En philosophie, Baruch Spinoza est, avecRené Descartes etGottfried Wilhelm Leibniz, l'un des principaux représentants durationalisme. Héritier critique ducartésianisme, le spinozisme se caractérise par un rationalisme absolu laissant une place à la connaissance intuitive, une équivalence deDieu avec la nature, et donc son existence, une définition de l'homme par le désir, pour la joie, une conception de la liberté dans la nécessité, une critique des interprétations théologiques de laBible aboutissant à une conceptionlaïque des rapports entre politique et religion.
Après sa mort, le spinozisme connut une influence durable et fut largement mis en débat. L'œuvre de Spinoza entretient en effet une relation critique avec les positions traditionnelles desreligions monothéistes que constituent lejudaïsme, lechristianisme et l'islam. Spinoza fut maintes fois admiré par ses successeurs :Hegel en fait« un point crucial dans la philosophie moderne » — « L'alternative est : Spinoza ou pas de philosophie » ;Nietzsche le qualifiait de« précurseur », notamment en raison de son refus de latéléologie ;Gilles Deleuze le surnommait le « Prince des philosophes » ; etBergson ajoutait que« tout philosophe a deux philosophies : la sienne et celle de Spinoza ».
Bento de Espinosa, alias Baruch Spinoza, naît le 24 novembre 1632 dans une famille appartenant à la communautéjuiveportugaise[d] d'Amsterdam, à l'époque« ville la plus belle et singulière d'Europe »[p 2]. Il tient de son grand-père maternel[e] son prénom « Baruch »,Bento enportugais, qu'il latinise enBenedictus, « Benoît », et qui signifie « béni » enhébreu.
Les Spinoza installés auPortugal, moyennant paiement exigé par les autorités portugaises[4],[h], sont rapidement obligés de seconvertir au catholicisme pour pouvoir rester dans le pays. Après le mariage deManuelIer du Portugal avecIsabelle d’Aragon en 1497, le monarque ordonne lui aussi l’expulsion des juifs de son pays (« le baptême ou l'exil »). Néanmoins, afin de ne pas priver le Portugal de l'apport des Juifs qui occupaient des positions importantes dans la société (médecins, banquiers, commerçants, etc.), il se ravise et ordonne unvendredi desbaptêmesforcés pour ledimanche suivant : à peu près cent vingt mille Juifs sont alors convertis au catholicisme en quelques jours, avec, à présent, interdiction d'émigrer[4]. Ce décret ne sera assoupli qu'en 1507, après lemassacre de Lisbonne[i]. Les Spinoza et leurs coreligionnaires ont pu vivre à peu près en paix[j] dans le pays jusqu’à ce que l’Inquisition s'y implante véritablement sur ordrepapal, environ quarante ans plus tard[5].
Le grand-père de Baruch, Pedro, alias Isaac Rodrigues d'Espinosa, né en 1543, est originaire deLisbonne et s'est installé àVidigueira (Alentejo), la ville natale de son épouse[6], Mor Alvares, avec laquelle il a eu trois enfants dont Miguel, alias Michael, le futur père du philosophe. Sans doute accompagné de sa sœur Sara[7] et de sa propre famille, Pedro Isaac,« effrayé par les arrestations inquisitoriales », quitte le Portugal en 1587 pour venir àNantes[k] et y rejoindre son frère Emanuel Abraham[l], le grand-oncle du futur Baruch, déjà réfugié[m] (la présence d'Emanuel Abraham[n] y est attestée en 1593). Pedro Isaac n'y est pas resté, probablement parce que lejudaïsme était officiellement interdit à Nantes et qu'il y régnait, là aussi, une certaine hostilité envers lesmarranes[8] et des sentiments fréquemment contrastés voire agressifs envers les Portugais (ou lesJuifs dits portugais)[o],[9]. Apparemment expulsé de Nantes avec sa famille et son frère Emanuel Abraham, en même temps que tous les autres Juifs de la ville, en 1615[p], Pedro Isaac gagne alorsRotterdam desProvinces-Unies dans l'actuelleHollande méridionale, où vit déjà une partie de ladiaspora juive portugaise. Il y décède en 1627[q]. À l'époque, les Provinces Unies font partie d'un ensemble de lieux appelés« terres de liberté » voire« terres de judaïsme », c'est-à-dire des cités où le judaïsme est soit officieusement toléré donc restreint (comme àAnvers), soit franchement accepté et où les juifs sont reconnus comme tels ; ainsi,Amsterdam,Hambourg,Venise,Livourne ou une partie de l'Empire ottoman (Smyrne,Salonique)[10], où nombre de marranes et« nouveaux chrétiens »[4], ces juifs contrariés, en profitent pourse convertir à leur religion d'origine.
Intérieur, détail de porte, gravure de Rembrandt (Amsterdam, 1632).
Le père de Baruch, Miguel, né àVidigueira (Alentejo) auPortugal en 1588, est un marchand réputé dans l'import-export defruits secs et d'huile d'olive, et un membre actif de la communauté (synagogue, œuvres debienfaisance et écoles juives) qu'il aide à se consolider[r]. La mère de Baruch, Ana Débora Gomes Garcês de Espinosa, épousée en secondes noces, vient elle aussi d'une famille juiveséfarade dePorto etPonte de Lima[s], et meurt alors que Baruch n'a pas six ans. À l'adolescence, il perd aussi son demi-frère aîné, Isaac, et un peu plus tard sa belle-mère Ester[t] qui l'avait élevé. De sa fratrie nombreuse, Baruch ne gardera à l'âge adulte que sa sœur ainée Rebeca[u].
Carte du quartier deVloonburch Steech où le rectangle gris figure l'endroit où Spinoza a passé son enfance (B. Fl. van Berckenrode, 1625).
Leur maison familiale se situe au sein duquartier juif d'Amsterdam (Jodenbuurt) au 57 de la Breestraat ; à seulement deux rues de la maison de Rembrandt[11]. C'est une jolie demeure de marchand (« een vraay Koopmans huis » ennéerlandais)[12] qui jouxte lasynagogue portugaise deNeve Shalom, en face de celle deKeter Torah[v],[2], non loin de celle deBeth Yakov, et donne sur le canal Houtgracht[13]. Cette maison est presque adossée à celle deRembrandt qui a dû croiser le jeune Baruch dans les rues avoisinantes et s'est inspiré de la communauté juive pour nombre de ses tableaux[13],[14],[11].
Les Juifs sont alors assez bien tolérés pour l'époque et insérés dans la société néerlandaise[w] qui leur a officiellement octroyé, en 1603, le droit de pratiquer leur religion en privé[3], et en 1614, par les autorités d'Amsterdam, celui d'acheter leur première parcelle de terrain pour y construire leurcimetière qui était auparavant relégué àGroet, à 50 km d'Amsterdam[15]. Cet espace social ouvert est surnommé « la Nouvelle Jérusalem »[16] ; des réfugiés juifs y accourent d'Anvers, d'Allemagne ou dePologne[f].
Les Juifs portugais ou d'origine portugaise parlentnéerlandais avec leurs concitoyens, utilisent leportugais comme langue quotidienne (autrement dit,langue vernaculaire) au sein de la communauté, et écrivent enespagnol[17]. En ce qui concerne la réflexion philosophique, c'est enlatin que Spinoza écrit, comme la quasi-totalité de ses collègues européens. Le latin permettant d'échapper à la polémique et à la censure.
« Vue de la synagogue des Juifs portugais à Amsterdam », dans le quartier deJodenbuurt, (Fouquet-Atlas, 1760-1783).
Outre des années d'études peu poussées pour s’occuper rapidement[x] des affaires commerciales de la maison familiale dès la fin des années 1640, le jeune Spinoza fréquente l'école juive élémentaire de sa communauté portugaise, leTalmud Torah[y], où l'on enseigne enladino[17] (langue judéo-ibérique, portugaise-espagnole). Il y acquiert une bonne maîtrise de l'hébreu (et des connaissances enaraméen), à partir de laquelle il rédigera à la fin de sa vie sonPrécis de grammaire de la langue hébraïque. Il ajoute alors à sa connaissance duportugais, sa langue maternelle, celle de « l’espagnol castillan, langue littéraire, et dunéerlandais, langue du commerce et du droit »[18],[19]. Par la suite, il lira aussi l'allemand, lefrançais, l'italien ou legrec ancien[20].
Ses parents voulant en faire unrabbin, c'est sous la conduite de RabbiSaül Levi Morteira[21],talmudiste vénitien érudit et hautain[13], qu'après ses10 ans, Baruch approfondit sa connaissance de laloi écrite et accède aussi aux commentaires médiévaux de laTorah (Rachi,Ibn Ezra) ainsi qu'à laphilosophie juive (Maïmonide)[22] au sein de l'AssociationKeter Torah[v],[z], sans pour autant accéder aux niveaux supérieurs des programmes d'enseignement de la Torah.
Physiquement, il sera décrit plus tard comme une personne au corps harmonieux et à noble figure où ses yeux et sa chevelure sombres se remarquent[aa].
Le nom deBaruch Espinosa est rayé de la liste des élèves dans le registre de la communauté d'Ets Haïm (Amsterdam). Inscription :Ishac Espinosa fo [=filho, "fils de" en portugais]de Michael Espinosa /Baruch Spinoza (biffé)do ditto [= "du même" en portugais] [= fils de Michael Espinosa].
À la mort de son père, en 1654, le jeune homme a vingt-et-un ans ; il s'acquitte de tous les devoirs religieux desendeuillés à la synagogue où il fait encore des offrandes[ab], et reprend totalement l'entreprise familiale avec son frère Gabriel[23] sous la dénominationlusophone « Bento e Gabriel d'Espinosa », ce qui lui ferait arrêter les études formelles[24],[25]. Après plusieurs démêlés judiciaires avec sa sœur autour de l'héritage de son père, il renonce à celui-ci, à l'exception du lit de ses parents, un grandledikant(nl) àbaldaquin, qu'il gardera jusqu'à sa propre fin[26].
C'est alors qu'il décide d'apprendre lelatin auprès de l'ancienjésuite[ac] etdémocrateFranciscus van den Enden[ad], qui l'ouvrira à d'autres connaissances telles le théâtre, la philosophie, la médecine, la physique, l'histoire ou encore la politique, et peut-être l'amour libre, qu'il prône[24].
Peu de temps auparavant, un homme aurait même tenté de poignarder Spinoza ; blessé, celui-ci aurait conservé le manteau troué par la lame, pour se rappeler que la passion religieuse mène à la folie. Si le fait n'est pas complètement certain (il n'y a pas de trace de l'incident dans les actes juridiques de l'époque)[28],[29], il fait partie de la légende du philosophe.
L'exclusion de Spinoza est exceptionnellement sévère, une des deux seules prononcées à vie, mais à cette époque, les « exclusions » ou « bannissements » étaient chose commune dans les milieux religieux, même tolérants[28], et cette exclusion n'est pas la première crise traversée[ag] par la communauté juive éprouvée par les perceptions identitaireshétérodoxes et morcelées de cesJuifs contrariés au sein d'une cité un peu libérale[18]. Quelques années plus tôt,Uriel da Costa ou Gabriel da Costa (philosophe portugais, originaire dePorto, réfugié àAmsterdam) fait circuler dans la communauté, dès 1616, desPropositions contre la Tradition[ah] et défie les autorités. Repentant, il doit subir des punitions humiliantes (flagellation publique) pour pouvoir être réintégré : peines auxquelles le jeune Baruch assiste[30] alors qu'il n'a que 8 ans. Cependant, da Costa réaffirme en 1624 ses idées qui sont jugées à nouveauhérétiques[31] par les communautés juive et chrétienne, et il se suicidera en 1640[ai]. Le philosophe rationalisteJuan de Prado, ami de Spinoza, est à son tour exclu de la communauté juive portugaise en 1657, un an après Spinoza, pour avoir tenu des propos similaires[32], et finit par rejoindreAnvers.
« Assemblée de ceux qu'on appelle Collegians a Amsterdam » (1736-38).
Il est difficile de savoir avec exactitude quels propos ou attitude sanctionne ceherem[af],[aj],[ak] exceptionnellement dur contre Spinoza, car aucun document ne fait état de sa pensée à ce moment précis ; il a23 ans et n'a encore rien publié[al]. On sait cependant qu'à cette époque, il fréquente l'école du philosophe républicain et « libertin »Franciscus van den Enden[ad], ouverte en 1652, où il apprend lelatin, découvre l'Antiquité, notammentTerence, et les grands penseurs desXVIe et XVIIe siècles commeHobbes,Bacon,Grotius ouMachiavel. Il côtoie alors deshétérodoxes de toutes confessions, notamment descollégiants commeSerrarius, des érudits lecteurs deDescartes, dont la philosophie exerce sur lui une influence assez profonde. Il est probable qu'il professe, dès cette époque, qu'il n'y a deDieu que « philosophiquement compris », que laloi juive n'est pas d'origine divine, et qu'il est nécessaire d'en chercher une meilleure ; de tels propos sont en effet rapportés à l'Inquisition en 1659 par deuxEspagnols ayant rencontré Spinoza etJuan de Prado lors d'un séjour à Amsterdam[33]. Quoi qu'il en soit, Spinoza semble accueillir sans grand déplaisir[p 2] cette occasion de s'affranchir d'une communauté juive dont il ne partage plus vraiment les croyances ; on ne possède aucune trace d'un quelconque acte de repentance visant à renouer avec elle[34].
Après son exclusion de la communautéjuiveportugaise en 1656, Spinoza abandonne la succession et les affaires paternelles[am], et signe désormais ses lettres sous le nom latin de « Benedict » et « Benedictus Spinoza » ou simplement « B ». Il est probable qu'il étudie la philosophie à l'université deLeyde et y noue des amitiés[35]. Il devient« philosophe-artisan »[36] et gagne sa vie en taillant deslentilles optiques pourlunettes etmicroscopes[37], domaine dans lequel il acquiert une certaine renommée[an] mais qui ne lui permet de vivre que très humblement, conformément à son caractère. Certains de ses amis vanteront pourtant sa générosité malgré sa grande modestie.
Vers 1660-1661, il s'installe àRijnsburg dans la communenéerlandaise deKatwijk, centre intellectuel descollégiants, près de l'université de Leyde. C'est là qu'il reçoit la visite deHenry Oldenburg, secrétaire de laRoyal Society, avec lequel il établit ensuite une longue et riche correspondance. En 1663, il quitte Rijnsburg pourVoorburg dans la banlieue actuelle deLa Haye où il loge chez son maître de latin puis chez Daniel Tydeman, artiste peintre et soldat, et s'essaie lui-même à la peinture. Là, il commence à enseigner à un élève nommé Casearius la doctrine deDescartes. De ces cours, il tireLes Principes de la philosophie de Descartes, dont la publication donne lieu à une correspondance centrée sur le problème du mal avec Willem van Blijenberg, un marchandcalviniste qui formulera des objections surl'Éthique et leTraité théologico-politique. Il est probable que le début de la rédaction des deux ouvrages ait précédé la publication desPrincipes : leTraité de la réforme de l'entendement (inachevé et publié avec les œuvres posthumes) et leCourt traité (publié seulement auXIXe siècle).
Pièce principale de l'appartement de Rijnsburg où Spinoza vécut de 1661 à 1663.
En 1668, son camaradeAdriaan Koerbagh est dénoncé par son imprimeur pendant l'impression de son ouvrage "Une Lumière éclairant les ténèbres pour illuminer les questions de Théologie et de Religion", où il exposait une vision de Dieu et de la religion semblable à celle de Spinoza. Il tente de fuir deCulemborg à Leiden, où il est arrêté et amené les pieds liés à Amsterdam. Un procès a lieu le 27 juillet où il est menacé d'avoir la langue percée et le pouce droit coupé, avant d'être finalement condamné à dix ans de détention et de travaux forcés en prison, accompagnés d'une amende de 4 000 florins, qui seraient suivis de l'exil à la fin de sa peine. Il prend l'ensemble de la responsabilité, niant avoir été aidé par son frère, et avoir discuté de ses travaux avec Spinoza[38]. Il meurt un an plus tard dans les geôles duRasphuis en. Ses publications furent en grande partie détruites par les autorités de laRépublique. Deux exemplaires de son ouvrage ont survécu, ayant été utilisés pour preuves lors du procès[39].
Cela sert d'avertissement à Spinoza. C'est à cette période qu'il se met à porter unechevalière qu'il utilise pour marquer son courrier et qui est gravée du mot « caute » (en latin « prudence ») placéSub rosa : larosesymbolise ainsi le secret gardé. C'est aussi une image pour indiquer le nom « Spinoza » (Espinosa signifie « épineux » en portugais, langue maternelle du philosophe). La rose rouge est également l'ingrédient d'un remède que Spinoza utilise pour soigner ses crises de fièvres[40], et dontAdriaan Koerbagh fournit la recette dans son ouvrageUn jardin de toutes sortes de délices sans tristesse[41].
Il interrompt l'écriture del'Éthique pour rédiger leTraité théologico-politique dans lequel il montre que« dans un état libre, chacun doit pouvoir penser ce qu’il veut, et dire ce qu’il pense ». Sur la base d'une exégèse de la Bible, il donne sa vision des prophètes, des apôtres, des miracles, de la loi divine, de la vocation des hébreux et de la foi. Il y corrigeMaimonide et le Rabbi Jéhuda Alpakhar en défendant que la théologie n'est pas l'esclave de la raison, ni la raison celle de la théologie. L'ouvrage paraît en 1670, sous couvert d'anonymat, et avec un faux lieu d'édition. Il suscite de vives polémiques, y compris de la part d'esprits « ouverts » commeLeibniz[ao], ou de la part d'hommes que Spinoza rencontre occasionnellement en privé, comme les membres de l'entourage calviniste deCondé. Pour ceux-ci, il convient de bien distinguer la nouvelle philosophie (Descartes,Hobbes) de la réflexion plus radicale de Spinoza. Quant aux autorités religieuses juives, elles condamnent l'ouvrage - peu accessible car écrit en latin et - réfuté par le philosopheBalthazar (Isaac) Orobio de Castro[28].
Sceau de B. de Spinoza marquant la prudence (Caute) et le secret (sub rosa).
Bien qu'il prône le maintien de l'Etat, et s'engage à retirer toute parole qui, par erreur, ne se conformerait pas à la loi, la Cour deHollande interdit la diffusion duTraité de Spinoza par une ordonnance d'avril 1671, sur requête dessynodes provinciaux, en même temps que laPhilosophie interprète de l'Écriture sainte de son camaradeLodewijk Meyer,Léviathan deHobb et laBibliothèque des Frères polonais (recueil de textessociniens)[42]. Elle demande également que des poursuites soient engagées contre les auteurs et autres responsables de la publication de ces ouvrages. Cependant, lesÉtats de Hollande rechignent à suivre la décision de la Cour et à interdire des œuvres écrites enlatin. Ce n'est qu'en 1674, après la chute du régentde Witt, que les livres visés seront effectivement interdits par les autorités séculières.
Le contexte politique, avec l'invasion française, devient alors moins favorable encore pour Spinoza. La mainmise deGuillaume d'Orange sur lesProvinces-Unies met définitivement fin à une période delibéralisme quasi-républicain. Après l'assassinat des frèresde Witt (1672), l'indignation de Spinoza est telle qu'il souhaite afficher dans la rue un placard contre les assassins (« Ultimi Barbarorum » ou « Les derniers des barbares »), ce dont l'aurait dissuadé son logeur.
Maison de Spinoza àLa Haye dans l'ancienquartier juif de Paviljoensgracht, où il mourut en 1677 dans un deux-pièces loué.
Cependant, le philosophe, qui a abandonné Voorburg pourLa Haye vers 1670, ne quitte pas le pays ; à peine s'éloigne-t-il quelquefois versUtrecht ouAmsterdam situés à moins de quarante kilomètres de son logis[43]. Ainsi refuse-t-il en 1673, par souci d'indépendance, l'invitation de l'Électeur palatin qui proposait de l'accueillir en lui offrant une chaire à l'université d'Heidelberg dans l'actuelleAllemagne.
De santé fragile[aq] et malgré une vie frugale, il meurt à44 ans le 21 février 1677 àLa Haye où il était arrivé seul à38 ans.
À sa mort, sa famille reste persuadée qu'il a puisé sa science en enfer. Il laisse un héritage matériel bien maigre mais sa bibliothèque est riche d'œuvres latines[p 3]. Son amiLodewijk Meyer[ap] emporte ses manuscrits[37] et les fera publier à titre posthume. Sa sœur Rebeca ne garde de ses modestes biens que ce qu'elle n'arrive pas à vendre à la criée dans la rue, deschausses aux rideaux, et la somme de160 livres, fruit de son travail, qui lui permettent de régler quelques ardoises laissées chez l'apothicaire ou le barbier. Baruch Spinoza est enterré dans le carréprotestant du cimetière.
SelonConraad Van Beuningen(en), les derniers mots de Spinoza auraient été :« J’ai servi Dieu selon les lumières qu’il m’a données. Je l’aurais servi autrement s’il m’en avait donné d’autres »[44].
Structure logique des six premières propositions de l'Éthique de Spinoza par Guillom.
Laphilosophiespéculative de Spinoza tente d'être surtoutdéductive, donc aussinécessaire. Elle est écritemore geometrico, c'est-à-dire « à la manière géométrique » : définitions, puisaxiomes etpostulats, et enfin propositions comprenant un énoncé, une démonstration et unscolie éventuel. Elle est développée selon des enchaînements logiques rigoureusement déduits à partir d'axiomes et dedéfinitions non pasa priori mais « constructives », et sur un modèle particulier de compréhension desmathématiques. Or, ce choix n’est pas du tout « arbitraire » au sens de « non-motivé » : il est le résultat d’une véritable réflexion sur l'essence de la connaissance, essence liée avec lanécessité. Il faut donc commencer par exposer l'idée de laconnaissance en général dans saphilosophie, idée dont nous trouvons des éléments avant tout dans leTractatus de intellectus emendatione (souvent traduit parTraité de la réforme de l'entendement ; retraduit parBernard Pautrat sous le titre plus littéral deTraité de l'amendement de l'intellect).
I. Il y a une connaissance par ouï-dire, c'est-à-dire : librement identifiée et qualifiée par chacun.
II. Il y a une perception dite « empirique », par laquelle, éprouvant une sensation ou un sentiment communément partagés par d'autres individus, nous le fixons comme « acquis ». Cette perception n'est pas élaborée par notre entendement, mais elle est néanmoins validée dans la mesure où aucun fait contradictoire ne lui paraît opposable.
III. Il y a une perception dite « déductive », qui consiste à conclure de manière cohérente et rationnelle qu'un fait observé s'est produit. Le raisonnement nous mène alors à clarifier un principe, mais pas l'origine de ce dernier.
IV. Enfin il y a une perception dite « essentielle » ou « élémentaire », en vertu de laquelle nous saisissons l'essence même de la chose perçue. Percevoir cette chose revient donc, ici, à en percevoir l'essence ou « principe premier. »
En comparant certaines formes de perceptions, on peut se faire une idée plus précise de ce qu'est le quatrième mode de perception.
Ces deux premiers modes deperception ont en commun d'être « irrationnels », quoiqu'ils soient utiles pour la conduite des affaires quotidiennes de la vie. La marque de leur irrationalité est l'incertitude où ils nous plongent, si on les suit. Il faut donc, autant que possible, qu'ils ne jouent pas un rôle trop déterminant dans la construction de la connaissance. C'est pourquoi aussi l’Éthique regroupera ces deux premiers modes de perception en un seul « genre de connaissance » qu'il nommera « opinion » ou « imagination ».
La connaissance rationnelle (III) a de tout autres procédures : loin d’isoler lesphénomènes, elle les relie dans un enchaînement cohérent, selon l'ordre déductif. C'est ce queDescartes appelait des « chaînes de raisons » (cf.Discours de la méthode,II) ou encoredéduction. Mais, pour ainsi dire, à quoi accrocher le premier maillon de la chaîne des raisons ? Si on le laisse flottant, c'est alors la porte ouverte à la régression à l'infini, que Spinoza refuse, commeAristote dansLa Métaphysique (« Il faut bien s'arrêter quelque part ! »). Si on l'attache à un autre maillon de la chaîne déjà construite, on forme une boucle logique (petitio principii), autrement dit, unecontradiction. Dès lors, pour que la connaissance formée par la chaîne des raisons soit vraie (et plus seulement cohérente), il faut la faire dépendre d'uneidée vraie donnée, qui en formera leprincipe. Le troisième mode de perception est donc une façon de conserver et de transmettre la vérité d'un point de départ (principe), mais pas de la produire.
Voilà qui nous amène à la nécessité du quatrième mode.
Après leTraité de la réforme de l'entendement, les degrés de la connaissance, devenus les « genres de connaissance » passeront du nombre de 4 à celui de 3.
Gilles Deleuze donne ces exemples qui illustrent les trois genres de connaissance présents dans l’Éthique, chacun correspondant à un genre de vie à part entière :
La connaissance du premier genre estempirique :« je barbote dans l'eau, mon corps subit les vagues et l'eau ».
La connaissance du second genre estempirique et rationnelle :« je sais nager, au sens où je sais composer mes rapports avec la vague, avec l'élément eau ».
Le troisième genre estpurement rationnel :« je connais les essences dont dépendent les rapports, je sais ce que sont l'eau, l'onde, la vague, le principe d'Archimède, leurs causes », etc.
Dans leCourt Traité, cette question est abordée aulivreII,chapitre 1.
Dans l’Éthique, on la retrouve aussi dans lapartieII,proposition 40,scolie 2.
Spinoza rejette la théorie classique de la vérité selon laquelle la vérité d'une idée est subordonnée autangible. Dans cetteconception classique, la vérité est une qualité extrinsèque et se définit alors par l'adéquation de l'idée avec son idéat[45] (son objet) : la vérité est alorsadæquatio rei et intellectus. Spinoza va appuyer sa propre conception de la vérité par un recours aux mathématiques, science dans laquelle la vérité n'est pas subordonnée à l'existence de l'objet. En effet, lorsqu'un mathématicien étudie un objet (un triangle, par exemple) et ses propriétés (la somme des angles du triangle égale 180°), il ne se demande pas si cet objet existe effectivement en dehors de son esprit qui le conçoit. La vérité n'est donc plus définie par rapport à l'objet, mais par rapport à l'entendement producteur de la connaissance.
Pour Spinoza, la vérité est une qualité intrinsèque de l'idée et se révèle d'elle-même sans aucune référence à son être formel :« Certes, comme la lumière se fait connaître elle-même et fait connaître les ténèbres, la vérité est norme d'elle-même et du faux » (ÉthiqueII,Prop. 43, Scolie).
Spinoza s'inspire donc d'une partie de la théorie cartésienne de la connaissance selon laquelle l'idée vraie possède un signe intrinsèque (le « clair et distinct » dévoilé par la lumière naturelle, chezDescartes), tout en rompant avec la conception classique de subordination de l'idée au réel.
On peut, pour simplifier, dégager trois caractéristiques de l'idée vraie chez Spinoza :
la vérité est intérieure (immanente) à l'idée : lemathématisme permet à Spinoza de rejeter la notion de convenance extrinsèque de l'idée à son idéat[45] (il opère donc un passage de « la norme » de la science expérimentale de la nature à la vérité comme conception immanente de la science mathématique) ;
le vrai est conforme à son objet : l'adéquation à l'objet n'est donc plus une condition de la vérité de l'idée, mais seulement une des caractéristiques du vrai.
Le livre premier de l’Éthique, intitulé « De Dieu », s'ouvre sur la définition de la substance[46] puis des attributs et des modes[47], Dieu n'étant atteint qu'à la sixième définition[48]. La substance est donc définie avant Dieu mais la proposition 14 de la première partie va montrer qu'il n'existe dans la nature qu'une seule substance et que c'est Dieu.
La substance est« ce qui est en soi et est conçu par soi, c'est-à-dire ce dont le concept n'a pas besoin du concept d'une autre chose pour être formé » (ÉthiqueI,définition 3). Alors queDescartes concevait lui une multiplicité indéfinie de substances, Spinoza conçoit unesubstance unique, absolument infinie et constituée d'une infinité d'attributs : Dieu c'est-à-dire la Nature (Deus sive natura). Il ne faut cependant pas penser que les attributs sont « des effets » ou « des accidents » de la substance et que celle-ci exprime une certaine transcendance vis-à-vis d'eux (le spinozisme est unimmanentisme) : la substance et les attributs sont « la même chose » (ÉthiqueI,corollaire 2,prop. 20), l'attribut étant la perception de la substance par l'entendement. L'homme n'a accès qu'à deux attributs de la substance : l'étendue et la pensée, mais il en existe une infinité.
La substance et les attributs forment ce que Spinoza appelle laNature naturante, par opposition à laNature naturée, constituée de l'infinité desmodes (modifications de la substance) produits nécessairement par Dieu en lui-même (ÉthiqueI, scolieProp. 29). Les modes sont donc des manières d'être de la substance, perçus sous chacun de ses attributs. Un être humain est par exemple un corps, c'est-à-dire un mode de l'étendue, et un esprit, c'est-à-dire un mode de la pensée, mais pour un entendement infini, il est aussi bien autre chose que ce que peut en percevoir un entendement fini. Il faut cependant distinguer entre modes infinis (immédiats et médiats) et modes finis : lesmodes infinis immédiats sont ceux qui suivent de la nature absolue de quelque attribut de Dieu ; lesmodes infinis médiats sont ceux qui résultent médiatement de la nature d'un attribut de Dieu, donc d'un attribut en tant qu'il est affecté d'une modification infinie. Le mouvement est par exemple un mode infini immédiat de l'étendue (Lettre 64 à Schuller).
Dieu est donc la Nature, la Substance unique et infinie. Seule la substance a (et aussi « est ») la puissance d'exister et d'agir par elle-même. Tout ce qui est fini, en revanche, existe en et par autre chose, par quoi il est également conçu (définition du mode). La substance a une infinité d'attributs (en première approximation, un attribut est un mode d'expression, une manière d'être perçu), dont deux seuls nous sont accessibles : lapensée et l’étendue. Toute chose singulière, finie, elle, est un mode, c'est-à-dire quelque chose qui est en même temps « une partie » du tout et « un effet » de la substance. Tout mode a donc deux aspects. D'un côté, le mode n'est qu'une partie déterminée, engagée dans des relations extérieures avec tous les autres modes. Mais, d'un autre côté, tout mode exprime d'une façon précise et déterminée l'essence et l'existence absolue de Dieu ; c'est en ce sens que le mode est uneaffection de la substance. La difficulté est de comprendre que toute chose appartient simultanément à tous les attributs (infinis) de Dieu.
Deus Sive Natura,Pastel et encre sur papier, Shoshannah Brombacher (New York, 2012)[49].Détails.
Bien que la doctrine de Spinoza repose sur une définition rationnellement construite de Dieu[ar],[as], suivie d'une démonstration de sonexistence[p 4] et de son unicité[p 5] ; bien qu'il ait par ailleurs proposé une religion rationnelle[p 6], Spinoza fut couramment perçu comme un auteurathée et irréligieux par ses contemporains, mais il tenta vigoureusement de s'opposer à cette perception comme en témoignent sa Lettre 30 à Oldenburg où il explique qu'une des raisons de son projet d'écrire leTraité théologico-politique est de combattre « l'opinion du vulgaire » qui voit en lui un athée[p 7], puis la Lettre 43 à Jacob Osten, où, en réponse à la critique du théologienLambert van Velthuysen de ce même Traité une fois publié (de façon anonyme), il se défend de l'accusation« d'enseigner subrepticement l’athéisme par une voie détournée » et où concernant la religion, il écrit :
« Pour éviter de tomber dans la superstition, j’aurais selon lui renversé toute la religion. Je ne sais ce qu’il entend par superstition et par religion. Mais je vous en prie, est-ce renverser toute la religion que d’affirmer qu’il faut reconnaître Dieu comme étant le souverain bien, et l’aimer comme tel d’une âme libre ? De croire qu’en cet amour consiste notre félicité suprême et notre plus grande liberté ? Que la récompense de la vertu est la vertu même et que le châtiment réservé à la déraison et à l’abandon de soi, c’est précisément la déraison ? Tout cela, je ne l’ai pas seulement dit en termes exprès, je l’ai en outre démontré par les raisons les plus solides[p 8]. »
Spinoza restera cependant réputé« athée de système » parPierre Bayle dans sonDictionnaire[50], et le spinozisme a pu être confondu avec lelibertinage. On remet même en circulation, auXVIIIe siècle, l’ouvrage blasphémateur intituléTraité des trois imposteurs, sous le nom deLa Vie et l’esprit de M Benoit Spinoza, dans lequel Jean Maximilien Lucas, auteur supposé de l’ouvrage, fait l’apologie de la méthode exégétique de Spinoza[51]. Cependant, Paul Vernière[at] considère ce rapprochement entre la pensée de Spinoza et l’esprit du libertinage comme un contre-sens[51].
Lettre de Spinoza à Leibniz (9 novembre 1671).
À partir de 1785, le débat est relancé à l'occasion de laquerelle du panthéisme. Le rationalisme desLumières, considéré comme héritage de Spinoza autant que deLeibniz et deWolff parJacobi, fut accusé par ce dernier de conduire nécessairement aupanthéisme, doctrine affirmant que« les choses particulières ne sont rien si ce n’est des affections des attributs de Dieu »[p 9] et s'opposant d'après Jacobi« au Dieu vivant du théisme biblique » tandis que« la substance spinoziste, principe de mort et non de vie qui étant tout, engloutissant en elle toutes ses déterminations et ne laissant rien en dehors d'elle, se réduit elle-même au néant »[52]. Cela reviendrait pour Jacobi à un athéisme caché. AprèsMendelssohn,Herder intervient dans la controverse pour prendre la défense de Spinoza :« Qu'il [Spinoza] ne soit pas un athée, cela se voit à chaque page ; l'idée de Dieu est pour lui la première de toutes et la dernière, on pourrait dire l'idée unique à laquelle il rattache la connaissance du monde et de la nature, la conscience de lui-même et de toute chose autour de lui »[53].Hegel réfutera aussi la qualification du spinozisme comme athéisme, considérant que loin de nier l'existence de Dieu, ce serait l'existence du monde que Spinoza nierait, ce qui en ferait unacosmisme[54].
AuXXe siècle, en France, l'athéisme n'est plus une accusation mais une revendication de commentateurs de Spinoza tels queAlthusser,Negri,Deleuze ouMisrahi. Ces auteurs insistent sur l’opposition entre une conceptiontranscendante du divin et une philosophienaturaliste voirematérialiste de l’immanence : Dieu n’est pas extérieur au monde, mais immanent à la Nature, il n'est donc rien d'autre que la Nature. De même, l’homme et la société ne sont pas extérieurs à la nature : il ne faut pas concevoir l’homme comme un « empire dans un empire ». Dans un échange publié en 2017 avecFrédéric Lenoir, Robert Misrahi a résumé ses raisons de soutenir« l'athéisme masqué » de Spinoza : sa devise était« Caute, méfie-toi », ce qui se justifiait pleinement puisqu'il avait déjà été victime d'une tentative de meurtre au poignard par un fanatique religieux ; ensuite Spinoza n'a pas répondu aux attaques de Velthuyssen critiquant chez lui l'absence d'un dieu personnel et créateur, il a seulement répondu qu'il ne pouvait être athée puisqu'il n'était pas libertin[55]. Lenoir lui répond que s'il est clair que le Dieu de Spinoza n'est ni personnel, ni créateur du monde, par opposition aux religions monothéistes, il n'aurait pas consacré la première partie de sonÉthique à Dieu, cet« être absolument infini » s'il avait voulu cacher son athéisme. Lenoir rappelle que l'idée de Dieu ne saurait se réduire à la définition qu'en donnent les monothéismes occidentaux, rien n'empêche de concevoir un Dieu impersonnel et immanent à toutes choses,« il necroit pas à la représentation qu'il juge infantile du Dieu auquel ses semblables rendent un culte, mais ilpense Dieu comme un être infini, principe de raison et modèle de vie bonne. » ce qui conduit à« parler de "panthéisme" plutôt que de "théisme" »[56].
Martial Guéroult a proposé le terme depanenthéisme pour caractériser la position de Spinoza :« Par l’immanence des choses à Dieu est jeté le premier fondement du panthéisme, ou, plus exactement, d’une certaine forme de panenthéisme. Ce n’est pas le panthéisme proprement dit, cartout n’est pas Dieu. Ainsi, les modessont en Dieu, sans cependant êtreDieu à la rigueur, car, postérieurs à la substance, produits par elle, et, à ce titre, sans commune mesure avec elle, ils en diffèrenttoto genere »[57]. On peut préciser toutefois que chez Spinoza, Dieu est tout autant « dans » les modes que les modes sont « en » Dieu puisque selon Spinoza« plus nous connaissons les choses singulières, plus nous connaissons Dieu »[58].
Quoi qu'il en soit, Spinoza refuse explicitement toute conceptionanthropomorphique de Dieu, c’est-à-dire qui le concevrait à l’image d’une « personne » humaine. Ce rejet de l’anthropomorphisme se manifeste très tôt dans sa pensée : elle est explicite dès l’écriture de l’Appendice contenant les pensées métaphysiques, qui suit l’exposition desPrincipes de la philosophie deDescartes :« C’est improprement que Dieu est dit haïr ou aimer certaines choses »[p 10].
Le termeparallélisme ne se trouve pas dans les textes même de Spinoza, mais a été importé rétrospectivement par ses commentateurs (ce terme a été utilisé pour la première fois parLeibniz dans sesConsidérations sur la doctrine d'un esprit universel).
Nous savons que, pour Spinoza, chaque individu est un corps, mode de l'étendue, et un esprit, mode de la pensée ; et cet esprit est l'idée du corps. En vertu de l'unité de la substance, il doit y avoir entre chaque attribut une identité d'ordre des modes (isomorphie) et une identité de connexions (isonomie). Il y a donc correspondance entre les affections du corps et les idées dans l'esprit. Il en résulte ainsi que tout corps peut être conçu sous le mode de l'étendue et sous le mode de l'esprit. Par exemple, il doit y avoir correspondance entre le mode d'être étendue de la pierre et son mode d'être dans son esprit. Mais Spinoza rejette toute causalité entre ces modes, puisque corps et esprit sont une seule et même chose perçue sous deux attributs différents.
Le termeparallélisme traduit cette idée de correspondance sans réciprocité causale, qui permet à Spinoza de conférer une égale dignité au corps et à l'esprit : il n'y a pas de dévaluation du corps au profit de l'esprit.
Ce terme de parallélisme est aujourd'hui critiqué en raison du dualisme qu'il induit [Jaquet, 2004] et remplacé par celui de « proportion », que Spinoza emploie. Maxime Rovere, dans un article publié dansLa Théorie spinoziste des rapports corps/esprit et ses usages actuels (Chantal Jaquet, Pascal Sévérac, Ariel Suhamy [dir.], Hermann, 2009), a en effet souligné l'insistance de Spinoza sur laproportion entre le corps et l'esprit. Contre le modèle géométrique du parallélisme emprunté à Leibniz, il propose donc un modèle algébrique de la proportion développé par Spinoza lui-même. La notion de parallélisme chez Spinoza semble ainsi avoir fait son temps, au profit de la proportion.
Leconatus est l'effort par lequel« chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être » (ÉthiqueIII,Prop. 6). Cet effort« n'est rien en dehors de l'essence actuelle de cette chose » (ÉthiqueIII,Prop. 7).
Leconatus est l'expression de la puissance d'une chose, ou d'un individu, en tant que celui-ci est conçu comme étant un mode fini, c'est-à-dire une partie de la Nature naturée. Il est, par là même, nécessairement confronté à une infinité de causes extérieures qui vont tantôt empêcher son effort, tantôt le permettre (ÉthiqueIV,Prop. 4). Chez l'homme, leconatus n'est pas autre chose quele désir qui le fait tendre naturellement vers ce qui lui paraît bon pour lui. Spinoza renverse une conception commune du désir selon laquelle l'homme appète une chose parce qu'il la juge bonne :« ce qui fonde l'effort, le vouloir, l'appétit, le désir, ce n'est pas qu'on ait jugé qu'une chose est bonne ; mais, au contraire, on juge qu'une chose est bonne par cela même qu'on y tend par l'effort, le vouloir, l'appétit, le désir. » (ÉthiqueIII,Prop. 9, scolie). Ce qui est premier chez Spinoza, c'est l'idée et le désir — la conscience, elle, n'apportant rien à l'appétit. La conscience ne sera pas, comme chez Descartes, l'expression de la volonté infinie de l'homme, mais une simple réflexion (pouvant être adéquate mais ne l'étant pas le plus souvent) de l'idée sur elle-même. Le corps et l'esprit ne sont qu'une seule et même chose, perçue tantôt sous l'attribut « étendue », tantôt sous l'attribut « pensée ». Chaque attribut étant indépendant et conçu par soi, le corps ne peut pas davantage déterminer l'esprit à penser que l'esprit ne peut déterminer le corps au mouvement ou au repos (conséquence duparallélisme, ou de l'unité de la substance). La conscience de l'effort n'est pas une réflexion active de l'esprit sur l'idée de l'effort, mais une réflexion passive de l'idée de l'effort dans l'esprit. La conscience n'est souvent qu'une illusion, un rêve forgé les yeux ouverts ; l'essence de l'homme est sapuissance (du corps et de l'esprit, l'esprit n'étant que l'idée du corps).
Leconatus se traduit par le maintien et l'affirmation de l'être : maintien du rapport caractéristique de mouvement et de repos entre les parties du corps (maintien de la forme) d'une part, et augmentation du nombre de manières dont le corps peut être affecté par les autres corps, et les affecter à son tour d'autre part (ÉthiqueIV,Prop. 48 et 49).
Leconatus joue un rôle fondamental dans la théorie des affects chez Spinoza. Ledésir est l'un des trois affects primaires avec lajoie et latristesse. Lorsque l'effort, ou appétit, sera un succès, l'individu passera à une plus grande puissance, ou perfection, et sera dit affecté d'un sentiment de joie ; au contraire, si son effort est empêché ou contrarié, il passera d'une plus grande à une moindre perfection et sera dit affecté d'un sentiment de tristesse. Toute la théorie spinoziste des affects sera ainsi construite sur le principe d'un passage continuel d'une moindre perfection à une plus grande, etvice versa, selon le succès ou l'échec duconatus, déterminé lui-même par la rencontre avec les modes finis extérieurs et les affections du corps en résultant.
La philosophie de Spinoza vise essentiellement la constitution d'une éthique rationnelle et intellectualiste. Il décrit celle-ci comme la « voie qui mène à la liberté » (Éthique V, préface) mais aussi à la « béatitude » (idem). Décrite en particulier dans l’Éthique, mais aussi dans les autres œuvres, l'éthique spinoziste consiste d'abord à concilierdéterminisme etliberté. Une telle conception va à l'encontre de lacroyance aulibre-arbitre, qui n'est, selon lui, basée que sur la méconnaissance descauses qui nous déterminent. Elle est démontrée par un long cheminement de pensée.
Pour Spinoza, ledroit naturel de chaque être est strictement corrélatif de la puissance de sa nature[p 11]. Les« lois naturelles » n'empêchent donc que ce qui est impossible ou contradictoire, c'est-à-dire« non-exécutable » ou« non-désirable » (Traité théologico-politique,ci-après TTP,IV). Puisque toute chose s'efforce de« persévérer dans son être » (conatus), il s'agit de prendre connaissance de cette nécessité afin de mieux s'employer à la réaliser. Le moyen d'y parvenir réside essentiellement dans la raison et dans l'amour de Dieu, c'est-à-dire de la Nature (Deus sive Natura). La liberté consiste ainsi dans la connaissance adéquate des causes de l'action. Plus on connaît le monde, plus on connaît Dieu et par conséquent, plus aussi on est joyeux. La connaissance n'est ainsi pas simplement un élément introductif à l'éthique : elle en fait pleinement partie.
Par définition, toute action « effective » est une idée adéquate et complète qui procède de l'entendement, tandis que toutepassion est une idée inadéquate, car incomplètement comprise dans les causes de sa production, qui procède de l'imagination. C'est pourquoi, il suffit de prendre une connaissance réfléchie et adéquate d'une passion pour qu'elle devienne une action. Certaines passions peuvent augmenter notre puissance d'agir (par exemple, être guéri par l'action d'un tiers), mais, en revanche,toutes nos actions augmentent notre puissance d'agir. Orle but de l'éthique est de devenir toujours plus actif, c'est-à-dire d'exprimer la puissance de notre entendement plutôt que celle de l'imagination. De plus, notre entendement est éternel, tandis que la partie de notre esprit qui relève de l'imagination et de la mémoire (idées incomplètes, liées à l'existence empirique des choses) périt avec le corps.
Dans la célèbrelettre à Schuller à propos de la liberté et du déterminisme, où il prend l'exemple du mouvement de la pierre, Spinoza écrit ainsi :« je ne situe pas la liberté dans un libre décret, mais dans une libre nécessité »[p 12]. La liberté ne s'oppose ainsi ni à lanécessité, ni au déterminisme naturel, comme c'est le cas pourKant qui, dans laCritique de la raison pratique, oppose la liberté pratique « supra-sensible » ou transcendantale à l'enchaînement empirique et naturel des causes et des effets.
La théorie éthique de Spinoza s'oppose frontalement à l'idée que lemal serait le fruit de la faiblesse de l'homme ou d'une« défectuosité de la nature humaine »[p 13], faiblesse qui elle-même serait due aupéché originel d'Adam et à laChute. Contrairement àsaint Augustin (La Cité de Dieu,livreXXII), Spinoza ne considère pas qu'il y a deux états de la nature humaine, l'un qui précèderait la Chute et l'autre qui serait post-lapsaire. Selon lui,« il ne dépend en effet pas davantage de nous d'être sains d'esprit que de corps », puisquelaliberté ne s'oppose pas audéterminisme, et Adam n'avait, pas plus que nous, le pouvoir de raisonner correctement[p 13]. L'idée de « chute » est radicalement étrangère à l'éthique spinoziste.
Sa conception du mal est développée en particulier dans leslettres à Blyenbergh, ou « lettres du mal », qui ont été commentées parDeleuze[59]. Le mal n'a pas d'existence ontologique véritable : tout comme l'erreur, dont il procède, il n'est rien de « positif ». Il est donc « négation » au regard de Dieu, et ne devient « privation » que par rapport à nous. Il n'y a donc pas d'erreur à proprement parler, il n'y a que des idéesincomplètes ou inadéquates. Pure négativité, le mal est manque de puissance et résulte d'une hiérarchie que nous posons par l'imagination entre l'être réel et un idéal abstrait que nous plaquons sur lui. Ainsi, je dis que l'aveugle est privé de la vue parce que je l'imagine comme devant être voyant (LettreXXI à Blyenbergh). Dans lalettreXIX à Blyenbergh, Spinoza s'oppose ainsi frontalement à ce que certains philosophes contemporains ont appelé lathéorie du commandement divin :
« Mais, moi, je n'accorde pas que la faute et le mal soient rien de positif, encore bien moins que quoi que ce soit puisse être ou arriver contre la volonté de Dieu. Non content d'affirmer que la faute n'est rien de positif, j'affirme en outre qu'on parle improprement et de manièreanthropomorphique, quand on dit que l'homme commet une faute envers Dieu ou qu'il offense Dieu[p 14]. »
« Les humains, en effet, ont l'habitude de rassembler tous les individus d'un même genre, par exemple tous ceux qui ont l'apparence extérieure de l'homme ; ils donnent une même définition pour tous ces individus et jugent que tous sont aptes à réaliser la plus haute perfection, susceptible d'être déduite de cette définition […]. En revanche, Dieu ne connaît rien abstraitement, ni ne forme de définitions générales[p 14]. »
Cette conception de la liberté et du mal a été très souvent mal comprise par ses contemporains qui ne concevaient pas que l'on puisse conserver laresponsabilité de l'homme si l'on lui ôte le libre-arbitre : ainsi, Blyenbergh lui écrit :« si l’homme est tel que vous le dites, cela revient à déclarer que les impies honorent Dieu par leurs œuvres autant que les pieux […]. Si Dieu, en effet, n’a aucune connaissance du mal, il est beaucoup moins croyable qu’il doive punir le mal. Quelles raisons subsistent donc qui me retiennent de commettre avidement des crimes quelconques, pourvu que j’échappe au juge ? […] La vertu, direz-vous, doit être aimée pour elle-même. Mais comment puis-je aimer la vertu ? Je n’ai pas reçu en partage une si grande quantité d’essence et de perfection » (LettreXX). Spinoza s'est souvent défendu contre cette objection : il répond ainsi à l'argument deSchuller, qui insinue qu'une telle théorie rendrait excusable « tout crime », en le renvoyant auxAppendices contenant les pensées métaphysiques :
« On demandera encore : Pourquoi les impies sont-ils punis, puisqu'ils agissent par leur nature et selon le décret divin ? Je réponds que c'est aussi par décret divin qu'ils sont punis et si ceux-là seuls que nous imaginons pécher en vertu de leur propre liberté doivent être punis, pourquoi les hommes veulent-ils exterminer les serpents venimeux ? car ils pèchent à cause de leur nature propre et ne peuvent faire autrement[p 15]. »
De même, dans lalettre 78 à Oldenburg, il écrit[p 16] :
« Ce que j’ai dit dans ma lettre précédente, que nous sommes inexcusables devant Dieu parce que nous sommes au pouvoir de Dieu comme l'argile dans la main du potier, doit être entendu en ce sens que personne ne peut adresser de reproches à Dieu parce que Dieu lui a donné une nature faible ou une âme sans vigueur. Comme il serait absurde en effet que le cercle se plaignît parce que Dieu ne lui a pas donné les propriétés de la sphère […]. Mais, insistez-vous, si les hommes pèchent par une nécessité de nature, ils sont donc excusables. (…) Voulez-vous dire que Dieu ne peut s'irriter contre eux ou qu’ils sont dignes de la béatitude, c’est-à-dire dignes d’avoir la connaissance et l’amour de Dieu ? Si c’est dans le premier sens je l’accorde entièrement : Dieu ne s'irrite pas, tout arrive selon son décret. Mais je ne vois pas que ce soit là une raison pour que tous parviennent à la béatitude : les hommes, en effet, peuvent être excusables et néanmoins privés de la béatitude et souffrir des tourments de bien des sortes. Un cheval est excusable d’être cheval et non homme. Qui devient enragé par la morsure d’un chien, doit être excusé à la vérité et cependant on a le droit de l'étrangler. Et qui, enfin, ne peut gouverner ses désirs, ni les contenir par la crainte des lois, bien qu’il doive être excusé en raison de sa faiblesse, ne peut cependant jouir de la paix de l’âme, de la connaissance et de l’amour de Dieu, mais périt nécessairement. »
Il n'est donc pas nécessaire de présupposer le libre-arbitre, la responsabilité morale conçue au sens « judiciaire », et par conséquent aussi laculpabilité, pour appliquer unchâtiment. Mais, et en celaKant s'accordera avec Spinoza, quiconque s'abstient d'un crime par crainte de châtiment ne peut être dit « agir moralement » (LettreXXI). D'autre part, l'Éthique est bien un cheminement vers la sagesse, qui s'adresse en principe à tous : personne n'est, par principe, exclu de cette possibilité de « rédemption ». Tous ces préjugés, selon Spinoza, proviennent d'une conceptionanthropomorphique de Dieu, qui le considère en tant que « personne », qui haïrait ou aimerait ceci ou cela, ou qui serait là pour nous juger (LettreXXI à Blyenbergh) ; ou encore, commeMoïse, qui se le représenta« comme un chef, un législateur, un roi, bien que tous ces attributs n’appartiennent qu’à la seule nature humaine et soient bien éloignés de la divine » (TTP,IV). C'est pourquoi Deleuze dit que l'existence, pour Spinoza, n'est pas un jugement, mais une épreuve, une expérimentation[p 17].
Dans leTraité théologico-politique, la seule œuvre conséquente publiée de son vivant, Spinoza montre combien nombre d’assertions théologiques deséglises et desreligions sont, en fait, des prises de positionspolitiques qui n’ont rien à voir avec le texte biblique. Il s’appuie sur les écrits d'Abraham ibn Ezra[p 18] et reprend intégralement la lecture de laBible ; il en propose une nouvelle méthode de lecture, qui demande à suivre ce principe que le texte ne soit expliqué que par le texte lui-même, sans qu'on lui substitue des interprétations plus ou moins « libres ». C’est-à-dire que, en cas d’incompréhension du lecteur, ou d’obscurité du texte, ou de contradiction de celui-ci, il faut aller chercher dans le reste du texte, d’autres passages susceptibles d’éclairer celui qu’on cherche à comprendre. Autrement dit : la réponse est dans le texte, et ne doit pas être cherchée dans l’imagination du lecteur. Toute interprétation est interdite. Il s’agit d’apprendre à lire le texte, en respectant l’intégralité du texte, qui contient forcément la réponse cherchée.
Spinoza révolutionne donc la compréhension des textes sacrés en s'opposant directement àMaïmonide (etAverroès). En effet, ces derniers expliquent que si lesÉcritures entrent en contradiction avec la raison, alors il faut les interpréter, c'est-à-dire passer du sens littéral au sens figuré. Or Spinoza considère que l’Écriture est avant tout un récit daté historiquement, destiné auxHébreux de l'époque. Il est donc indispensable de mener une enquête historico-critique, afin de retrouver le sens originel du texte. Pour ce faire, il faut connaître l'hébreu ancien, le contexte historique, et lapsychologie des acteurs. Ainsi :« Toute la connaissance de l'écriture doit donc se tirer d'elle seule », et non pas d'une comparaison anachronique avec les résultats de la science.
Si le texte de laBible ne peut que s’accorder avec la raison, ses obscurités et contradictions doivent se dissiper par une étude minutieuse et une lecture attentive du texte qui interdira à son lecteur de le transformer en l’interprétant, lecteur qui s’interdira donc de le réinventer selon les besoins du moment.
Spinoza, commeHobbes avant lui, se livre à une démonstration critique des méfaits de l’utilisation de la religion, c’est-à-dire de la croyance des hommes, par les pouvoirs politiques qui, ainsi, mènent leurs sujets à suivre docilement leurs décisions et accomplir leurs projets, même les pires. La religion — la croyance religieuse — est ainsi le moyen le plus sûr et aussi le plus aisé de faire faire aux hommes ce qui convient au pouvoir, quand bien même il s’agirait de leur faire faire ce qu’il y a de plus nuisible pour eux-mêmes, et de plus honteux. Mais ils ne s’en aperçoivent pas, et croyant faire le bien et contribuer ausalut de leur âme, ils font exactement le contraire, trompés qu’ils sont par des discours politiques qui prennent la forme d’injonctions religieuses et de promesses.
Après cette théorie de l’illusion religieuse (pour Spinoza il ne serait pas sensé de dire que toute conviction religieuse est par essence illusoire) et de l’intérêt qu’a tout pouvoir à la maintenir, Spinoza complète l’analyse duthéologique par une analyse du politique, expliquant les principes de l’organisation politique bonne et les rapports que doivent entretenir lareligion et le politique afin de permettre la paix. Comme l’avait déjà théorisé avant luiHobbes, dans leLéviathan, la religion doit être soumise aux lois communes, qui s’appliquent à elle comme à tous, soumise à l’État et au pouvoir politique, et elle ne doit s’occuper que du gouvernement des âmes et d’enseigner le bien et lamorale, c’est-à-dire la pratique de lajustice et de lacharité.
Alors il peut développer, ce qui est le but de l’ouvrage, une théorie politique de laliberté, montrant en quoi celle-ci est cadrée par les lois ; puis Spinoza argumente en quoi la liberté de pensée et d’opinion est entièrement bonne et doit être entièrement reconnue par l’État. D’abord, la reconnaissance de la liberté de croire et de penser librement accordée à chacun est la condition de la fin des conflits religieux. Ensuite, cette liberté est entièrement bonne et non susceptible de nuire à l’État — si le juste partage des tâches est réalisé entre les autorités religieuses et politiques — la liberté de croire et d’opiner peut être accordée sans restriction aucune, sauf pour ce qui relève de l’incitation à la haine et qui serait donc susceptible de nuire à l’État. La liberté de pensée doit être protégée par l’État, comme condition de la paix civile. La liberté « accordée » ne peut « vraiment » nuire à l’État à ces conditions.
Cela constitue une théorie de ladémocratie et une invalidation totale de toute forme dedictature, ce pouvoir délirant qui prétend aller au-delà de sa puissance. En effet,« nul n’a le pouvoir de commander aux langues » puisque les hommes eux-mêmes ne parviennent pas à contrôler ce qu’ils disent, donc il en va de même pour le pouvoir. Si le pouvoir ne peut contrôler les langues (qui parlent hors du contrôle du sujet parlant), il ne peuta fortiori pas contrôler les pensées. L’État, en effet, ne régit pas tous les domaines de la vie humaine, les lois civiles ne pouvant être étendues à toutes les activités :« la nature humaine ne peut supporter d’être contrainte absolument » (chap. V), et« vouloir tout régenter par des lois c’est rendre les hommes mauvais » (chap. XX).
C’est pourquoi« personne ne peut abandonner la liberté de juger et de penser ; chacun est maître de ses pensées ». C’est un droit que chacun tient de sa nature.
Spinoza est l'auteur d'unPrécis de grammaire de la langue hébraïque, inachevé et publié par ses exécuteurs testamentaires en 1677. Ce texte d'une centaine de pages est un essai de grammaire descriptive de l'hébreu, composé en latin et publié à titre posthume en 1677. Il traite essentiellement de laphonologie et de lamorphologie, en particulier verbale, de l'hébreu biblique. La partie sur lasyntaxe, annoncée par Spinoza, est perdue. Ce texte, qui a longtemps dérouté les interprètes, ne figure dans une édition française des Œuvres de Spinoza que depuis 2022, date de son ajout au volume Spinoza de laBibliothèque de la Pléiade[60].
Spinoza était, de manière officielle et financière, polisseur de verres de lunettes astronomiques et de microscopes - et apparemment apprécié[an],[37]. Mais il nous est aujourd'hui impossible, du moins extrêmement complexe, de savoir s'il est auteur de techniques originales depolissage de verre ou s'il est responsable d'une quelconque évolution technologique en matière d'astronomie.
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète.Votre aide est la bienvenue !Comment faire ?
L'un des premiers biographes de Spinoza est Johannes Colerus (1647-1707), travail largement fondé sur les témoignages de contemporains ayant connu personnellement le philosophe. La biographie parut d'abord en néerlandais en 1705, puis fut traduite en allemand en 1733[61].
Spinoza a été à la fois un« penseur maudit », qualifié de« chien crevé » parMoses Mendelssohn dans une lettre àLessing[p 19], et un penseur acclamé, en particulier parHegel etBergson[62].
Dans la seconde moitié duXXe siècle, le renouveau des études spinozistes est marqué par des œuvres telles que celle d'Alexandre Matheron (Individu et communauté chez Spinoza, 1969), deGilles Deleuze (Spinoza et le problème de l'expression en 1968, et le plus accessibleSpinoza : philosophie pratique de 1981), dePierre Macherey (Hegel ou Spinoza, Maspero, 1977) et deToni Negri (L'Anomalie sauvage : puissance et pouvoir chez Spinoza, 1982), et plus récemment par les travaux deFranck Fischbach (La production des hommes : Marx avec Spinoza, 2005),André Tosel (Spinoza ou l'autre (in)finitude, 2008),Chantal Jaquet, Pascal Sévérac et Ariel Suhamy (La multitude libre, nouvelles lectures du Traité politique, éditions d'Amsterdam 2008),Frédéric Lordon (La société des affects, Seuil, 2013 ;Imperium - Structures et affects des corps politiques, La Fabrique, 2016).
La question d'unanti-judaïsme de Spinoza à partir de ses écrits, notamment dans l'Éthique, fait encore l'objet de controverses. Pour des auteurs comme Henry Méchoulan, c'est bien l'Ancien Testament, donc lejudaïsme, qui est spécifiquement visé plus que les autres religions[63].
Gilles Deleuze le surnommait le« Prince des philosophes »[64], tandis queNietzsche le qualifiait de« précurseur », notamment en raison de son refus de latéléologie[65]. D'aprèsHegel,« Spinoza est un point crucial dans la philosophie moderne. L'alternative est : Spinoza ou pas de philosophie[66] Spinoza établit le grand principe : « Toute détermination est une négation. » Le déterminé est le fini ; or on peut montrer que tout, y compris la pensée […] est un déterminé, renferme une négation ; son essence repose sur la négation. »[67]. Alain Billecoq, reprenant les mots dePierre Bayle, qualifie Spinoza d'« athée vertueux »[68].
Le renouveau des études sur Spinoza a été souvent marqué par sa lecture croisée avecKarl Marx et l'insistance sur son « matérialisme »[69]. Le caractèreimmanent de sa philosophie et sa pensée du social en tant que transindividuel permettent de mettre en question les postulats de l'individualisme méthodologique. De plus, contre lathéorie du contrat social encore souvent mise en avant, la référence dans leTraité politique à l'« organisation de la multitude libre unie par des affects communs » offre de nouvelles bases pour penser la constitution de l'État[70].
Des discussions ont été engagées concernant la place desfemmes dans sa pensée. Dans leTraité politique, œuvre inachevée, Spinoza dénie aux femmes l'accès à l'espace politique. Or, et en séparant la puissance du pouvoir, Spinoza a souligné l'appropriation des femmes par les hommes et leur exclusion de ces deux domaines. Cette thématique reste ambiguë et seuls quelques spécialistes en parlent[71].
Nombre d'ouvrages sont désormais publiés pour faire de la philosophie de Spinoza une sagesse apportantjoie etbonheur[72],[73], négligeant le fait que Spinoza était en faveur d'uneconnaissance approfondie de ses propresaffects, ce qui le distinguait desphilosophes antiques et deDescartes qui prônaient uniquement une maîtrise par l'individu de ses passions. Dans la préface à la cinquième partie de l'Éthique, le philosophe fait d'ailleurs preuve d'ironie vis-à-vis de son collègue français qui décrivait le fonctionnement de laglande pinéale en mesure de dominer les passions de l'âme. Ainsi, on peut considérer lapsychanalyse comme étant la discipline ayant prolongé le plus la philosophie de Spinoza quand elle a trait aux affects[74],[75].
Maxime Rovere et David Rabouin ont proposé de nouvelles approches du travail de Spinoza, l'un à travers une nouvelle traduction de sa correspondance et une monographie[80] où la notion de système est remplacée par celle de méthodes plurielles, hétérogènes et locales ; l'autre en adaptant le système à unformalisme n'empruntant plus àEuclide, mais àRiemann[81].
Le portrait de Spinoza figurait sur les billets de 1000florins néerlandais (duizend gulden) de 1972 à 2002. Leprix Spinoza récompense chaque année depuis 1995 des scientifiques d'excellence qui mènent leurs activités de recherches sur le solnéerlandais. Il s'agit de la plus haute distinctionhollandaise en termes de prix scientifique ou « prix Nobel hollandais ».
↑On retrouve pour son prénom les formesBaruch,Bento etBenedictus, et pour son nom les formesSpinoza,Spinosa,de Spinoza,de Espinosa oud'Espinoza (cette dernière forme se trouve par exemple sur sa signature : voirsignature de Spinoza (1671)).
↑« Les juifs du Portugal étaient à plus de 80 % desjuifs espagnolsexpulsés en 1492, dont la majorité crut trouver refuge au Portugal », Lionel Levy,La Nation juive portugaise,Livourne, Amsterdam, Tunis, 1591-1951,L'Harmattan, 2000.[1].
↑Le grand-père est Henrique Baruch senior Marques (alias Henrique Carcès), M. Gullan-Whur,"The family of Spinoza",op. cit.p. 12.
↑Ce n'est qu'en 1772 queSebastião José de Carvalho e Melo, premier marquis dePombal auPortugal, décide de mettre fin à la distinction entre « vieux chrétien » (apparemment sans ascendant converti) et « nouveau chrétien » (ayant au moins un ascendant converti en remontant jusqu'à la quatrième génération).
↑Cela se pratiquait aussien France où deslettres patentes permettent l’installation de marranes portugais à partir de 1550 à Paris, Rouen, Bordeaux, Bayonne, Nantes, Toulouse (seulement sept familles judaïsantes dissoutes après leur condamnation à mort parcontumace et la confiscation de leurs biens)… où les archives montrent que leParlement de Paris les enregistre à condition que les impétrants s’acquittent de nombre d'« écus d’or soleil » pour pouvoir jouir de leur contenu. I. S. Revah, 1995,op. cit.p. 64 vs 48.
↑Vie presque en paix outre certains événements tels lemassacre de Lisbonne de 1506 durant trois jours, de nombreux procès inquisitoriaux (avant l'installation officielle duSaint-Office) dont ceux notamment de la famille de la future mère de Spinoza ou la suspicion et lastigmatisation récurrentes de ces « nouveaux chrétiens ».
↑« La France était une escale pouvant durer plusieurs années pour lesmarranes sur les chemins menant enTurquie, enItalie, enEurope du Nord ou enAfrique du Nord. Le transfert des personnes et des biens se réalisant plus facilement vers la France » grâce à ses frontières avec l'Espagne, faciles à franchir, I. S. Revah, 1995,op. cit.p. 66 vs 50.
↑Certains biographes pensent que Pedro Isaac n'a pas rejoint son frère mais était accompagné de son frère Emanuel Abraham dans son voyage vers Nantes.
↑Certains historiens ont confondu Pedro Isaac, le grand-père de Baruch, avec Emanuel Abraham, le grand-oncle de Baruch, tel J. Mathorez en 1913 dans son étude sur la colonie portugaise de Nantes,op. cit.p. 320.
↑Leprocureur dépêché par le roi écrit au procureur de Rennes en 1636 après des émeutes et des pillages :« On maltraite (les Portugais) journellement et on les injurie (…). On tient mille discours extravagants contre leur magistrat (leconsul portugais, ndlr) (…), il n'y a cependant aucun sujet légitime de plainte contre eux. », cité par J. Mathorez,op. cit.,p. 333-334.
↑Date (1615) de l'expulsion de tous les juifs de Nantes, M. Gullan-Whur,op. cit.Lire en ligne.
↑Le corps de Pedro Isaac sera transféré puis enterré à Amsterdam par son fils Miguel Michael, le père de Baruch Spinoza, qui y demeure, M. Gullan-Whur, 2000,op. cit.[4].
↑« En 1615, la communauté juive d’Amsterdam fonde « la Sainte Compagnie pour la concession de dots aux orphelins et demoiselles pauvres » qui reflète la volonté d’unité et de solidarité de la diaspora marrane. Peuvent devenir membres de cette Sainte Compagnie « tous les Portugais et Espagnols de laNation hébraïque, ou leurs descendants par la ligne masculine ou féminine, habitant toutes les parties du monde » », I. S. Revah, 1995,op. cit. 58 vs 62.
↑Ester, épousée en troisièmes noces par Miguel Michael, semble-t-il en 1638, et mère la même année de Gabriel, le frère cadet de Baruch Spinoza.
↑Lapeste a sévi à Amsterdam comme en Europe durant la première partie duXVIIe s., M. Gullan-Whur, op. cit.[5].
↑a etbL'AssociationKeter Torah (Couronne de la Loi) est une sorte deyeshivah fondée en 1643 parSaul Levi Mortera. Voir (collectif) Antoine Germa, Benjamin Lellouch, Evelyne Patlageanet al.,Les Juifs dans l'Histoire : De la naissance du judaïsme au monde contemporain,Champ Vallon, 2011, 925p. (ISBN978-2-87673-555-2). Aperçuen ligne.
↑Outre l'interdiction faite aux juifs en 1616 par la Charte municipale d’Amsterdam de toute critique du christianisme, du prosélytisme, des relations charnelles avec des chrétiennes, ou leur exclusion des guildes d’artisans et de marchands[3]. Source : Musée d'art et d'histoire du judaïsme, www.mahj.org
↑LeTalmud Torah désigne ici - outre l'institution et l'instruction religieuse donnée aux enfants dans le monde juif - le nom de la congrégation amsterdamoise fondée en 1639, où Baruch Spinoza fut enseigné, et qui regroupait trois confréries. Voir (collectif) Antoine Germa, Benjamin Lellouch, Evelyne Patlageanet al.,Les Juifs dans l'Histoire: De la naissance du judaïsme au monde contemporain, 2011,Éditions Champ Vallon, 925p. (ISBN978-2-87673-555-2), aperçuen ligne).
↑Bien que n'ayant pas pu ou voulu atteindre les classes plus avancées de l'étude de laTorah, il est sûr que Spinoza a reçu une éducation juive soignée. Ses amis qui éditèrent sesOpera posthuma écrivirent dans la Préface : « Nourri dans les lettres dès le jeune âge, il étudia pendant plusieurs années la théologie. » Cité en lat. par I. S. Revah, 1995,op. cit.p. 11 vs 177.
↑En 1659, des délateurs auprès de l'Inquisitionmadrilène le décrivent :« Spinoza est un homme petit, avec un beau visage, le teint clair, chevelure noire, yeux noirs. Il est âgé de24 ans », et encore :« Spinoza est un jeune homme au corps bien fait, mince, il a une longue chevelure noire, une petite moustache de la même couleur, un beau visage ; il est âgé de33 ans ». I. S. Revah, op. cité « Spinoza et les hérétiques », 1958,p. 196-197.[6].
↑Un don de 6florins est enregistré à son nom dans le livre des offrandes de la communauté juive en 1655, I. S. Revah, art. « Spinoza et les hérétiques de la communauté judéo-portugaise »,Revue de l'histoire des religions, 1958,p. 191.[7].
↑LaCompagnie de Jésus est le seul ordre catholique à avoir refusé de participer à l'Inquisition.
↑a etbEx-jésuite, athée, libre penseur, cartésien, libéral, van den Enden sera exécuté en France en 1674 comme agitateur politique,Gilles Deleuze inSpinoza Philosophie pratique, éd. Minuit, 1981-2003.
↑Ce même jour, son voisin Rembrandt est mis en faillite et dépouillé par les huissiers de toutes ses précieuses collections d'œuvres d'art personnelles et acquises[8].
↑Rédigés en portugais, les écrits de da Costa repoussent certains éléments de la Révélation divine et sont réfutées entre autres par le célèbre rabbin vénitienLéon de Modène. La copie amstellodamoise de la traduction portugaise de cette réfutation restée dans les archives et intitulée (he)Le Bouclier et la Targe date de 1639. I. S. Revah, 1995,op. cit.p. 266 vs 110.
↑Miguel (Daniel Levi) de Barrios relie et fustige en 1683 Juan de Prado et Baruch Spinoza dans son opuscule (es)Table des Confréries Sacrées de la Sainte Communauté d’Amsterdam :« Ce sont desEpines qui, dans lesPrés d’impiété, désirent briller du feu qui les consume. » ("Espinosson los que enPradosde impiedad, dessean luzir con el fuego que los consume. ») ; c'est de Barrios qui souligne, I. S. Revah,op. cit., 1959,p. 22 vs 188.
↑Pour le chercheur I. S. Revah, il est impossible de comprendre la décision duḥerem de Spinoza sans l'inscrire dans la multiplication sur les dernières décennies d'alors des contestations de la pensée et/ou des pratiques religieuses par certains membres de la communauté marrane (initiées spectaculairement parUriel da Costa, poursuivies parallèlement par Spinoza etJuan de Prado) provenant de familles ayant subi des persécutions, des expulsions ou l'Inquisition, et dont l'identité sur quelques générations malmenées était devenue instable et critique. (Voir en exemple, note sur la centaine de procès inquisitoriaux subis par la famille maternelle de Spinoza.).
↑Spinoza n'a encore rien publié alors que le texte duḥerem se termine par ces mots :« […] que personne ne lise aucun de ses écrits. » — preuve que ses textes ont déjà dû circuler.
↑Son frère Gabriel quitte alors le pays pour lesAntilles.
↑a etbChristian Huygens, découvreur des anneaux deSaturne, écrit à son frère en 1667 : « Les [lentilles] que le Juif deVoorburg a dans ses microscopes ont un poli admirable », cité parRebecca Goldstein inBetraying Spinoza : The Renegade Jew Who Gave Us Modernity, Schocken, 2006, Prologue.
↑a etbLeibniz qui n'hésite pas à répondre au professeurJohan Georg Graevius qui juge leTraité « pestilentiel » en mai 1671 :« J'ai lu le livre de Spinoza. Je suis attristé par le fait qu'un homme si savant soit, semble-t-il, tombé si bas »in S. Nadler, (en) 1999,op. cit.p. 301.
↑a etbL. Meyer, poète, médecin, philosophe cartésien et lexicographe, grand ami de Spinoza, est le destinataire de lalettre 12 de 1663 consacrée à la question de l'infini. En 1666, il écritLa Philosophie interprète de l’Écriture sainte. Traité paradoxal d’un disciple de René Descartes (lat.), « manifeste pour une exégèse biblique rationnelle (qui) a créé en Europe un choc plus grand encore que leTraité théologico-politique de Spinoza (1670) », selon M. Rovere inSpinoza par ses amis, J. Jellesz, L. Meyer, Préface,Payot et Rivages, Rivages poche, 2017,p. 9.
↑Selon Bertrand Russel (inHistoire de la philosophie occidentale, 1946), « il souffrit toute sa vie de difficultés respiratoires », dues à unephtisie, probablement accrues par l'inhalation des poussières de verre de son artisanat.
↑« Par Dieu, j’entends un être absolument infini, c’est-à-dire une substance constituée par une infinité d’attributs dont chacun exprime une essence éternelle et infinie », dansÉthique,Première partie : De Dieu, définition 6.
↑Cette doctrine était connue de son vivant principalement par sesLettres diffusées dans le cadre de laRépublique des Lettres, tandis quel'Éthique ne sera publiée qu'après la mort du philosophe en 1677.
↑Tractatus de intellectus emendatione :Emendare signifie « corriger » au sens par exemple où un professeur corrige une copie d'élève, ce faisant il lui enlève ses impuretés. De même qu’une ménagère ne réforme pas une vitre en l'essuyant, de même on ne réforme pas l'entendement. Il s'agit d'un « traité sur la purification de l'intellect » au sens de rendre la plus grande partie de l'esprit adéquate, et donc éternelle, ainsi que le dira plus tard la proposition 39/V de l'Éthique. Note :Emendare signifie : corriger, effacer les fautes, retoucher, rectifier, réformer, redresser, amender, remédier, guérir.
↑Lettre 43 à Jacob Osten dans laquelle il se défend contre l'accusation, formulée par le théologienLambert van Velthuysen,« d'enseigner subrepticement l’athéisme par une voie détournée ».
↑Alain Croix (dir.),Nantais venus d'ailleurs : histoire des étrangers à Nantes des origines à nos jours, Nantes-Histoire/Presses universitaires de Rennes, 2007,pp. 57-58.
↑Outre le petit ouvrageSpinoza. Philosophie pratique de Deleuze (chap. III, « Les lettres du mal »), on peut consulter lesCours sur Spinoza sur le Webdeleuze. Il existe aussi des enregistrements audio sur CD de ces cours. Voircours audio en ligne.
↑« Spinoza est un point crucial dans la philosophie moderne. L'alternative est : Spinoza ou pas de philosophie. » C'est en tout cas un maillon essentiel de l'histoire de l'humour, du moins si l'on en croit les auteurs de "penser l'humour" (petit pavé, 2016).
Pierre Ansay, Spinoza, Petite plomberie spirituelle, philosophique et politique. Se détacher avec Maître Eckhart et Spinoza,Éditions Couleur livres, 2014.
Jean Colerus,Vie de Spinoza, La Haye, rééd.Vies de Spinoza (avec une autre biographie Lucas - Vie de Spinoza (1735)), Paris,Allia,, 133 p.(ISBN2-84485-039-1).
Henry Méchoulan,Amsterdam au temps de Spinoza, PUF, 1990, 288 pages.(ISBN978-2130425939).
Henry Méchoulan,Être juif à Amsterdam au temps de Spinoza, Paris, Albin Michel, 1991, 184 pages.(ISBN978-2226055446).
Henry Méchoulan,Spinoza démasqué, Les éditions du Cerf, 409 pages. 27 octobre 2022.(ISBN978-2204152143)http://www.lemonde.fr: Roger-Pol Droit:Spinoza, héros ou menteur?, 21 octobre 2022.
Gabriel Micalcène,Savoir et Connaissance chez Spinoza, Paris,Duplessis,.
Christophe Miqueu,Spinoza, Locke et l'idée de citoyenneté : Une génération républicaine à l'aube des Lumières, Paris,Garnier,.
Robert Misrahi,L'Être et la joie, perspectives synthétiques sur le spinozisme, Encre marine,.
Arno Münster,Ernst Bloch und Spinoza, Erläuterungen zu den Leipziger Vorlesungen zur Geschichte der Philosophie, Talheimer Verlag, Mössingen-Talheim, 2021.
François Zourabichvili,Le conservatisme paradoxal de Spinoza, Paris,PUF,.
A.J. Servaas van Rooijen(nl) et David Kaufmann,Inventaire des livres formant la bibliothèque de Bénédict Spinoza, La Haye, Martinus Nijhoff, 1889, 241 pages;en PDF, (contient des notes sur les livres de la bibliothèque et aussi la biographie de Spinoza par Jean Colerus)
Israel Salvador Revah, « Aux origines de la rupture spinozienne : Nouveaux documents sur l’incroyance dans la communauté judéo-portugaise d’Amsterdam à l’époque de l’excommunication de Spinoza »,Revue des études juives,no 123,,p. 359-430.