Le spin a d'importantes implications théoriques et pratiques, il influence pratiquement tout le monde physique. Il est responsable dumoment magnétique de spin et donc de l'effet Zeemananomal (parfois incorrectement appeléanormal) qui en découle.
Les particules sont classées selon la valeur de leurnombre quantique de spin (aussi appelé communément lespin) : lesbosons, qui ont un spin entier (0, 1, 2...), et lesfermions, pour lesquels le spin estdemi-entier (1/2, 3/2, 5/2...). Fermions et bosons se comportent différemment dans des systèmes comprenant plusieursparticules identiques ; le fait que l'électron soit un fermion est la cause duprincipe d'exclusion de Pauli ainsi que des irrégularités de latable périodique des éléments. L'interaction spin-orbite conduit à lastructure fine duspectre atomique. Le spin de l'électron joue un rôle important dans lemagnétisme. La manipulation des courants de spins dans des nano-circuits conduit à un nouveau champ de recherche : laspintronique. La manipulation des spins nucléaires par des champs radiofréquences conduit au phénomène derésonance magnétique nucléaire utilisé dans la spectroscopieRMN et l'imagerie médicale (IRM). Le spin du photon — ou plus exactement sonhélicité — est associé à lapolarisation de la lumière.
La genèse du concept de spin fut l'une des plus difficiles de l'histoire de la physique quantique aux alentours des années 1920[2].L'effet Zeeman anomal, lastructure hyperfine desraies spectrales observées, ou encore l'expérience de Stern et Gerlach (1922) posèrent à cette époque de grosses difficultés d'interprétation.
La notion théorique de spin a été introduite parPauli en[3] pour le noyau et pas pour l'électron, afin d'expliquer un résultat expérimental qui restait incompréhensible dans le cadre naissant de lamécanique quantique non relativiste : l'effet Zeeman anomal. L'approche développée par Pauli consistait à introduire de façonad hoc le spin.
La découverte, en[4], du concept de spin de l'électron (au sens d'un moment cinétique intrinsèque d'une particule élémentaire) parSamuel Goudsmit etGeorge Uhlenbeck, fut révolutionnaire. Immédiatement après la publication, un problème de facteur 2 dans la structure fine du spectre de l'hydrogène, identifié parHeisenberg, fut résolu par les deux physiciens et publié en[5].
Le spin a d'abord été interprété comme un degré de liberté supplémentaire, s'ajoutant aux trois degrés de liberté de translation de l'électron : sonmoment cinétique intrinsèque (oupropre). En d'autres termes, l'électronponctuel était vu comme tournant sur lui-même — d'où le nom de « spin » (de l'anglais « to spin » : faire tourner). Mais il est vite apparu que cette « rotation » devait être considérée comme purement quantique : elle n'a pas d'équivalent enmécanique classique. La représentation du spin en termes de simple rotation a donc été abandonnée.Wolfgang Pauli avait déjà noté en 1924 que, compte tenu des dimensions estimées de l'électron, une rotation de l'électron nécessiterait une vitesse tangentielle de rotation à son équateur qui serait supérieure à lavitesse de la lumière[6], vitesse par principe infranchissable selon la théorie de larelativité restreinte.
Enfin, c'est enthéorie quantique des champs que le spin montre son caractère le plus fondamental. L'analyse dugroupe de Poincaré effectuée parWigner en 1939 montra en effet qu'une particule est associée à un champ quantique, opérateur qui se transforme comme unereprésentation irréductible du groupe de Poincaré. Ces représentations irréductibles se classent par deuxnombres réels positifs : lamasse et le spin.
Le spin du photon a été mis en évidence expérimentalement parRâman et Bhagavantam en 1931[7].
Le spin est le moment cinétique intrinsèque des particules quantiques. Il est donc soumis aux mêmes lois générales qui régissent tout autremoment cinétique quantique, tel que, par exemple, lemoment cinétique orbital[8].
Le spin est donc unopérateur vectorielhermitien comportant trois composantes, notées usuellement et par référence aux trois axes decoordonnées cartésiennes utilisables dans l'espace physique. Ces composantes sont desobservables vérifiant les relations de commutations caractéristiques d'unmoment cinétique[9] :
Ces relations de commutations sont analogues à celles découvertes en par Born, Heisenberg et Jordan[réf. souhaitée] pour les composantes dumoment cinétique orbital. Ces relations de commutations impliquent que leprincipe d'incertitude s'applique aux mesures du spin faites dans les différentes directions de l'espace : on peut en effet mesurer très exactement la norme du vecteur et une projection sur un axe de coordonnées, mais les deux autres projections sur les deux autres axes orthogonaux ne sont plus alors mesurables précisément.
Par analogie avec les résultats obtenus pour le moment cinétique orbital (ou plus généralement pour unmoment cinétique quantique), il existe pour l'opérateur spin une base de vecteurs propres notés, où est entier ou demi-entier, et est un entier ou demi-entier prenant l'une des valeurs, tels que :
.
Le nombre est unnombre quantique, qui est aussi appelé lespin (de manière impropre toutefois).
Les valeurs propres des opérateurs et représentent l'ensemble des mesures possibles pour les deux observables, c'est-à-dire respectivement le carré de la norme, et la projection sur un axe arbitraire dans l'espace.
Toutes les particules connues ou d'existence fortement suspectée ont un nombre quantique de spin compris entre 0 et 2, en particulier lesparticules élémentaires :
spin 2 : legraviton, particule hypothétique, qui serait vecteur de lagravitation.
Il n'existe pas de particule élémentaire connue de spin 3/2, mais la théorie de lasupersymétrie en prédit une, legravitino.
Le spin (à l'état fondamental) desparticules composées de plusieurs particules élémentaires, comme leproton, leneutron, toutnoyau atomique ou encore toutatome, est constitué des spins des particules élémentaires qui les composent, auxquels s'ajoute le moment cinétique orbital de ces différentes particules élémentaires[10] :
spin 0 : noyaux atomiques tels que12C,16O,28Si… et de manière générale les noyaux composés d'un nombre pair de protons et de neutrons ;
spin 1/2 : leproton, leneutron et certains noyaux atomiques, par exemple :13C,29Si, etc. ;
spin > 1/2 : les noyaux de 75 % desisotopes stables, par exemple14N spin 1,35Cl spin 3/2,209Bi spin 9/2.
Il n'est pas toujours facile de déduire le spin d'une particule à partir de principes simples ; par exemple, même s'il est connu que leproton a un spin 1/2, la façon dont les particules élémentaires qui le composent sont disposées et arrangées est toujours un sujet actif de recherche (voir structure deSpin des nucléons)[11],[12].
Comme le montre lethéorème spin-statistique, la valeur entière ou demi-entière du spin détermine une propriété cruciale de la particule :
Pour une particule de nombre quantique de spin comme l'électron, le proton ou le neutron, donc : il existe seulementdeux états de spin distincts, caractérisés par.
On note souvent les deux états propres correspondants : et, ou encore : et.
Pauli a introduit troismatrices 2 × 2[13], notées telles que l'opérateur de spin s'écrive :
Les nombres quantiques de spin sont définis aussi pour les systèmes de spins couplés, tels que les atomes de plus qu'un électron. Les symboles majuscules sont employés ːS pour le spin électronique total, etmS ouMS pour la composante sur l'axez. Une paire d'électrons dans unétat singulet de spin possède la valeurS = 0, tandis qu'une paire dans unétat triplet aS = 1, avecmS = −1, 0, ou +1. Les nombres quantiques de spin nucléaire sont écritsI pour le spin, etmI ouMI pour la composante sur l'axe-z.
En mécanique classique, le moment angulaire d'une particule possède non seulement une magnitude (vitesse de rotation de la particule), mais également une direction (direction de l'axe de rotation de la particule).
En mécanique quantique, le moment angulaire de spin (spin) contient également ces informations, mais dans une forme plus subtile. La mécanique quantique montre en effet, par l'intermédiaire des équations (1) et (2) ci-dessus (voir#Le moment cinétique de spin), que si l'état du moment angulaire de spin est l'un des états propres de, la composante du spin mesurée selon une direction quelconque, c'est-à-dire sa projection sur un axe quelconque (par exemple l'axez), ne peut prendre que les valeurs quantifiées suivantes :
oùs est le nombre quantique de spin de la particule. On peut constater qu'il existe 2s+1 valeurs possibles de. Le nombre 2s+1 est appelé lamultiplicité de spin. Par exemple, il n'y a que deux valeurs possibles pour une particule de spin 1/2 :. Cela correspond à deuxétats quantiques, notés symboliquement et, pour lesquels la projection du spin pointe respectivement dans la direction+z ou-z. La valeur de la projection dans les autres directions de l'espace,x ouy par exemple, est par contre indéterminée, du fait des relations de non-commutation (ou d'« incertitude ») entre les trois composantes du spin. En d'autres termes, si on ne s'intéresse qu'à un spin individuel, il n'est pas possible de déterminer avec précision sa direction dans l'espace (c'est en quelque sorte l'équivalent duprincipe d'incertitude de Heisenberg en ce qui concerne la vitesse et la position d'une particule, qui ne peuvent pas être déterminées simultanément).
Représentation géométrique du spin par une sphère de Riemann
Penrose montre que l'état de spin 1/2 peut être caractérisé par le rapport des deux nombres complexes[14]. Si cette valeur est projetée sur unesphère de Riemann, qui permet de représenter l'ensemble des nombres complexes, il est possible d'établir une correspondance entre un état de spin et une direction dans l'espace ordinaire.
Selon cette représentation, tout état quantique d'un spins = 1/2 correspond à un point sur la sphère dont laprojection stéréographique sur le plan complexe (le plan équatorial de la sphère) est ce rapportu. Ce point définit un vecteur correspondant à l'orientation de la polarisation d'un ensemble de spins placés dans le même état (voir#Signification physique du vecteur d'orientation du spin).
Représentation de la direction moyenne (ou « polarisation ») du moment angulaire d'un spins = 1/2 par rapport à un axez choisi arbitrairement comme axe de quantification
Une autre représentation est possible, celle de lasphère de Bloch.
Le vecteur représentant l'état est alors représenté comme sur la figure ci-contre. Cette représentation est bien entendu parfaitement équivalente à la représentation précédente sur une sphère de Riemann, pour laquelle le rapport u vaut :
Signification physique du vecteur d'orientation du spin
Les représentations précédentes n'indiquent pas explicitement la direction proprement dite du spin (laquelle est indéterminée, comme il a été dit plus haut), mais plus exactement la direction moyenne d'un spin préparé expérimentalement dans un état particulier, sur lequel un grand nombre de mesures seraient réalisées, ou bien encore peut représenter celle d'un ensemble statistiquement significatif de particules placées dans le même état, sur lequel un nombre réduit de mesures (voire une seule) seraient faites. Ces deux types de protocoles de mesures donnent le même résultat, d'après leprincipe ergodique deGibbs.
Pour un système préparé dans unétat quantique de spin quelconque, il n'est possible de décrire les trois projections d'un moment angulaire spin sur trois axes orthogonaux que par desvaleurs moyennes[17]:
Le vecteur défini par les trois projections décrit une « direction » vers laquelle pointe la direction moyenne du moment angulaire du spin, et qu'il est judicieux d'appelerpolarisation[18]. C'est exactement l'orientation de ce vecteur qui a été représentée précédemment sur la sphère de Riemann ou de Bloch. Il s'avère que ce vecteur depolarisation du spin a une signification physique pratique, notamment enspectroscopie derésonance magnétique nucléaire (RMN). Dans cette technique, les spins des protons (ou de tout autre noyau atomique possédant un spin non nul) peuvent être préparés dans n'importe quel état donné. Par exemple, si le système de spin est placé dans un champ magnétique homogène, la polarisation moyenne à l'équilibre thermodynamique correspond à l'état. L'application d'impulsions radiofréquence choisies permet ensuite de polariser les spins dans n'importe quelle autre direction de l'espace[18]. Le signal RMN maximum est obtenu lorsque la bobine de détection est orientée selon la direction de cette polarisation.
Différence entre le spin 1/2 de l'électron et un aimant classique, à travers l'expérience de Stern et Gerlach.
L'existence du moment cinétique de spin électronique était déduite de l'expérience de Stern et Gerlach faite en 1922. Stern et Gerlach ont démontré que les atomes d'argent possèdent deux états discrets possibles du moment cinétique, bien qu'un atome d'argent ne possède aucun moment cinétique orbital.
L'équation de Dirac prédit pour l'électron un facteur de Landé exactement égal à. Or, la valeur expérimentale admise en 2005 vaut :
Il existe donc un écart, décelé pour la première fois en 1947 dans la structure hyperfine de l'hydrogène et du deutérium[20] : on parle alors dumoment magnétique anomal de l'électron. Lathéorie quantique des champs dumodèle standard permet de rendre compte de cette anomalie avec une très grande précision.
L'analyse du comportement des objets sous l'effet des rotations nécessite de prendre en compte la structure mathématique degroupe formé par celles-ci. À un objet se transformant sous les rotations est alors associée unereprésentation de groupe. Deux objets ayant des propriétés de symétrie similaires seront donc associés à des représentationséquivalentes du groupe des rotations. De ce point de vue, le spin n'est rien d'autre qu'un nombre qui permet declassifier les différentesreprésentations irréductibles non équivalentes du groupe des rotations.
Father etMother de la sérieSpin Family (2009), par le physicien et sculpteurJulian Voss-Andreae. Les deux objets représentés illustrent la géométrie d’un objet de spin 5/2 (le « mâle » bleu à gauche) et d’un objet de spin 2 (la « femelle » rose à droite). L’œuvreSpin Family, présentée dans l’exposition « Quantum Objects », compare avec humour les fermions au sexe masculin et les bosons au sexe féminin. Les objets de spin 1/2, 1, 3/2, 2 et 5/2 constituent alors une famille de 5 personnes[21].
↑JacquesLéon,La construction de la matière : le modèle standard, Paris, ellipse,, 329 p.(ISBN9782340-010079),p. 208.
↑Roger PenroseA la découverte des lois de l'univers, Odile Jacob 2007. Paragraphe 22.9. Penrose procède par une identification de l'espace projectif, matérialisée par unesphère de Riemann, et la géométrie des directions dans l'espace. (espace de Hilbert de dimension 2) étant un espace de représentation de SO(3), toute direction du spin y est incluse. Cette identification a été également exploitée parEttore Majorana pour une représentation géométrique des spins élevés (supérieurs à 1/2).
↑a etbMalcolm H. Levitt, Spin Dynamics: Basics of Nuclear Magnetic Resonance, 2st ed. (Wiley, 2008).
↑Bien que le neutron ait une charge, on lui attribue ici un facteur de Landé correspondant au moment magnétique de spin calculé pour la valeur, afin de le comparer à ceux de l'électron et du proton.
Marc Knecht ;The anomalous magnetic moments of the electron and the muon, séminaire Poincaré (Paris,), publié dans : Bertrand Duplantier et Vincent Rivasseau (Eds.) ;Poincaré Seminar 2002, Progress in Mathematical Physics 30,Birkhäuser (2003),(ISBN3-7643-0579-7).