Harry Sinclair Lewis, né le et mort le, est unromancier etdramaturgeaméricain majeur des années1920 et1930. En1930, il est le premier Américain à recevoir leprix Nobel de littérature. Ce prix récompense tout particulièrementBabbitt (1922), l’un de ses romans les plus connus, dont le nom est devenu un mot du langage courant.
Ses romans sont à la fois des chroniquesnaturalistes de lasociété américaine moderne, de ses « petites villes » (small town), de sa classe moyenne aisée, et une peinture satirique de sa monotonie, de sa vulgarité affairiste etconsumériste, de sabigoterie et de sonhypocrisie. Les caricatures dévastatrices de Lewis, bien que compréhensives, ont suscité de violentespolémiques[1].
Maison d’enfance de Lewis et cabinet du docteur Lewis.
Sinclair Lewis est né le àSauk Centre, un petit village duMinnesota, fondé en1857, dont la rue principale inspireraMain Street[2].
Il est le troisième fils de Edwin J. Lewis et de Emma Kermott. Ses deux frères sont nés en1875 (Fred) et1878 (Claude). Le père de Lewis était un honnête et sévère médecin de campagne dont la discipline et la ponctualité étaient aussi proverbiales que celles deKant, et il prit une part active à la vie de la communauté, en tant que membre des conseils scolaire et de la bibliothèque[3].
La mère de Lewis, née en1849, souffrant de latuberculose, meurt en1891. Edwin Lewis doit s’occuper seul de ses trois jeunes fils ; pressé par ses amis de leur trouver une mère, il se remarie l'année suivante avec Isabel Werner, une femme décrite comme réservée et maternelle[4].
Enfant chétif et solitaire, Sinclair ne rêve que de voyages et d'aventures, afin d'échapper à la vie étouffante de sa petite ville. Il lit les livres de la bibliothèque de son père, puis de la bibliothèque Bryant construite en1904,Charles Dickens,Walter Scott,Grote,Henry Longfellow font partie de ses lectures favorites.
Il étudie àOberlin College, un collège protestant dans l'Ohio, puis intègre l'Université Yale, sur la côte Est desÉtats-Unis, dont il sort diplômé en 1908. Il interrompt brièvement ses années universitaires pour intégrerHelicon Hall, la colonie coopérative d'Upton Sinclair dans leNew Jersey, puis pour se rendre auPanama. Jusqu'en1915, il écrit des poèmes et des nouvelles, tout en travaillant pour des maisons d'édition. Il fréquente à cette époque plusieurs écrivains de gauche, comme Upton Sinclair,Jack London et le journalisteJohn Reed.
Ses premiers romans sont médiocres, et il vit de nouvelles, au ton optimiste, publiées dans des revues à grand tirage commeCollier's et leSaturday Evening Post.
Tout change pour lui en1920. Son romanMain Street, critique acerbe de la vie de province du midwest américain, inspiré de sa jeunesse à Sauk Center (déguisée sous le nom de « Gopher Prairie »), devient un véritable phénomène d'édition. En quatre mois, il s'en vend plus de 100 000 exemplaires. Le roman est le plus grandlivre à succès du premier quart de siècle auxÉtats-Unis et connaît également un succès critique. Le comité d'attribution duPrix Pulitzer lui préfère néanmoinsL'Âge de l'innocence d'Edith Wharton, que Lewis admire et à qui il dédicacera son roman suivant. Il est centré autour du personnage de Carol Milford, originaire de la (relativement) grande ville deSaint-Paul, Minnesota, qui s'installe à Gopher Prairie après son mariage avec le médecin local, le Dr. Kennicott. Romantique et idéaliste, Carol pense pouvoir embellir et moderniser la petite bourgade conservatrice, mais sera plutôt étouffée par son milieu.
Lewis poursuit dans la veine ouverte parMain Street au cours des années1920, durant lesquelles il devient le chef de file de l'écoleréaliste américaine. Son roman suivant,Babbitt, publié en1922, est lui aussi un classique immédiatement reconnu comme tel. Il met en scène George F. Babbitt, agent immobilier prospère, pilier de la chambre de commerce de la ville de Zenith, obsédé par les valeurs matérielles, et pourtant frustré par son existence centrée sur l'argent et la consommation. L'action se situe dans l'État américain imaginaire du Winnemac. Le roman, satirique, présente le premier portrait de l'Amérique des années1920, obsédée par la spéculation foncière et l'acquisition d'objets de consommation, devenus abordables, comme les automobiles ou les réfrigérateurs. Cette classe moyenne en voie d'embourgeoisement ignore complètement l'art et la littérature.
En1926, leprix Pulitzer lui est décerné pourArrowsmith, un roman mettant en scène un jeune médecin idéaliste confronté à une profession aussi avide d'argent et de prestige que le milieu des affaires de Babbitt. Lewis refuse le prix, affirmant qu'il devrait être accordé à un texte mettant en valeur les qualités positives de l'Amérique, et non à un roman critique comme le sien.
Sinclair Lewis publie, en1927,Elmer Gantry, histoire d'un ancien joueur defootball américain devenu prêcheur itinérant. Elmer Gantry, charlatan cynique, malhonnête et alcoolique, s'élève dans la société grâce à la religion. Lewis s'inspire deBilly Sunday, ex-joueur vedette de baseball, devenu le prêcheur protestant le plus célèbre de son époque au tournant duXXe siècle.
Le dernier roman classique de Lewis estSam Dodsworth, publié en1929, qui raconte l'histoire d'un couple d'Américains dont le mariage s'effondre lors d'un voyage enEurope.Le roman aura inspiré une pièce de théâtre et le scénario du filmJeunesse perdue (film, 1936) écrits parSidney Howard.
En1930, Lewis devient le premier écrivain américain à être honoré duprix Nobel de littérature. La réception du prix se déroule dans des conditions difficiles, que reflète son discours de remerciement.
Dans ce discours, intituléLa Peur américaine de la littérature, rappelant les appels au lynchage dont il a été victime, il dénonce en effet l'intolérance de son pays à l'égard des écrivains qui ne glorifient pas la « simplicité bucolique et puritaine de l'Oncle Sam » et l'individu américain, « grand, beau, riche, honnête et bon golfeur. »
Selon lui, bien que lesÉtats-Unis aient entièrement changé de visage avec la révolution industrielle, le réalisme social littéraire décrivant ces changements est violemment critiqué, au nom d'un idéal de vie américain vertueux défendu par les institutions universitaires et les académies des arts. Mais la nouvelle génération d'écrivains américains (Faulkner,Wolfe etHemingway, par exemple) s'est déjà émancipée de ce que Lewis nomme un provincialisme ennuyeux, pour décrire l'Amérique telle qu'elle est. Aussi espère-t-il voir son pays abandonner sa peur puérile de la littérature réaliste et satirique, pour parvenir à se doter de ce qui lui manque, malgré ses richesses et sa puissance, une civilisation « assez bonne pour satisfaire les désirs profonds de l'être humain[5]. »
Lewis est dans ces années le romancier américain le plus célèbre au monde, et presque toutes ses œuvres vont être adaptées aucinéma en quelques années, par des réalisateurs connus et moins connus, avec les plus grandes vedettes de l'époque.
Cependant, la valeur de ses romans baisse à partir de cette date. De sa production post-Nobel, seulIt Can't Happen Here (« Cela ne peut arriver ici ») publié en1935, approche de la qualité de ses œuvres des années1920. Buzz Windrip y est élu président des États-Unis, grâce à un programme populiste. Il établit en quelques mois une dictature personnelle qui débouche finalement sur l'effondrement du pays et la guerre civile. Inspiré par la montée du fascisme en Europe, le roman devient rapidement un succès aux États-Unis avec plus de320 000 copies vendues[6]. Il connaitra un regain de popularité inattendu à la suite de l'élection deDonald Trump à la présidence desÉtats-Unis en2016.
Les ventes des romans de Sinclair Lewis baissent de manière sensible à partir du milieu desannées 1930, alors qu'il mène une vie instable, voyageant de chambre d'hôtel en chambre d'hôtel et s'adonnant à la boisson.
Il se marie et divorce deux fois au cours de sa vie. Il a eu deux fils : Wells, qui est tué en France durant laSeconde Guerre mondiale, et Michael.
Alcoolique et physiquement miné, Sinclair meurt le àRome, lors d'un de ses nombreux voyages. Il est enterré dans sa ville natale.
Hike and the Aeroplane (1912 ; roman pour jeunes lecteurs)
Our Mr. Wrenn (1914)
The Trail of the Hawk (1915) ; édition originale française parue aux éditions du Siècle/Catalogne en 1933 sous le titreUne vie comme une autre.
The Innocents (1917)
The Job (1917) ; édition originale française parue à LaLibrairie Arthème Fayard en 1932 sous le titreUne femme dans la vie.
The Willow Walk (1918)
Free Air (1919) ; édition originale française parue chez Albin Michel en 1932 sous le titreCoups de pompe gratis.
Main Street (1920) : édition originale française parue aux éditions Jacques Haumont en 1932 sous le titreGrand-Rue.
Babbitt (1922) ; édition originale française parue à La Librairie Stock Delamain et Boutelleau en 1930 sous le même titre.
Arrowsmith (1925) ; édition originale française parue à La Librairie de Paris/Firmin Didot en 1931 sous le même titre.
Mantrap (1926) ; édition originale française parue chez Albin Michel en 1932 sous le titreLe Lac qui rêve.
Elmer Gantry (1927) ; édition originale française parue à LaLibrairie Arthème Fayard en 1932 sous le même titre.
The Man Who Knew Coolidge (1928) ; édition originale française parue à La Librairie de la revue française/Alexis Redier en 1931 sous le titreUn Américain parle.
Sam Dodsworth (1929) ; édition originale française parue chez Plon en 1931 sous le même titre.
Ann Vickers (1933) ; édition originale française parue à La Librairie Stock Delamain et Boutelleau en 1933 sous le même titre.
Work of Art (1934) ; édition originale française parue à La Librairie Stock Delamain et Boutelleau en 1933 sous le titreLe chef-d’œuvre.
From Main Street to Stockholm; letters of Sinclair Lewis, 1919-1930, éditées par Harrison Smith, New York, Harcourt, Brace 1952
Letters from Jack London: containing an unpublished correspondence between London and Sinclair Lewis, éditées par King Hendricks et Irving Shepard, London, MacGibbon & Kee, 1966
(en)Autobiographie sur le site de lafondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — leNobel Lecture — qui détaille ses apports)