Stanislas Leszczynski, en polonaisStanisław Leszczyński, né le àLwów (aujourd'huiLviv, enUkraine) et mort le àLunéville (actuel département de laMeurthe-et-Moselle), est un aristocrate polonais,roi de Pologne en titre de 1704 à 1766, en fait de 1704 à 1709 et de 1733 à 1736,duc de Lorraine et deBar de 1737 à sa mort[1]. Souverain aux pouvoirs politiques réduits, il s’illustre par son rôle de mécène, faisant rayonner le duché de Lorraine.
Stanisław Leszczyński est né en 1677 àLwów dans unefamille aristocratique polonaise originaire deLeszno enGrande-Pologne, l'une des plus importantes familles demagnats de la République des Deux Nations. Il est le fils deRafał Leszczyński, grand trésorier dela Couronne, et deAnna Jabłonowska et il a pour parrain son grand-père, lehetmanStanisław Jabłonowski. Il reçoit une éducation soignée. Formé à la littérature et aux sciences, il maîtrise plusieurs langues étrangères : le français, l’allemand, l’italien et le latin. Il complète sa formation par un long voyage à travers l'Europe, ce qui est une pratique courante pour les enfants des familles les plus riches de l'époque[2].
Grâce à son mariage avecKatarzyna Opalińska conclu en 1698, il accède à une fortune considérable. Le couple a deux filles[2]:Anna etMaria, future épouse deLouisXV.
Nommé grand échanson de la Couronne en 1698, il succède à son père commevoïvode et sénateur dePoznań[1].
Auguste II reprend le trône et la famille Leszczyński se refugie en Suède, mais Stanisław n'entend pas renoncer à ses ambitions royales. En 1713, il entreprend une expédition en Pologne à la tête d'une armée conjointe tataro-turco-suédoise. Mais cette campagne échoue et Leszczyński est obligé de fuir à nouveau.
Dans son exil, il traverse l’Europe à la rencontre de Charles XII enBessarabie, mais il est retenu prisonnier un an àBender enMoldavie, possession ottomane à l'époque[3]. Libéré, il s’installe en 1714 àDeux-Ponts en pays germanique,duché dépendant de la Suède, où il est nommé duc par délégation. Stanisław y fait construire une résidence de plaisance, baptisée à la turqueTschifflick, un mélange des traditions des villas italiennes de la renaissance et de la résidence rurale d'un gentilhomme polonais, dans le cadre de la composition symétrique du baroque français[4]. En 1717, Anna, la fille ainée de Stanisław et Katarzyna Leszczyński, décède d'une pneumonie. Sa mort plonge les parents dans un profond désespoir, à tel point que le père interdit à sa deuxième fille Maria de mentionner le nom de son aînée en sa présence. Elle est inhumée dans l'église ducloître de Gräfinthal que son père a fait reconstruire plusieurs années auparavant.
C’est à Wissembourg que Stanisław apprend la stupéfiante nouvelle : sa fille Maria a été choisie comme épouse par le jeuneLouis XV. La santé fragile du jeune roi rend effectivement nécessaire la naissance d'un héritier au plus vite, or Maria est une princesse royale, catholique, en âge d'avoir des enfants. Le 1725, la famille Leszczyński vient àStrasbourg où, le, le mariage est célébré par procuration dans la cathédrale par lecardinal de Rohan,grand aumônier de France etévêque du diocèse. Accueilli froidement par la Cour de France parce que considéré par beaucoup comme une mésalliance, ce mariage heureux dans les premiers temps sera suivi de la naissance de 10 enfants. Stanisław, devenu beau-père du roi, est installé auchâteau de Chambord. Le roi lui alloue une modeste pension de 400 000 Livres.
Tout au long de sa vie, Stanisław maintiendra une relation très proche avec sa fille Maria ce dont témoigne une correspondance abondante, et avec ses petits enfants à qui il rend régulièrement visite àVersailles. Il ne sera jamais apprécié par son gendre, mais demeurera proche de lareine Marie et de ses petits-enfants[6].
À Stanislas le Bienfaisant / La Lorraine reconnaissante / 1831 Meurthe - Meuse - Vosges La statue de Stanislas de 1831 fait suite à une souscription des départements de la Meuse, de la Meurthe et des Vosges
En 1733, le décès d'Auguste II lui ouvre la possibilité de reconquérir sa couronne. Avec l'aide du roi de France, Stanisław se rend àVarsovie où il est élu roi de Pologne pour la seconde fois. Mais là encore, l'intervention des troupes russes dutsar Pierre le Grand qui soutiennent la candidature dufils d'Auguste II, le contraignent à la fuite.
Le 30 septembre 1736, Stanisław signe une déclaration par laquelle il renonce au trône polonais mais conserve son titre de roi de Pologne (honoraire). En échange d’une rente annuelle, il laisse au roi de France et à ses représentants le soin d’administrer ces territoires et d’y percevoir les impôts. Stanisław peut nommer aux bénéfices, emplois et offices mais il ne peut le faire que de concert avec Louis XV. Le roi est également libre de placer ses troupes en Lorraine. Ainsi, Stanisław s’engage, lorsqu’il recevra le serment de fidélité des Lorrains, à le faire prêter également au nom du roi de France qui apparait ainsi très clairement comme son successeur[8].
Stanisław prend possession de ses duchés au début de 1737, mais c'estAntoine-Martin Chaumont de La Galaizière, chancelier nommé par le roi, qui détient les réels pouvoirs de justice, de police et des finances[9]. Privé de ces charges, Stanisław s'investit dans les arts, l'architecture et le social.
Le roi fait aménager des résidences secondaires héritées de Léopold ou construites pour son plaisir : le palais de Chanteheux construit à trois kilomètres deLunéville et baptiséTrianon Lorrain,La Malgrange où il réside lorsqu'il se rend àNancy,Commercy dont il aménage les jardins en 1744 à la mort de la duchesse Elisabeth-Charlotte épouse de Léopold, ou encoreEinville[10].
Pendant le règne de Stanisław, la cour de Lorraine rayonne. La vie intellectuelle et artistique est florissante et la personnalité du roi y est pour beaucoup. Fier de ses folies architecturales – le Kiosque (pavillon turc), le Trèfle (pavillon chinois) ou encore le Rocher à Lunéville – et de leurs jardins enchanteurs, il organise de somptueux concerts, fêtes de nuit, représentations théâtrales et bals, qui rassemblent des hôtes de marque et où s’illustra brillamment lamarquise de Boufflers, qui avait remplacé Katarzyna Opalinska dans le cœur du roi, mais aussiVoltaire etÉmilie du Châtelet. On y rencontre égalementMontesquieu,Helvétius,Moncrif, leprésident Hénault, legéomètre Maupertuis, l’abbé Morellet. À ces esprits éclairés, se mêlent des notables locaux tels quePalissot, François Devaux dit Panpan, les physiciens Vayringe et Duval, Saint-Lambert et lechevalier de Boufflers et de nombreux étrangers de passage comme lacomtesse de Bentinck,Charles-Édouard Stuart, et de nombreux Polonais dontStanisław Konarski.
La place Royale de Nancy, actuellementplace Stanislas, est sa plus grande œuvre architecturale. Son programme urbanistique consiste alors à réunir les quartiers de l’ancienne et de la nouvelle ville par un ensemble de trois places : laplace d’Alliance, laplace de la Carrière et la place Royale bâtie en l’honneur de son gendre, Louis XV. Entreprise en 1752 parEmmanuel Héré, cette dernière, fermée sur ses côtés par les grilles deJean Lamour, sert d’écrin à la statue du roi de France.
Stanisław fait également édifier l'église Notre-Dame de Bonsecours, l’hôtel des Missions Royales et les portes Saint-Stanislas et Sainte-Catherine. Toutes ces nouvelles constructions sont documentées parDominique Collin à qui Stanisław octroie le brevet de Graveur ordinaire de la ville de Nancy, le 28 avril 1758, puis de graveur ordinaire du roi Stanisław[11].
Par donation de 100 000 francs pris sur sa cassette personnelle, il participe à la reconstruction de la ville deSaint-Dié, partiellement détruite par un incendie en 1757.
Ce monarque éclairé est aussi un écrivain. L'essentiel de ses écrits traite de l'anarchie de son pays natal et des moyens d'y remédier. En 1749, le roi publie son œuvre principalLa voix libre du citoyen (en polonais Głos wolny wolność ubezpieczający) dans lequel il prône des réformes en Pologne : il exige l'exclusion des étrangers de la candidature au trône polonais, l'abolition duliberum veto et donc la prévention des perturbations fréquentes des sessions parlementaires, l'émancipation des serfs, la réforme de l'armée et du système fiscal, et la rationalisation du gouvernement central en établissant des conseils ministériels collégiaux[12].
En 1752, Stanisław décrit sa conception de cité idéale dans l'Entretien d'un Européen avec un insulaire du royaume de Dumocala[13].
Favorable à la liberté et à la séparation des pouvoirs, Stanisław, quoique profondément croyant, se tient à l'écart des excès de tous les fanatismes, religieux ou athées comme le montre son essai philosophique :L'Incrédulité combattue par le simple bon sens (1760).
Il met en place des initiatives sociales en avance sur son temps : écoles, hôpitaux, chambre de consultation des avocats gratuite, greniers collectifs, secours aux plus démunis, etc. Dans le domaine de la tolérance, il accueille les réformés et les israélites se créant ainsi une réputation de philosophe qui lui permet de faire publier en 1764 un recueil sous le titre desŒuvres du philosophe bienfaisant.[14]
Gravure au burin représentant le catafalque de Stanislas Leszczynski, dressé en l'église Saint-Roch de Nancy, parDominique Collin, 1766.
Passionné par l'art sous toutes ses formes, ce roi gastronome aurait inventé lebaba au rhum à Lunéville. Trouvant la pâtisserie alsacienne connue sous le nom deKouglof trop sèche, il a l'idée de le tremper dans un sirop de sucre additionné de rhum. Il a aussi contribué à populariser lamadeleine de Commercy[15].
Grièvement brûlé lorsque sa robe de chambre prit feu près de sa cheminée et au terme d'une longue agonie, Stanisław succombe à ses blessures à l'âge de 88 ans, le àLunéville[16].
Conformément à son vœu, ses entrailles et son cœur sont aussitôt transportés en un cénotaphe de l'église Saint-Jacques de Lunéville où ils reposent jusqu'à laRévolution française. Une cérémonie en son honneur est organisée en l'église Saint-Roch de Nancy le 26 mai 1766. Un catafalque sculpté parJean-Joseph Söntgen sur des dessins deJean Girardet est dressé au centre de l'église[17].
À Montréal au Canada, un lycée d'enseignement français porte également le nom de « Collège Stanislas ». Il était à l'origine une filiale du Collège Stanislas de Paris.
Un lycée d’enseignement général, technologique et professionnel àWissembourg en Alsace porte son nom
Selon plusieurs sites internets de cuisine,Madeleine Paulmier, une de ses servantes, aurait créé la recette de la madeleine en 1755[21].
Le lycée d'enseignement général, technologique et professionnel de Villers-lès-Nancy s’appelle « lycée Stanislas ».
Une unité de soin de longue durée porte son nom àNancy.
La chanson du groupe de rock progressif françaisAnge intituléeLe Nain de Stanislas sur leur album de 1975Émile Jacotey.
Une pièce de théâtre, ''Le petit coucher de Stanislas'', par Jean-Philippe Jaworski
↑Sophie Mouquin,Le rayonnement français en Europe centrale, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine,, 407-425 p.(ISBN978-2-85892-590-2), « Stanislas Leszczyński : le goût d’un prince européen »
↑Jan Ostrowski, « Tschifflik, la maison de plaisance du roi Stanislas à Deux-Ponts »,Dix-Huitième Siècle,vol. 4, année 1972,p. 315-322
↑L. SCH., « Il y a 300 ans, le roi de Pologne Stanislas arrivait à Wissembourg »,DNA,(lire en ligne)
↑Michel Antoine,« L’intendance » de Lorraine sous le règne de Stanislas dans Droit privé et Institutions régionales, Presses universitaires de Rouen et du Havre,(ISBN979-10-240-1116-5),p. 15-25
↑Mémoires duComte de Tressan, cité d'après : Anne Muratori-Philip,Stanislas Leszczynski : Aventurier, philosophe et mécène des Lumières.Paris : Robert Laffont, 2005,p. 162.
↑Jean-Nicolas Beaupré,Deuxième supplément à la notice sur Dominique Collin et Yves-Dominique Collin, Nancy, A. Lepage,, 23 p.(lire en ligne)
↑Antoine Hatzenberger,Utopies des lumières, ENS Éditions,, 152 p.(ISBN978-2-84788-624-5), « Une utopie réalisable et en partie réalisée : le programme de La Voix libre du citoyen et de Dumocala par Laurent Versini »,p. 53-76
↑Aurore Chery, « Les Leszczynski et l’image du roi bienfaisant, un modèle pour la monarchie française ? »,Images et Histoire,no 2,(lire en ligne)
Antoine Aubert,La vie de Stanislas Leszczinski, surnommé le Bienfaisant, roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar. Divisée en deux parties. - Paris : Moutard, 1769. - 503 p.
Liévin Proyart,Histoire de Stanislas premier, roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar. - Lyon : Bruyset-Ponthus, 1784. - 477 p. (tome 1) et 413 p. (tome 2)
Anne Muratori-Philip,Stanislas Leszczynski : Aventurier, philosophe et mécène des Lumières. -Paris : Robert Laffont, 2005. -1 018 p., 20 cm. -(ISBN2-221-10091-3).
Frédéric Maguin et Robert Florentin,Sur les pas de Stanislas Leszczynski. –Nancy : Éditions Koidneuf,2005. – 62 p., 26 cm. –(ISBN2-9515687-5-4). (Ouvrage plutôt centré, dans son sujet, sur « Stanislas Leszczynski comme protecteur des beaux-arts en Lorraine »)
Jean-Claude Bonnefont, Philippe Delestre, Thierry Franz, Catherine GuyonAurore Montesi, Francine Roze et Denis Saillard,Stanislas Leszczynski De l'homme ... à la légende. - Château Des Lumières, 2016. -(ISBN978-2-7466-9170-4).