand : les chapiteaux àtailloir circulaire évidé, les arcs élancés et leurmodénature accentuée sont des signes évidents de la résistance au style gothique français. De même, latour-lanterne est une spécificité normande. Le style régional apparaît aussi sur la façade de la cathédrale, qui offre des lignes verticales vertigineuses.
Legothique méridional, également appelé gothique toulousain, ou encore gothique languedocien, désigne un courant de l'architecture gothique développé dans leMidi de la France, principalement dans les régions où se développa lecatharisme et qui eurent à subir la répression religieuse et militaire venue du Nord. Les régions concernées sont donc les départements actuels de laHaute-Garonne (Toulouse), leTarn (Albi), leTarn-et-Garonne (Montauban), l'Ariège, leGers, l’Aude, lesPyrénées-Orientales, l'Hérault, ainsi que ponctuellement dans d'autres départements limitrophes. Une autre partie, adjacente, de l'autre côté des Pyrénées, concerne l'Aragon et laCatalogne, avec des similitudes mais des origines différentes marquées par l'influencemudéjare.
Après l'éradication politique de l'aristocratie cathare lors de lacroisade des albigeois (1209-1229), il restait à reconquérir les esprits. Outre la mise en place de l'Inquisition, la « reprise en main » par la hiérarchie catholique donna lieu à de nombreuses constructions ou reconstructions d'édifices religieux mais aussi civils. Le clergé cathare, dont« les parfaits », avait tant combattu le luxe de l'Église catholique romaine que l'on mit dès lors l'accent sur un style architectural plus austère et plus dépouillé[69] que dans le Nord duroyaume de France.Le gothique Méridional s’afficha ainsi comme un art militant, pensé comme une arme majeure de l’Église dans son combat contre la dissidence cathare ; il retournait contre cette dernière son parti-pris d’austérité et il offrait à la prédication un espace approprié.
Le gothique méridional se caractérise par une expression architecturale marquée par une grande austérité et une forte muralité. Les édifices prennent souvent un aspect militaire et défensif avec l'utilisation decontreforts à la place d'arcs-boutants. Après l'épisode cathare, la reprise en main des fidèles passe par leprêche (d’où la fondation parDominique de Guzmán de l'ordre des Frères prêcheurs). Pour cela, on privilégie lanef unique, qui favorise l'acoustique et place tous les fidèles sous le regard du prédicateur. La nef est bordée de chapelles latérales, logées entre lescontreforts et surmontées des grandesbaies étroites permettant un éclairage réduit (exemples :cathédrale Sainte-Cécile d'Albi,cathédrale Saint-Fulcran de Lodève,cathédrale Saint-Pierre de Montpellier). Toutefois, la présence d'une nef unique n'est pas nécessairement liée à cette volonté mais peut l'être à d’autres considérations, ou à unenef unique préexistante. À l’inverse, la très large nef desJacobins de Toulouse se trouve divisée par une rangée depiliers mais n'en constitue pas moins une seule entité.
La nef ancienne (début duXIIIe siècle) de lacathédrale de Toulouse marque la naissance du gothique méridional. L'évêqueFoulques la conçut comme un défi monumental et spirituel à la dissidence cathare. Deux éléments structurels fondamentaux concourent alors à définir le gothique toulousain : la nef unique et la croisée d'ogives, entraînant la construction d'une voûte d'ampleur inaccoutumée dans le Midi (19 mètres de largeur). La nef de la cathédrale de Toulouse participe aussi du dépouillement inspiré par saint Bernard en se caractérisant par l'absence de décor sculpté. De ce bâtiment novateur édifié entre 1210 et 1220, dont il reste trois travées sur les cinq d'origine, découleront les recherches architecturales menées dans les couvents mendiants deToulouse et qui culmineront aucouvent des Jacobins de Toulouse et à lacathédrale d'Albi.
L'église du couvent des Jacobins de Toulouse fut considérée comme la plus belle église dominicaine de l'Europe chrétienne par le papeUrbain V, qui lui attribua les reliques du grand penseur dominicainThomas d'Aquin, en 1369. Elle mesure80 mètres de long sur20 mètres de largeur et28 mètres de hauteur, créant un volume intérieur impressionnant. La difficulté de voûter deux vaisseaux de largeur inégale entraîna après 1275 la mise en place d'une file de colonnes cylindriques définissant deux nefs identiques dans les travées droites de l'abside. La greffe d'une abside unique, de plan polygonal, sur une église à deux vaisseaux donna naissance à une voûte étoilée dont l'organisation complexe anticipa de plus d'un siècle sur le gothique flamboyant. La tradition désigne ce chef-d’œuvre du nom de « palmier » car les nervures jaillissent du fût lisse de la colonne comme des palmes[70].
La cathédrale d'Albi revêt un caractère exceptionnel dans la sphère dugothique méridional. En effet, si elle relève par essence d'une expression du gothique bien différente de celle des grandes cathédrales du nord (Chartres,Reims ouBourges), elle n'en reste pas moins un « unicum » au sein même de sa famille. La hauteur de sa voûte,30 mètres, ne lui permet pas de rivaliser avec les géantes du nord commeBeauvais ouAmiens (respectivement 46 et42 mètres) mais s'inscrit totalement dans la moyenne des grands édifices du gothique rayonnant (32 mètres pourStrasbourg, 30 pourSoissons etAuxerre, 28 pourRouen). Ces proportions s'apparentant au gothique septentrional démarquent la cathédrale d’Albi des principales églises du gothique méridional. En effet, aucun autre vaisseau ne dépasse une soixantaine de mètres de longueur (cathédrales de Lavaur,Saint-Bertrand de Comminges,Lodève,Augustins de Toulouse,Saint-Jacques de Montauban) à l'exception du couvent des Jacobins de Toulouse et deSaint-Jean-Baptiste de Perpignan. La hauteur maximale des voûtes de ces églises culmine à28 mètres àSaint-Bertrand de Comminges et aux Jacobins mais la hauteur moyenne se situe entre 20 et25 mètres (Notre-Dame de la Dalbade, couvent des Augustins de Toulouse,cathédrales de Lavaur,Lodève, églises de la ville basse deCarcassonne). En somme, il apparaît que les proportions uniques deSainte-Cécile correspondent à celles d’une grande cathédrale gothique du nord appliquées à une architecture d’esprit méridional[71].
Toute construction utilisant de préférence le matériau local, le gothique méridional des régions de Toulouse, Montauban, Albi fait appel majoritairement à labrique foraine qui est devenue un de ses signes distinctifs. Les bâtisseurs ont utilisé des techniques adaptées à ce matériau, comme l'arc en mitre typique du « gothique toulousain ». La brique se prête à des compositions décoratives géométriques, en revanche il y a peu de sculptures intégrées à l'architecture. Selon le type d'argile employée, les briques peuvent être moulurées ou arrondies par abrasion. Certains édifices utilisent la pierre avec parcimonie pour créer des contrastes de couleurs. Les régions voisines placées sous cette influence mais où domine la pierre ont souvent repris le même vocabulaire architectural.
Si on applique essentiellement le terme de gothique méridional à des édifices de culte, églises et cathédrales, les principes de leur architecture peuvent se retrouver dans des bâtiments servant à d’autres usages : sobriété de la construction, absence ou limitation de la décoration sculptée, aspect massif, éléments de défense. On peut citer entre-autres certains hôtels particuliers et lemusée Saint-Raymond, à Toulouse et lepalais de la Berbie d'Albi.
Elle emprunte à laBourgogne son système de chêneaux couvrant un passage intérieur, à laNormandie ses arcs à lancettes, à laRhénanie ses tours à quatre pignons. On lui attribue volontiers la disposition peu commune deschapelles rayonnantes ouvrant sur lesanctuaire par trois arcades, qu’on observe dans la cathédrale deSoissons. Les cathédrales deLaon,Reims etTroyes relèvent de cette école.
Cette école est caractérisée par sesvoûtes d’ogives fortement bombées, appelées voûtes Plantagenêt qui évoquent lescoupoles romanes. Les murs, souvent doublés d’arcatures, restent épais et les ouvertures étroites. L’arc-boutant n’est jamais employé, on lui préfère lecontrefort massif. Les plans les plus courants sont ànef unique sur le modèle roman duPérigord et de l’Angoumois, et à trois nefs de hauteur sensiblement égale sur le modèlepoitevin. Cette école aux caractères locaux fortement marqués couvre les provinces de l’Anjou, duMaine et duPoitou, et déborde largement sur laTouraine voir sur l’Auvergne. Les cathédrales d’Angers et dePoitiers en sont les deux plus importantes manifestations.
Clocher « toulousain » de la basilique Saint-Sernin à Toulouse
L'usage commun de labrique et de latuile, l’étroitesse des fenêtres, l’emploi fréquent de l’arc en mitre sont les traits les plus caractéristiques de l’architecture méridionale. Mais le plus singulier demeure leclocher « toulousain » qui trouve son modèle dans le célèbre clocher deSaint-Sernin àToulouse : adaptés à la construction en brique, ses différents niveaux forment une pyramide qui surmonte la ville.
Contrairement au reste de l'Europe, le gothique anglais s'est développé en trois phases. On distingue le gothique « primaire », le gothique « curvilinéaire » et le gothique « perpendiculaire ».
Le développement le plus important et caractéristique de la période du gothique primaire est l'utilisation de l'ogive aussi bien pour la nef que pour des portes et des fenêtres. Les fenêtres cintrées sont étroites par rapport à leur hauteur et sont sans entrelacs. Bien que l'ogive équilatérale soit le plus souvent utilisée, l'ogive en lancette se retrouve fréquemment et est une grande caractéristique du style. Au lieu d'être massif, les piliers sont composés de minces tiges individuelles entourant un pilier central. Des entrelacs avec des trèfles à trois ou quatre feuilles sont introduits dans les rosaces présentes dans la nef et dans le transept. Les feuillages qui ornent les chapiteaux sont d'une grande beauté et s'étendent aux tympans, aux bossages, etc. Dans les tympans, des arches, des travaux héraldiques sont occasionnellement rencontrés.
Il commence vers1250 et va durer un siècle environ. Le gothique curvilinéaire (ou « 'decorated style' ») se distingue par des baies gothiques très travaillées. Elles comprennent desmeneaux qui séparent les différentes parties de la fenêtre. À l'intérieur du bâtiment, les colonnes sont plus fines et plus élégantes que celles du gothique primaire.
Certains auteurs divisent ledecorated style en deux périodes : tout d'abord legeometric, caractérisé par des fenêtres auxremplages verticaux enlancettes, puis lecurvilinear, qui correspondrait au gothique flamboyant, avec des remplages enmouchettes etsoufflets.[réf. nécessaire]
Le « decorated style » est caractérisé par ses entrelacs de fenêtres. Les fenêtres sont divisées par des meneaux parallèles étroitement espacés. Sur la partie supérieure de la fenêtre, les meneaux se ramifient et se croisent pour former des entrelacs comprenant souvent des trèfles à trois ou quatre feuilles. Le style curvilinéaire était d'abord géométrique puis fluide en raison de l'omission des cercles dans les entrelacs. Cette évolution des entrelacs est souvent utilisée pour délimiter les deux périodes : « geometric » et « curvilinear ».
Les intérieurs de cette période comportent souvent de hautes colonnes aux formes plus élancées et plus élégantes qu'au style précédent. Les voûtes deviennent plus complexes grâce à une augmentation du nombre de nervures.
Typiquement britannique, le gothique perpendiculaire voit le jour vers1340, lors de la transformation du chœur de lacathédrale de Gloucester et de la construction de son cloître.
Ce style se caractérise par une redéfinition des volumes intérieurs et des masses extérieures. De grandes baies distribuent largement la lumière dans les salles et les nefs, suivant des lignes horizontales et verticales qui sont à l'origine du terme « perpendiculaire ». Apparaissent également lesvoûtes en éventail (enanglais :fan vaults) qui cassent le verticalisme des lignes architecturales, créant un effet dynamique très décoratif. Ces voûtes sont particulièrement remarquables dans la chapelleHenri-VII de l'abbaye de Westminster, l'abbaye de Bath, lacathédrale de Peterborough etKing's College Chapel deCambridge. À l'extérieur, lesarcs-boutants sont parfois supprimés.
Abandonné vers1520, le gothique perpendiculaire connaît un certain regain dans la seconde moitié duXVIIIe siècle, tel lepalais de Westminster vers 1850.
Legothique tournaisien (parfois appelé gothique scaldien) est un style architectural gothique primitif ou romano-gothique de transition, typique de l'anciencomté de Flandre.
S'inspirant duplan roman-rhénan hérité des cathédralesottoniennes à deux chevets, cette forme architecturale, bien que souvent abandonnée à la période gothique, se retrouve dans certains édifices — principalement enLorraine —, mais également dans les régions voisines, comme l'Alsace, laChampagne-Ardenne ou encore laFranche-Comté.
C'est le cas :
à lacathédrale Saint-Étienne de Toul, avec deux tours de part et d'autre du chœur - sans déambulatoire - et deux tours occidentales, d'influence française ;
Ce terme fut créé parKurt Gerstenberg en 1913 dans un contexte politique de confrontations nationalistes. Aujourd'hui il est controversé. Il s'applique à trois types d'édifices distincts, individualisés, mais qui peuvent aussi être une combinaison des deux ou trois types suivants :
L'église-halle comprend en général une nef et des bas-côtés de hauteur égale. Il y a aussi des églises-halles construites en pierre, notamment enWestphalie. De même, ce type d'église se rencontre fréquemment dans l'extrême Nord de la France ainsi qu'en Flandre et aux Pays-Bas. Lacathédrale Notre-Dame de Munich et l'église Saint-Martin de Landshut, en Allemagne du sud, sont des églises-halles gothiques, édifiées en grande partie en brique.
Les principesbernardiens de la simplicité, définis dans l'art cistercien bourguignons, sont ensuite exportés, notamment en Allemagne, Pologne et Italie, et maintenus dans la plupart des édifices durant toute l'époque gothique. Ils se caractérisent notamment par l'absence d'arcs-boutants.
Lacathédrale Saint-Maurice-et-Sainte-Catherine de Magdebourg, à l'emplacement d'une cathédrale datant de 937, est commencée en 1208 par l'archevêqueAlbert de Käfernburg, qui avait étudié à Paris et à Bologne. Cette basilique est la première grande église gothique (sauf les voûtes romanes du déambulatoire) en Allemagne, et la seule cathédrale gothique allemande de pierre, qui fut achevée (comme cathédrale) aux temps médiévaux.
L'église principale d'Ulm a une esthétique « rhénane », mais la plupart des murs sont de brique.
Contrairement à laFrance, où s'affirme un pouvoir Royal central, les villesitaliennes ont un développement autonome et deviennent rivales (Florence etSienne).
SI l'on retrouve bien le particistercien dans la juxtaposition de chapelles non communicantes de part et d'autre de l'abside à trois baies (importance de la trinité), la nécessité de l'accueil des fidèles et l'importance duprêche, provoquent l'élargissement des arcades et l'amincissement des piles afin de décloisonner l'espace et ainsi de ne pas différencier lanef descollatéraux. Cette volonté d'ouverture sur lesbas-côtés et d'élargissement destravées va à l'encontre du développement des lignes ascendantes et de la hauteur croissante des voûtes recherchés par le gothique français.
Du fait des traditionspaléochrétiennes, on préfère lescharpentes auxvoûtes (basilique Santa Croce de Florence). En règle générale, l'arc-boutant est pour ainsi dire inconnu, rendus inutiles par les voûtes bombées d'influenceangevine qui permettent ainsi de simplifier les solutions d'équilibre matériel. Lesclochers, isolés de l'édifice, sont de hautes tours rectangulaires (cathédrale de Florence). Le décor n'est pas, comme enFrance, intimement lié à la structure. Certains édifices, comme lescathédrales de Sienne ou d'Orvieto, intègrent bien des éléments décoratifs empruntés à l'art gothique, mais ce n'est souvent qu'un placage demarbres ou deterres cuites de couleurs. L'extérieur n'est d'ailleurs pas toujours l'expression de l'intérieur. Ainsi, àOrvieto, il y a troispignons en façade alors que la toiture est plate. De même, l'élan ascensionnel des cathédrales françaises est nié par le jeu de polychromie horizontale des assises blanches et noires alternées hérité de la tradition italienneromane (baptistère de Florence).
Lacathédrale de Milan produit un certain effet grâce aux nombreuxpinacles dentelés de sa toiture, mais l'éclairage reste insuffisant.
L'architecture civile mérite l'attention : lespalais municipaux avec leur immense tour crénelée sont de beau caractère. ÀVenise, les palais ont un fenestrage flamboyant très original appelé « gothique fleuri » que l'on ne rencontre nulle part ailleurs.
ÀSéville, lemonumental minaret de la mosquée - désaffecté depuis la Reconquista - s'est vu flanqué d'une cathédrale gothique tardive qui restera la plus vaste du monde. Ses dimensions impressionnantes ont été autorisées par un allègement dû à l'absence de charpente permise par une faible pluviosité. Les cathédrales du nord de la péninsule (àBurgos,León) sont des transpositions de l'art gothique français. Lacathédrale de Palma de Majorque se caractérise par un volume intérieur exceptionnel et des voûtes reposant sur des piliers extrêmement élancés.
cathédrale de Séville, la plus vaste cathédrale gothique du monde.
À partir de 1480 et jusqu'à 1520 se développe le styleplateresque (plateresco en espagnol). C'est un style architectural de transition entre l'art gothique et laRenaissance. La première phase du style plateresque est également appelée « gothique hispano-flamand », ou encore « style isabélin » ou « desRois catholiques », car il s'est développé dans les pays de lacouronne de Castille, sous le règne des « Rois catholiques »,Isabelle de Castille etFerdinand d'Aragon. Les formes du gothique flamboyant sont encore dominantes, et les éléments Renaissance restent peu utilisés ou de façon mal comprise (selon les canons de la Renaissance artistique). On retrouve la prédominance des motifs héraldiques et épigraphiques. L'un des traits de décoration les plus marquants est l'utilisation récurrente des symboles du joug, des flèches et de la grenade, qui font directement référence aux deux monarques espagnols. On retrouve également le motif des boules pour décorer les édifices. Le style isabélin est particulièrement bien représenté par les œuvres des architectes Enrique de Egas, Juan de Álava ou encore Diego de Riaño.
Honoré de Balzac rend hommage au style gothique espagnol, particulièrement à celui de la première cathédrale deCadix, à l'origine gothique.« L'église, due aux libéralités d'une famille espagnole couronne la ville. La façade hardie, élégante, donne une grande et belle physionomie à cette petite cité maritime. N'est-ce pas un spectacle empreint de toutes nos sublimités terrestres que l'aspect d'une ville dont les toits pressés, presque tous disposés en amphithéâtre devant un joli port, sont surmontés d'un magnifique portail à triglyphe gothique, à campaniles, à tours menues, à flèches découpées ? »[75].
Le style mudéjar est caractérisé par l'utilisation principale de la brique. Les formes géométriques typiquement islamiques dominent et apparaissent sur les murs et le sol par des carrelages complexes. On utilise la céramique. L'utilisation du bois pour les toits est caractéristique de ce style, ils sont plats et couverts de nombreux motifs géométriques. On retrouve aussi le stuc peint.
Entre leXIe siècle et leXIIIe siècle, l’Occident connaît une prospérité économique régulière qui s’exprime par une forte croissance démographique. Celle-ci est particulièrement sensible dans les villes : lieux d’échange, de commerce et de rencontre, elles attirent les populations et concentrent les richesses. Cette population toujours plus nombreuse, que ne peut contenir lacathédrale romane devenue exiguë, explique généralement la dynamique du chantier gothique. Mais parfois, l’ouverture du chantier cathédral doit beaucoup à la rivalité desévêques ou deschanoines, chacun désirant surpasser son voisin par une cathédrale plus majestueuse, plus haute, plus vaste et surtout gothique.
Quelles qu'en soient les motivations et aussi démesuré soit-il, le nouveau projet sera d’autant plus facilement accueilli par la population qu’elle aussi, tout comme leclergé, participera à une émulation générale portée à son paroxysme le jour de l’inauguration. Pour l’occasion l’évêque ne manque pas d’inviter lesprélats desdiocèses voisins : ils viendront souvent accompagnés de leursarchitectes attitrés, qui pourront s’inspirer de l’œuvre achevée, ce qui explique une certaine parenté entre beaucoup de cathédrales contemporaines.
Aucun chantier cathédral ne peut être envisagé sans un financement à long terme car les travaux dureront à l’ordinaire plusieurs décennies : que les fonds viennent à manquer, le chantier s’arrêtera quelques mois voire des années. Parfois, écrasées pendant plusieurs générations sous le poids de leurs dettes, certaines cités, commeBeauvais, devront laisser leurscathédrales inachevées ou reconsidérer avec plus de modestie leur projet initial. Ce financement, qui mobilise d’importants capitaux, implique un montage complexe, intégrant plusieurs sources de revenus, que doit gérer lechapitre, c’est-à-dire l’assemblée deschanoines ou la fabrique, constituée dechanoines et de personnalités civiles.
Cette représentation de boulangers sur un vitrail atteste que cette corporation s'est montrée généreuse (cathédrale de Bourges).
Maître d’ouvrage, lechapitre deschanoines s’occupe de la gestion des ressources et de la bonne marche des travaux. Il finance les expropriations nécessaires à l’établissement de la future cathédrale, règle l’achat des matériaux et leur acheminement, rémunère lamain-d’œuvre et l’architecte qu’il a choisi. Les dépenses sont considérables : aussi la préoccupation première est-elle la recherche d’argent, qui devra alimenter le chantier par un flot si possible continu.
Leschanoines sont souvent les premiers à consacrer une bonne partie de leurs revenus personnels à la cathédrale, etl’évêque doit suivre :Maurice de Sully finance ainsi son chantier deParis. Des ressources régulières, telles qu’impôts,dîmes, taxes, peuvent aussi être affectées à la bonne marche du chantier. Mais aussi importants soient-ils, ces fonds suffisent rarement. Pour faire rentrer l’argent dans les caisses,évêques etchanoines organisent des quêtes et recueillent des dons qui sont parfois en nature : chevaux, ânes, bœufs qui serviront aux charrois; veaux, moutons, volailles, vin, bière qui nourriront les bâtisseurs ; bijoux, colliers, bracelets et médailles qui seront convertis en monnaie, plus négociable. Ils sollicitent les particuliers à chaque instant de leur vie quotidienne en disposant des troncs non seulement dans leséglises mais aussi dans les boutiques et un peu partout dans la cité. Même les plus modestes apportent leur contribution : à défaut de quelques pièces de monnaie, ils pourront toujours offrir une ou plusieurs journées de travail comme manœuvres bénévoles. Quant aux riches seigneurs, ils consacreront une partie de leurs revenus ou de leur patrimoine, contre le privilège très envié de se faire ensevelir sous le dallage de lacathédrale.
Lesreliques peuvent participer de façon significative au financement des travaux : déjà exposées dans la cathédrale en construction, elles y attirent despèlerins d’autant plus nombreux et généreux que la réputation de celles-ci est grande. Souvent, des quêteurs promènent ces reliques en procession à travers lesdiocèses voisins, faisant la promotion de l’édifice à construire et recueillant au passage les offrandes.
C’est souvent par rivalité avec la ville voisine que la cité médiévale s’attache à construire. Il arrive parfois que la générosité de certains riches donateurs cherche à faire excuser une fortune dont l’origine n’est guère conciliable avec les préceptes chrétiens. Lescorps de métiers qui généreusement financent l’installation de quarante-cinqverrières dans le déambulatoire deChartres n’en sont pour autant pas moins intéressés : en même temps qu’une œuvre pieuse, ils se font, à la manière de nosmécènes contemporains, une prestigieuse promotion commerciale puisqu’en admirant les splendidesvitraux, les fidèles ne pourront ignorer leurs noms et leurs activités. Mais cette générosité intense est aussi en grande partie désintéressée puisque suscitée par la ferveur de tout un peuple.
Souvent, à l'époque romane, l'architecte était un maîtremaçon qui travaillait de façon plus ou moins empirique, aux côtés de ses compagnonstailleurs de pierre dont il se distinguait par l'expérience et un sens de la coordination plus grand. Mais la construction d'une cathédrale est un chantier complexe : l'importance des travaux, la cohérence de l'édifice, son haut niveau de technicité impliquent un savoir important. Le maître maçon devient alors architecte etingénieur, et son statut évolue considérablement vers la fin duXIIe siècle.
Enfin, outre ces compétences technologiques, l'architecte doit posséder de solides connaissances théologiques, littéraires et philosophiques pour comprendre et discuter le projet avec les commanditaires, le plus souvent desprélats lettrés. Dans ce contexte, l'architecte gothique apparaît donc doué d'une culture bien supérieure à celle du maître maçon formé sur le chantier roman. Ne participant plus dès lors aux travaux manuels, l'architecte devient un homme d'exception. En fonction de sa réputation, il peut négocier lui-même un salaire élevé et des avantages en nature, comme des vêtements en harmonie avec son statut social, un logement gratuit, de la nourriture pour sa famille et ses serviteurs et parfois même une exemption d'impôts.
Ce statut privilégié peut être générateur de tensions entre le maître d'ouvrage et l'architecte, surtout lorsque celui-ci est réputé et se voit confier la direction de plusieurs chantiers simultanés :Gautier de Varinfroy collabore ainsi à la construction des cathédrales deMeaux et d'Evreux,Martin Chambiges à celles deSens,Troyes etBeauvais. De ce fait, il ne peut être durablement présent sur chacun de ses chantiers, et ses absences auront des répercussions sur le déroulement des travaux. Les commanditaires s'emploieront alors à rédiger des contrats plus rigoureux, interdisant à l'architecte de diriger un autre chantier en dehors dudiocèse sans l'autorisation de sonévêque ou de sonchapitre, ou d'entreprendre plusieurs chantiers en même temps. Mais ces contrats continueront à garantir aux intéressés des salaires et des avantages importants.
À la différence de l'église romane souvent construite de façon empirique, la cathédrale gothique est une œuvre dont la complexité ne supporte pas une telle approche : aux plans d'édifices romans tracés directement, grandeur réelle, sur un sol préalablement nivelé, l'architecte gothique oppose des projets planifiés et subtils, ou intervient lagéométrie, l'optique, etc.
Pour visualiser l'œuvre à entreprendre et convaincre les maîtres d'ouvrages pour qui il travaille, il a souvent recours auxmaquettes, en papier mâché, bois, plâtre ou pierre : elles montrent à échelle réduite une partie ou l'intégralité du futur édifice. Autre moyen de visualiser l'œuvre projetée, les dessins d'architectures, qui précisent élévations, façades et détails architecturaux. Ce type de monument est aujourd'hui rare, car réalisé sur de coûteuxparchemins qu'on grattait par la suite pour les réutiliser. Les plus anciens dessins d'architectures connus en France sont ceux relatifs à lacathédrale de Strasbourg qui datent de 1250. Un carnet d'architecte médiéval nous est également parvenu, celui dupicardVillard de Honnecourt, réalisé vers 1230. bien qu'incomplet, il comporte 33 feuillets de parchemins recouverts de dessins à la plume : l'architecte y traite demécanique, degéométrie, detrigonométrie pratique; il y reproduit des détails d'architecture observés lors de ses visites àChartres etReims ; il y fait également figurer des ornements, des esquisses de machines de guerre et d'appareils de levage, particulièrement utiles sur les chantiers des cathédrales : on y remarque aussi de nombreux croquis du corps humain.
Ces maquettes et dessins suffisent certes aux commanditaires, mais ne peuvent répondre aux besoins pratiques des différents corps de métiers. L'architecte exécute donc à leur intention d'autres documents pour préciser ses intentions. Outre des dessins techniques, dont beaucoup disparaîtront à l'issue du chantier, desépures représentent, grandeur réelle, un détail architectonique, un fragment de l'édifice en construction, afin de fournir auxtailleurs de pierre ou auxcharpentiers le modèle à exécuter. Ces épures sont peu onéreuses car le plus souvent tracées dans des matériaux réutilisables (plâtre ou terre argileuse): on peut donc les recommencer, les compléter ou les corriger autant de fois que nécessaire. D'autres sont durablement gravées sur les dalles ou les murs de l'édifice.
Plans,dessins,esquisses ouépures sont le plus souvent tracés et conservés dans une salle réservée à l'architecte : c'est la « chambre aux traits », dont on connaît l'existence àRouen etParis. Avec lesgabarits et lesmôles qui, découpés dans le bois, donnent le profil grandeur réelle d'une base, d'uneogive, d'unenervure ou d'unarc, ces documents graphiques constituent l'indispensable mémoire du chantier et ils permettent, malgré l'étalement prévisible des travaux dans le temps, une relative homogénéité dans l'architecture de la cathédrale.
Sur le chantier de lacathédrale se côtoient des groupes d'ouvriers aux compétences variées, ou prédominent traditionnellement les métiers liés à la pierre et au bois. Chacun de ces groupes, parfois rivaux même si leur activité est coordonnée par le maître d'œuvre, possède sa loge et ses coutumes. Si humble qu'on l'oublie également, lemortelier ou « gâcheur de mortier » est représenté sur pratiquement toutes les miniatures, au pied de l'édifice gothique. Il faut dire que sa tâche, aussi ingrate soit-elle, ne souffre pourtant d'aucun amateurisme: pour éviter les effondrements et leur lot d'accidents parfois mortels, pour assurer la longévité de la cathédrale, ce modeste ouvrier doit préparer un matériau fiable.
Scène de chantier : porteurs transportant une pierre sur une sorte de civière etpotier au travail. Détail du vitrail du Mauvais Riche (cathédrale de Bourges).
Sculpteurs (ou imagiers) ettailleurs de pierre semblent constituer un groupe unique. En effet, il n'est guère possible d'établir une distinction très franche entre ces deux spécialités : lesminiatures gothiques montrant un chantier cathédral intègrent généralement les sculpteurs à l'équipe destailleurs de pierre et les livres de compte des cathédrales, d'une précision pourtant scrupuleuse, se contentent de consigner des gages légèrement supérieurs pour les sculpteurs, admettant tacitement une compétence particulière pour mettre la pierre « en image ».
Lestailleurs de pierre ne sont pas présents sur le chantier de lacathédrale seulement : sur le site même de lacarrière, ils peuvent constituer des ateliers spécialisés qui dégrossissent les blocs de pierre et produisent des éléments se prêtant à la fabrication en série. Pierres de parement,tambours decolonnes,moulures,claveaux,remplages, seront ainsi préparés à l'aide degabarits, puis transportés sur le chantier et définitivement posés par les maçons dans la cathédrale. Ce procédé, réduisant d'une part le volume de pierre à transporter vers le chantier et d'autre part celui des déchets à évacuer, diminuait considérablement les frais de charroi, mais il ne pouvait convenir aux sculptures ornementales trop fragiles pour supporter sans dommages un acheminement souvent chaotique. Le sculpteur travaille donc son bloc de pierre au pied de la cathédrale, souvent guidé dans ses gestes par un dessin, un modèle ou même une maquette en plâtre. À la différence dumaçon dont l'activité cesse avec l'arrivée du mauvais temps, lesculpteur peut exercer son art l'hiver, abrité dans sa loge, si les comptes de la fabrique permettent de le rémunérer à l'année.
Lasculpture, ayant trouvé sa place dans la cathédrale, ne prendra sa valeur définitive qu'après l'intervention du peintre imagier, qui applique sur lapierre des couleurs vives, dont la plupart sont codifiées à partir duXIIe siècle, conséquence de la diffusion des règles del'héraldique : le jaune symbolise l'intelligence, la grandeur, la vertu; le blanc est associé à la pureté, la droiture, la sagesse; le noir évoque la tristesse mais aussi la volonté; le vert se rattache à l'espérance, la liberté, la joie; le rouge est la couleur de la charité et de la victoire; le bleu symbolise le ciel, la fidélité, la persévérance et le pourpre la souveraineté. Le spectateur moderne quant à lui n'a bien souvent qu'une vision partielle de cettesculpture gothique, lestympans,piédroits,chapiteaux et beaucoup destatues ayant perdu leur polychromie d'origine.
À la tête des métiers du bois, le maîtrecharpentier intervient du début à la fin du chantier. Véritable technicien, il conçoit avecl'architecte desengins de levage qui prendront appui sur les murs en construction puis sur les charpentes dès qu'elles auront été levées. Il dresse encore leséchafaudages qui permettront aux ouvriers de travailler dans les parties hautes de l'édifice, ainsi que les solidescintres de bois qui soutiendrontvoûtes etarcs pendant le temps nécessaire à leur réalisation et au séchage dumortier. Mais l'œuvre majeure des charpentiers reste lacharpente que lescouvreurs s'empressent d'habiller de plomb et d'ardoises. Ces charpentes spectaculaires sont des ouvrages d'une très haute technicité, dont les assemblages et les forces qui s'y combinent rappellent la charpente navale et témoignent de liens parfois étroits entre charpentiers de marine et charpentiers de cathédrales. D'ailleurs, dans les régions de forte tradition maritime, comme laNormandie ou laBretagne, les charpentiers étaient à la fois constructeurs de navires et de charpentes d'églises.
Les charpentiers ont besoin pour leurs travaux de belles pièces de bois, si possible bien sec, et en grande quantité. Mais un tel approvisionnement, idéal, aurait supposé un stock constant, immobilisé de longues années pour le séchage, ainsi qu'un fonds de roulement important. Peu de fabriques pouvant s'offrir un tel luxe, les charpentiers se contentent la plupart du temps de bois vert, ce que confirme l'analyse des dates d’abattage, de transport et d'ouvrage consignées dans les livres de compte du chantier. Cet usage quasi général de bois vert est sans conséquences majeures pour la fabrication descintres, descoffrages, deséchafaudages ou desappareils de levage qui sont des ouvrages éphémères. Mais appliqué aux charpentes, il cause un gauchissement parfois important de certaines pièces et l'imperfection de certains assemblages: ces défauts apparaissant plus ou moins longtemps après la fin des travaux, découlant donc non pas d'une technique mal maîtrisée par les charpentiers mais d'une grande difficulté à s'approvisionner en bois d'œuvre de qualité. Pour leur part, lesmenuisiers n'ont besoin pour leurs travaux, que de petites pièces de bois, ou bois « menu ». Leshuisseries qu'ils fabriquent ne souffrant d'aucune modification ou gauchissement pour rester parfaitement ajustées, ils veilleront à ne travailler que du bois parfaitement sec. Longtemps, sous la tutelle des charpentiers, les couvreurs ne gagneront leurs propres statuts et leur indépendance qu'en 1321. Mais les deux corps de métiers resteront très étroitement associés, l'un réalisant les assemblages que l'autre habillera, suivant les régions, deplomb,d'ardoise ou detuile. Ce sont les couvreurs encore qui mettent au point le réseau d'évacuation deseaux pluviales : ils dissimulent des rigoles sur le faîte des murs et desgouttières dans lescontreforts, ils répartissent autour de l'édifice les fameusesgargouilles de pierre que réaliseront les sculpteurs.
Complémentaires des deux précédents métiers, les plombiers sont spécialisés dans la réalisation des crêtes etépis de faîtage. Ils rivalisent d'habileté pour réaliser les somptueux ouvrages deplomb repoussés au marteau et ciselés, qui ornent les parties hautes de la cathédrale. Ils préparent également les lourdes feuilles de plomb qui serviront à étancher la toiture. Impliqués de façon permanente dans la construction de la cathédrale, du début à la fin du chantier, lesforgerons sont le plus souvent sédentaires. Ils fabriquent, réparent ou affûtent la quasi-totalité des outils du chantier, dont ils augmentent l'efficacité et le rendement en travaillant des aciers de plus en plus résistants. Ils forgent des clous de toutes sortes en quantité phénoménale et les fers indispensables aux multiples animaux de trait. On oublie très souvent qu'ils sont aussi présents au cœur même de l'édifice, fabriquant des chaînages de fer qui, scellés dans lamaçonnerie, renforceront les murs, destirants qui contiendront la poussée des voûtes, des ferronneries qui soutiendront lesvitraux.
Enclume de serrurier.
La confection des grilles ouvragées, des peintures de portes et de toute laferronnerie ornementale revient auxserruriers de fer. Ces spécialistes conçoivent et fabriquent encore les serrures et leurs clefs qui muniront les portes et protégeront l'accès aux trésors et aux reliques de lacathédrale. La technique de construction gothique visant à supprimer les pleins, c'est-à-dire les murs, laisse peu de place à lapeinture monumentale. Lespeintres, qui jouaient durant l'époque romane un rôle majeur dans l'ornementation intérieure, voient leur champ d'intervention se réduire progressivement, même s'il leur reste encore l'immense surface desvoûtes à mettre en couleur. Inversement, le travail desverriers augmente avec l'agrandissement desverrières et desrosaces.
L’architecture romane a remplacé l’idée de la basilique charpentée par celle de la basilique voûtée qui nécessite des murs d’appui épais, le plus souvent renforcés par des contreforts accolés de place en place.
L’architecture gothique amène une solution aux problèmes de forces que connaît l’art roman[77]. Par ce changement, on peut alors édifier des parties beaucoup plus hautes, plus légères et plus lumineuses. En effet, l’arc brisé, la croisée d'ogives et l’arc-boutant permettent d’équilibrer efficacement les forces tout en allégeant la structure et en permettant l’ouverture de larges baies. Ainsi, les murs épais de l’architecture romane sont remplacés par des piles et des murs bien plus allégés dans l’architecture gothique. Une église gothique est un monument éminemment structuré et planifié.Les concepts physiques sur lesquels repose l’architecture gothique ne seront toutefois théorisés qu’à partir duXVIe siècle[réf. nécessaire].
Les constructions de cathédrales dites gothiques se démarquent des autres par leur chantier de construction. Les historiens ont remarqué[78] que pour réaliser de tels édifices en si peu de temps (80 ans pour lacathédrale de Laon (1155-1235) ou90 ans pour celle deReims (1211-1300)), ces chantiers devaient fonctionner un peu comme des laboratoires modernes[78]: il s’y concentrait des talents, de la main d'œuvre, des ressources et de l’argent. À Chartres, l'évêque Thierry a établi la premièreécole cathédrale, une des premières écoles en Europe où l'on a étudié des phénomènes naturels. De même, dans cette école, de nombreux artisans ont pu poursuivre leur formation, et mêler arts et travaux.
Ce développement et le partage des connaissances ont poussé les artisans à se spécialiser dans un domaine. Ainsi, ceux qui avaient les connaissances les plus importantes sont devenus architectes, tandis que d'autre, moins formés, devenaientmaçons et exécutaient les plans desarchitectes. Avant que s'établisse cette distinction, les maçons réalisaient à la fois la planification et la construction d’un édifice. Simplement, ils ne pouvaient se spécialiser dans aucun des deux domaines car ils faisaient les deux.
La distinction entre maçon et architecte, encore valable aujourd'hui, a permis au style architectural gothique d’évoluer rapidement grâce à la possibilité de se spécialiser dans un domaine spécifique. Au milieu duXIIIe siècle, on a pu remarquer, notamment lors de la construction de lacathédrale de Chartres, que la science et les techniques ne faisaient qu'un. De même, certaines connaissances et compétences étaient uniquement connues des maçons et d'autres artisans. Ainsi, les compétences utilisées à l’époque ne sont plus connues aujourd’hui et ont en quelque sorte disparues.
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L'une des caractéristiques de l'architecture gothique est le transfert de la pression exercée par la voûte du mur vers des arcs. Le roman a pratiqué en fin de période la voûte d'arêtes, l'arête étant déterminée par l'intersection de deux voûtes; certaines de ces arêtes étaient déjà brisées. Ce système transférait déjà une partie de la pression de la voûte vers les piliers où aboutissaient les arêtes. Les pierres formant l'arête étaient cependant difficiles à travailler, les arêtes étaient souvent irrégulières. Dans un premier temps, on eut l'idée d'habiller ces arêtes de pierres travaillées séparément pour régulariser le tracé. Presque simultanément, on s'aperçut que l'alignement de pierres pouvait servir non seulement de décoration, mais aussi de support à la voûte elle-même. On les appela ogifs, puis ogives.[réf. nécessaire]
L'arc-boutant est un étai formé d'unarc enmaçonnerie qui contrebute la poussée latérale desvoûtes encroisées d'ogives. Il reprend non seulement la fonction descontreforts de l'architecture romane, mais permet aussi de limiter la force des vents et de la pluie sur les fenêtres hautes. Il comprend un ou plusieursarcs clavés et une ou plusieursculées chargés depinacles. D'abord simple, c'est-à-dire un seularc enjambant le bas-côté, l'arc-boutant ne tardera pas à comporter deux niveaux, l'un épaulant la poussée de la voûte, l'autre la poussée de lacharpente et de la toiture.
Lorsque l'édifice est doté debas-côtés doubles, sanef centrale est épaulée suivant le même principe mais avec deux volées et une culée intermédiaire. La culée est un organe d'épaulement dont la masse s'oppose à la poussée oblique des voûtes, tandis que sa hauteur rythme la cathédrale d'une verticalité propre à l'architecture gothique.
Enfin, il est souvent associé au système d'évacuation des eaux de pluie de la toiture, en portant sur leur sommet la rigole qui conduit les eaux de pluie vers les gargouilles comme pour la première fois à lacathédrale d'Amiens.
Contrefort massif maçonné supportant lesarcs-boutants, la culée est généralement couronnée par unpinacle. Petite pyramide effilée sur plan carré ou polygonal, il n'est pas qu'une simple fantaisie ornementale: son but premier est de charger laculée pour « verticaliser » la ligne des pressions obliques émanant des grandes voûtes et transmises par la volée.
Lespinacles sont des petits édicules au sommet des arcs-boutants. Parfois en plomb et de forme pyramidale de base polygonale (ou simplement une flèche ou pointe), ils servent en premier lieu à augmenter la masse des arcs-boutants pour améliorer l’équilibre des forces issues des murs. Ils sont parfois ajourés et ornés de fleurons servant de couronnement, ajoutant donc une fonction décorative.
Galerie, souvent voûtée, ouverte sur l'intérieur et aménagée latéralement au-dessus des bas-côtés de lanef d’uneéglise. Comme les arcs-boutants, letriforium fait partie des éléments qui contrebutent les poussées des voûtes. Il n'a aucune fonction liturgique ou de circulation dans l'édifice.
Si l'arc en plein cintre donnait satisfaction pour la construction d’unenef simple munie d’unevoûte dite en berceau, il convenait mal à la croisée dutransept et de la nef. Il en résultait, auxdiagonales de l’intersection, desarcs elliptiques aplatis beaucoup plus fragiles. L’effondrement de la coupole de l’égliseSainte-Sophie àConstantinople avait illustré ce problème.
La solution fut de réserver la robustesse des arcs en plein cintre aux diagonales de la croisée, ce que l’on appelle une croisée d’ogives (les ogives étant les nervures en plein cintre qui se croisaient à leur clé). Laprojection orthogonale de cette croisée selon l’axe de chacune des nefs donne alors une demi-ellipse posée dans sa hauteur, très résistante en son sommet. Par chance, il existe une bonne approximation de cet arc pour cette époque où, sur le chantier,à défaut de bons moyens de calcul et de mesures précises, il vaut mieux recourir à des tracés simples à exécuter[réf. nécessaire] : il s’agit d'un arc brisé composé de deux arcs de cercle centrés respectivement au premier et au troisième quart de la distance à franchir.
Cette approximation est souvent observable à une légère déformation de la voûte de la croisée à l'endroit où elle se raccorde aux nefs.
Il y a de grandes portes, les édifices sont à la fois hauts et fins, il y a des flèches souvent pointues et ciselées, des vitraux nombreux et colorés, représentant des scènes très complètes des évangiles, il y a des rosaces sur la façade des cathédrales, des statues sur des colonnes contre les murs à l'extérieur. Il y a aussi des sculptures, desgargouilles et des anges.
Le style roman permettait des ouvertures limitées et des jeux de contraste entreombre etlumière.
Au nord, ce parti pris structurel rendait probablement les bâtiments très sombres. Des ouvertures plus grandes ont dû être envisagées pour laisser pénétrer lalumière. Mais l'arc en plein cintre ne permet pas de percer des ouvertures suffisamment grandes pour la luminosité tant recherchée par l'art gothique, sans risquer d'affaiblir les murs. Les forces latérales appliquées aux murs sont très importantes et on ne peut envisager d’élever la voûte sans renforcer les murs pour contrebuter la poussée résultante. Il faut néanmoins nuancer cette vision de l'église romane relativement sombre, opposée à l'église gothique baignée de lumière[81].
L'arc brisé et la croisée d'ogives permettent d'équilibrer les forces sur des piles. Les murs n’ont donc plus à supporter le poids de la structure et peuvent alors être ouverts vers l'extérieur. Lalumière devient donc suffisamment abondante pour que les peintres-verriers puissent jouer à la colorer par desvitraux. Ces derniers ne laissent rien voir de l'extérieur mais laissent entrer la lumière. Cependant, l'expression « cathédrale de lumière » est à nuancer : les vitraux qui filtrent la lumière naturelle ont tendance à assombrir les églises et cathédrales d'autant plus que la fumée des bougies et des encens encrassent les murs et vitraux qui se colmatent et s'opacifient au cours des siècles (vitrauxlixiviables)[82] ; le clergé duXVIIe siècle et surtout duXVIIIe siècle qui recherche plus de clarté privilégie ainsi les vitreries claires aux bordures décoratives et les vitraux en grisaille qui rendent les églises moins sombres[83]. Les vitraux sont censés être édifiants pour lesfidèles et représentent bien souvent des scènesbibliques, lavie dessaints ou parfois même la vie quotidienne auMoyen Âge, constituant une véritable « Bible des pauvres ». Ils sont considérés comme de véritables supports imagés, à la façon d'une bande dessinée, pour lecatéchisme desfidèles supposés n'avoir alors qu'à lever lesyeux. En réalité, cette conception utilitariste de l'art médiéval est fausse, les vitraux existant comme œuvres d'art par elles-mêmes, car certaines verrières étaient trop hautes[84] pour être lisibles, leurs scènes bien souvent trop petites et souvent situées à hauteur d'œil n'étaient pas interprétables (à l'exception des grands classiques qu'étaient la Nativité, l'Assomption, etc.) par les fidèles (lecatéchisme originel ne s'adressant pas aux fidèles, mais aux prêtres)[85].
Au-delà de lareprésentationiconographique, c'est aussi pour toute lasymbolique de lalumière que l'on avait recours auxvitraux durant leMoyen Âge, et plus particulièrement pendant la période dite gothique. SelonVitellion, intellectuel duXIIIe siècle, on distingue deux sortes de lumières : la lumière divine (Dieu) et la lumière physique (la manifestation de Dieu). Les vitraux étaient alors chargés de transformer lalumièrephysique en lumière divine, autrement dit de faire entrer la présence divine dans lacathédrale.
Toujours dans la mentalitémédiévale, on associait le sombre ou l'absence de lumière auMalin[réf. nécessaire]. Ainsi, quand unfidèle entrait dans la cathédrale, il se sentait protégé du mal parDieu et cela grâce à laluminosité des vitraux. On retrouve une explication du lien entreDieu et lalumière dans laBible, dès le livre de laGenèse (1, 4-5) :« Dieu vit que la lumière était bonne et Dieu sépara la lumière des ténèbres… ». Cette métaphore se trouve en de nombreux versets, par exemple en l'évangile selon saint Jean 3, 19 :« La lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises ».
Le contexte historique dans lequel cettethéologie de la Lumière s'est mise en place est décrite dans l'œuvre de l'historienGeorges Duby (plus particulièrement dans son livreLe Temps des cathédrales, Gallimard, 1976, p. 121-162).
« Je suis la lumière dumonde ; celui qui Me suit ne marche point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. »
↑« Puis, il faut bien le dire tout de suite, l'ogive ou plutôt l'arc en tiers-point que l'on s'imagine encore être le signe distinctif d'une ère en architecture, ne l'est pas en réalité, comme l'ont très nettement expliqué Quicherat et, après lui, Lecoy de la Marche. L'École des Chartes a, sur ce point, culbuté les rengaines des architectes et démoli les lieux communs des bonzes. Du reste, les preuves de l'ogive employée en même temps que le plein-cintre, d'une façon systématique, dans la construction d'un grand nombre d'églises romanes, abondent : à la cathédrale d'Avignon, de Fréjus, à Notre-Dame d'Arles, à Saint-Front de Périgueux, à Saint-Martin d'Ainay à Lyon, à Saint-Martin-des-Champs à Paris, à Saint-Étienne de Beauvais, à la cathédrale du Mans et en Bourgogne, à Vézelay, à Beaune, à Saint-Philibert de Dijon, à la Charité-sur-Loire, à Saint-Ladre d'Autun, dans la plupart des basiliques issues de l'école monastique de Cluny ».Joris-Karl Huysmans,La Cathédrale, 1898.
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↑Les verrières basses, à portée de vue, racontent plutôt des moments de la vie du Christ et des Saints alors que les hautes présentent de grands personnages (la Vierge, les apôtres, etc.).
↑Yves Combeau,L'Histoire de Notre-Dame de Paris : 850 ans… et toujours aussi belle !,Canal Académie, 23 décembre 2012.
↑Cathédrale de Rouen : 15 t. Cathédrale de Troyes : 25 t. Cathédrale du Mans : 19 t.
↑Arnaud Timbert,L'homme et la matière : l'emploi du plomb et du fer dans l'architecture gothique, Éditions A&J Picard,,p. 79.
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