L'histoire des Somalis est très mal connue[1]. Les habitants de la région étaient appelésBerbères par les géographes arabes et grecs qui nommaient cette région côtièreBarbara, ouBilad al-Barbar (Pays des Berbères), pays desBaribah de l'Est ouBarbaroi[2],[3],[4]. La première mention écrite d'un groupe aujourd'hui rattaché aux Somalis (les «Gaadsan ») remonte à un texte éthiopien duXIIe siècle. Le mot « somali » apparaît auXVe siècle parmi les groupes de l'Adal[5], et en arabe auXVIe siècle[6].
Selon des analyses linguistiques, des locuteurs d'une langue qui est ensuite devenue lesomali se seraient constitués en groupe particulier il y a environ deux mille ans. Ils seraient partis du Sud de l'Éthiopie actuelle[7] et se seraient installés au Nord-Est de la péninsule. Les auteurs et l'histoire orale s'accordent en tout cas pour dire qu'ils sont descendus le long de la côte vers leShebele durant le deuxième millénaire[1]. Au cours de ces mouvements, ils s'agglutinent et assimilent les groupes qu'ils rencontrent. Ils se seraient convertis à l'Islam à partir duXVe siècle, et massivement auXIXe siècle[8]. C'est de ce processus que seraient issus les actuels Somalis.
Ce mouvement se poursuit peut-être de nos jours, puisqu'on constate que des groupesBantousswahilophones passent encore au somali dans les années 1960[9]. Par ailleurs, la limite entre Somalis etOromos évolue constamment, y compris par des passages entre les deux identités[10],[11].
Le grand ensemble somali est divisé en trois grands groupes (Darod, Irir et Saab), eux-mêmes subdivisés en tribus, en clans et en sous-clans[12].
On divise habituellement les Somalis en cinq ou six grandes « confédérations » : Darod, Dir, et Sab (cette dernière étant parfois divisée entreRahanweyn et Digil)[13] auxquelles s'ajoutent des « groupes non somalis ».
Les Sab, composé de communautés d’agriculteurs-éleveurs sédentaires, sont établis dans les terres fertiles du sud du pays, entre les fleuvesShabeelle etJubba. Pour Ioan M. Lewis, ce sont les Rahanweyn, divisés en Digil et Mirifle[14]. Des groupes d'artisans dans le Nord sont également appeléssab.
Selon des récits mythologiques et généalogiques, tous les Somalis seraient des descendants de Hill, père de Samaale et Sab qui seraient les ancêtres respectivement des éleveurs nomades (reer nugul) et des agro-pasteurs (reer godeed)[13]. Les Darod formeraient une troisième branche, issue directement de l'ancêtre commun, ’Aqiil Abuu Taalib[15].
Selon Lee Cassanelli[17], les éléments caractéristiques des Somalis seraient la communauté linguistique – avec des variations régionales – l’héritage islamique, un mode de vie pastoral et la revendication d’ancêtres communs.
Pour l'anthropologueIoan Myrddin Lewis, qui a lancé les « études somalies » dans les années 1950 à partir de recherches auSomaliland, les Somalis sont composés de groupes autonomes qui ne reconnaissent d'autre autorité que Dieu et ne se regroupent que provisoirement pour organiser la vie pastorale[18]. La base de la société serait lelignagesegmentaire basé sur la descendancepatrilinéaire. Il existe un lien extrêmement fort qui unit les membres d’une famille ou d’un clan, et l’arbre généalogique est ainsi un (si ce n’est le) référent commun à tous les Somalis : l'apprentissage des lignages familiaux se fait dès le plus jeune âge[19].
Cette diversité n'empêchait pas la constitution d'une « identité nationale » qui aurait échoué à devenir étatique[20]. A contrario, dans ce cadre rigide, la société somalie n'en connaît pas moins des évolutions et de nombreuses variations.
À partir des années 1990, en partie sous la pression de laguerre civile somalienne, ces analyses tendent à être remplacées par des conceptions insistant sur la division de la société en classes. La création d'un État somali en 1960 aurait figé les clivages d'une société égalitariste et en constante évolution[21].
Il existe plusieurs dialectes somalis, dont les différences pourraient être suffisamment importantes pour empêcher l'inter-compréhension[22]. Par ailleurs, certains groupes identifiés comme somalis parlent ou ont parlé deslangues bantoues[23].
Aussi, les colonisations italienne, britannique, et française, ont influencé le vocabulaire des dialectes somalis en apportant divers mots nouveaux, qui n'existaient pas en langue somalie et arabe. Depuis 1960 les nouveaux mots viennent surtout (en partie) de l'arabe (surtout à partir de l'arabe dialectal du Yémen), et de l'anglais.
↑Cassanelli (Lee), «Social Construction of the Somali Frontier : Bantu Former Slave Communities in the Nineteeth Century”, in Kopytoff (Igor), dir.,The African Frontier : the Reproduction of Traditional African Society, Bloomington, Indiana University Press, 1987,p. 216-238.
Chekroun (Amélie),Le «Futuh al-Habasa» : écriture de l'histoire, guerre et société dans le Bar Sa'ad ad-din (Ethiopie, XVIe siècle), thèse d'histoire sous la direction de Bertrand Hirsch, université Paris I, 2013, 482 p.,voir en ligne sur TEL