Souvent considéré comme ayant instauré les prémices de ladémocratie à Athènes, en créant les conditions qui vont permettre son émergence, il est tout d'abord représentant de l'aristocratie. Il fait partie desSept Sages de la Grèce. Solon joue un rôle politique important, étant à l'origine d'une série de réformes qui accroissent considérablement le rôle de la classe populaire dans la politique athénienne.
Solon naît à Athènes dans une familleeupatride. Il est d’abord négociant, commerçant, ce qui l'amène à beaucoup voyager. Sa fortune et son savoir le placent au rang des premiers citoyens de la ville. En son absence, la cité voisine deMégare reprendSalamine aux Athéniens. À Athènes, on vote un décret qui interdit, sous peine de mort, que l’on en reparle[1].
Dans le milieu desannées -590, il milite pourtant pour une nouvelle guerre contre Mégare, afin de s’emparer de l’île de Salamine. Le jeunePisistrate le soutient. Tous deux obtiennent l'abrogation du décret et le déclenchement de la guerre pour Salamine[1]. Solon est nommé chef de l'expédition. Celle-ci est un succès et Salamine est reprise[2]. Comme la guerre a été gagnée sur ses conseils, il devient très populaire si l'on en juge par les événements ultérieurs. Signalons pourtant que l’historienDéimaque de Platées dément la participation de Solon à cette expédition, tandis queDiogène Laërce l'affirme.
Pour les historiens grecs postérieurs, ses poèmes sont la principale source d'informations sur la crise économique et sociale à laquelle il tente de remédier. Alors que l’écart entre les riches aristocrates et la classe populaire se creuse, Athènes sombre dans une crise sociale. En effet, la ville est dominée par les « eupatrides », communément appelés les aristocrates et qui détiennent les meilleures terres tout en contrôlant le gouvernement. Les plus pauvres tombent facilement dans l’endettement, voire dans l’esclavage faute de moyens. L’esclavage pour dettes réduit fortement le nombre d’hommes libres et alimente les conflits. Toutes les classes sociales se tournent alors vers Solon pour remédier à cette situation, qui pourrait déboucher sur la tyrannie.
Lorsque Solon est éluarchonte en -594/-593, on attend de lui qu'il remédie aux conflits internes à la cité[3]. Avec leseisachtheia, il abolit l'esclavage pour cause de dettes[4] et affranchit ceux qui y étaient tombés[5]. Il opère une réduction de dettes privées et publiques[6], et affranchit de redevances les terres deshectémores[7]. Cependant, il ne fait pas de réforme agraire[8], c'est-à-dire qu'il ne redistribue pas la propriété des terres comme les pauvres l'attendaient[9].
Concernant les réformes politiques, il met en place un tribunal du peuple, l'Héliée[10]. Tous les citoyens y ont accès[11],[N 1], ce qui est à noter. Les jurys sont constitués par tirage au sort[12]. Les sources ne disent pas si l'on tire au sort parmi les volontaires, mais on peut le supposer. Le tribunal est essentiellement une cour d'appel[13]. Aristote considère qu'il est déjà le lieu du contrôle des magistrats par le peuple[14]. Solon réalise une autre réforme d'importance : il étend le droit de défense et d'accusation[15] à n'importe quel citoyen. Il écrit aussi un nouveau code de lois, qui concerne ce que les catégories modernes nomment le droit privé, le droit criminel et la procédure légale[16]. Les lois deDracon sont abandonnées, à l'exception de celle qui concerne le meurtre[17]. Les lois de Solon sont gravées sur des kybris (?), sans doute exposés au Portique royal[18].
Ce que l'on appelle généralement les « classes soloniennes » existaient en fait déjà avant Solon[19]. Selon M. Hansen, Solon aurait ajouté les pentacosiomédimnes aux thètes, aux zeugites et aux cavaliers, le définissant comme la classe la plus élevée[20]. Ces classes sont alors définies selon le critère de la richesse[21] :
lespentacosiomédimnes[22] sont ceux qui peuvent tirer de leurs bénéfices plus de 500 mesures (πεντακόσια /pentakósia ;μέτρα /métra) par an de produits secs ou liquides (blé, vin ou olive)[23] ;
leshippeis, ou cavaliers, sont ceux qui peuvent tirer de leurs revenus plus de 300 mesures par an. Aristote discute du nom de cette classe : pour en être membre, il semble qu'il faille élever des chevaux. Il estime cependant qu'à l'instar des autres classes, le critère soit bien celui de la richesse[24] ;
leszeugites[25] sont ceux qui peuvent tirer de leurs richesses plus de 200 mesures par an. Ils forment une sorte de classe moyenne, chez qui l'on recrute les hoplites ;
lesthètes sont ceux qui tirent de leurs revenus moins de 200 mesures par an. Leur nom signifie employé sans propriété, ou journalier.
Le critère d'éligibilité est fondé sur la fortune produite (et non pas directement sur le capital), et non plus sur la naissance[19]. Seules les trois premières classes, celles des plus riches, peuvent accéder à la magistrature[26]. En revanche, toutes les classes ont accès à l'assemblée du peuple et au tribunal[27]. L'élection des magistrats ayant probablement lieu à l'assemblée du peuple[28], on peut considérer qu'à partir de Solon le suffrage s'étend plus largement aux citoyens. Ce point est important pour comprendre la genèse de la démocratie athénienne. La procédure d'accès à l'archontat semble combiner élection préalable et tirage au sort[29]. Mais pour l'ensemble de la magistrature, l'élection semble avoir la prépondérance[30].
Solon aurait par ailleurs institué leconseil des Quatre Cents[31]. Or si l'on en croit M. Hansen[20], l'existence de ce conseil est controversée. E. Will ne croit pas à sa réalité[32]. Aristote, dans sonAthenaion politeia rédigée entre 335 et 322[33], ne fait que le mentionner, ne disant rien de sa formation ni de ses attributions. En outre, l’Athenaion Politeia cite en 31.1 un texte décrivant le régime oligarchique des « Quatre Cents » en -411. Les oligarques auraient été tentés, pour légitimer leurs réformes, d'inventer un passé en alléguant un retour à la « Constitution des anciens ». Il faut attendre Plutarque pour en savoir plus sur les attributions de ce conseil[34]. Il aurait eu des fonctionsprobouleumatiques, c'est-à-dire qu'il aurait été chargé d'introduire les débats à l'assemblée du peuple, tout comme le conseil des Cinq Cents (laBoulè) serait institué par les réformes deClisthène en 508 av. J.-C.
Concernant l'Aréopage, Plutarque attribue sa création à Solon[35], tout en nuançant lui-même son propos. De son côté, Aristote pense que l'Aréopage existait avant Solon[36]. Voici deux jugements d'Aristote sur les réformes de Solon :
« Solon, semble-t-il, tout en se gardant d'abolir les institutions qui existaient auparavant, telles que le Conseil [de l'Aréopage] et l'élection des magistrats, a réellement fondé la démocratie en composant les tribunaux de juges pris parmi tous les citoyens. Aussi lui adresse-t-on parfois de vives critiques, comme ayant détruit l'élément non démocratique du gouvernement, en attribuant l'autorité suprême aux tribunaux dont les membres sont tirés au sort »
— Aristote,Politique, 1274 a.
et plus loin :
« Solon lui-même n'a vraisemblablement attribué au peuple que le pouvoir strictement nécessaire, celui d'élire les magistrats et de vérifier leur gestion (car si le peuple ne possède même pas sur ce point un contrôle absolu, il ne peut être qu'esclave et ennemi de la chose publique) »
— Aristote,Politique, 1274 a 15.
Solon modifie également lecalendrier[37] et le système des poids et mesures[38].
D'aprèsPhanias, auteur d'un traité sur la tyrannie et cité par Plutarque dans saVie de Solon[39], Solon meurt moins de deux ans après l'instauration de la tyrannie parPisistrate.
Après avoir mis en oeuvre ses réformes, Solon quitte Athènes. Les écrivains grecs postérieurs le font séjourner dix ans àChypre, où il vit à la cour du roi Philocyre, puis également enÉgypte chezAmasis, où il s'entretient avec les prêtres deSaïs[40] y rapportant leur légende (histoire) de l'Atlantide, et enLydie chezCrésus[41].
Vers560, Solon âgé de plus de quatre-vingts ans revient à Athènes. Il s'oppose alors àPisistrate, qu’Aristote décrit comme « très favorable au peuple »[42] lors de sa prise de pouvoir[43]. Lorsque Pisistrate instaure unetyrannie à Athènes, Solon paraît quitter à nouveau la cité, puis parcourir la Méditerranée et l'Asie. Il revient lors de la deuxième tyrannie de Pisistrate, repart en exil chez le roi Philocyre et meurt peu après son retour[44].
↑D'aprèsPlutarque,Vie de Solon, XVIII : « En second lieu, Solon voulut laisser toutes les magistratures, comme auparavant, entre les mains des riches, mais faire participer le peuple au reste de la vie politique, dont il était exclu. […] Solon ne leur donna pas le droit d’exercer la moindre magistrature ; ils ne participaient à la vie politique qu’en tant que membres de l’assemblée et des tribunaux. Ce droit sembla d’abord n’être rien, mais s’avéra très important par la suite, car la plupart des différends finissaient par être portés devant les tribunaux. […] On dit d’ailleurs que s’il avait rédigé ses lois d’une manière assez obscure et avec bien des contradictions, c’était pour renforcer le pouvoir des tribunaux. Comme on ne pouvait trancher les différends en s’appuyant sur les lois, il en résultait qu’on avait toujours besoin des juges ; on portait devant eux tous les litiges, et ils étaient, d’une certaine manière, les maîtres des lois. »
↑Ar.Pol. 1273 b 40 : c'est ce que signifie Aristote quand il dit que les tribunaux étaient organisés démocratiquement ; mention plus explicite en 1274 a.
Poètes élégiaques de la Grèce archaïque, Solon - Tyrtée - Théognis - Xénophane et les autres, Traduits et présentés par Yves Gerhard, Ed. de l'Aire, Vevey, 2022(ISBN978-2-88956-248-0).
Louis Gernet, « La loi de Solon sur le testament »,Droit et société en Grèce ancienne, Publications de l'Institut de Droit romain de l'Université de Paris, 13, 1964 (2e édition).
« La servitude pour dette »,Revue historique de droit français et étranger, série 4, XLIII (1965), p. 159–184 ;
« La terre, les dettes et le propriétaire foncier dans l'Athènes classique »,Économie et société en Grèce ancienne, Seuil, coll. « Points », 1997(ISBN2-02-014644-4).