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Unsnob, c'est-à-dire une personne qui fait preuve desnobisme, cherche à se distinguer ducommun des mortels. Désireux d'appartenir à uneélite, le snob tend à reproduire le comportement d'uneclasse sociale ou intellectuelle qu'il estime supérieure. Souvent, il imite les signes distinctifs de cette classe, qu'il s'agisse dulangage, desgoûts, desmodes ou des habitudes de vie. Il traite avec mépris ceux qu'il considère comme ses inférieurs.
Cette forme demimétismesocial, définie pour la première fois parWilliam Makepeace Thackeray, fut analysée par dessociologues tels que l'AméricainThorstein Veblen ou l'AllemandNorbert Elias. En outre, au cours duXXe siècle, le snobisme inspira des études théoriques et pratiques à différents auteurs, parmi lesquels lefrançaisMarcel Proust ou lesanglaisEvelyn Waugh etNancy Mitford.
À l'époque de l'Empire romain, pour récompenser lesplébéiens méritants, l'empereur les autorisait à inscrire leurs enfants dans les écoles réservées à l'élite, auxpatriciens (nobles).Cependant, pour bien marquer la différence entre les enfants nobles et ceux du peuple, les maîtres inscrivaient « s.nob. », abréviation de « sine nobilitate », en face du nom de ces derniers[réf. nécessaire].
Le motsnob a ensuite été repris par lesBritanniques. Il se réfère à une forme d'argot en usage dans lesannées 1820 parmi les étudiants duCollège d'Eton ou de l'université de Cambridge. Dans ce cas, selon leChambers Dictionary,snob signifie « homme de condition modeste ». Au lendemain de labataille de Waterloo, le Royaume-Uni connut une importanterévolution industrielle. Dans cette génération, nombreux furent les fils de la bourgeoisie qui eurent accès à de prestigieux établissements scolaires jusque-là fréquentés essentiellement par les enfants de l'aristocratie. L'appellation desnobs aurait alors désigné ces fils de la bourgeoisie par opposition auxnobs, les enfants de lanobility (noblesse), trop jeunes pour porter untitre nobiliaire et simplement qualifiés de « Honorables » : il importait de bien marquer la différence entre les deux classes sociales. Dans cette hypothèse, seule retenue par l'Académie française et considérée comme un exemple defausse étymologie (et derétroacronymie), l'étymologie desnob correspondrait aulatin « sine nobilitate » (« sans noblesse »)[1].
Une autre hypothèse avancée par les linguistes indique que le termesnob proviendrait plutôt d'un mot anglais d'origine populaire désignant le métier de cordonnier que les étudiants de Cambridge ont repris à leur compte pour désigner les personnes extérieures à l'université[2],[3].
Quoi qu'il en soit, dès le début desannées 1830nobs etsnobs formaient deux catégories bien distinctes, comme en témoigne un article duLincoln Herald en date du :« The snobs have lost their dirty seats – the honest nobs have got 'em. » (« Les snobs ont perdu les sièges qu'ils ne méritaient pas, et les honnêtes nobles les ont obtenus. »)[4].
Toutefois, le mot ne passa dans le langage courant qu'en1848, lorsque parut le célèbreLivre des snobs deThackeray, recueil de nombreux articles publiés par cet auteur dans le magazine satiriquePunch et qui popularisa le sens moderne du terme[5].
À l'orée duXXe siècle,Gustave Guiches (1860-1935) écrit unecomédie intituléeSnob, créée le authéâtre de la Renaissance, suivie en1913 parDer Snob, comédie dudramaturgeallemandCarl Sternheim (1878-1942). Dans les premières années du siècle,Bernard Shaw emploie le mot « snob » à propos d'un personnage qui juge les autres inférieurs à son rang.
DansÀ la recherche du temps perdu,Proust trace le portrait d’un certain nombre de snobs :Madame Verdurin et les membres de sa « coterie », l'ingénieur Legrandin et sa sœur la jeune marquise de Cambremer... Comme dans l’acception anglaise, le qualificatif de « snob » se situe pour lui à l’opposé de « noble ». DansLa Prisonnière, par exemple, il évoque une femme « snob bien que duchesse[6] ».
Le snobisme des personnages de Proust passe par le mimétisme avec la classe jugée supérieure – en l'occurrence, l'aristocratie – et par l'adoption de ses codes, y compris dans la prononciation de certains mots ou patronymes[7]. Ainsi, dansSodome et Gomorrhe,Mme de Cambremer née Legrandin a-t-elle appris à dire « Ch'nouville » au lieu de « Chenouville », « Uzai » pour « Uzès » ou « Rouan » pour « Rohan »[8]. Une jeune fille de la noblesse ayant dit devant elle « ma tante d'Uzai » et « mon onk de Rouan »,Mlle Legrandin (futureMme de Cambremer)« n'avait pas reconnu immédiatement les noms illustres qu'elle avait l'habitude de prononcer : Uzès et Rohan ; [...] la nuit suivante et le lendemain, elle avait répété avec ravissement :« ma tante d'Uzai » avec cette suppression de l'« s » final, suppression qui l'avait stupéfaite la veille, mais qu'il lui semblait maintenant si vulgaire de ne pas connaître qu'une de ses amies lui ayant parlé d'un buste de la duchesse d'Uzès,Mlle Legrandin lui avait répondu avec mauvaise humeur, et d'un ton hautain :« Vous pourriez au moins prononcer comme il faut : Mame d'Uzai »[9]. »
En Grande-Bretagne et en Nouvelle-Angleterre, au cours desannées 1950, la notion de snobisme a connu un intérêt accru auprès du grand public grâce au double concept deU and non-U. L'initialeU signifiaitupper class, autrement dit la classe dominante et son mode de vie. À l'inverse,non-U désignait non pas les milieux populaires mais lapetite bourgeoisie[10]. Cette classification était due au professeur delinguistiqueAlan S. C. Ross (en), qui en 1954 consacra un article à ce sujet dans une revue finlandaise[11]. L'article accordait une attention toute particulière aux différences de vocabulaire entre ces deux groupesU etnon-U.
La romancièreNancy Mitford écrivit la même année un essai sur ce thème,The English Aristocracy, publié parStephen Spender dans son magazineEncounter. Elle y proposait un glossaire comparatif entre des termes apparemment synonymes mais en réalité connotés selon l'appartenance à la classe sociale. Par exemple, le motlooking-glass (miroir) étaitU ; le motmirror ne l'était pas. ÉtaientU :drawing-room (salon),scent (parfum),schoolmaster (instituteur),spectacles (lunettes),vegetables (légumes),napkin (serviette de table),lavatory (WC),sofa. À l'inverse, étaientnon-U leurs équivalents :lounge,perfume,teacher,glasses,greens,serviette,toilet ouWC,settee.
Loin d'en percevoir les intentions humoristiques, le public prit ce texte très au sérieux. L'essai de Nancy Mitford fut réédité en 1956 dansNoblesse oblige : An Inquiry into the Identifiable Characteristics of the English Aristocracy, enrichi par des contributions d'Evelyn Waugh, deJohn Betjeman et d'autres auteurs, ainsi que par l'article d'Alan S. C. Ross. Un poème de Betjeman,How to Get on in Society, concluait l'ensemble.
L'extrême gravité avec laquelle l'opinion publique se passionna pour le débat « U et non-U » reflétait peut-être les inquiétudes de la petite bourgeoisie britannique confrontée aux privations de l'après-guerre. Relayée par les médias, l'idée se propagea que chacun pouvait « progresser » en adoptant la culture et les usages d'une classe plus « distinguée » – ou, au contraire, ne le devait à aucun prix[12]. Autrement dit, la différenciation entreU etnon-U, censée fournir le mode d'emploi des us et coutumes de l'upper class, servit de bréviaire aux snobs.
En France, dans sa chansonJ'suis snob (1954),Boris Vian affirme être « encore plus snob que tout à l'heure »[13].
Quelques années plus tard, le personnage deMarie-Chantal, inventé parJacques Chazot et incarné au cinéma parMarie Laforêt, représentera l'archétype de la jeune femme snob.
En 1967, dans l'épisodeMeurtres distingués de la sérieChapeau melon et bottes de cuir, l'intrigue tourne autour d'une école baptisée S.N.O.B. (Sociability, Nobility, Omnipotence, Breeding). Le professeur principal indique lui-même que le but de cette école est de faire« d'hommes vulgaires et sans éclat, des gentlemen" »[14].