Singe devant un squelette,huile sur toile du peintre autrichienGabriel von Max (1840-1915).Un petit singe confortablement installé dans les bras de sa mère. AuJava oriental en Indonésie. Février 2019.
Lessinges sont desmammifères de l'ordre desprimates, généralementarboricoles, à la face souvent glabre et caractérisés par unencéphale développé et de longs membres terminés par desdoigts. Bien que leur ressemblance avec l'être humain (Homo sapiens) ait toujours frappé les esprits, la science a mis de nombreux siècles à prouver le lien étroit qui existe entre ceux-ci et l'espèce humaine.
Au sein des primates, les singes forment uninfra-ordremonophylétique, si l'on y inclut le genreHomo, nomméSimiiformes et qui se divise entre lesPlatyrhiniens (singes du Nouveau Monde : Amérique centrale et méridionale) et lesCatarhiniens (singes de l'Ancien Monde : Afrique et Asie tropicales). Ces derniers comprennent leshominoïdes, également appelés « grands singes », dont fait partieHomo sapiens et ses ancêtres les plus proches.
Même s'il ne fait plus de doute aujourd'hui que« l'Homme est un singe comme les autres », l'expression est majoritairement utilisée pour parler des animaux sauvages, et évoque un référentiel culturel, littéraire et artistique qui exclut l'espèce humaine.
Contrairement aux oiseaux[Note 1], il n'existe pas, en français, d'organisme reconnu qui propose des noms uniques pour les espèces de singe. De ce fait, de nombreux singes, particulièrement en Amérique du Sud, possèdent plusieursnoms communs, au sens « nom de vulgarisation scientifique » en français. Les noms peuvent être calqués sur lesnoms scientifiques comme lesLagotriche ou sur lesnoms vernaculaires locaux commeSapajou[2].
En outre, du fait de la ressemblance morphologique entre espèces, beaucoup de noms vernaculaires désignent de fait plusieurs espèces, la progression des connaissances ayant permis ultérieurement de faire la différence entre elles. De plus, l'usage des noms vernaculaires a varié au cours du temps. Ainsi le termechimpanzé, quand il a été adopté en français, désignait indistinctement deux espèces, qui, après qu'elles furent différenciées, ont été nommées dans un premier temps « chimpanzé commun » et « chimpanzé nain », puis « chimpanzé commun » et « bonobo ».
Historique, découverte et classification
Descriptions antiques
La première description « scientifique » des singes qui nous soit parvenue date duIVe siècle av. J.-C. et revient auphilosophe grecAristote. Dans sonHistoire des animaux, il décrit le « singe » (ou « pithèque », probablement lemagot), le « cèbe » (lecercopithèque) et le « cynocéphale » (lebabouin), qui« ont une nature intermédiaire entre celle de l'homme et celle des quadrupèdes ». Il ajoute que le cèbe« est un singe qui a une queue » et que les cynocéphales leur ressemblent par leur forme,« sauf qu'ils sont plus grands, plus forts et que leur face ressemble plutôt à un museau de chien »[3],[4].
Pour lenaturalisteromain duIer sièclePline l'Ancien, les singes sont les animaux qui,« par leur conformation, ressemblent le plus à l'homme ». Dans L’Histoire naturelle, il cite aussi lescallitriches qui ne vivent que« sous le ciel d’Éthiopie », lescynocéphales et lessatyres[5]. Ces derniers sont assimilés à des singes qui vivent« dans les montagnes indiennes situées au levant équinoxial », dans un pays« dit des Catharcludes ». Ils« courent tant à quatre pattes que sur leurs deux pieds » et« ont la face humaine »[5].
Un siècle plus tard, le médecin grecGalien contourne l'interdiction par ledroit romain de disséquer des cadavres humains en pratiquant lavivisection de différents animaux, dont dessinges magots. Il constate en effet que« de tous les animaux le singe ressemble le plus à l'homme pour les viscères, les muselés, les artères, les nerfs et la forme des os »[6].
AuMoyen Âge, les singes acquièrent un statut d'animal de compagnie fort prisé des puissants.Macaques etcercopithèques sont importés très tôt en Europe où ils égaient les cours des princes et des évêques, parfois vêtus de riches habits. Le motif du singe est souvent repris dans lesenluminures, lesfresques et lessculptures, et symbolise la folie et la vanité de l'Homme. Leur représentation iconographique figure invariablement un collier et une chaîne, laquelle est parfois reliée à un billot de bois pour limiter les mouvements de l'animal dans la pièce[7].
Isidore de Séville, dans sonEtymologiae (paru en625), déconseille auxfemmes enceintes de regarder le visage d'animaux laids, comme le singe ou lecynocéphale. Il prétend qu'elles risquent alors d'accoucher d'un enfant aussi laid que ces créatures[8].Michel Pastoureau, dans sonBestiaires du Moyen Âge (2011), utilise cette croyance comme exemple dans son chapitre sur les singes. Il évoque alors que cet animal était longtemps considéré par les chrétiens comme une sorte de copie démoniaque de l'être humain.
Les descriptions antiques et médiévales étaient plus imaginatives que précises et se basaient sur les observations de singes présents surtout sur les pourtours dubassin méditerranéen et rapportées par les voyageurs.
Dès leXIVe siècle, le marchandvénitienMarco Polo rapporte qu'il y a dans le royaume d'Atjeh (sur l'île de Java) des hommes« qui ont une queue qui a bien une paume de long et n'est pas poilue »[10].
Le premier groupe est divisé en trois « familles », toujours selon les critères aristotéliciens de la longueur de la queue[11]. La première regroupe les « singes », c'est-à-dire les animaux« sans queue, dont la face est aplatie, dont les dents, les mains, les doigts et les ongles ressemblent à ceux de l'homme et qui, comme lui, marchent debout sur leurs deux pieds », et inclut l'Orang-outan, lePithèque et leGibbon. Les membres de la seconde famille sont appelés « babouins » et se caractérisent notamment par leur queue courte, leur face allongée et leur museau large et relevé. Buffon y inclut leBabouin proprement dit (ouPapion), leMandrill et l'Ouandérou et leLowando (qu'il suspecte d'appartenir à la même espèce). La dernière famille est celle des « guenons » qui ont la queue au moins aussi longue que le corps. Elles comptent neuf espèces : leMacaque (et l'Aigrette), lePatas, leMalbrouck (et leBonnet-chinois), leMangabey, laMone, leCallitriche, leMoustac, leTalapoin et leDouc.
Contrairement à Buffon, Linné ne fait pas de différences entre les espèces de l'Ancien et duNouveau Monde. La division interne du genreSimia est en effet basée sur l'antique distinction entre les animaux sans queue (les « singes des Anciens »,Simiae veterum), ceux à queue courte (les « babouins »,Papiones) et ceux à longue queue (les « guenons »,Cercopitheci).
En 1777, le naturaliste allemandJohann Christian Erxleben reprend cette première classification mais y inclut les travaux de Buffon en séparant lessinges du Nouveau Monde. Il réduit le genreSimia aux seuls singes sans queue et crée quatre nouveaux genres pour le reste :Papio pour les babouins,Cercopithecus pour les guenons,Cebus pour les sapajous etCallithrix pour les sagouins[14]. Il place en revanche l'unique espèce detarsiers décrite par Buffon dans le genreLemur (Lemur tarsier). On notera qu'afin de rester en accord avec les récits antiques, Erxleben construit les noms des deux genres américains à partir de racines greco-latines :Cebus évoque les « cèbes » d'Aristote alors queCallithrix fait écho au « callitriche » de Pline.
C'est ainsi que dès les années 1830, laclassification scientifique des singes atteint, dans ses grandes lignes, l'ordre qui prévaut encore auXXIe siècle et recense les principaux groupes d'espèces connus aujourd'hui[Note 4]. La principale exception à ce constat est la place réservée à l'espèce humaine, qui y est systématiquement rangée dans un groupe bien à part, les savants de l'époque rechignant à faire tomber l'ancestrale barrière entre « l'Homme » et « les bêtes sauvages ».
Le premier scientifique à avoir soutenu que les autres primates pouvaient être apparentés aux hommes estGiulio Cesare Vanini[19], avantCharles Darwin, dans lesannées 1600. L'affirmation du fait que l'homme est un singe est aujourd'hui banale, certains titres comme « L'homme est un singe comme les autres » soulignent cet état de fait[20].
En Afrique sub-saharienne (ici au Burkina Faso), les artistes s'inspirent également du singe pour sculpter leurs masquesStatue égyptienne debabouin de l'époqueptolémaïque.
Dans les mythologies et lescosmogonies, le singe occupe une place toute particulière et nombre de ses aspects symboliques se retrouvent d'une culture à l'autre.
Dans la Roue de l'existence tibétaine (voirRoue de l'existence karmique), il symbolise la Conscience versatile, celle qui, liée au monde sensible, se disperse d'un objet à l'autre. Réputé être l'ancêtre des Tibétains, qui le considèrent comme unBodhisattva, il est, selonSi Yeou Ki, le fils du Ciel et de la Terre. Il accompagne doncXuanzang (Hiun-Tsang) dans son voyage à la recherche des Livres saints du Bouddhisme. Il y apparaît comme le compagnon facétieux, magicien taoïste de grande envergure. LeRoi-Singe, dans l'art extrême oriental, évoque la sagesse, le détachement. C'est pourquoi les célèbresSinges du Jingoro, autemple de Nikko, sont représentés l'un se bouchant les oreilles, le second se cachant les yeux, le troisième se fermant la bouche. Une interprétation occulte plus ancienne tend à voir dans les trois sages de Jingoro la représentation d'un Singe créateur de toutes choses ici bas, conscient de l'illusion et de l'impermanence de la réalité.
Cette croyance se retrouve dans lepanthéon égyptien, où le singe est le scribe savant, celui qui possède la connaissance de la réalité. Il note la parole dePtah, le dieu créateur, comme celle d'Anubis, qui pèse l'âme des morts. Il apparaît enÉgypte comme le magicien suprême, artiste, ami des fleurs, des jardins, des fêtes, prestidigitateur puissant capable de lire les plus mystérieux hiéroglyphes. Il est donc l'animalpsychopompe par excellence, reliant la Terre et le Ciel. Il y est représenté comme celui qui gouverne les heures, le maître du temps privilégié. Lors du voyage des morts de vie en vie,Champollion mentionne un singe vert accompagnant le Dieu Pooh, dans une portion de l'espace située entre la Terre et la Lune, lieu du séjour des âmes. Pooh y est représenté« accompagné du cynocéphale dont la posture indique le lever de la lune (Champollion, Panthéon égyptien) ». Pour les Éyptiens, le singe est un grand initié qui doit être évité dans l'autre monde où il pêche les âmes dans le réseau de ses filets.
Chez lesFali du Nord Cameroun, le singe noir est un avatar du forgeron voleur de feu, devenant ainsi, par extension, le magicien et maître de la technique. Indéniablement, le Singe est un initié.
Chez les indiensBororo,Claude Levi-Strauss rapporte qu'il est le héros civilisateur, l'inventeur de la technique, le malin magicien qui masque ses pouvoirs et son intelligence rusée. Il convient de ne pas rire de lui car le Singe aura le dessus.
Un singulier singe vert apparaît dans de nombreux contes traditionnels africains, du Sénégal jusqu'en Afrique du Sud, et revêt les caractéristiques symboliques du magicien rusé : celui qui vit en lisière des forêts et connaît les secrets de la création du monde.
Dans lamythologie hindoue, l'épopée deRamayana fait du singe le sauveur de Dieu au moment du passage du « grand pont ». Rêver d'un singe est un appel en faveur d'un développement de la personne lié au mystère de la création à la puissance de la Nature.
Pour les Égyptiens de l'antiquité, c'était l'un des douze animaux sacrés associés aux douze heures du jour et de la nuit en plus de l'un des aspects deThot avec l'Ibis.
Signe astrologique
Lesinge est un des 12 animaux illustrant les cycles duzodiaque chinois lié aucalendrier chinois. On associe chacun des animaux de ce zodiaque à certains traits de personnalité.
L'art martial du singe considère l'animal comme incarnant les qualités suivantes : adresse, agilité, ruse, souplesse. Ses techniques sont imprévisibles. Ses parades sont acrobatiques. Ses frappes sont très courtes et très rapides, dans les points vitaux. Les grimaces du singe y sont imitées. Aussi, il est utilisé pour stimuler le cœur, en travaillant sur l'amplitude et la vitesse.
Certains singes du genreCebus (Sapajous) sont dressés pour pouvoir aider au quotidien les personnes diminuées dans leur capacité motrice et ainsi accroître leur autonomie.
Animaux de laboratoire
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↑"Le singe est une bête qui imite volontiers ce qu'elle voit faire aux hommes. Il est tout réjoui à la nouvelle lune, mais la pleine lune l'afflige et lui trouble le cœur d'une grande mélancolie. Et sachez que la femelle du singe porte deux petits à chaque portée, et qu'elle aime l'un des deux beaucoup plus que l'autre ; cela explique ce qui arrive quand on lui donne la chasse : elle porte le fils qu'elle aime dans ses bras, et l'autre est sur ses épaules, et elle s'enfuit ainsi aussi vite qu'elle peut. Mais lorsque la chasse approche, et qu'on la serre de si près qu'elle craint pour sa propre vie, elle est dans la nécessité d'abandonner son enfant chéri, mais l'autre se tient si fermement au cou de sa mère qu'il échappe au danger lorsque sa mère s'enfuit."Brunetto Latini, Le Livre du Trésor, livre I, CLXXXXVI, traduction par Gabriel Bianciotto,lire en ligne, en ancien français.
↑(en)John EdwardGray, « An outline of an attempt at the disposition of the Mammalia into tribes and families with a list of the genera apparently appertaining to each tribe »,Annals of Phylosophy,vol. 10,,p. 337-344(lire en ligne)