Siptah, d'abord nomméRamsès-Siptah puisMérenptah-Siptah, est un roi de laXIXe dynastie, il succède àSéthi II, précède la reineTaousert, qui était d'ailleurs sa régente du fait de son jeune âge, et règne vers 1196 à 1190 avant l'ère commune[1].
Historiquement, du fait de la découverte d'éléments de viatiques funéraires d'une certaine Tiâa dans latombe de Siptah, on croyait que cette Tiâa était l'épouse deSéthi II et la mère de Siptah[2]. Cette opinion a persisté jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'un relief duMusée du Louvre (E 26901) associe le nom de Siptah au nom de sa mère, une certaine Souteritery[3] et que les éléments du viatiques funéraires de Tiâa provenait en fait de la tombeKV32, qui est en communication avec celle de Siptah et qui appartient à la reineTiâa, épouse du roiThoutmôsis IV.
Souteritery était peut-être un nom cananéen plutôt qu'un nom égyptien autochtone, ce qui signifierait qu'elle était une concubine cananéenne[3],[4]. Cependant,Dodson etHilton affirment que cela n'est pas correct[5].
L'identité de son père est actuellement inconnue bien qu'il s'agisse d'un roi car Siptah porte le titre de « fils du roi » sur le relief où sa mère est nommée ; certains égyptologues spéculent qu'il pourrait s'agir d'Amenmes plutôt que deSéthi II puisque Siptah et Amenmes ont tous deux passé leur jeunesse àAkhmîm[2] et que tous deux sont spécifiquement exclus de la procession deRamsès III àMédinet Habou des statues des rois ancestraux contrairement àMérenptah ouSéthi II. Cela suggère qu'Amenmes et Siptah étaient liés de telle manière qu'ils étaient considérés comme des souverains illégitimes et qu'ils étaient donc probablement père et fils[6]. En effet, si Siptah avait été un fils deSéthi II, il est peu probable qu'il aurait été considéré comme un roi illégitime par les rois duNouvel Empire de laXXe dynastie. De plus, le relief où est cité Souteritery semble daté de la période d'usurpation d'Amenmes[4]. Enfin, le manque de légitimité de Siptah devait être important pour qu'il ait besoin du chancelierBay pour pouvoir devenir roi, alors que s'il était simplement un fils deSéthi II et d'une concubine, sa légitimité aurait été plus grande et il n'aurait pas eu besoin d'une telle aide[4].
Un groupe statuaire de Siptah auMusée d'État d'Art égyptien de Munich (n° 122) montre le roi assis sur les genoux d'un autre, la partie représentant ce dernier est complètement détruite. Cette autre personnage a été interprété comme le père de Siptah : selon Dodson, le seul souverain de l'époque qui aurait pu être l'objet d'une telle destruction est Amenmes, et de même, il est le seul roi dont la progéniture a nécessité une promotion aussi explicite. La destruction de cette figure est susceptible d'avoir suivi de près la chute de Bay ou la mort de Siptah lui-même, lorsque toute réhabilitation éphémère d'Amenmes aura pris fin[7]. Toutefois, certains ont considéré que ce personnage détruit n'était pas son père mais son tuteur, le chancelierBay, qui avait en effet pris les rênes du pouvoir au début du règne de Siptah et, surtout, s’était accaparé certaines prérogatives royales[8].
Affligé d'une atrophie au pied, liée à une malformation génétique ou une poliomyélite[9], Ramsès-Siptah monte sur le trône âgé d'environ douze ans le2e jour duIer mois de la saisonPeret[10]. Il s'agit du chancelierBay, proche de feu le roiSéthi II, qui place Ramsès-Siptah sur le trône d'Égypte, probablement du fait de l'absence d'héritier deSéthi II encore en vie à la fin de son règne, son seul fils connu, le prince Séthi-Mérenptah, étant déjà mort à ce moment-là[9].Bay se vantera par ailleurs d'avoir placé Ramsès-Siptah sur le trône, signe de son propre pouvoir, comme il l'affirme sur une stèle non datée découverte à Assouan :
« Le chancelier du roi de Basse-Égypte, l'ami unique (?) qui écarte le mensonge et donne la Maât, celui qui a établi le roi (sur) le trône de son père, le grand chancelier du pays tout entier, Ramsès-Khâemnétcherou, Bay[9]. »
De même, auGebel Silsileh, sur un graffito à l'entrée du Spéos d'Horemheb, aux côtés du roi officiant devant Amon-Rê, Bay est présenté dans une pose d'adoration comme suit :
« Le grand chancelier du pays tout entier, qui a établi le roi sur le trône de son père, l'aimé de son maître, Bay[11]. »
Bay va plus loin dans sa volonté de montrer son pouvoir. En effet, comme mentionné précédemment, le groupe statuaire de Siptah àMunich (n° 122) montrant le roi assis sur les genoux d'un autre personnage (cette partie de la stutue est d'ailleurs très dégradée, probablement intentionnellement), a été interprété différemment par les chercheurs. Deux trônes sont présents, un trône pour chacun des personnages représentés, mais Siptah n'est pas assis sur le sien mais sur les genoux du second personnage dont les vêtements sont masculins, seuls ses pieds sont posés dessus. Si certains y voient un roi, d'autres y voient Bay car Amenmes est mort depuis plusieurs années et Taousert est une femme. Si cette dernière interprétation est juste, alors ce groupe statuaire symbolise le partage du pouvoir entre Siptah et Bay. Une autre double-statue, anépigraphe et aujourd'hui auMusée d'Édimbourg, montre un enfant roi sur les genoux d'un homme adulte lui-même agenouillé : le style ramesside et le personnage de l'enfant-roi permette de déduire qu'il s'agit très certainement de Siptah et Bay. Une autre statue, cette fois du taureauMnévis, était inscrite aux noms de Siptah (dont les cartouches ont été soigneusement effacés) et du chancelier Bay. Ces statues montrent le lien fort unissant ces deux personnages et l'ascendant qu'a Bay sur le roi[12].
Bay s'arroge également d'autres prérogatives royales : il commandite une tombe dans la nécropole royale qu'est laVallée des Rois en face de celle (KV47) de Siptah (il s'agit de la tombeKV13 réutilisée au cours de laXXe dynastie), probablement dès l'anII du règne[13] ; et il s'approprie une partie dutemple des millions d'années de Siptah, situé au nord decelui d'Amenhotep II, dont les dépôts de fondations sont aux noms du roi et du chancelier[14].
Toutefois, au cours de l'anII du règne,Ramsès-Siptah devientMérenptah-Siptah, sonnom de Nesout-bity change également, passant de Sékhâenrê à Akhenrê[19]. Ce changement detitulature indique très probablement un changement important de la trajectoire du règne : l'interprétation de son nouveaunom de Nesout-bity pourrait signifier qu'il se présente comme le protecteur et le continuateur (lAkh) de son père, probablementAmenmes, qui est assimilé à Rê ; l'interprétation de son nouveaunom de Sa-Rê pourrait indiquer que Siptah tient sa légitimité deMérenptah, étant son petit-fils , et non pas parRamsès II, son arrière-grand-père certes, mais à la nombreuse descendance[20].
De plus, c'est cette même année queTaousert,grande épouse royale de feuSéthi II, revient sur le devant de la scène. En effet, l'ostracon CJ 72452 indique que le8e jour duIer mois de la saisonPeret de l'anII, le vizirHoriII ordonna la reprise des travaux dans latombe de Taousert. Ceci prouve le retour en force de la reine cette année-là, et le changement de titulature du roi n'y est peut-être pas étranger[21].
Toutefois, le pouvoir est partagé à trois : les groupes statuaires montrant Bay et Siptah et mentionnés précédemment sont inscrits avec la sedonce titulature, permettant donc de les dater de cette période où Taousert est revenue sur le devant de la scène. De plus, deux graffiti inscrits par le commandant des troupes de Koush Pyay, l'un dans letemple d'Amada, l'autre dans legrand temple d'Abou Simbel, montrent Siptah, Bay et Taousert ensembles[22].
Bay a donc soit été exécuté, soit assassiné. Dans un cas comme dans l'autre, Taousert était probablement à la manœuvre, éliminant ainsi un adversaire dans le contrôle des affaires du royaume. À moins qu'il ne s'agisse déjà des prémices de la future ascension de Sethnakht, fondateur de laXXe dynastie[24]. Au delà de l'importance politique que ce message nous permet d'appréhender, il est probable que sa raison d'être était de notifier aux ouvriers deDeir el-Médineh de cesser tout travail de décoration de la tombe de Bay, puisque ce dernier était désormais considéré comme un traître à l'État.
Après la mort de Bay,Taousert devient la seule régente aux côtés de Siptah. À partir de ce moment-là, Taousert semble jouer le premier rôle, immitant peut-être en cela le rôle qu'Hatchepsout avait avecThoutmôsis III avant qu'elle ne deviennent pharaonne à part entière[25]. En tout cas, l'un des rares monuments de cette période, la stèle dite de Bilgai, indique que c'est la reine Taousert (dont le nom est par ailleurs martelé) et non le roi Mérenptah-Siptah (dont le nom en cartouche est également martelé) qui a commandité une chapelle en l'honneur deRamsès II[26]. Sa tombe continue d'être creusée et la reine est représentée avec Mérenptah-Siptah et portant le titre de « grande épouse royale », bien que ce titre renvoie à la relation qu'elle avait avec le roi défuntSéthi II, roi qui n'est pas représenté dans ces reliefs réalisés sous le règne de Mérenptah-Siptah[27].
Sontemple des millions d'années est insignifiant et il n'en subsiste pratiquement rien : en plus du fait que Bay s'en était approprié une partie, les dimenssions de ce temple sont bien moindres que celles des autres temples de ladynastie. Orienté est-ouest, il est situé au nord decelui d'Amenhotep II et au sud de celui deThoutmôsis III. Ce temple ne disposait pas de pylône, juste une enceinte et deux petites salles hypostyles, dont la première mesurait 18,28 mètres de largeur et 11,43 mètres de profondeur. Derrière les salles hypostyles se trouvait un petit sanctuaire et quelques chapelles et magasins[30].
En plus de satombe, sontemple des millions d'années et les statues et inscriptions mentionnées précédemment, Siptah laissa peu de témoignages :
il laisse sa trace àHermopolis, près de l'œuvre deSéthi II : il ajoute en effet sa titulature sous des représentations deSéthi II dans l'épaisseur du pylône du temple[31] ;
à Karnak, à l'est dutemple d'Amon près de l'enceinte, a été découverte une stèle à son nom le représentant avecAmon face à lui et la personnification féminine de la ville deThèbes, la déesse Ouaset, représentée dans son dos mais dans le même sens qu'Amon[32] ;
Siptah est enterré dans lavallée des Rois, dans la tombeKV47 qui resta inachevée à cause de la brièveté de son règne. En effet, seuls les trois premiers corridors et la première salle à piliers ont été décorés[30]. La tombe du souverain mesure 124,93 mètres pour un volume de 1 560,95 mètres cubes[34]. Siptah y fut bien enterré, mais la tombe fut pillée pendant laXXe dynastie et sa momie fut donc transférée dans une salle annexe de la tombe (KV35) d'Amenhotep II en l'anXIII du règne deNesbanebdjed Ier (Smendès) par legrand prêtre d'AmonPinedjem Ier[29].
Sarcophage externe de Siptah dans sa tombe de lavallée des Rois