« Pédication » redirige ici. Ne pas confondre avecPrédication.
Suzuki Harunobu, détail d'unshunga, gravure japonaise érotique, vers 1750. Londres, Victoria & Albert Museum.
Lasodomie est unrapport sexuel qui consiste en une pénétration de l'anus du ou de la partenaire, généralement avec lepénis ou à l'aide d'un objet, comme ungodemichet.
Dans certains contextes, notamment les classifications légales de certains États fédérés desÉtats-Unis, le terme anglaissodomy conserve cette acception et inclut d’autres pratiques sexuelles jugées déviantes par la tradition chrétienne, notamment lecunnilingus et lafellation (contact entre la bouche et le sexe).
Enallemand, le termeSodomie ne fait aucunement référence à la pénétration anale mais désigne lazoophilie.
D'une manière similaire, le terme « bougre » (dulatinBulgarus, qui donne l'ancien françaisbogre) désignait à l’origine lesbogomiles (« amis de Dieu » dubulgareBog « dieu » etmile « ami »), membres d'une sectebulgarehétérodoxe proche des mouvementscathares. On avait accusé ces bogomiles dupéché de sodomie afin — entre autres — de les tourner en dérision. « Bougre » en est donc venu à ne plus désigner les seuls Bulgares bogomiles, mais aussi de manière injurieuse les sodomites. Par affadissement, le terme a désigné un « gaillard » et enfin un « individu ». Lecognat anglaisbugger a gardé le sens original de « sodomite ».
Aspects historiques
Amours romaines entre un homme et un adolescent,coupe Warren.
Pratique parfois considérée comme déviante puisque ne menant pas à la reproduction, entourée destabous liés auxfonctions excrétrices (l’anus étant concerné), surtout dans les civilisations où ces fonctions naturelles sont jugées honteuses, la sodomie est perçue de manière très diverse selon les sociétés et les religions.
La sodomie entre hommes, si elle ne fut pas lapratique sexuelle privilégiée, fut pratiquée dans laGrèce antique, ainsi que dans laRome antique, dans le cadre d'unrapport sexuel entre un homme plus âgé, le maître, actif, et son élève, passif, plus jeune.Elle était alors considérée comme une façon de transmettre le savoir[réf. souhaitée].
Peu d'éléments directs évoquent la sodomie chez lesCeltes et en particulier chez lesGaulois. Cependant, quelques citations d'auteurs classiques déclarent que l'homosexualité était acceptée et quelques productions culturelles en la matière. Par exempleAthénée, répétant des affirmations faites parDiodore de Sicile, écrit :
« Les Celtes, bien qu'ils aient les femmes très belles, apprécient de jeunes garçons davantage : de sorte que certains d'entre eux aient souvent deux amoureux à dormir avec eux sur leurs lits à peau de bête[9],[10],[11],[12]. »
SelonAristote, lesCeltes ont une sexualité libérale et approuvent les jeux amoureux masculins[13].Dans ce cas, selon uneloi des brehons, si l'homme est marié, la femme peut alors disposer librement d'elle-même[14].[pas clair]
Historiquement, en Europe, ce n'est qu'auXIe siècle que la notion desodomia est instituée en droit canon parPierre Damien (après les développements théoriques de penseurs commeSaint Augustin ouThomas d'Aquin[15]), mais il s'agit d'un concept complexe qui englobe de manière générale tous les comportements sexuels ne visant pas à laprocréation (donc aussi, comme le mot anglais, lamasturbation, lafellation, lecunnilingus, lazoophilie ou encore lecoït interrompu[15]). Le sexe des impétrants n'est d'ailleurs pas précisé, et la ligne de faille se situe plus entre l'amour charnel au sens large et l'amour intellectuel, qu'entre une sexualité « naturelle » et une autre « contre nature » (notions bien plus tardives)[16]. Il faut attendre lesXIIIe et surtoutXIVe et XVe siècles[17] pour assister à une condamnation de la sodomie et des rapports homoérotiques en général par l’Église, en parallèle des débuts de la sacralisation dumariage. Cependant, cette condamnation essentiellement morale ne débouche que rarement sur une pénalisation active des pratiques, sauf dans les cas aggravés (viol, pédophilie, ou utilisation politique)[16], ou en cas de trouble avéré à l'ordre public. Une des premièreslois la réprimant est laloi de 1533 de Buggery enAngleterre.
Sous l'Inquisition espagnole desXVIe et XVIIe siècles[18], la sodomie, à l'instar de labestialité, est considérée comme un« péché abominable », qualifiée de « parfaite » si elle est le fait de deux hommes et « imparfaite » (donc moins grave) si elle est le fait d'un homme et d'une femme. Le terme inclut secondairement d'autres pratiques sexuelles, telles que fellation, cunnilingus,onanisme, etc. La sodomie peut valoir à ses auteurs lebûcher, lesgalères, laprison à vie ou pour plusieurs années, lebannissement, despénitences diverses ou simplement lefouet en public, selon la gravité de l'acte soigneusement pesée par les inquisiteurs. Cependant, dans ce domaine, la justice civile est encore plus sévère et plus expéditive.
Après une certaine relâche à laRenaissance sous l'influence du modèle antique, ce sont lesLumières (notammentVoltaire) qui reprennent la condamnation de l'homosexualité, au nom de la Raison et du contrôle des passions[19]. En 1750, l'« affaire Diot-Lenoir » voit la dernière peine capitale exécutée contre des « sodomites » en France :Jean Diot et Bruno Lenoir, pris en flagrant délit de sodomie en pleine rue, sont étranglés et brûlés publiquement enplace de Grève, à Paris[20]. Cette affaire fait cependant figure d'exception, car dans les faits la plupart des procédures pour sodomie à l'époque se soldent par une simple remontrance et les procès aboutissant à une condamnation sont extrêmement rares et généralement le fait de circonstances aggravantes (comme pour l'affaireDeschauffours en 1725)[20]. En 1791, laFrance est le premier pays à dépénaliser complètement l'homosexualité, l'Assemblée nationale législative ne retenant pas le « crime de sodomie » dans leCode pénal[20].
AuCanada, la loi anti-sodomie est révoquée en 1969 parPierre Elliott Trudeau, elle demeure néanmoins régie par le code criminel (article 159) où il est stipulé que la sodomie est interdite entre personnes âgées de moins de18 ans et que sa pratique doit avoir lieu dans l'intimité. PlusieursÉtats des États-Unis ont deslois prohibant la sodomie, tandis qu'enInde elle est réprimée par lasection 377 duCode pénal de 1860.
De nos jours, certains pays criminalisent toujours la sodomie entre adultes consentants, allant même jusqu’à requérir lapeine de mort[21],[22],[23] (un peu moins d'une dizaine de pays encoreà ce jour[Quand ?][21][source insuffisante]). D'autre part, ces condamnations peuvent être remplacées par celle de l'homosexualité de manière générale[21].
Contrairement à lavulve et auvagin, l’anus et lerectum ne produisent pas delubrification naturelle facilitant le rapport sexuel. Cependant, l'anus est unezone érogène. Ainsi, la sodomie peut être une source de plaisir pour le receveur. La sensation de va-et-vient chez lafemme et laprostate chez l'homme peuvent conduire à l'orgasme pour le partenaire passif[24],[25].
La salive est suffisante comme lubrifiant et le risque de lésions des fragiles muqueuses anales est mineur mais il est préférable d'utiliser un lubrifiant artificiel ou un préservatif lubrifié. Toutefois, même ce dernier requiert l'ajout d'un lubrifiant si les mouvements se prolongent. Autrefois, lavaseline était généralement utilisée, mais étant à base de corps gras elle est à proscrire car elle rend lespréservatifs poreux tout en étant plus difficilement lavable. De nos jours, sont donc plutôt utilisés deslubrifiants intimes à base d'eau ou de silicone.
Les coïts anaux et vaginaux sont associés dans la pratique dite « de l'anus au vagin ».[réf. nécessaire]
Lerectum pouvant contenir des restes dematière fécale, il est parfois pratiqué unlavement préalablement à une sodomie[26]. Pratiquée sans précaution, cette pratique peut fragiliser les muqueuses du rectum[27].
Risques médicaux de la sodomie
La pratique consentie de la sodomie« n'a aucune conséquence délétère »[28]. Elle reste cependant unepratique sexuelle à risque, à cause de son association à l'alcool, à la prise de drogues et de la pluralité des partenaires[29].
Des précautions doivent donc être prises. Lesphincter de l'anus est unmuscle circulaire qui contrôle l'ouverture ducanal anal au moment de ladéfécation. Une pénétration anale trop brutale, sanslubrification, ou avec un objet d'undiamètre important sera vécue comme douloureuse à cause de la distension de ce muscle, et peut provoquer desmicro déchirures, dessaignements, ou desfissures anales. Pour cette raison, il convient de détendre préalablement le sphincter et de procéder à l'intromission avec délicatesse[30].On peut obtenir une très grande souplesse de ce sphincter par des exercices répétés d'insertion d'objets de diamètre de plus en plus grand.[réf. nécessaire]
D'autre part, lamuqueuse durectum est fragile et poreuse auxvirus etbactéries. Elle a la propriété (dont tirent parti lessuppositoires) d'absorber les substances déposées dans le rectum. En conséquence, elle est un terrain propice aux échanges demaladies sexuellement transmissibles, notamment duvirus du SIDA[30]. C'est la raison pour laquelle il est fortement déconseillé d’avoir un rapport anal sanspréservatif avec une personne dont on ne sait pas si elle est infectée par de telles maladies ; même avec un préservatif, il est recommandé d'utiliser ungel lubrifiant adapté afin de faciliter la pénétration et, ainsi, d'éviter une rupture du préservatif.
En cas de rapport traumatique, les femmes présentent un risque d'incontinence fécale et detransmission d'infections plus élevé que les hommes, du fait de différences anatomiques et de l'effet des hormones, des grossesses et des accouchements sur leplancher pelvien. Elles possèdent en effet unsphinctère anal moins puissant que celui des hommes, ce qui fait que les dommages éventuellement causés par une pénétration anale sont plus importants pour elles. Pourtant, nombre de médecins, notamment généralistes ou hospitaliers, sont réticents à évoquer avec leurs patientes les risques encourus, en partie parce qu'ils craignent de paraître moralisateurs ou homophobes[29].
Popularité
Le principal déterminant qui influence la pratique de la sodomie est la « précocité » sexuelle : dans l'enquête pour l'analyse des comportements sexuels en France (ACSF), pour une tranche d'âge donnée, on trouvait beaucoup plus de pratiquants parmi les 25 % du groupe ayant leur premier rapport le plus tôt (« précoces ») que parmi les 25 % ayant leur premier rapport sexuel le plus tard (« tardifs »).« Par exemple, parmi les femmes de 25 à 34 ans, 44 % des précoces ont expérimenté cette pratique, contre 25 % des tardives[31]. » Dans l'enquête américaineNational Health and Social Life Survey (NHSLS, conduite en 1992), parmi les 18-44 ans, 5 % des femmes trouvaient la sodomie (passive) attractive ; chez les hommes, 14 % étaient attirés par la sodomie active et 11 % par la sodomie passive. Toujours chez les 18-44 ans, 18 % des femmes (22 % des hommes) trouvaient attirant le fait d'avoir leur anus stimulé par le doigt de leur partenaire, cependant que 13 % des femmes et 26 % des hommes étaient attirés par le fait de stimuler l'anus de leur partenaire[32].
Quinze ans après la deuxième enquête nationale sur le comportement sexuel des Français (ACSF, 1992), l'INSERM, l'ANRS et l'INED ont réalisé une nouvelle enquête « Contexte de la Sexualité en France » auprès des 18-69 ans. Selon cette enquête, 37 % des femmes et 45 % des hommes en ont déjà fait l'expérience (contre respectivement 24 % et 30 % en 1992). Toutefois, la pratique reste marginale puisque 12 % des femmes de 25-49 ans disent la pratiquer souvent ou parfois[33]. L'analyse détaillée de l'enquête ACSF montrait que la sodomie n'était pratiquée qu'avec une fréquence de 1 à 3 % au cours d'un rapport sexuel[34].
Aux États-Unis, la sodomie n'est pas non plus entrée dans les pratiques régulières des Américains : 9 % des personnes interrogées lors de l'enquête nationale NHSLS disaient avoir eu un rapport anal au cours de l'année écoulée et seulement 2 % des hommes et 1 % des femmes, lors de leur dernier rapport sexuel[35]. Des chiffres tout à fait similaires à ceux de l'étude nationale australienneASHR conduite en 2001-2002 : 0,9 % des hommes et 0,7 % des femmes âgés de 16 à 59 ans avait pratiqué la sodomie lors de leur dernier rapport sexuel[36].
Au Royaume-Uni, selon l'étudeNational Survey of Sexual Attitudes and Lifestyles(en) répétée en 1990, 2000 et 2010, la sodomie est une pratique en nette augmentation dans la population hétérosexuelle. La part des personnes interrogées ayant pratiqué la sodomie au cours de l'année écoulée était respectivement de 7,0 %, 12,2 % puis 17,0 % chez les hommes, et de 6,5 %, 11,3 % puis 15,1 % chez les femmes. Cette augmentation était plus importante chez les plus jeunes[29].
Il semble que la sodomie soit expérimentée assez tôt dans la vie sexuelle (sans que cela préjuge de l'intégration dans le répertoire sexuel habituel). En 2000, Baldwin et Baldwin ont publié une étude détaillée sur les rapports anaux dans une population d'étudiants américainshétérosexuels (âge moyen :20,5 ans, 63 % des réponses venaient de femmes) : 78 % avaient déjà eu unrapport vaginal et 18 % un rapport anal. Parmi les non-vierges, 22,9 % avaient également déjà pratiqué la sodomie (en moyenne à18,5 ans, alors que l'âge moyen du premier rapport vaginal était de16,5 ans. Il s'agissait plus souvent de garçons (28 % des hommes non vierges de l'étude) que de filles (19 % des non-vierges) mais les auteurs voient cette différence s'estomper une fois les autres variables (influençant le fait d'avoir un rapport anal) prises en compte[37].
Contrairement à une idée reçue, la sodomie n'est pas une pratique banale ou systématique au sein de lapopulation homosexuelle. Dans une étude de 2011, menée par l'université de l'Indiana et la George Mason University, seules 35 % des personnes homosexuelles interrogées affirment avoir pratiqué la sodomie au cours de leur dernier rapport sexuel. Lafellation (pratiquée à 72,7 %) et lamasturbation mutuelle (pratiquée à 68,4 %) seraient des pratiques nettement plus courantes[38].
Sodomie et BDSM
Dans le milieuBDSM, la sodomie semble beaucoup mieux acceptée que dans le reste de la population. Dans ce milieu, il est assez courant qu'un homme aille voir unedominatrice pour se faire sodomiser par elle. L'utilisation degode ceinture, degodemichets ou de techniques defist-fucking (partiel ou complet) y semble assez courante. Ces pratiques sont souvent associées à la féminisation, mais pas nécessairement. Il arrive également que les hommes qui se font sodomiser inhalent despoppers, afin de dilater l'anus, ce qui facilite une pénétration profonde. Certaines dominatrices peuvent même inclure les lavements rectaux dans leurs séances de domination.
Aux États-Unis, ce recours à la sodomie est accru chez les adolescentes pratiquantes, en particulier parmi lesévangéliques, ou parmi les jeunes filles ayant fait despromesses de chasteté, pour préserver leur « virginité »[41].
Selon des études menées aux États-Unis en 2009 et 2012, cette pratique est plus élevée lorsque, dans un couple hétérosexuel, c'est l'homme qui prend les décisions concernant la contraception et l'activité sexuelle[41]. La pratique dans les couples hétérosexuels s'accompagne d'un recours bien moindre aupréservatif — jusqu'à 70 % de relations non protégées chez les plus jeunes — que dans le cas de coïts vaginaux, sans doute à cause d'une confusion entre son utilisation comme moyen contraceptif et son utilisation pour se préserver desIST[41]. Parmi les adolescentes, l'usage de la sodomie pour éviter les grossesses est d'autant plus élevé que les relations sont occasionnelles[41]. Les adolescentes pratiquantes, en particulier parmi lesévangélistes, ou parmi les jeunes filles ayant fait despromesses de chasteté, ont également recours à cette pratique pour diminuer les risques de grossesse[41].
Histoire politique de la sodomie
Sodomie, genre et aspect social
Dans laRome antique, un homme libre qui sodomisait ses esclaves manifestait sa puissance. En revanche, un homme libre sodomisé se ravalait à un rang inférieur, et cette passivité était considérée comme honteuse[45].
En français, le terme « enculé » est utilisé comme insulte, associant la personne visée à quelqu'un s'engageant dans le sexe anal de manière passive ; elle est considérée comme étant particulièrement dégradante (notamment pour un homme), alors qu'au contraire, le terme d' « enculeur », qui désigne celui qui le pratique de manière active, est utilisé dans un sens très différent et pouvant être positif[46].
Enanglais,sodomy ne désigne pas seulement la pénétration anale. Dans les expressions commesodomy law, loi qui régissait les pratiques acceptées ou interdites dans tel ou tel État américain, il fallait comprendresodomy comme« pratique sexuelle jugée déviante », parmi lesquelles, outre la sodomie pouvaient être comptés lafellation et lecunnilingus. Ces lois, le plus souvent, étaient des manières d’interdire l’homosexualité. Elles s’appuyaient sur un cliché faisant deshomosexuels mâles des sodomites, alors que cette pratique n’est pas acceptée par tous les homosexuels et que deshétérosexuels la pratiquent aussi.
La section 377 du code pénal indien, intitulé « Des délits contre-nature » punit « les relations charnelles contraires à l’ordre de la nature » d’une peine pouvant atteindre 10 ans d’emprisonnement.
En 2003, laCour suprême des États-Unis a déclaré anticonstitutionnelles les lois de certains États fédérés contre la sodomie. Elles violent leXIVe amendement de laConstitution dont l'interprétation protège la vie privée et la liberté des citoyens américains. Treize États fédérés, situés surtout dans le sud du pays, pratiquaient jusqu’alors des lois contre la sodomie entre adultes consentants, dont quatre condamnaient aussi les fellations : leTexas, leKansas, l’Oklahoma et leMissouri.
Le, apparaît au Zimbabwe l'article 73 de lacriminal law, menaçant celui pratiquant la sodomie de deux ans de prison[47], bien que cette loi, mentionnant explicitement la sodomie, semble plutôt viser l'homosexualité.
Si ladoxa vaticane réprime en théorie dès les débuts de l’Église les actes homosexuels (notamment pour les clercs ayant prononcé des vœux de chasteté), dans les faits cette condamnation n'a que peu d'application concrète pendant le haut Moyen Âge[16]. Des personnalités politiques telles queCharlemagne, l'archevêque de Canterbury ou le papeLéon IX sont conscients des mœurs légères en vigueur dans de nombreux monastères, mais refusent d'exclure les coupables de l’Église[51] ou d'appliquer des peines en l'absence de circonstances aggravantes (viol, meurtre, pédophilie…). Plusieurs hauts dignitaires de l'Église purent ainsi mener de grandes carrières ecclésiastiques sans inquiétude, et de nombreux souverains ne cherchèrent pas à dissimuler leur penchant[52].
L’Église catholique romaine condamne la sodomie au titre qu'elle détournerait la sexualité de son but sacré, qui est la procréation.[réf. nécessaire] Cette pratique serait ainsi perçue comme contre nature, en tant qu'elle irait contre la volonté de Dieu, Auteur de la nature (Lévitique XX:13 :« Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable »). DansLa Clé d'or,Antoine-Marie Claret, qui fut confesseur de la reineIsabelleII d’Espagne et devait être canonisé parPieXII, rapporte une légende très répandue en écrivant :
« Certains auteurs assurent que Notre Seigneur Jésus-Christ a une telle horreur de ce péché que, dans la nuit où il naquit, à Bethléem, il tua tous les sodomites. »
Certains[Qui ?] considèrent qu’il y aurait là une mauvaise interprétation de laBible, et que la sodomie, du moins dans l’épisode deSodome etGomorrhe, ne serait pas expressément mentionnée[53], le crime puni étant principalement celui d'avoir voulu violer des anges. Quelques théologiens ont savamment discuté sur la nature de la sodomie ; un excellent résumé se trouve dans leCompendium Theologiae Moralis Sancti Alphonsi Mariae de Liguori du chanoine Neyraguet, plusieurs fois réédité auXIXe siècle.
« Les uns, dit-il, estiment que la sodomie consiste dans le commerce charnel dans le vase indu, et d’autres dans le commerce charnel avec le sexe indu. »
Mais la seconde opinion étant plus probable, il peut donc y avoir en ce sens « sodomie » entre femmes, même si nos théologiens se demandent comment elles s’y prendraient, mais non entre un homme et une femme ; le coït du mâle dans le vase postérieur de la femelle n’étant qu’une sodomie imparfaite, distincte dans son essence de la sodomie parfaite. En revanche la fellation par un homme peut être qualifiée de sodomie, au contraire de celle que pratique une femme :
« Si vir polluitur in ore fæminæ, erit copula inchoata […] si vero in ore maris, erit sodomia. »
En 1788,Andréa de Nerciat publie par exempleLe Doctorat impromptu[57], dont le titre fait en fait référence à « une sodomie à l'improviste » par la réputation dont étaient accablés, par dérision, les Jésuites, savants docteurs en théologie.
« Vous le savez, ma chère, près des autels de Cypris, il est un antre obscur où vont s’isoler les Amours pour nous séduire avec plus d’énergie ; tel sera l’autel où je brûlerai l’encens ; là, pas le moindre inconvénient, Thérèse, si les grossesses vous effraient, elles ne sauraient avoir lieu de cette manière, votre jolie taille ne se déformera jamais ; ces prémices qui vous sont si douces seront conservées sans atteinte, et quel que soit l’usage que vous en vouliez faire, vous pourrez les offrir pures. Rien ne peut trahir une fille de ce côté-là, quelque rudes ou multipliées que soient les attaques ; dès que l’abeille en a pompé le suc, le calice de la rose se referme ; on n’imaginerait pas qu’il ait jamais pu s’entrouvrir. Il existe des filles qui ont joui dix ans de cette façon, et même avec plusieurs hommes, et qui ne s’en sont pas moins mariées comme toutes neuves après. Que de pères, que de frères ont ainsi abusé de leurs filles ou de leurs sœurs, sans que celles-ci en soient devenues moins dignes de sacrifier ensuite à l’hymen ! À combien de confesseurs cette même route n’a-t-elle pas servi pour se satisfaire, sans que les parents s’en doutassent ! C’est en un mot l’asile du mystère, c’est là qu’il s’enchaîne aux Amours par les liens de la sagesse… Faut-il vous dire plus, Thérèse ? si ce temple est le plus secret, c’est en même temps le plus voluptueux ; on ne trouve que là ce qu’il faut au bonheur, et cette vaste aisance du voisin est bien éloignée de valoir les attraits piquants d’un local où l’on n’atteint qu’avec effort, où l’on n’est logé qu’avec peine ; les femmes mêmes y gagnent, et celles que la raison contraignit à connaître ces sortes de plaisirs, ne regrettèrent jamais les autres. »
La sodomie existe chez certains animaux, notamment chez desprimates comme leschimpanzés ou lesbonobos, leschiens, lesrats et lestaurillons élevés enstabulation, l'homosexualité existant également dans le règne animal (elle a été observée chez quatre cent cinquante espèces[62], sur environ 1 750 000 connues actuellement[63]), la sodomie y est donc elle aussi présente, bien que ne concernant que les rapports homosexuels mâles.
↑« Sexualité anale : des réponses médicales aux questions des patients », surFMC-HGE(consulté le) :« Les complications de la sodomie librement consentie paraissent rares. Contrairement au vagin, le rectum n’est pas recouvert par un épithélium malpighien non kératinisé solide, protecteur, et n’a pas de lubrification naturelle. Il est donc beaucoup plus sensible à l’abrasion. »
Joseph-NicolasGuyot,Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, Paris, Visse, 1784-1785(lire en ligne)
Années 1980
Claude Courouve,Vocabulaire de l'homosexualité masculine, Paris, Payot, 1985 (en ligne, version augmentée et actualisée)
Mark D. Jordan,The Invention of Sodomy in Christian Theology,University of Chicago Press, 1998. Traduction :L'Invention de la sodomie dans la théologie médiévale, EPEL, 2007
Charlotte Webb,MasterClass: Anal Sex,The Erotic Print Society, 2006
Tristan Taormino,Tout savoir sur le plaisir anal (pour elle), Tabou, 2005
Bill Brent,Tout savoir sur le plaisir anal (pour lui), Tabou, 2005
Les Enfans de Sodome à l’Assemblée Nationale [1790], recueil de pamphlets anonymes parus au début de la Révolution française, notes et préface de Patrick Cardon, Lille, QuestionDeGenre/GKC, 2004
Charles Gueboguo, « L'homosexualité en Afrique : sens et variations d'hirer à nos jours »,Socio-logos,no 1,(DOI10.4000/socio-logos.37).
Nicolas Balutet,« Les géants sodomites dans les chroniques des Indes occidentales », dans Marianne Closson et Myriam White-Le Goff,Les Géants entre mythe et littérature, Artois Presses Université,(lire en ligne).
Jacques André, « Fist Fucking » (p. 56-57) et « Sodomie » (p. 112-114), dansLes 100 Mots de la sexualité, PUF,coll. « Que sais-je ? »,no 3909
Tristan Taormi,Le Guide Tabou du plaisir (pour elle !), Tabou Éditions, 2013
Thierry Pastorello, « L’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répressif et pénal »,Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique,nos 112-113,(DOI10.4000/chrhc.2151).
Thierry Pastorello, « La sodomie masculine dans les pamphlets révolutionnaires »,Annales historiques de la Révolution française,no 361,(DOI10.4000/ahrf.11698).
Françoise Biotti-Mache, « La condamnation à mort de l’homosexualité. De quelques rappels historiques »,Études sur la mort,vol. 1,no 147,,p. 67 à 93(lire en ligne, consulté le).
Rommel Mendès-Leite,« Sens et contexte dans les recherches sur les (homo)sexualités et le sida : réflexions sur le sexe anal », dans Rommel Mendès-Leite,Des mots, des pratiques et des risques : Études sur le genre, les sexualités et le sida, Presses universitaires de Lyon,(lire en ligne),p. 189-216.
Jonas Roelens,« Une femme comme toute autre : sodomie féminine, hermaphrodisme et sorcellerie à Bruges au xviie siècle », dans Pascal Hepner et Martine Valdher,La femme devant ses juges : De la fin du Moyen Âge au XXe siècle, Artois Presses Université,(lire en ligne).