Médecinviennois, Freud rencontre plusieurs personnalités importantes pour le développement de la psychanalyse, dont il est le principal théoricien. Son amitié avecWilhelm Fliess, sa collaboration avecJosef Breuer, l'influence deJean-Martin Charcot et des théories sur l'hypnose de l'École de la Salpêtrière vont le conduire à repenser les processus psychiques. Ses deux grandes découvertes sont lasexualité infantile et l'inconscient. Elles le conduisent à élaborer plusieurs théorisations des instances psychiques en rapport avec le concept d'inconscient, s'articulant autour durêve et de lanévrose, puis il propose une technique de thérapie, lacure psychanalytique. C'est dans le cadre de la cure, dès lesÉtudes sur l'hystérie publié en 1895, et particulièrement dans sa première analyse du « cas Dora », que Freud découvre peu à peu l'importance dutransfert.
Freud regroupe une génération de psychothérapeutes qui, pas à pas, élaborent la psychanalyse, d'abord en Autriche, en Suisse, à Berlin, puis à Paris, à Londres et auxÉtats-Unis. En dépit des scissions internes et des critiques, la psychanalyse s'installe dès 1920 comme une nouvelle discipline dans l'histoire des sciences. En 1938, Freud est menacé par le régime nazi et quitte Vienne pour s'exiler à Londres, où il meurt d'un cancer de la mâchoire en 1939.
En 1896, Freud introduit pour la première fois le terme « psycho-analyse » dans un article publié conjointement en français et en allemand : la « psychanalyse » est née. Celle-ci repose sur plusieurs hypothèses et concepts élaborés ou repris par Freud.« En tant que science, la psychanalyse n'est pas caractérisée par la matière qu'elle traite, mais par la technique avec laquelle elle travaille », écrit-il dansIntroduction à la psychanalyse[3],[4]. La technique de la cure, dès 1898 sous la forme de laméthode cathartique, avec Josef Breuer, puis le développement de la cure analytique, est le principal apport de la psychanalyse. L'hypothèse de l'inconscient approfondit la théorisation du psychisme. D'autres concepts vont, au fur et à mesure, développer et complexifier la théorie psychanalytique, que Freud décrit comme une« science de l'inconscient animique »[5], et le savoir sur les processus psychiques et thérapeutiques.
L'histoire de la vie de Freud est celle de la psychanalyse[Freud 1]. Elle a fait l'objet de nombreux articles et biographies[6] dont la plus connue est celle d'Ernest Jones (La Vie et l'Œuvre de Sigmund Freud, 1953 à 1958), proche contemporain de Freud[7]. Le premier biographe futFritz Wittels, qui a publié en 1924Freud : l'homme, la doctrine, l'école[6]. L'écrivainStefan Zweig a aussi écrit une biographie (La guérison par l'esprit, 1932)[8]. Le médecin de FreudMax Schur, devenu psychanalyste, a étudié son rapport à la mort dans la clinique et la théorie puis face à la maladie qui devait l'emporter en 1939 (La mort dans la vie et l'œuvre de Freud, 1972)[réf. souhaitée].
Didier Anzieu a publié en 1998, sous le titreL'auto-analyse de Freud et la découverte de la psychanalyse, une étude très détaillée de l'auto-analyse de Freud et du processus créatif qui en a découlé.Marthe Robert est l'auteur d'une biographie littéraire (La Révolution psychanalytique, 2002).Peter Gay a écritFreud une vie (1991)[9] ;Henri Ellenberger uneHistoire de la découverte de l'inconscient (1970)[10].
Sigmund Freud (/sigmundfʁød/[11] ou/fʁœjd/[11] ; en allemand :/ˈziːkmʊntˈfʁɔʏt/[12].) naîtSigismund Schlomo Freud le[13]. L'histoire de safamille, originaire deGalicie[B 1], est peu connue[D 1]. Troisième fils de Jakob Freud[14], négociant, certainement marchand de laine[D 2], et d'Amalia Nathanson (1836-1931), il est le premier enfant de son dernier mariage[note 1]. Sigmund est l'aîné de sa fratrie, composée de cinq sœurs (Anna, Rosa, Mitzi, Dolfi et Paula) et de deux frères, Julius, mort dans sa première année de vie, et Alexander[B 2].
Selon Henri Ellenberger,« la vie de Freud offre l'exemple d'une ascension sociale progressive depuis la classe moyenne inférieure jusqu'à la plus haute bourgeoisie »[D 3]. Sa famille suit ainsi la tendance à l'assimilation qui est celle de la plupart desjuifs viennois[D 4]. En effet il n'est pas élevé dans le strict respect de l'orthodoxie juive. Bien quecirconcis à la naissance, il reçoit une éducation éloignée de la tradition et ouverte à laphilosophie des Lumières. Il parle l'allemand, leyiddish et semble connaître l'espagnol à travers undialecte mêlé d'hébreu alors couramment employé dans la communautéséfarade deVienne, bien qu'il fût lui-mêmeashkénaze[D 4].
Il passe ses trois premières années à Freiberg, ville que sa famille quitte pourLeipzig avant de s'établir définitivement, en février 1860, dans le quartier juif de Vienne. Freud y réside jusqu'à son exil forcé à Londres en 1938, après l'Anschluss[D 5]. De 1860 à 1865, les Freud déménagent à plusieurs reprises avant de s'installer dans Pfeffergasse, dans le quartier deLeopoldstadt[D 6].
Recevant ses premières leçons de sa mère puis de son père, il est d'abord envoyé dans une école privée puis réussit à neuf ans l'épreuve d'admission au lycée de Leopoldstadt[15]. Brillant élève, il est le premier de sa classe pendant ses sept dernières années de scolarité secondaire au lycée communal, le « Sperlgymnasium ». Il a pour professeurs le naturalisteAlois Pokorny, l'historien Annaka, le professeur de religion juive Samuel Hammerschlag[16] et lepoliticien Victor von Kraus[D 7]. Il obtient la mention « excellent » à sonexamen de maturité en 1873. Après avoir brièvement incliné vers le droit sous l'influence d'un de ses amis,Heinrich Braun[15], il se montre ensuite plus intéressé par la carrière dezoologiste après avoir écouté la lecture parCarl Brühl d'un poème intituléNature, alors attribué à Goethe, lors d'une conférence publique[D 8]. Cependant il choisit la médecine[B 3] et s'inscrit à l'université de Vienne à la rentrée d'hiver 1873. Il se passionne pour labiologie darwinienne,« qui servira de modèle à tous ses travaux »[17].
Sigmund Freud rencontreMartha Bernays en 1882. Il ne l'épousera qu'en 1886 ; quatre tomes (sur cinq au total) de l'édition intégrale des « Brautbriefe » (« Lettres de fiançailles ») sont parus depuis 2011[18].
Il obtient son diplôme de médecin le 31 mars 1881 après huit années d'études, au lieu des cinq attendues, durant lesquelles il a effectué deux séjours en 1876 dans la station de zoologie marine expérimentale deTrieste, sous la responsabilité deCarl Claus[C 1], puis pour travailler de 1876 à 1882 auprès d'Ernst Wilhelm von Brücke[B 4], dont les théories rigoureusement physiologiques l'influencent[D 9].
Il profite de sa période de service militaire, en 1879-1880, pour commencer la traduction de travaux du philosopheJohn Stuart Mill[20] et approfondir sa connaissance des théories deCharles Darwin[B 6]. Il assiste aux cours deFranz Brentano et litLes Penseurs de la Grèce deTheodor Gomperz et surtout les volumes de l'Histoire de la civilisation grecque deJacob Burckhardt. Il passe ensuite ses premiers examens en juin 1880 et en mars 1881 et obtient son diplôme le 31 mars 1881, devenant alors à titre temporaire préparateur dans le laboratoire de Brücke. Il travaille ensuite deux semestres dans le laboratoire de chimie du professeur Ludwig. Il poursuit ses rechercheshistologiques[D 10], et se montre impressionné par les démonstrations du magnétiseur danois Carl Hansen auxquelles il assiste en 1880[21].
Le 31 juillet 1881 il est recruté comme assistant chirurgien auprès deTheodor Billroth à l'hôpital général de Vienne ; il n'occupe ce poste que durant deux mois[22].
En juin 1882, il s'installe comme médecin praticien, sans grand enthousiasme toutefois[D 10]. Deux explications existent sur ce point. Selon Freud lui-même, Brücke lui a conseillé de commencer à pratiquer en hôpital pour se faire une situation alors que pourSiegfried Bernfeld etErnest Jones, ses biographes, c'est son projet de mariage qui l'oblige à renoncer au plaisir de la recherche en laboratoire. Sigmund Freud a en effet rencontréMartha Bernays, issue d'une famille commerçante juive, en juin 1882[B 7], et très tôt les conventions familiales alors en vigueur obligent les deux fiancés à se marier, d'autant plus que leur situation financière est très précaire[D 11]. Néanmoins, le jeune couple ne se marie qu'en 1886, Freud ayant conditionné son alliance avec Martha Bernays à l'obtention de son cabinet de consultation. En octobre 1882, il entre dans le service de chirurgie de l'hôpital de Vienne, alors l'un des centres les plus réputés du monde[D 11]. Après deux mois, il travaille comme aspirant, sous la responsabilité du médecin Nothnagel et ce jusqu'en avril 1883. Brücke lui obtient le titre dePrivat-docent enneuropathologie[23]. Il est nommé le1er mai 1883Sekundararzt au service de psychiatrie deTheodor Meynert dans lequel il poursuit des études histologiques sur la moelle épinière, jusqu'en 1886[D 12].
En septembre 1883, il entre dans la quatrième division du docteur Scholtz. Il y acquiert une expérience clinique auprès de malades nerveux. En décembre de la même année, à la suite de la lecture d'un article du docteur Aschenbrandt, il se livre à des expériences sur la cocaïne et en déduit qu'elle a une efficacité sur la fatigue et les symptômes de laneurasthénie[réf. nécessaire]. Dans son article de juillet 1884,« Über Coca »[Freud 2], il conseille son usage pour de multiples troubles.
Freud, à la suite de la lecture d'un texte qui propose de traiter la morphinomanie par la cocaïne, traite son ami et collègue au Laboratoire de PhysiologieErnst Fleischl von Marxow : celui-ci était devenumorphinomane après avoir eu recours à lamorphine pour calmer la douleur insupportable occasionnée par une blessure à la main qui s'était infectée et dunévrome qui s'y était développé. Freud, qui avait découvert la cocaïne en 1884, tenta de guérir son ami de sa morphinomanie en lui conseillant de prendre de la cocaïne, mais Fleischl« sombra dans une cocaïnomanie pire que sa morphinomanie antérieure ». Il mourut en 1891 très détérioré physiquement et mentalement. L'administration locale de la cocaïne était une méthode à laquelle recourait Fliess pour soigner les affections nasales.Didier Anzieu note le sentiment de culpabilité de Freud lié à la personne de Fleischl, dont« le nom assone avec celui de Wilhelm Fliess » et qui revient dans plusieurs rêves deL'Interprétation du rêve comme « L'injection faite à Irma », la « Monographie botanique », le rêve « Non vixit »[24]…
Bien qu'il l'ait nié publiquement à de nombreuses reprises, Freud fut consommateur de cocaïne entre 1884 et 1895, comme l'atteste sa correspondance[25],[Freud 3],[26]. Il travaille sur sa découverte avecCarl Koller, qui mène alors des recherches sur un moyen d'anesthésier l'œil en vue de pratiquer des opérations peu invasives. Celui-ci informe ensuiteLeopold Königstein qui applique cette méthode à la chirurgie. Tous deux communiquent leur découverte lors de la Société des médecins de Vienne en 1884, sans mentionner la primauté des travaux de Freud[D 13],[C 4].
Le jeune médecin est ensuite affecté au service d'ophtalmologie de mars à mai 1884, puis dans celui de dermatologie. Il y rédige un article sur le nerf auditif[Freud 4] qui reçoit un accueil favorable. En juin, il passe l'examen oral pour le poste dePrivat-docent, et y présente son dernier article. Il est nommé le et, voyant sa demande de bourse de voyage acceptée, il décide de poursuivre sa formation à Paris, dans le service deJean-Martin Charcot à l'hôpital de la Salpêtrière. Après six semaines de vacances auprès de sa fiancée, Freud s'installe donc dans cette ville. Admirateur du neurologue français, qu'il rencontre la première fois le, il lui propose de traduire ses écrits en allemand. Dès lors, Charcot le remarque et l'invite à ses somptueuses soirées dufaubourg Saint-Germain[B 8]. Cependant, il semble que Freud n'ait pas passé autant de temps qu'il le dit auprès de Charcot, puisqu'il quitte Paris le 28 février 1886[C 5] ; il en retire néanmoins toujours de la fierté et fait de ce séjour à Paris un moment clé de son existence[D 14]. Il reste en outre en contact épistolaire avec Charcot.
En, Freud étudie la pédiatrie à Berlin, auprès du pédiatre Alfred Baginsky[27] et revient finalement à Vienne en avril. Il ouvre un cabinet sur la Rathausstrasse où il s'installe comme médecin privé[27]. Il travaille également trois après-midi par semaine comme neurologue à la clinique Steindlgasse à l'« Erste Öffentliche Kinder-Krankeninstitut » (« Premier institut public pour enfants malades ») dirigé par le professeur Max Kassowitz[27]. Il donne des consultations au service de neurologie de 1886 à 1896 à l'Institut Max-Kassowitz[28], hôpital pédiatrique privé. Il rédige son rapport sur l'hypnotisme, tel qu'il est pratiqué par l'École de la Salpêtrière, devant les membres du Club de physiologie et devant ceux de la Société de psychiatrie, tout en organisant les préparatifs de son mariage. Un article d'Albrecht Erlenmeyer le critique vivement quant aux dangers de l'usage de la cocaïne. Freud finit de traduire un volume des leçons de Charcot, qui paraît en juillet 1886 et dont il rédige la préface. Après quelques mois de service militaire àOlmütz comme médecin de bataillon, Freud épouseMartha Bernays en septembre 1886[27] àWandsbek ; ils passent leur voyage de noces sur la mer Baltique.
Le, devant la Société des médecins de Vienne[D 15], Freud fait une allocution concernant l'hystérie masculine, discours publié sous le titre de« Beiträge zur Kasuistik der Hysterie ». Ce thème est alors polémique, d'autant plus que la conception classique de Charcot oppose l'hystérie post-traumatique à une hystérie dite simulée. S'appuyant sur la distinction entre « grande hystérie » (caractérisée par desconvulsions et une hémianesthésie) et la « petite hystérie », et sur un cas pratique examiné à la Salpêtrière, Freud explique que l'hystérie masculine est plus fréquente que ce que les spécialistes observent habituellement[D 16]. Pour Freud, lanévrose traumatique appartient au champ de l'hystérie masculine. La Société s'insurge contre cette opinion qui est, de plus, déjà connue des neurologues viennois. Selon Ellenberger, l'idéalisation de Freud pour Charcot lui vaut l'irritation de la Société, agacée par son attitude hautaine[D 17]. Blessé, Freud présente alors à la Société un cas d'hystérie masculine afin d'étayer sa théorie. La Société l'entend de nouveau, mais l’éconduit. Contrairement à une certaine légende autour de cet événement[D 18], Freud ne se retire pas de la Société ; il en devient même membre le[réf. souhaitée].
La rencontre avec Wilhelm Fliess et la première topique
Cette année-là, il fait la rencontre de Wilhelm Fliess, un médecin de Berlin qui poursuit des recherches sur laphysiologie et labisexualité, avec lequel il entretient une correspondance scientifique amicale[D 19],[B 9], mais toutefois ambiguë[C 6]. Par ailleurs, la famille Freud accumule les dettes, le cabinet médical n'attirant pas une abondante clientèle. De plus, Meynert se brouille avec Freud en 1889, à propos de la théorie de Charcot. En 1889, Freud se dit très seul ; il ne peut communiquer réellement qu'avec ses amis Josef Breuer et Jean Leguirec. Ainsi il écrit :« j'étais totalement isolé. À Vienne on m'évitait, à l'étranger on ne s'intéressait pas à moi »[29]. Freud et Martha ont six enfants : Mathilde (1887-1978), Jean-Martin (1889-1967), Oliver (1891-1969), Ernst (1892-1970), Sophie (1893-1920) etAnna Freud (1895-1982)[réf. souhaitée].
À partir de ce moment, la pensée de Freud évolue : la fréquentation de l'école de Bernheim en 1889 va le détourner de Charcot. Freud se prononce contre une interprétation matérialiste de l'hypnose qu'il défend à l'encontre du dénigrement dont elle fait l'objet de la part de ses adversaires[30] : il traduit l'ouvrage d'Hippolyte Bernheim,De la suggestion et des applications thérapeutiques et aborde la technique de l'hypnose. Il se rend à Nancy, à l'école de Bernheim, et rencontreAmbroise-Auguste Liébeault en 1889 pour confirmer son opinion sur l'hypnose. Il y apprend que les hystériques conservent une forme de lucidité envers leurs symptômes, savoir qui peut être mobilisé par l'intervention d'un tiers, une idée qu'il reprend ultérieurement dans sa conception de l'inconscient[B 10], mais il conclut que l'hypnose n'a que peu d'efficacité dans le traitement général des cas pathologiques. Il pressent que le passé du patient doit jouer un rôle dans la compréhension des symptômes. Il préfère la « cure par la parole » de son ami Breuer[C 7],[E 1]. Après cette visite, il participe, du 6 au, au Congrès international de psychologie physiologique de Paris, mais regagne Vienne avant la fin du Congrès[31].
En 1891, Freud publie son travail sur les paralysies cérébrales unilatérales chez les enfants, en collaboration avec Oscar Rie, pédiatre viennois. Puis il travaille à son étude critique des théories sur l'aphasie,Contribution à la conception des aphasies. Sa distance avec la pensée de Charcot y est maximale ; il y esquisse un« appareil de langage »[32] permettant de rendre compte des troubles de la fonction langagière, et commence d'introduire à l'occasion de cette étude sa notion distinctive de« représentation de mot » et de « représentation de chose »[33]. Ce modèle préfigure l'« appareil psychique » de lapremière topique. En 1892, il édite sa traduction de l'ouvrage de Bernheim sous le titreHypnotisme, suggestion, psychothérapie : études nouvelles et il expose devant le Club médical viennois une conception proche de Charcot[Freud 5].
En 1893, Freud publie plusieurs articles sur l'hystérie en collaboration avec Josef Breuer et en particulier l'essaiLe Mécanisme psychique des phénomènes hystériques (Communication préliminaire.). Il y défend la conception névrotique de l'hystérie, tout en proposant« une méthode thérapeutique fondée sur les notions decatharsis et d'abréaction »[D 20]. En 1894, avec son article « Névro-psychoses de défense », il se focalise sur laphobie. Il souffre de symptômes cardiaques et cesse de fumer. S'occupant de l'hystérie d'une patiente, nommée « Emma », Freud, influencé par la théorie de labisexualité de Fliess[B 11], lui demande d'opérer la jeune femme du nez, car il pense que sa névrose y est liée. Mais Fliess oublie lagaze iodoformée dans le nez de la patiente. Freud fait ensuite un rêve marquant (le rêve dit de « L'injection faite à Irma ») qu'il relie à cet incident et entreprend d'en analyser le sens au moyen de la méthode de l'association libre ;« cette étude devait devenir, [note Ellenberger], le prototype de toute analyse des rêves »[D 21],[note 2].
L'invention de la psychanalyse : de l'hypnose à la cure psychanalytique (1893–1905)
Avant sa découverte de lasexualité infantile, Freud va professer dans les années 1895-1897 lathéorie de la séduction, selon laquelle la cause despsychonévroses (l'hystérie et lanévrose obsessionnelle) est une séduction sexuelle dont la patiente ou le patient aurait été victime avant lapuberté[34],[note 3]. L'abandon par Freud de saneurotica (Lettre à Wilhelm Fliess du 21 septembre 1897)[Freud 6] — comme il appelle aussi sa première théorie — a donné lieu à une abondante littérature[34]. Il est habituel de considérer que cet abandon représente l'un des moments fondateurs de la construction de la théorie psychanalytique et de l'abandon du modèle neurologique[35].
Dans la note de 1924 auxNouvelles remarques sur les psychonévroses de défense (1896), Freud passe toutefois« directement de la théorie de la séduction à la sexualité infantile », la logique de la théorie de la séduction conduisant, d'aprèsYvon Brès, à la théorie de lasexualité prégénitale« encore plus directement qu'à la découverte du complexe d'Œdipe, car la notion même d'un plaisir sexuel prégénital y est presque clairement incluse » (chez la petite fille et surtout chez le petit garçon« futurs obsessionnels) »[34],[note 4].
En 1895,Josef Breuer et Freud publient leursÉtudes sur l'hystérie, ouvrage théorique et reccueil de différents cas cliniques qu'ils ont traités depuis 1893, dont celui d'Anna O. Cette patiente de Breuer, de son vrai nom Bertha Pappenheim, est présentée comme un exemple type de curecathartique[B 12]. Avant de devenir lacure psychanalytique au sens strict, Freud a en effet dû abandonner lasuggestion et l'hypnose, puis la méthode cathartique de Breuer, et prendre en compte le transfert, c'est-à-dire la reviviscence des émois pulsionnels de l'enfance du patient refoulés qui sont déplacés et adressés à l'analyste[B 13]. C'est en effet le transfert qui met Freud sur la voie d'une nouvelle approche, la reviviscence du vécu infantile refoulé qui anime le transfert informant sur la nature du conflit psychique dans lequel le patient est pris[réf. nécessaire].
Pour forger sa nouvelle théorie, Freud a besoin d'introduire un nouveau terme : la « psycho-analyse ». Celui-ci apparaît pour la première fois en 1896 avec la publication d'un article conjointement diffusé en langue française d'abord, le 30 mars, puis en langue allemande le 15 mai suivant[36],[D 22],[B 14]. Composé du grecana (qui désigne la « remontée vers l'originaire », l'élémentaire) et delysis (la « dissolution »)[37], le terme désigne dès le départ la recherche des souvenirs archaïques en lien avec lessymptômes[B 15]. Dès lors Freud rompt avecBreuer demeuré fidèle à la cure cathartique, et commence la rédaction d'un essai qui restera inachevé et ne sera publié d'après sa mort :Esquisse d'une psychologie scientifique. Dans le courant de l'année, il écrit un second article en français « L'hérédité et l'étiologie des névroses[Freud 7] » dans lequel il développe sa nouvelle conception. Ces deux articles marquent un tournant majeur dans la conception des cas pathologiques et des possibiliés curatives et vont imposer l'introduction de cette nouvelle « psycho-analyse » dans la littérature spécialisée et la communauté scientifique[38]. Freud va ensuite entreprendre la rédaction de« Zur Äthiologie der Hysterie » (« L'Étiologie de l'hystérie »).
Le, devant la Société de psychiatrie viennoise, présidée par Hermann Nothnagel etKrafft-Ebing, on lui délivre le titre d'« Extraordinarius »[note 5],[B 16]. Lors du Congrès international de psychologie à Munich en, le nom de Freud est cité parmi les autorités les plus compétentes dans le domaine alors qu'en 1897 Albert Willem Van Renterghem, psychiatre néerlandais, le cite comme l'une des figures de l'École de Nancy[D 23].
Après la mort de son père le, Freud s'intéresse exclusivement à l'analyse de ses rêves et se livre à un« travail de fouille dans son passé »[A 1]. Nourrissant de la culpabilité envers son père, il entreprend uneauto-analyse. Il dit tenter d'analyser sa« petite hystérie » et ambitionner de mettre au jour la nature de l'appareil psychologique et de la névrose[D 21]. Lors de cette auto-analyse[B 17], et après avoir abandonné sa théorie de l'hystérie, ses souvenirs d'enfance affluent. Celui de sa nourrice lui permet de développer la notion de « souvenir écran » par exemple alors qu'il voit dans les sentiments amoureux pour sa mère et dans sa jalousie pour son père une structure universelle qu'il rattache à l'histoire d'Œdipe et d'Hamlet[D 21]. Ses analyses de patients lui apportent des arguments dans l'édification d'une nouvelle conception, qui lui permet de revoir et l'hystérie et les obsessions. La correspondance avec Fliess témoigne de cette évolution de sa pensée ; c'est notamment dans une lettre du que Freud évoque pour la première fois la« légende grecque » d'Œdipe[Freud 8] ». Le neurologue viennois explique ainsi :« J’ai trouvé en moi comme partout ailleurs des sentiments d’amour envers ma mère et de jalousie envers mon père, sentiments qui sont, je pense, communs à tous les jeunes enfants »[B 18].
L'Interprétation du rêve et autres textes fondateurs
Il annonce à Fliess, au début de l'année 1898, qu'il compte publier un ouvrage sur l'analyse des rêves, et, après une période de dépression, il publieL'Interprétation du rêve (« Die Traumdeutung »)[D 24],[C 8]. Il s'agit d'un ouvrage « autobiographique » dans la mesure où Freud se base en partie sur le matériel de ses propres rêves. Cette période d'auto-analyse mêlée de névrose est, selonHenri Ellenberger, caractéristique de la« maladie créatrice », phase de dépression et de travail intense qui a permis à Freud d'élaborer la psychanalyse en dépassant ses problèmes personnels[D 25]. En novembre 1898, Freud se préoccupe des phases infantiles à dominante sexuelle dans son œuvre« Die Sexualität in der Ätiologie der Neurosen » (La sexualité dans l'étiologie des névroses). Dans cet ouvrage, Freud utilise le terme de « psychonévrose » délimité de la « neurasthénie »[40]
Sa situation, tant sociale que financière, s'améliore ; de 1899 à 1900, il exerce les fonctions d'assesseur de laRoyal Society[41] de Londres enpsychiatrie etneurologie pour la revue« Jahrbuch für Psychiatrie und Neurologie ». Par ailleurs, il travaille intensément à ses recherches et se dépeint comme un « conquistador[C 9] ». Il jouit en effet d'une clientèle lucrative et est reconnu par la société viennoise. En, il se sent capable de visiter Rome, en compagnie de son frère Alexander. La « Ville éternelle » l'a« toujours fasciné » et Freud, en raison de saphobie des voyages[B 19],[A 2], a toujours remis à plus tard sa visite de l'Italie[B 20]. À Rome, il est « impressionné » par leMoïse deMichel-Ange[B 21]. Quelques années après, en 1914, il publie anonymement, dans la revueImago, un essai intitulé« Der Moses des Michelangelo » (« Le Moïse de Michel-Ange »), dans lequel il oppose les deux figures, celle historique et celle mythique, du libérateur du peuple juif,Moïse[42].
Lors d'un passage àDubrovnik (alors Raguse), Freud suppose que le mécanisme psychique dulapsus est révélateur d'un complexe inconscient[B 22]. La même année, deux psychiatres suisses,Carl Gustav Jung etLudwig Binswanger deZurich, se rallient à la psychanalyse naissante et, grâce à l'« école de Zurich », le mouvement s'amplifie en Europe et aux États-Unis[E 2]. Auparavant, en 1901,Eugen Bleuler, avec qui Freud commence une correspondance, est extrêmement impressionné parL'Interprétation des rêves. Il a en effet demandé à son second, Jung, de présenter l'ouvrage à l'équipe psychiatrique duBurghölzi. La Suisse devient ainsi une alliée de poids dans le développement du mouvement psychanalytique et ce dès 1900[43].
De retour à Vienne, Freud rompt tout échange avec Fliess en 1902. Puis, il présente ses opinions scientifiques au cours de plusieurs conférences, devant le« Doktorenkollegium » de Vienne, puis devant leB'nai B'rith, un cercle de juifs laïcs dont il était devenu membre en 1897[44],[45],[46] ; elles sont bien accueillies. En automne 1902, sur l'initiative deWilhelm Stekel, Freud réunit autour de lui un groupe d'intéressés, qui prend le nom de« Psychologische Mittwoch Gesellschaft » (« Société psychologique du Mercredi ») et qui, chaque mercredi, discute de psychanalyse[note 6],[47]. Selon Ellenberger, à partir de cette date, la vie de Freud se confond avec l'histoire du mouvement psychanalytique[D 23],[E 3]. En France, ses travaux sont mentionnés lors du Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de Grenoble la même année[48].
En 1901, il publiePsychopathologie de la vie quotidienne[49]. En septembre, il se rapproche d'Eugen Bleuler, de Zurich, et leur correspondance scientifique s'accroît. Les traitements engagés par Freud sur la base de ces hypothèses l'avaient déjà conduit à découvrir que tous ses patients n’ont pas subi de réels traumatismes sexuels dans leurs enfances : ils évoquent des fantasmes et racontent un « roman familial » auquel ils croient[E 4]. Simultanément, il découvre que certains patients semblent ne pas pouvoir guérir[E 5]. Ils résistent notamment en répétant et en transposant des sentiments anciens vers l'analyste : mécanisme que Freud appelle le « transfert » qu'il voit encore, et essentiellement, comme un frein à la guérison[E 6].
Selon Ellenberger, Ilse Bry ou Alfred H. Rifkin[51], les idées de Freud ont été bien reçues. Pour Ernest Jones et, ultérieurement,Jean-Luc Donnet, c'est le contraire qui est vrai. Donnet précise que le rejet violent de la psychanalyse par les médecins et surtout par les psychiatres est l'une des causes du fait que Freud s'est tellement réjoui du ralliement d'Eugen Bleuler[52] à la psychanalyse et, de fait, c'est àZurich que la psychanalyse obtient en premier un droit de cité en psychiatrie. La France s'est montrée d'emblée réfractaire à la psychanalyse[53],[54]. Ailleurs, le succès des ouvrages de Freud est important, mais inégal selon les pays ; on le lit par exemple en traductions dès les années 1900, en russe. Les premiers travaux des disciples de Freud apparaissent également :Otto Rank, âgé de21 ans, lui remet en effet le manuscrit de son essai psychanalytiqueL'artiste« Der Künstler »)[47].
En 1906, il s'intéresse àLa Gradiva, une nouvelle de l'écrivain allemandWilhelm Jensen, et rédige un essai,Le délire et les rêves dans la « Gradiva » de Jensen dans lequel il applique les principes psychanalytiques à la création littéraire, étudiant les liens entre la psychanalyse et l'archéologie[B 23]. La même année, il se brouille définitivement avec Wilhelm Fliess, qui rédige par la suite un pamphlet,Pour ma propre cause, dans lequel il accuse Freud de lui avoir volé ses idées[47].
En, l'isolement de Freud cesse définitivement[D 26]. Le groupe naissant de psychanalystes tente de créer une collection intitulée « Écrits de psychologie appliquée » aux éditions Deuticke[note 7]. Freud, directeur de la publication, y publieLe Délire et les rêves dans la Gradiva de Wilhelm Jensen. La même année, il écritActes obsédants et exercices religieux, dans lequel il aborde le sujet de la religion : il y présume qu'il existe un rapport entre unenévrose obsessionnelle et les exercices religieux.
En 1908, le petit groupe autour de Freud devient la Société viennoise de psychanalyse et, en août, Karl Abraham fonde la Société psychanalytique de Berlin. L'année suivante, la première revue psychanalytique édite leurs travaux ; elle prend le nom« Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologische Forschungen », souvent abrégée en« Jahrbuch », avec Bleuler et Freud comme directeurs et Jung comme rédacteur en chef. Freud inaugure cette revue avec la publication du cas dupetit Hans[réf. nécessaire].
En 1909, Freud parle « de la psychanalyse » (Über Psychoanalyse) pour la première fois publiquement auxÉtats-Unis, où il a été invité parStanley Hall à tenir une série deconférences à l'université Clark àWorcester,Massachusetts, en compagnie de Carl Gustav Jung, Ernest Jones et Sándor Ferenczi[55],[B 24],[56]. Freud et Jung se voient honorés du titre de « LL. D. »[E 7] et c'est à ce moment qu'il désigne explicitement Jung comme son« successeur et prince héritier[Freud 9] ». Freud déclare alors que le mérite de l'invention de la psychanalyse revient à Josef Breuer[57] mais il précise par la suite qu'il considère que le « procédé cathartique » de Breuer constitue une phase préliminaire à l'invention de la psychanalyse[58] et qu'il en est bien l'inventeur à partir du rejet de l'hypnose et de l'introduction de l'association libre[59].
En 1910, paraissent les« Über Psychoanalyse: Fünf Vorlesungen » (Cinq leçons sur la psychanalyse) retranscrivant cinq conférences prononcées l'année précédente à laClark University, où Freud expose« la base de la technique psychanalytique »[60],[61]. Freud s'interroge aussi par la suite sur la nature de la pratique psychanalytique dans un essai,« Über wilde Psychoanalyse » (À propos de la psychanalyse dite sauvage ou « analyse profane »). L'année 1910 marque un sommet dans l'histoire de la psychanalyse et dans la vie de Freud ; lors du second Congrès international àNuremberg organisé par Jung, les 30 et 31 mars, est créée l'« Internationale Psychoanalytische Vereinigung » (Association psychanalytique internationale, « API »), dont le premier président estCarl Gustav Jung, ainsi qu'une deuxième revue, le« Zentralblatt für Psychoanalyse, Medizinische Monatsschrift für Seelenkunde »[note 8]. L'IPA rassemble sous son égide les groupes locaux (Ortsgruppen), ceux de Zurich (qui en est le siège), de Vienne et de Berlin ; son but est de défendre la cohésion du mouvement psychanalytique[E 8]. Une patiente de Jung avec qui ce dernier était passé à l'acte,Sabina Spielrein, le met sur la voie de la théorisation du transfert amoureux envers l'analyste, ainsi que ducontre-transfert (de l'analyste envers le patient) et que Freud intègre à sa théorie[C 9].
Lors de ses vacances aux Pays-Bas, en 1910, Freud analyse le compositeurGustav Mahler, lors d'un après-midi de promenade à travers la ville. Freud voyage ensuite à Paris, Rome et Naples, en compagnie de Ferenczi. La psychanalyse naissante se heurte à sa première opposition d'importance : en octobre, répondant à l'appel d'Oppenheim, lors du Congrès de neurologie de Berlin, les médecins allemands de Hambourg mettent à l'index la pratique psychanalytique au sein dessanatoriums locaux[47].
Le, le premier Congrès international de psychanalyse àSalzbourg réunit42 membres[62]. Freud y présente ses« Bemerkungen über einen Fall von Zwangsneurose » (Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle)[47].
Freud publie« Eine Kindheitserinnerung des Leonardo da Vinci » (Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci) en 1910, dans lequel apparaissent pour la première fois les concepts de « narcissisme » et de « sublimation ». Il y examine aussi les raisons psychiques de la créativité. La même année, la psychanalyse est la cible de nouvelles critiques émanant de certains milieux médicaux. Par ailleurs, les premiers schismes en son sein se font jour. L'opposition de Freud à la théorie de Jung, qui devient, en 1914, la « psychologie analytique », l'occupe en effet ces années-là[B 25]. Toujours en 1910, Freud, dans un texte intitulé « Le trouble psychogène de la vision dans la conception psychanalytique », formule pour la première fois undualisme pulsionnel : les « pulsions sexuelles » y sont opposées aux « pulsions d'autoconservation »[63]. Ce dualisme préfigure, dans le contexte de tension que connaît l'Europe avant la Première Guerre mondiale, la mise à jour des pulsions de vie et de mort[B 26] (qui intervint en 1920).
En 1911, Freud écrit un texte connu sous le titre « Le Président Schreber » mais par la suite intitulé« Psychoanalytische Bemerkungen über einen autobiographisch beschriebenen Fall von Paranoia (Dementia paranoides) » (Remarques psychanalytiques sur un cas de paranoïa (Dementia paranoïdes) décrit sous forme autobiographique). Freud y retrace l'analyse du juriste et homme politiqueDaniel Paul Schreber. Il publie aussi un court texte métapsychologique :« Formulierungen über die zwei Prinzipien des psychischen Geschehens » (Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques) dans lequel il décrit leprincipe de plaisir et leprincipe de réalité[réf. nécessaire].
La direction des revues et des travaux théoriques de l'Association internationale de psychanalyse, celle desséminaires également, occupent Freud à cette période, d’autant que parmi ceux qui travaillent avec lui des rivalités se font jour ainsi que des dissensions théoriques qu'il combat lorsqu'elles remettent en question les rôles de lasexualité infantile et ducomplexe d'Œdipe comme le font celles de Jung, Adler et Rank. Ainsi, il refuse la mise en avant de l’agressivité parAlfred Adler, car il considère que cette introduction se fait au prix de la réduction de l’importance de la sexualité. Il refuse également l'hypothèse de l’inconscient collectif au détriment des pulsions du Moi et de l’inconscient individuel, et la non-exclusivité des pulsions sexuelles dans lalibido que proposeCarl Gustav Jung. En juin 1911,Alfred Adler quitte Freud le premier, pour fonder sa propre théorie. L'année suivante c'est au tour deWilhelm Stekel, alors qu'en 1913, en septembre, Freud se brouille avecCarl Gustav Jung, pourtant annoncé comme son« dauphin »[64].
Pendant la guerre, Freud exerce peu. En 1916, il rédige ses cours universitaires, rassemblés sous le titre de« Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse » (Cours d'introduction à la psychanalyse, édité en français sous le titreIntroduction à la psychanalyse). Le sort de ses fils, sur le front, le préoccupe. La guerre paralyse par ailleurs l'extension du mouvement psychanalytique ; en effet le congrès deDresde, prévu en 1914, n'a pas lieu[B 29]. En 1915, il se lance dans la rédaction d’une nouvelle description de l’appareil psychique dont il ne conserve cependant que quelques chapitres. Ce qu’il prépare est en fait une nouvelle conception de la topique psychique. La même année, il est proposé auprix Nobel par le médecin viennoisRobert Bárány. Freud publie« Trauer und Melancholie » (Deuil et Mélancolie) en 1917.Helene Deutsch,Magnus Hirschfeld puis Sigmund Freud font état dans leurs écrits de femmes combattantes[65]. En janvier 1920, il est nommé « professeur ordinaire » (ordentlicher Professor ouOrdinarius). À partir de 1920, et alors que le contexte politique et économique s’améliore, Freud publie tour à tour :« Jenseits des Lustprinzips » (Au-delà du principe du plaisir, 1920), qui introduit à travers un nouveau dualisme pulsionnel, lespulsions agressives, nécessaires pour expliquer certains conflits intra-psychiques et« Massenpsychologie und Ich-Analyse » (Psychologie des masses et analyse du Moi, 1921) qui ajoute à la problématique deLe Bon, les rapports entre psychisme individuel et comportements collectifs. Freud, durant ces années de guerre, travaille à unemétapsychologie qui lui permette de décrire les processus inconscients sous un triple angle, à la fois dynamique (dans leurs relations entre eux), topique (dans leurs fonctions au sein de la psyché) etéconomique (dans leurs utilisations de la libido)[B 30].
En 1920, Freud élabore laseconde topique de l'appareil psychique composée duMoi, duÇa et duSurmoi. Elle se superpose à la première (inconscient, préconscient, conscient). Le développement de la personnalité et la dynamique des conflits sont alorsinterprétés en tant que défenses du Moi contre des pulsions et des affects, plutôt que comme conflits de pulsions ; les pulsions en cause sont celles de la mort. L’ambivalence et la rage étaient perçues dans lapremière topique comme consécutives de la frustration et subordonnées à la sexualité. Freud complète ainsi sa théorie par un nouveau dualisme pulsionnel, composé de deux types de pulsions antagonistes : lapulsion de vie (l'Éros) et lapulsion de mort[66],[67] (qu'il se retient toujours de nommerThanatos). Plus fondamentales que les pulsions de vie, les pulsions de mort tendent à la réduction des tensions (retour à l’inorganique, répétition qui atténue la tension) et ne sont perceptibles que par leur projection au-dehors (paranoïa), leur intrication avec les pulsions libidinales (sadisme,masochisme) ou leur retournement contre le Moi (mélancolie). Freud défend par là une vision double de l'esprit[B 31].
Extension de la psychanalyse et dernières années (1920–1939)
Pendant leconflit mondial, Freud peut mesurer les effets de lanévrose traumatique chez son beau-fils et voir l'impact de cette pathologie dans une famille[68]. Il a ainsi une connaissance directe de ces troubles et indirecte par des disciples qui côtoient la clinique deJulius Wagner-Jauregg commeVictor Tausk[69] ou qui y ont travaillé pendant la guerre commeHelene Deutsch[70]. En octobre 1920, le professeur de médecine légale, Alexander Löffler, invite Freud à témoigner par un exposé devant une commission médico-légale sur lesnévroses de guerre et les pratiques de soins. Il s'oppose àJulius Wagner-Jauregg qui, lui, prétend que les patients atteints de névrose de guerre sont des simulateurs. Puis, du 8 au 11 septembre, se tient àLa Haye le5e congrès de l'IPA, présidé parErnest Jones. Freud y intervient en lisant« Ergänzungen zur Traumlehre » (Suppléments à la théorie des rêves). D'autre part, la création d'un comité secret y est décidée, avec Jones comme coordinateur[47].
La première traduction d’un texte de Freud en France,Introduction à la psychanalyse, parSamuel Jankélévitch, est publiée en 1922. Le mouvement psychanalytique acquiert une clinique psychanalytique à Vienne, l’« Ambulatorium » (centre de soins ambulatoires), consacré au traitement despsychoses et dirigé par trois élèves de Freud, qui n'y participe que peu :Helene Deutsch,Paul Federn etEduard Hitschmann. En 1923, Freud apprend qu'il est atteint d'un cancer de la mâchoire, qui le fera souffrir pendant tout le reste de sa vie. La même année il choisit de se soumettre à unevasectomie afin, espérait-il, de mieux lutter contre son cancer[71]. Il écritLe Moi et le Ça à un moment où le mouvement psychanalytique atteint une réputation internationale, notamment en Angleterre et aux États-Unis[D 27]. Il songe à constituer une édition complète de ses écrits, les« Gesammelten Schriften ».
L'année suivante, en 1925, Freud écritInhibition, symptôme et angoisse ainsi qu'une esquisse autobiographique. Le9e congrès de l’Association internationale se tient du 2 au 5 septembre àBad-Homburg.Anna Freud y lit le texte de son père :« Einige psychische Folgen des anatomischen Geschlechtsunterschieds » (Quelques conséquences psychiques de la différence des sexes au niveau anatomique). Freud ne peut en effet plus voyager, en raison de sa maladie. Il rencontre en 1925 la princesseMarie Bonaparte, petite-nièce de Napoléon, qu'il prend en analyse et qui devient son amie. Plus tard, celle-ci traduit la majorité de ses textes en France[72].
Freud demeure le chef de file de la psychanalyse, dont il oriente l'évolution. Ses dernières réflexions écrites sont consacrées à étudier et renforcer la psychanalyse sur le plan théorique et clinique. Dans son article « Psychanalyse et médecine » (1925), il invite les non-praticiens à utiliser la psychanalyse. À ce propos, il parle de psychanalyse « laïque » ou « profane », c'est-à-dire, pratiquée par des analystes qui ne sont pas médecins. Il revient aussi sur l'évolution de sa pensée dans son autobiographie[73]. En 1927, sa filleAnna publie« Einführung in die Technik der Kinderanalyse » (Introduction à la psychologie des enfants, texte lu et approuvé par son père[B 32]).
Dans les dernières années de sa vie, Freud essaye d’extrapoler les concepts psychanalytiques à la compréhension de l’anthropologie et de la culture. Sa vision pessimiste de l'espèce humaine s'exacerbe, notamment après la dissolution du comité secret formé parErnest Jones, à la suite de querelles d'héritage, des jalousies et des rivalités internes[C 10]. Il rédige donc un certain nombre de textes dans ce sens, en particulier sur la religion comme illusion ou névrose. En 1927, il publie« Die Zukunft einer Illusion » (L'Avenir d'une illusion), qui porte sur la religion d'un point de vue psychanalytique et matérialiste. En 1930, il publie« Das Unbehagen in der Kultur » (Malaise dans la civilisation) dans lequel Freud décrit un processus de civilisation qui est une reproduction à plus large échelle du processus d'évolution psychique individuel[réf. nécessaire].
Ne se considérant pas comme un écrivain[B 33], Freud est surpris d'obtenir leprix Goethe de la ville deFrancfort, en août 1930[A 3]. Puis, il retourne l'année suivante dans sa ville natale deFreiberg pour une cérémonie en son honneur. Dans une lettre du 3 janvier, l'écrivainThomas Mann s'excuse auprès de Freud pour avoir mis du temps à comprendre l'intérêt de la psychanalyse[B 34]. En1932, Freud travaille à un ouvrage de synthèse présentant des conférences devant un public imaginaire,« Neue Folge der Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse » (Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse).
La même année, il publie, en collaboration avec le physicienAlbert Einstein, leur pensée sur la guerre et la civilisation, issue de leur correspondance, dans un essai intitulé« Warum Krieg » (Pourquoi la guerre ?). À Vienne,Thomas Mann prononce le 8 mai 1936 un éloge de Freud (intitulé « Freud und die Zukunft » : « Freud et l’avenir »), où il déclare :« Freud rend sa pensée en artiste, comme Schopenhauer ; il est comme lui un écrivain européen »[A 4], justifiant par ces mots la remise du prix Goethe de Francfort à l'inventeur de la psychanalyse. Freud et Thomas Mann se sont liés d’amitié après la publication par l'écrivain deFreud et la pensée moderne (1929) et duChevalier entre la mort et le diable (1931)[74]. À propos du dernier ouvrage de Freud,« Der Mann Moses und die monotheistische Religion » (Moïse et le monothéisme, 1936),Jacques Le Rider explique qu'il« invente une tradition juive du libéralisme et de l'esprit scientifique »[75].
En, les ouvrages de Freud sont brûlés en Allemagne lors desautodafés nazis[C 11]. Il refuse de s'exiler jusqu'en mars 1938, lorsque les Allemands entrent à Vienne (Anschluss, le 12 mars). La Société psychanalytique de Vienne décide alors que chaque analyste juif doit quitter le pays, et que le siège de l'organisation doit être transféré là où réside Freud[A 5]. Ce dernier décide finalement de s'exiler lorsque sa fille Anna est arrêtée le 22 mars, pour une journée, par laGestapo. Grâce à l'intervention de l'ambassadeur américainWilliam C. Bullitt et à une nouvelle rançon versée parMarie Bonaparte, Freud obtient un visa valable pour seize personnes et peut quitter Vienne par l’Orient-Express avec sa femme, sa fille Anna et la domestiquePaula Fichtl, le 4 juin. Au moment de partir, il signe une déclaration attestant qu'il n'a pas été maltraité[76]:« Je soussigné, Professeur Freud déclare par la présente que depuis l’annexion de l’Autriche par le Reich allemand, j’ai été traité avec tout le respect et la considération dus à ma réputation de scientifique par les autorités allemandes et en particulier par la Gestapo et que j’ai pu vivre et travailler jouissant d’une pleine liberté ; j’ai pu également poursuivre l’exercice de mes activités de la manière que je désirais et qu’à cet effet j’ai rencontré le plein appui des personnes intéressées, je n’ai aucun lieu d’émettre la plus petite plainte. » Selon son fils Martin, il aurait ajouté, ironique :« Je puis cordialement recommander la Gestapo à tous[77]. » PourMichel Onfray, ceci relève du« mythe » et de la légende hagiographique[78].
Pour quitter l'Autriche, Freud bénéficie en outre du soutien d'Anton Sauerwald, le commissaire nazi chargé de prendre le contrôle de sa personne et de ses biens : ancien élève deJosef Herzig, un professeur et ami de Freud, Sauerwald facilite le départ de Freud et de ses proches pour Londres, où il va d'ailleurs ensuite lui rendre visite[79]. Il est parfois reproché à Freud de ne pas avoir indiqué les noms de ses sœurs sur la liste des seize personnes autorisées à quitter l'Autriche, notamment son médecin, la famille de celui-ci, ses infirmières, de sa domestique. Celles-ci, Rosa, Marie, Adolfina et Paula, déjà âgées et ne se sentant pas menacées du fait de leur âge, ne voulaient pas partir, mais elles sont déportées et meurent encamp de concentration[80].
LeFreud Museum de Londres aujourd'huiLieu du crématorium où sont disposés les cendres de Sigmund et Martha Freud dans une céramique ; le vase, qui date duIIIe ouIVe siècle av. J.-C., représentantDionysos et uneménade, est un cadeau deMarie Bonaparte[81]. Les cendres d'Anna Freud sont dans la première case à gauche.
La famille Freud gagne d'abord Paris, où Freud est accueilli parMarie Bonaparte et son époux,Georges de Grèce, puisLondres, où elle est reçue avec tous les honneurs, notamment par l'ambassadeur américainWilliam Bullitt, que Freud connaît depuis quelques années déjà[B 35], lorsque les deux hommes avaient travaillé ensemble à une étude sur le président américainWoodrow Wilson intitulée« Woodrow Wilson: A Psychological Study » (publiée en1966[note 9],[82],[83]). Freud et sa famille s'installent dans une maison au20 Maresfield Gardens, dans le quartier londonien deHampstead. Il est nommé membre de laRoyal Society of Medicine. Freud reçoit la nomination chez lui, ne pouvant se déplacer, affaibli par son cancer et par trente-deux opérations et traitements successifs[réf. nécessaire]. Plusieurs scientifiques et écrivains à Londres veulent proposer sa candidature auprix Nobel de médecine, mais lui-même écrivit en juin 1938 àArnold Zweig que le comité Nobel ne défiera pas le troisième Reich[84].
Après la mort d'Anna Freud, en 1982, la maison des Freud deMaresfield Gardens est transformée enmusée[B 5]. En 2002, uneblue plaque est apposée sur la façade du musée[85].
Freud résumant sa carrière à laBBC en décembre 1938, c'est le seul enregistrement audio connu avec la voix du psychanalyste.
La psychanalyse — dont l'idée a évolué depuis ses débuts, en 1896, aux derniers exposés de la plume de Freud, en 1930 — regroupe trois acceptions selonPaul-Laurent Assoun, qui les reprend de la publication de Freud de 1923Psychanalyse etThéorie de la libido[86]. Le terme désigne en effet d'abord une certaine méthode d'investigation du psychisme inconscient, mais aussi une méthode de traitement (lacure psychanalytique), et, plus généralement une conception psychologique globale touchant à la vision même de l'homme[G 1]. SelonLydia Flem, psychanalyste et écrivain :« Par la triple voie du personnel, du pathologique et du culturel, c'est de l'insu de l'âme humaine qu'il [Freud] cherche à devenir l'interprète »[A 6]. Le mouvement psychanalytique représente aussi lecorpus de théories issues de l'expérience analytique, participant à la conceptualisation de l'appareil psychique et développées depuis Freud. Cette théorie psychanalytique (qui est dite d'orientationpsychodynamique, au sein de la discipline psychologique) se fonde d'abord sur les recherches de Freud[G 2] et sur les concepts majeurs qu'il a créés tels que ceux de « transfert », de « répétition » et de « pulsion ». Pour ce qui est du concept d'inconscient, contrairement à une croyance populaire, ce n'est pas Freud maisTheodor Lipps qui en est l'inventeur[87].
Du point de vue de sa méthode d'approche, son objet étant l'inconscient, la psychanalyse est une discipline centrée sur l'observation et non sur l'expérimentation ; elle est donc selon les freudiens une « science phénoménale[G 3] » rattachée à lamédecine et à lapsychiatrie[G 4], mais possédant auprès de celles-ci une autonomie relative[G 5].
Depuis ses premiers écrits fondateurs, Freud considère que lascientificité de la psychanalyse repose sur son objet : l'inconscient. Or, la plupart des critiques envers la psychanalyse lui contestent cette qualification de scientificité. Pourtant, elle est, selonPaul-Laurent Assoun, une collection de connaissances et de recherches ayant atteint un degré suffisant d'unité et de généralité, et donc capable de fonder« un consensus sur des relations objectives découvertes graduellement et confirmées par des méthodes de vérifications définies[G 6]. » La psychanalyse est donc considérée par les freudiens comme unescience de la nature car elle repose sur des concepts fondamentaux, notamment celui depulsion (Trieb)[G 7]. Enfin, la psychanalyse récuse toutemétaphysique[G 8].
Comme le constateRoland Gori, même si le terme d' « épistémologie » est« quasiment absent du texte freudien, une épistémologie freudienne n'en est pas moins présente »[88]. En langue anglaise,The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud indique« seulement trois occurrences du termeepistomological, traduction de l'adjectiferkenntnistheoretisch employé par Freud »[88]. Le motEpistemology / Épistémologie est« d'apparition récente » (il n'est introduit enFrance qu'en1901)[88]. Enanglais, la distinction entre l'épistémologie et lathéorie de la connaissance (Erkenntnistheorie, mot qu'emploie Freud) n'est pas usuelle, et« de ce fait, l'épistémologie se trouve assez fréquemment confondue avec la théorie de la connaissance »[88].
Dans sonIntroduction à l'épistémologie freudienne (1981),Paul-Laurent Assoun rappelle la« tentative particulièrement significative » au début desannées 1930 que représenteLes bases historiques de la psychanalyse[90] (Historische Grundlagen der Psychoanalyse,Darmstadt, 1932) deMaria Dorer enAllemagne[91]. À la suite du travail de la psychologuepolonaise Luisa von Karpinska[92], Maria Dorer« mettait en évidence la filiation de lapsychanalyse avec lapsychologie issue deHerbart »[91]. Cet« impact de Herbart sur Freud » serait parvenu à l'inventeur de la psychanalyse« par le relais de ses maîtresviennois,Meynert notamment »[91]. Mais, selon Assoun, en exagérant l'impact néfaste de Herbart sur Freud, impact considéré par Dorer comme« la tare héréditaire dumatérialisme » par son« absence de tout “sens des valeurs” », l'enquête historique pourtant positive sur les origines épistémiques de l'invention de la psychanalyse« a pour effet et finalité d'abolir l'inédit freudien »[93]. De la sorte, la tentative pourtant utile, fidèle à l'histoire, de Maria Dorer n'est pas sans annoncer déjà, et pour longtemps,« le lien qui s'est forgé entre la question du savoir freudien et des enjeuxaxiologiques » (lesvaleurs)[93].
Freud considère la psychanalyse comme unescience de la nature (Naturwissenschaft), ce qui« ne fait sens que si l’on tient compte de la distinction entre sciences de la nature (Naturwissenschaften) etsciences de l’esprit (Geisteswissenschaften), dans le monde germanique de la fin duXIXe siècle »[94]. Le« savoir psychanalytique » se constitue« dans un champ épistémique en pleine révolution »[95]. L'enjeuépistémologique se cristallise autour d'une« querelle des méthodes (Methodenstreit) » qui mobilise les passions. La cause en est« la montée des sciences ditesde l'homme ou de l'esprit, ou encore “sciences morales” »[95]. Dès lors, la survenue d'un savoir inédit comme la psychanalyse, revendiquée par son inventeur comme uneNaturwissenschaft,« implique une véritable réforme de l'entendement épistémologique dans la communauté scientifique » aux enjeux de laquelle la thèsemoniste freudienne doit se confronter[95].
Développement et influence du mouvement psychanalytique
Avec sa conception de l'inconscient, Freud a permis une compréhension desnévroses et, au-delà, de la psyché. Les travaux historiques d'Ernest Jones et, plus récemment, d'Henri Ellenberger montrent cependant que le concept d'« inconscient » est antérieur à Freud, mais précisent que ce dernier est un précurseur par sa manière de le théoriser, dans sapremière topique d'abord, puis dans laseconde.Marcel Gauchet, dansL'Inconscient cérébral (1999) évoque l'idée« révolutionnaire » de Freud, celle d'un« inconscient dynamique »[F 1]. Le mouvement psychanalytique s'est développé d'abord en référence à Freud et à ses proches partisans, puis en opposition à ses détracteurs, tant internes (Carl Gustav Jung,Alfred Adler etOtto Rank parmi les principaux) qu'externes avec entre autresPierre Janet et certains médecins et/ou psychiatres académiques. Les modalités de formation des psychanalystes se sont formalisées notamment avec son pilier central : l'analyse didactique est instaurée pour la première fois à l'Institut psychanalytique de Berlin[C 12].
Après la mort de Freud (mais également de son vivant), plusieurs écoles psychanalytiques entretiennent entre elles des rapports souvent polémiques, dépendant des postulats retenus et des spécificités nationales[G 9]. Deux types de courants peuvent être distingués : ceux dits « orthodoxes », proches du freudisme, et ceux s'en écartant sur des points fondateurs : les courants « hétérodoxes ». Plusieurs points théoriques vont constituer des zones de division. Ainsi, pendant la Seconde Guerre mondiale se développe la question de l'analyse groupale, avec des analystes commeWilfred Bion, qui développe sa propre conception. Par ailleurs, c'est en Angleterre que se déroulent, à partir de 1942, lesdissensions théorico-cliniques entreMelanie Klein,Anna Freud et leGroupe desIndépendants, sur plusieurs sujets[98]. L’association psychanalytique internationale regroupe les psychanalystes freudiens orthodoxes[réf. souhaitée].
En France, par exemple, laSociété psychanalytique de Paris relaye la psychanalyse, essentiellement freudienne, kleinienne etwinnicottienne en fonction des orientations des membres qui la composent. Le courantlacanien s'en écarte toutefois, jusqu'à la rupture dans les années 1950, notamment à propos de l'axiome lacanien selon lequel« l'inconscient est structuré comme un langage » et surtout sur les modalités deformation des psychanalystes qui, pour Lacan et ses adeptes, diffèrent radicalement de celles de l'I.P.A. et des associations affiliées[100]. SiLacan a été en opposition avec l'IPA, il ne faut pas le voir comme étant en opposition avec Freud : en témoignent son « retour à Freud » et ce propos de Jean-Michel Rabaté :« De même qu'Althusser se demandait comment lire Marx de façon « symptomatique », en séparant ce qui est authentiquement « marxiste » de ce qui est purement « hégélien » dans ses écrits, Lacan se demande où et comment repérer les textes où Freud se montre authentiquement « freudien » »[101].
Dans un article intituléL'Intérêt de la psychanalyse (Das Interesse an der Psychoanalyse,1913) paru simultanément en allemand et en français àBologne dansScientia, « revue internationale de synthèse scientifique », il apparaît qu'« il s'agit moins pour Freud de recenser les différents champs d'application possibles de lapsychanalyse que d'aborder celle-ci du point de vue des “nombreux domaines du savoir pour laquelle elle est intéressante” »[104]. En dehors de l'intérêt qu'elle présente pour lapsychologie (exposé dans la première partie), la seconde partie de l'essai montre l'intérêt que présente la psychanalyse« pour les sciences non psychologiques »[104]. Dans cette seconde partie,« la plus originale », selonAlain de Mijolla, il est ainsi question de l'intérêt que peut avoir la psychanalyse pour d'autres disciplines comme les« sciences du langage », laphilosophie, labiologie, l'« histoire du développement », l'« histoire de la civilisation », l'esthétique, lasociologie et lapédagogie[105].
Freud introduit dans lessciences humaines une conception nouvelle de l'inconscient. Depuis longtemps, il avait été remarqué que certains phénomènes échappent à laconscience. Les philosophesLeibniz etArthur Schopenhauer considèrent qu'il existe un arrière-plan à la conscience. Le poète allemandNovalis est le premier à se servir du mot « inconscient », dans la continuité des thèses post-romantiques deKarl Robert Eduard von Hartmann avec son ouvrage« Philosophie des Unbewussten » (Philosophie de l’inconscient) en1869 mais surtout deCarl Gustav Carus (« Psyche »,1851), ce dernier se représentant un « inconscient absolu » et un « inconscient relatif »[112]. La théorie de Freud est directement liée à leurs travaux. Freud doit aussi à lapsychologie expérimentale, et notamment à l'approche de l'hystérie. Les phénomènes d'ivresse ou de transe donnent en effet des exemples d'abolition de la conscience. Or, l'inconscient qu'introduit Freud n'est pas simplement ce qui ne relève pas de la conscience, comme chez von Hartmann[113]. Par « inconscient », il entend à la fois un certain nombre de données, d'informations, d'injonctions tenues hors de la conscience, mais il y englobe aussi l'ensemble des processus qui empêchent certaines données de parvenir à la conscience, et permettent aux autres d'y accéder, comme lerefoulement, leprincipe de réalité, leprincipe de plaisir, la pulsion de mort. Ainsi, Freud considère l’inconscient comme l'origine de la plupart des phénomènes conscients eux-mêmes, et ce d'une manière nettement différenciée de ses prédécesseurs, car celui-ci évolue de manière dynamique[114].
L'inconscient est la« thèse inaugurale de la psychanalyse » grâce aux travaux de Freud[G 10]. DansQuelques remarques sur le concept d'inconscient en psychanalyse (1912), le Viennois se propose de décrire la spécificité du concept. Il y donne une présentation hiérarchique de la notion, qui désigne d'abord le caractère ou l'aptitude d'unereprésentation ou d'un élément psychique quelconque présent à laconscience de manière intermittente et qui semble n'en pas dépendre. Sur ce point, Freud se réfère à la théorie du psychiatre françaisHippolyte Bernheim quant à l'expérience suggestive et à l'hypnose[G 11]. Par ailleurs, la notion regroupe la constatation d'une dynamique propre à cette représentation inconsciente, et dont l'exemple le plus révélateur est le phénomène d'hystérie. L'inconscient freudien acquiert dès lors son qualificatif de « psychique ». Un troisième niveau vient ensuite compléter la notion telle qu'elle est acceptée enpsychanalyse : le niveau systémique par lequel l'inconscient manifeste les propriétés d'un système (que Freud désigne par l'abrégéUbw, « Ics » en français). Les premiers psychanalystes ont pu parler à ce sujet de « subconscient », terme vite écarté par Freud, car étant imprécis pour expliquer un système existantsui generis, et, donc indépendant de la conscience[G 12].
Dans sapremière topique, c'est-à-dire dans le second modèle théorique de représentation du fonctionnement psychique proposé en 1920, Freud distingue trois instances : l'inconscient, lepréconscient et leconscient[A 7]. Dans laseconde topique, l'appareil psychique comprend le Ça, le Moi et le Surmoi, trois instances supplémentaires fondatrices de la psychanalyse. Le Ça (Es) est présent dès la naissance ; il s’agit de manifestations somatiques. Si le Ça est inaccessible à la conscience, les symptômes de maladie psychique et les rêves permettent d’en avoir un aperçu. Le Ça obéit auprincipe de plaisir et recherche la satisfaction immédiate. Le Moi (Ich) est en grande partie conscient, il est le reflet de ce que nous sommes en société ; il cherche à éviter les tensions trop fortes du monde extérieur ainsi que les souffrances, grâce, notamment, aux mécanismes de défense (refoulement,régression,rationalisation,sublimation, etc.) se trouvant dans la partie inconsciente de cette instance. Le Moi est l’entité qui rend la vie sociale possible. Il suit leprincipe de réalité. Bien que le Surmoi (Über-Ich) existe depuis la naissance et que, jusqu'à cinq ans, l’enfant héritant de l’instance parentale, groupale et sociale emmagasine quantité de règles de savoir-vivre à respecter, le Surmoi se développe particulièrement lorsque lecomplexe d'Œdipe est résolu. Du fait des pressions sociales, en intériorisant les règles morales ou culturelles de ses parents et du groupe, l’enfant, puis l'adulte pratiquent lerefoulement. En effet, le Surmoi punit le Moi pour ses écarts par le truchement du remords et de la culpabilité[G 13].
Les pulsions sexuelles sont conçues par Freud comme une énergie, qu'il nomme « libido » (« le désir » en latin). Ces pulsions sont susceptibles de maintes transformations et adaptations selon la personnalité et l'environnement[G 14]. La libido est en effet essentiellement plastique et sonrefoulement est le plus souvent à l'origine des troubles psychiques alors que sasublimation explique les productions culturelles, intellectuelles et artistiques de l’humanité. La doctrine freudienne de la libido a souvent été critiquée comme étant un « pansexualisme » matérialiste[115]. Constituant le socle de lamétapsychologie freudienne, le concept de libido, décrit dansTrois essais sur la théorie sexuelle (1905/1915/1920), est lié à celui depulsion :« La théorie de la libido permet de prendre la mesure de la complexité de la sexualité humaine, dont le caractère biphasique interdit de la réduire à une fonction biologique », et ce, même si la prise en compte de la fonction de procréation est à considérer. En effet, sa nature estprégénitale et symbolique, et safixation conditionne la formation de lanévrose[G 15].
Freud est le premier à élaborer une conception de la sexualité infantile. L'idée en est surtout formalisée en 1905 dans l'ouvrageTrois essais sur la théorie sexuelle, tout en provenant de travaux précédents, en particulier de lathéorie de la séduction, abandonnée en 1897, à partir de laquelle Freud a commencé de mettre en place sa théorisation dite de la sexualité infantile[116] à travers son aspect pulsionnel[G 16]. Il y décrit l'existence d'une opposition radicale entre sexualité primaire et adulte, marquée par le primat du génital, et sexualité infantile, où les buts sexuels sont multiples et leszones érogènes nombreuses, à tel point que Freud est souvent considéré comme le découvreur de la sexualité de l'enfant[G 17]. Progressivement, entre 1913 et 1923, cette thèse se trouve remaniée par l'introduction de la notion de « stades prégénitaux », précédant l'instauration du stade génital proprement dit, et qui sont : lestade oral, lestade anal et lestade phallique (voirsupra). Freud propose ainsi d'expliquer l'évolution de l'enfant à travers des caractères pulsionnels d'ordre sexuel qui vont évoluer au travers de plusieurs stades psycho-affectifs, pour aboutir ensuite à la sexualité génitale adulte. C'est aujourd'hui une base théorique importante enpsychologie clinique[117] ou enpédopsychiatrie[118].
Selon Freud, l'« interprétation des rêves est la voie royale qui mène à la connaissance de l'inconscient »[119]. Les rêves sont en effet, dans le modèle psychanalytique, des représentations de désirs refoulés dans l’inconscient par la censure psychique (le Surmoi). Les désirs se manifestent ainsi dans le rêve de manière moins réprimée qu'à l'état de veille. Lecontenu manifeste du rêve est le résultat d'un travail intrapsychique qui vise à masquer lecontenu latent, par exemple un désir œdipien. En cure de psychanalyse, le travail repose sur l'interprétation à partir du récit (contenu manifeste) du rêve. Les associations du patient sur son rêve permettent de révéler son contenu latent ; ce « travail du rêve » (Traumarbeit) repose sur quatre procédés fondamentaux. Tout d'abord, le rêvecondense, comme s'il obéissait à un principe d'économie psychique, c'est-à-dire qu'une seule représentation concentre plusieurs idées, plusieurs images, parfois même des désirs contradictoires. Deuxièmement, le rêve est décentré et ledésir déformé est fixé sur un autre objet que celui qu'il vise, ou sur de multiples objets jusqu'à l'éparpillement, ce qui constitue« un déplacement de l'accent affectif ». Par ailleurs, le rêve est une illustration (ou « figurabilité ») du désir dans le sens où il ne l'exprime ni en mots ni en actes, mais en images ; le symbole onirique selon la psychanalyse est donc une« représentation substitutive de l'objet et du but du désir (…) typique et d'usage universel »[G 18]. Enfin, le rêve est aussi le produit d'une activité inconsciente, mais très proche de l'activité vigile en ce qu'elle s'efforce de lui donner une apparence de vraisemblance, d'organisation, de logique interne (c'est l'« élaboration secondaire »)[120].
Au niveau épistémologique, le geste de Freud consiste à réintroduire la production onirique dans la psychologie[G 19]. Il rompt avec l'idée romantique d'un rêve contenant une clé ou un secret et seul letravail du rêve en explique la nature : la production à la fois complexe et immanente de la psyché qui s'apparente à unrébus. Cette théorie des rêves (Traumlehre) est selon Freud ce par quoi la psychanalyse a pu s'élever : d'abord simple thérapeutique elle a pu devenir, selon lui, unemétapsychologie générale. La science du rêve en psychanalyse fonde tout le reste de son édifice théorique :« Le rêve prend sa signification paradoxale en ce qu'il montre l'inconscient à l'œuvre chez tout sujet et que, comme prototype normal, il éclaire sur cette autre formation jumelle qu'est le symptôme névrotique »[G 20].
« Concept fondamental de la métapsychologie » freudienne, lapulsion (Trieb) répond à une définition polysémique[G 21]. Excitation psychique, concept-frontière entre psychique et somatique, elle se définit par une poussée (Drang), un but (Ziel), un objet (Objekt) et une source (Quelle). Elle conditionne lareprésentation ainsi que l'affect[G 22]. Les pulsions prennent leur source dans une excitation corporelle et, en cela, elles sont proches de l'instinct. Au contraire d'un stimulus, la pulsion ne peut être évitée ou fuie et demande à être déchargée dans le conscient. Il existe selon Freud trois moyens de décharger une pulsion : par lerêve, par lefantasme et par lasublimation. Freud distingue d'abord deux groupes de pulsions : celles du Moi (ou d'auto-conservation) et les pulsions sexuelles. Par la suite, et dans ses écrits les plus tardifs, il distingue deux autres grands types de pulsions : la pulsion de vie (l'« Éros ») et la pulsion de mort (le « Thanatos »)[G 23]. L'Éros représente l’amour, le désir et la relation, tandis que le Thanatos représente la mort, les pulsions destructrices et agressives. Le Thanatos tend à détruire tout ce que l'Éros construit (la perpétuation de l’espèce par exemple). Lemasochisme en est un exemple typique[G 24].
Lerefoulement (Verdrängung), « pierre d'angle » de la psychanalyse[G 25], est aussi le concept le plus ancien de la théorie freudienne. Dès 1896, Freud repère en effet un mécanisme de défense primaire, qu'il assimile ensuite à lacensure et qui structurea priori le Moi et, de manière générale, le psychisme. Le refoulement est à la fois refus d'une pulsion et action psychique de maintien de cet écart. Frontière entre le conscient et l'inconscient, la « clause de censure » atteste aussi que l'inconscient est bien « travail » et processus, et non-principe seul[G 26].
« Le complexe d'Œdipe est sans doute le mot le plus célèbre du vocabulaire psychanalytique, celui qui sert le plus sûrement à désigner le freudisme »[G 27]. Freud théorise le complexe d'Œdipe dans sapremière topique. Celui-ci est défini comme ledésirinconscient d'entretenir un rapport sexuel avec le parent du sexe opposé (c'est l'inceste) et celui d'éliminer le parent rival du même sexe (leparricide). Ainsi, le fait qu'un garçon tombe amoureux de sa mère et désire tuer son père répond à l'impératif du complexe d'Œdipe[121]. C'est dans la lettre à Wilhelm Fliess du que Freud évoque le complexe pour la première fois, mais c'est dès1912 et1913 que « l'Œdipe » est entré totalement dans la pensée clinique de Freud. Ce dernier s'attache à en étudier l'universalité, dans l'ouvrageTotem et Tabou. Freud y avance la thèse suivante : celle de la« vocation civilisatrice du complexe »[122], résumée parRoger Perron :« en des temps très anciens les humains étaient organisés en une horde primitive dominée par un grand mâle despotique qui monopolisait les femmes et en écartait les fils, fût-ce au prix de la castration »[123].
Pour lui, la structure de la personnalité se crée en rapport avec le complexe d’Œdipe et son rapport avec la fonction paternelle (imago du père). Le complexe d’Œdipe intervient au moment du stade phallique[124]. Cette période se termine par l’association entre la recherche du plaisir et une personne extérieure, la mère. Le père devient le rival de l’enfant ; ce dernier craint d’être puni en conséquence de son désir pour la mère par lacastration. L’enfantrefoule donc ses désirs, ce qui alimente au cours de son développement son Surmoi, avec la naissance en lui des sentiments de culpabilité et de pudeur, entre autres, et par l'intermédiaire ducomplexe de castration[G 28]. Le complexe serait donc transmis de génération en génération et avec lui le sentiment deculpabilité associé. Freud a toujours recherché en effet à relier ces concepts, et en particulier celui du complexe d'Œdipe, à une théorie générale de laphylogenèse (de l'histoire de l'humanité comme espèce)[réf. nécessaire].
Selon Freud, tel qu'il le décrit dans son essai « L'organisation génitale infantile » (« Die infantile Genitalorganisation »,1923), l'élaboration ducomplexe d'Œdipe représente une étape constitutive du développement psychique des enfants. Ledésir envers la mère trouve en effet son origine dès les premiers jours de la vie et conditionne tout sondéveloppement psychique (psychogenèse). La mère est, d'une part, la « nourricière » et, d'autre part, celle qui procure du plaisir sensuel, via le contact avec le sein et à travers les soins corporels. L'enfant, qu'il soit fille ou garçon, en fait donc le premier objet d'amour qui reste déterminant pour toute sa vie amoureuse. Cette relation objectale est ainsi investie desexualité et se déploie en cinq « phases » libidinales[C 13] qui trouvent aussi leur origine dans la constitution de la part de l'enfant de lascène primitive. La notion de « phase » ou de « stade » n'est pas à prendre au sens littéral. Elle signale la primauté d'unezone érogène particulière, mais n'implique pas que le processus se déroule de manière mécanique et linéaire. Le complexe d'Œdipe se déploie donc à travers ces phases en fonction de leurs propriétés propres qui s'enchevêtrent pour constituer un agrégat de pulsions qui, pour les freudiens, trouve son aboutissement vers l'âge de5 ans. Freud aboutit à ce modèle en étudiant le cas dit du « petit Hans », en 1909[réf. nécessaire].
La « phase orale » constitue l'organisation psychique du premier lien. La nourriture qui passe par la bouche est en effet la première origine de sensualité. Le plaisir produit par leszones érogènes s'étaye sur ce lien vital puis s'en éloigne, par exemple lors des préliminaires sexuels des adultes. On différencie la « phase orale de succion » de la « phase orale de morsure » qui inaugure une manifestation d'agressivité reposant sur l'ambivalence inhérente à la relation d'objet. Pour leskleiniens, le complexe d'Œdipe se manifeste déjà à cette phase orale et son déclin intervient lors de l'avènement de laposition dépressive. Ensuite, la « phase anale », allant de 1 à3 ans environ, est liée au plaisir de contrôler ses voies d’excrétion. La « phase phallique » (ou « génitale infantile »), de 3 à6 ans environ, est liée à lamasturbation. Elle connaît l'émergence puis le conflit œdipien dans sa phase la plus aiguë. La « phase de latence » s'étale ensuite de6 ans à la préadolescence, et correspond au déclin du complexe d'Œdipe par le refoulement des pulsions sexuelles qui sont mises au service de la connaissance (ou « épistémophilie ») qui dure jusqu'à l'adolescence et qui est permise par le processus desublimation. Cette « latence » est toute relative et peut varier selon les individus, les circonstances et les moments du développement[125].
La cure psychanalytique, communément nommée « psychanalyse » ou encore « cure type », désigne la pratique psychothérapeutique élaborée par Sigmund Freud puis par ses successeurs et inspirée de la « talking cure » deJosef Breuer. La pratique psychanalytique a été peu à peu distinguée par Freud de cette dernière, ainsi que de celle de l'hypnose[G 29]. La cure psychanalytique s'applique plus largement à toute une série de traitements plus ou moins dérivés de la psychanalyse au point queJean Bergeret fait de son emploi chez certains psychanalystes un abus de langage. Vers la fin de sa vie, Freud lui-même revient sur l'efficacité de la cure, rappelant que la psychanalyse est avant tout savoir[G 30]. De nature transférentielle, elle repose sur les associations libres et débute par l'étude dusymptôme (dont la névrose est la manifestation générale) pour arriver à sa source, lapulsion refoulée. Ce contenu censuré doit parvenir à la conscience du malade, ce qui en constitue le traitement[réf. nécessaire].
Lapsychothérapie psychanalytique met en œuvre tous les concepts dégagés par Freud, et en particulier ceux de « libre association » et de neutralité (l'analyste doit laisser les idées spontanées du patient s'exprimer, il doit écouter sans rien dire — et encore moins faire — qui ne perturbe les associations de l'analysant) et d'« attention flottante » (l'attention de l'analyste ne doit pas se focaliser sur un élément ou un autre du discours de l'analysant, mais rester attentif aux éléments inconscients qui pourraient surgir)[G 31]. Par ailleurs, le cadre éthique de l'analyse repose sur la sincérité du patient ainsi que sur l'engagement dupsychanalyste à la neutralité et à la bienveillance[G 32]. L’unique but de l’analyse est donc, par le travail élaboratif du patient et le travail interprétatif dupsychanalyste, de supprimer lerefoulement qui crée la répétition ; mais l'analysé ne peut prendre conscience du refoulement que si, auparavant, a été supprimée la résistance qui le maintient[Freud 10].
Freud réalise sa première analyse avec Dora, de son vrai nomIda Bauer, qui nourrit dans deux rêves des fantasmes sexuels handicapants[B 36]. Mais, en raison dutransfert qui s'opère sur sa personne, Freud échoue à guérir Dora. Il ne reconnaît que plus tard, dans un post-scriptum, qu'il n'a pas su se rendre compte qu'il était l'objet transfériel de sa patiente amoureuse. Le cas Dora est décrit de décembre 1900 à janvier 1901, mais Freud ne publie sonFragment d'une analyse d'hystérie que quatre ans plus tard[B 37].
Freud accueille ensuite en analyseErnst Lanzer, surnommé « l'homme aux rats ». Cette cure lui fournit un matériel clinique, notamment dans l'étude de lanévrose obsessionnelle. Le patient entretient une culpabilité à la suite d'une punition paternelle pour s'êtremasturbé, le rendant névrosé[B 38]. Un troisième cas fondateur de la pratique psychanalytique est celui d'Herbert Graf, surnommé « le petit Hans ». Ce dernier n'a cependant pas été analysé par Freud. L'enfant souffre d'une phobie du cheval, lié à une fixation psychoaffective au niveau ducomplexe d'Œdipe. Grâce à la compréhension de ce schéma psychique, Herbert est guéri de ses fantasmes[B 39]. Un quatrième cas est célèbre en littérature psychanalytique : celui deSergueï Pankejeff, dit « l'homme aux loups[B 40] ». Enfin, avecDaniel Paul Schreber (« le président Schreber »), Freud examine les délires psychotiques et paranoïdes présents dansMémoires d’un névropathe du magistrat[Freud 11].
Freud renonce progressivement à faire de l'homosexualité une disposition biologique ou une résultante culturelle, mais l'assimile plutôt à un choix psychique inconscient[126]. En1905, dansTrois essais sur la théorie sexuelle, il parle d'« inversion », mais, en1910, dansUn souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, il renonce à ce terme pour choisir celui d'« homosexualité ». Dans une lettre datant de1919 écrite à la mère d'une jeune patiente, Freud explique :« l'homosexualité n'est pas un avantage, mais ce n'est pas non plus quelque chose dont [on] doit avoir honte, ce n'est ni un vice ni une dégradation et on ne peut pas non plus la classer parmi les maladies »[Freud 12]. Cependant, dans l'ensemble de l'œuvre freudienne, il existe plusieurs théories et questionnements sur la naissance de l'homosexualité chez le sujet : l'homosexualité adulte y est présentée tantôt comme immature par blocage de la libido austade anal, tantôt comme replinarcissique ou encore comme identification à la mère. Freud a en effet affirmé à une certaine époque que l'homosexualité résulte d'un« arrêt du développement sexuel »[Freud 13]. Puis il a fini par conclure que l'homosexualité est un choix d'objet inconscient[réf. nécessaire].
Selon Freud, l'homosexualité n'est pas l'objet de la cure analytique. Seule laculpabilité qui l'accompagne peut donner lieu à unenévrose[Freud 14]. Enfin, dans une note de1915 auxTrois essais sur la théorie sexuelle, il explique également que« la recherche psychanalytique s’oppose avec la plus grande détermination à la tentative de séparer les homosexuels des autres êtres humains en tant que groupe particularisé. […] Elle apprend que tous les êtres humains sont capables d’un choix d’objet homosexuel et qu’ils ont effectivement fait ce choix dans l’inconscient »[Freud 15],[127].« Ni Sigmund Freud, ni ses disciples, ni ses héritiers ne firent de l'homosexualité un concept ou une notion propre à la psychanalyse » conclutÉlisabeth Roudinesco[128], même si cette question a divisé les psychanalystes. Cependant il faudrait distinguer l'homosexualité psychique chez tout être humain, de l'homosexualité agie[129]. Selon le critiqueDidier Eribon, les psychanalystes partageraient un« inconscient homophobe »[130] qui se révèle par le choix conscient de l'utilisation du terme de «perversion» chez Lacan[131] alors que pourDaniel Borrillo, Freud et certains psychanalystes (telJacques Lacan) feraient œuvre d'homophobie en classant l'homosexualité parmi les « inversions »[F 2],[note 10]. Cependant, il ne faut pas négliger que Freud est sorti de cette classification.
Pour Freud, laculture (Kultur) désigne l'ensemble des institutions qui éloignent l'individu de l'état animal[C 14]. La nature correspond donc aux émotions, auxinstincts, pulsions et besoins. L’être humain lutte en permanence contre sa nature instinctuelle et ses pulsions, qu'il tente de réfréner afin de vivre en société, sans quoi l’égoïsme universel amènerait le chaos. Pourtant, Freud opère une confusion constante dans ses écrits entre lacivilisation d'une part et la culture d'autre part[C 15]. Plus le niveau de la société est élevé, plus les sacrifices de ses individus sont importants. En imposant la frustration sexuelle surtout, la civilisation a une action directe sur la genèse des névroses individuelles. Le texte de 1929,Malaise dans la civilisation, soutient la thèse que la culture est la cause principale de névrose et de dysfonctionnements psychiques[134]. Par les règles claires qu’elle lui impose, la culture protège l'individu, même si elle exige desrenoncements pulsionnels importants. Ces contraintes peuvent expliquer qu’il existe une rage et un rejet – souvent inconscients – vis-à-vis de la culture. En contrepartie, la culture offre des dédommagements aux contraintes et sacrifices qu'elle impose, à travers la consommation, le divertissement, le patriotisme ou la religion[C 16].
Dans l'essai « Une difficulté de la psychanalyse » publié en 1917[Freud 16], et dans ses conférences d'introduction à la psychanalyse, écrites pendant laPremière Guerre mondiale, Freud explique que l'humanité, au cours de son histoire, a déjà subi« deux grandes vexations infligées par la science à son amour propre »[C 17]. La première, explique-t-il, date du moment oùNicolas Copernic établit que« notre Terre n'est pas le centre de l'univers, mais une parcelle infime d'un système du monde à peine représentable dans son immensité ». La deuxième, selon lui, a lieu quand la biologie moderne – etDarwin au premier chef –« renvoya l'homme à sa descendance du règne animal et au caractère ineffaçable de sa nature bestiale ». Il ajoute :« La troisième vexation, et la plus cuisante, lamégalomanie humaine doit la subir de la part de la recherche psychologique d'aujourd'hui, qui veut prouver au Moi qu'il n'est même pas maître dans sa propre maison, mais qu'il en est réduit à des informations parcimonieuses sur ce qui se joue inconsciemment dans sa vie psychique »[135]. Selon Freud, c'est le« renoncement progressif à des pulsions constitutionnelles » qui permet à l'homme d'évoluer culturellement[136].
S'appuyant sur les thèses deCharles Darwin, en 1912, dansTotem et Tabou, Freud explique que l'origine de l'humanité se fonde sur le fantasme d'une « horde primitive » dans laquelle a lieu le meurtre primitif du père comme acte fondateur de la société. Les hommes vivaient en hordes grégaires, sous la domination d'un mâle tout-puissant, qui s'appropriait les femmes du groupe et en excluait les autres mâles. Ces derniers commettent alors le meurtre du « Père primitif »,parricide qui explique ensuite letabou de l'inceste comme élément constitutif des sociétés. DansMalaise dans la civilisation, Freud décompose l'évolution de l'humanité en trois phases : une phaseanimiste caractérisée par un narcissisme et untotémisme primaires d'abord, puis une phase religieuse marquée par lanévrose collective et enfin une phase scientifique dans laquelle prédomine lasublimation[137]. Cette conception d'héritage phylogénétique a été critiquée par les anthropologues, les historiens[138] et invalidée par labiologie[139]. Selon Plon et Roudinesco, il ne s'agit pour Freud que d'« d'hypothèses qu'il considère comme autant de "fantaisies" »[140].Florian Houssier indique quant à lui que« quel que soit le degré de validité qu'on lui confère (fantaisie ou croyance), nous la considérons [la phylogenèse] comme un noyau d'hypothèses d'autant plus décisif que Freud la rapproche et la relie sans cesse à l'ontogenèse et à ses potentielles confirmations cliniques. […] Les préoccupations de Freud, trouver dans la phylogénèse le point de départ du choix de la névrose et confirmer par une histoire des origines l'hypothèse ducomplexe d'Œdipe, constituent bien un axe théorico-clinique d'importance »[141].
Se disant « incroyant »,« juif sans Dieu »[142], Freud est critique vis-à-vis de la religion.Athée convaincu[143], il estime que l’être humain y perd plus qu’il n’y gagne par la fuite qu’elle propose. Dans son premier écrit sur lareligion,Actes obsédants et exercices religieux, publié en 1907, il explique que lecérémonial liturgique implique obligatoirement des « actes obsédants ». Il parle par conséquent de« cérémonial névrotique ». Selon lui, la« répression, le renoncement à certaines pulsions instinctives semble aussi être à la base de la formation de la religion »[144]. Quant au lien que la pratique psychanalytique entretient avec la religion, et dans une lettre aupasteurOskar Pfister du, Freud dit qu'« en soi, la psychanalyse n'est pas plus religieuse qu'irréligieuse. C'est un instrument sans parti dont peuvent user religieux et laïcs, pourvu que ce soit uniquement au service d'êtres souffrants »[145].
AvecL'Avenir d'une illusion (1927) Freud montre dans un premier temps que la civilisation doit faire appel à des valeurs morales pour garantir son intégrité et se protéger des penchants destructeurs individuels. SelonQuinodoz, Freud englobe dans ces valeurs morales« des valeurs d'ordre psychologique, les idéaux culturels, ainsi que les idées religieuses, ces dernières constituant à ses yeux la valeur morale la plus importante pour le maintien de la civilisation. » Dans un second temps, Freud tient un dialogue avec un adversaire imaginaire (qui pourrait être le pasteur Pfister), en prenant comme modèle de religion lechristianisme pratiqué en Occident. La publication de l'ouvrage provoqua, selon Quinodoz,« des controverses qui sont loin d'être apaisées »[146]. Selon Freud, l’humanité doit accepter que la religion n’est qu’une illusion pour quitter son état d’infantilisme, et il rapproche ce phénomène de l’enfant qui doit résoudre soncomplexe d’Œdipe :« ces idées [religieuses], qui professent d’être des dogmes, ne sont pas le résidu de l’expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont desillusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l’impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d’être protégé — protégé en étant aimé — besoin auquel le père a satisfait »[Freud 17],[147].
Clotilde Leguil note que Freud rapproche dansLe malaise dans la civilisation (1930) l'effet de la religion sur le psychisme de celui des stupéfiants. Freud situe sa thèse dans la filiation de celle de Marx qui pouvait affirmer non seulement qu'elle est l'« opium du peuple », mais aussi que« la religion n'est que le soleil illusoire qui gravite autour de l'homme tant que l'homme ne gravite pas autour de lui-même »[148],[149].Paul Ricœur surnomme d'ailleurs Marx, Nietzsche et Freud,« les maîtres du soupçon », en ce qu'ils ont en commun d'avoir dénoncé l'illusion religieuse[150].
En 1939 paraîtL'homme Moïse et la religion monothéiste[151], dans lequel Freud développe la thèse queMoïse n'est pas juif mais un égyptien vouant un culte au dieuAton. Freud admet que les bases de cette hypothèse historique sont fragiles ; il voulait d'ailleurs à l'origine donner comme titre à son essai :L'homme Moïse, un roman historique[152]. La parution de l'ouvrage a déclenché une polémique[153].
Les ouvrages de Freud ont été brûlés par les nazis qui ont décrété que lapsychanalyse est une « science juive »[154].
L'antisémitisme ne pèse pas d'une manière égale durant la vie de Freud, et ce au gré des changements politiques de l'Autriche et l'Allemagne au début duXXe siècle[155]. Le sentiment antisémite joue un rôle déterminant à la fin de sa vie, lorsqu'il doit fuir l'Autriche devant lamenace nazie. Avant la Première Guerre mondiale, comme le souligneYerushalmi, « Je tiens à souligner que sa prise de conscience du phénomène précéda son entrée à l'université de Vienne, ou encore la fin du Burgerminister libéral et la montée de l'antisémitisme politique »[156]. À partir de 1917, la censure d'articles antisémites dans les journaux devient moins stricte et il devient habituel de voir traiter les Juifs de « profiteurs de guerre ». C'est en 1918 que l'antisémitisme atteint son comble, les Juifs devenant explicitement les boucs émissaires de tous les malheurs qui s'abattent sur l'Autriche[157]. En 1933, les œuvres de Freud sont brûlées par les nazis, qui y voient une « science juive » (selon la formule du parti nazi[154]) contraire à l'« esprit allemand » :« Dans l'Allemagne de 1933, après qu'on eut brûlé les œuvres de Freud, il était devenu évident que le régime dirigé par les nazis, qui venaient d'obtenir le pouvoir, ne laissait plus aucune place à la psychanalyse »[158]. Avec l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, de nombreux psychanalystes ont dû cesser leur pratique ou émigrer quand ils n'ont pas été tués ou envoyés dans descamps de concentration parce qu'ils étaient juifs. La ségrégation s'est d'abord développée en Hongrie, notamment sous le régime deMiklós Horthy. Puis, elle s'est propagée en Allemagne dès les années 1920 et en Autriche. Dès lors, la plupart de ceux qui ont survécu ont émigré auxÉtats-Unis (ainsi qu'au Royaume-Uni, en France, en Amérique du Sud,Max Eitingon quant à lui s'est exilé enPalestine)[158].
Henri Ellenberger a fait une étude approfondie de la situation des Juifs dans l'ensemble de la région et affirme que Freud aurait exagéré l'impact de l'antisémitisme dans sa non-nomination à un poste universitaire de professeur extraordinaire. Il argumente sa thèse de manière documentée[B 41]. D'autres historiens considèrent qu'Ellenberger a minimisé le phénomène à Vienne[159], qui élit comme maire Karl Lueger, ouvertement antisémite, en 1897. Le père de Freud avait été victime d'un acte antisémite, qu'il a raconté à son fils[160]. Dès ses débuts, la psychanalyse freudienne a été accusée d'être une « science juive ». Martin Staemmler écrit, dans un texte de 1933 :« La psychanalyse freudienne constitue un exemple typique de la dysharmonie interne de la vie de l'âme entre Juifs et Allemands. […] Et lorsqu'on va encore plus loin et que l'on fait entrer dans la sphère sexuelle chaque mouvement de l'esprit et chaque inconduite de l'enfant […], lorsque […] l'être humain n'est plus rien d'autre qu'un organe sexuel autour duquel le corps végète, alors nous devons avoir le courage de refuser ces interprétations de l'âme allemande et de dire à ces Messieurs de l'entourage de Freud qu'ils n'ont qu'à faire leurs expérimentations psychologiques sur un matériel humain qui appartienne à leur race »[158]. PourLydia Flem, Freud etTheodor Herzl, chacun à leur manière, répondent à la crise identitaire juive, le premier en imaginant une topique psychique, le second en rêvant d'un pays géographique pour le peuple juif[A 8].
Élisabeth Roudinesco, dans un article de 2004 dans lequel elle étudie une« lettre inédite de Freud sur le sionisme et la question des lieux saints » évoque la position de Freud qui refuse, dans cette lettre, de soutenir publiquement la causesioniste enPalestine et l'accès des juifs au mur des Lamentations, comme le lui avait demandé en 1930 Chaim Koffler, membre viennois duKeren Ha Yesod[161]. Elle rappelle dans cet article que la « judéité » de Freud, qu'il n'a, selon elle « jamais reniée », était une« identité de juif sans dieu, de juif viennois assimilé – et de culture allemande »[161]. Cette lettre, jugée peu favorable à la cause sioniste n'a pas été rendue publique, et est restée inédite[161], bien que, comme le rappelle Élisabeth Roudinesco, Freud ait eu« maintes fois l’occasion d’exprimer sur le sionisme, sur la Palestine et sur les lieux saints une opinion identique à celle adressée au Keren Ha Yesod ». Il envoie d'ailleurs, le même jour, une lettre à Albert Einstein, dans laquelle il développe les mêmes idées d'« empathie à l'égard du sionisme » dont« il ne partagera jamais l’idéal » et de« défiance à l'égard de création d’un état juif en Palestine »[161].
La découverte de l'alcaloïde de la plante decoca est contemporaine des recherches de Freud, qui cherche à l'utiliser pour la guérison psychique. En 1884, les laboratoiresMerck confient à Freud la charge de mener des expérimentations sur la substance. Avant de créer la psychanalyse, Freud a étudié ce produit et a pensé pouvoir lui prêter toutes sortes d'indications médicales — notamment dans le traitement de la neurasthénie[162]. Freud travaille sur les propriétés anesthésiantes de la cocaïne avec deux collègues, Carl Köller et Leopold Königstein, dès 1884. Cependant, il n'a pas le temps de tester son pouvoir narcotique et doit s'absenter de Vienne. Ses collègues poursuivent les expérimentations, notamment dans le cadre de la chirurgie oculaire, et finissent par présenter leur découverte devant la Société médicale de médecine de Vienne sans mentionner le rôle précurseur de Freud[163],[164]. Il poursuit ses recherches entre 1884 et 1887, et rédige plusieurs textes à ce sujet dont« Über Coca »[Freud 18].
Freud a consommé épisodiquement de la cocaïne, à partir de 1884[165],[162]. À l'époque, cette substance, récente, n'est pas interdite, la consommation de divers produits à la cocaïne est chose courante (leCoca-Cola en contint jusqu'en 1903) et apparaissait à certains médecins américains comme une panacée[166]. Il en a également prescrit en application nasale jusqu'en 1895, date à laquelle il entame son auto-analyse et aurait arrêté d'en prendre lui-même[162]. Dans un article datant de 1886, leDrAlbrecht Erlenmeyer met en garde la communauté médicale en termes précis, qualifiant la cocaïne de« troisième fléau de l'humanité »[167]. Face aux critiques de plus en plus nombreuses, leDr Johann Schnitzler, dans un article de la revueInternationale Klinische Rundschau, en 1887, défend Freud, accusé d'en avoir propagé le recours. Ce dernier écrit un dernier article sur lacocaïne en 1887 et affirme que c'est le sujet qui est prédisposé et pas la drogue qui entraîne latoxicomanie[166]. Il se détourne ensuite totalement de son étude après avoir suggéré à son amiErnest von Fleischl-Marxrow de l'utiliser pour guérir de samorphinomanie. Freud espérait guérir son addiction par la cocaïne. Cependant, Fleischl von Marxow devient dépendant de la cocaïne, puis revient à la morphine et meurt prématurément à45 ans, laissant Freud avec un très fort sentiment de culpabilité. Si le psychologue David Cohen parle d'addiction de Freud à la cocaïne et d'une consommation pendant une quinzaine d'années, selonÉlisabeth Roudinesco et la philosophe et psychanalysteFrançoise Coblence, il en a pris pendant onze ans, n'était pas dépendant au produit et ne connaissait pas le phénomène d'accoutumance (ni les cas signalés dans la littérature médicale contemporaine)[168],[162]. Les historiens Elizabeth M. Thornton (The Freudian Fallacy[169]) etHoward Markel(en) développent également la thèse d'une addiction de Freud à la cocaïne, qu'il a consommée jusqu'en 1896[170],[171].
Dans la trentième conférence desNouvelles Conférences d'introduction à la psychanalyse (1933) « Rêve etoccultisme », sujet« litigieux entre tous » d'aprèsAlain de Mijolla eu égard à« tous les arguments qui doivent faire douter un esprit scientifique de l'existence de latransmission télépathique », Freud, qui a néanmoins pu observer le phénomène et en donne « quelques exemples d'observations, qui l'ont troublé, entre autres celle de Vorsicht/Forsyth », recommande en conséquence de« penser avec plus de bienveillance à la possibilité objective de la transmission de pensée et par là même aussi à la télépathie »[172],[note 11]. Il avait écrit auparavant en 1921 un texte,« sans titre à l'origine », lu aux membres du « Comité secret » et retrouvé dans ses manuscrits, qui fut publié en 1941 sous le titrePsychoanalyse und Telepathie dans lesGesammelte Werke[175],[note 12]. L'article « Rêve et télépathie », écrit probablement en décembre 1921 et paru en 1922 dans la revueImago, avait pour sous-titre « Conférence à laSociété psychanalytique de Vienne », bien que lesMinutes de Vienne n'en aient pas gardé la trace ; cette conférence ne fut sûrement pas prononcée[176].« La signification occulte des rêves » (1925), troisième partie deQuelques suppléments à l'ensemble deL'Interprétation du rêve, avait été publié à la fois dans lesGesammelte Schriften, dans l'Almanach 1926 (paru en septembre 1925) et dansImago[177].
Si Freud s'est intéressé à l'occultisme — en vogue à son époque[note 13] — comme nombre de ses contemporains, psychologues et autres savants, telsPierre etMarie Curie[note 14], il a, d'après Roudinesco et Plon,« instaur[é] une ligne de démarcation très nette entre la psychanalyse comme science » et ce qu'il nommait« la marée noire de l'occultisme », ce qui ne l'a pas empêché d'être fasciné par ce domaine et d'entretenir une ambivalence prononcée[183]. Selon le psychiatre et psychanalyste Michel Picco,« Freud ne témoigne d'aucun intérêt pour le spiritisme. […] Il dénonce les charlatans […]. En somme, le seul problème qu'il retienne comme véritablement sérieux, ce qu'il nomme "le noyau de vérité de l'occultisme", c'est la télépathie », intérêt« banal » à son époque et dont fait également part, de son côté,Pierre Janet par exemple[173]. En revanche,Ernest Jones la rejetait[note 15], et Freud lui écrit en 1926[185] :« quand on alléguera devant vous que j'ai sombré dans le péché, répondez calmement que ma conversion à la télépathie est mon affaire personnelle […] et que le thème de la télépathie est par essence étranger à la psychanalyse[183] »[note 16].
L'ambivalence de Freud à l'égard de l'occultisme, la télépathie surtout[note 17], se constate chronologiquement, comme le rapportent Roudinesco et Plon : il y est d'abord pressé parJung, en 1909, le réprouve, puis parFerenczi en 1910, qu'il encourage un temps, avant de condamner en 1913, au nom de la science, les expériences télépathiques[183] ; puis de 1920 à 1933, dans le contexte de l'institutionnalisation de l'IPA, mouvement qui met en son cœur le rationalisme positiviste et l'idéal de scientificité, au risque du scientisme, il s'y intéresse à nouveau et horripile Jones qui propose de bannir des débats de l'IPA toute recherche sur l'occultisme, ce que Freud accepte tout en rédigeant deux textes en 1921 et en prononçant une conférence en 1931 sur le sujet[note 18],[183]. Freud donne des exemples de situations prétendument occultes ou télépathiques en en proposant une interprétation proprement psychanalytique[183],[note 24]. Cette ambivalence n'est pas à comprendre comme un rejet ou une adhésion à la télépathie pour elle-même mais comme le moyen d'une opposition passive de Freud à la politique de Jones qui soutient les Américains partisans d'une psychanalyse médicalisée, scientiste, contre l'analyse profane[183]. Ainsi, selon Roudinesco et Plon, Freud feint de croire à la télépathie, et en donne une interprétation psychanalytique au regard de la notion detransfert[note 25],[183]. Il est ainsi possible, selon Picco, qu'il emploie le terme par défaut d'un plus approprié[note 26].
Les principales querelles aboutissent, au cours du développement du mouvement psychanalytique, à des scissions majeures, d'abord celle d'Alfred Adler (qui fonde ensuite lapsychologie individuelle), puis celle deCarl Gustav Jung, initiateur de lapsychologie analytique. Les points théoriques de désaccord sont nombreux, liés à la libido, au complexe d'Œdipe ou encore à l'importance de la sexualité dans le psychisme. Ces controverses se situent dès les années 1907 et 1911. Nommés les « apostats » par Freud, Adler, le premier, puis Jung ensuite, s'opposent à la conception de la libido comme essentiellement d'origine sexuelle et qu'ils voient plutôt comme une « pulsion de vie » au sens large. Freud craint par-dessus tout que les dissidents ne détournent la théorie et la pratique psychanalytique.Paul-Laurent Assoun souligne en effet que tous deux disent vouloir remettre la psychanalyse dans la bonne direction, et la sauver du culte de la personnalité formé autour de Freud[G 33]. La concurrence entre les diverses écoles, principalement entre le cercle viennois et l'école de Zurich de Jung, porte le coup le plus rude au jeune mouvement psychanalytique, et ce dès 1913, avec la défection de Jung. Les autres divergences internes se rapportent par exemple à la précocité du Surmoi telle que la décritMelanie Klein ouDonald Winnicott[G 34],[G 35], avec qui, en s'émancipant de l'héritage freudien tout en intégrant ses apports, commence le post-freudisme. L'opposition avecWilhelm Reich porte elle essentiellement sur des différences foncières concernant la pratique de la cure psychanalytique, notamment à propos de la règle d'abstinence[réf. nécessaire].
Une très grande collection des écrits originaux et des lettres freudiennes se trouve dans laSigmund Freud Collection de la Librairie du Congrès àWashington[187].
De son vivant, Freud a eu à faire face à des critiques[C 18].
Des contemporains, commeKarl Kraus etEgon Friedell, portèrent diverses critiques ; Kraus récuse l'interprétation sexuelle psychanalytique en littérature alors que Friedell qualifie la psychanalyse de « pseudo-religion juive » et de « secte »[188].
Paul Roazen publie quant à lui une étude sur les relations complexes entre Freud,Victor Tausk etHelene Deutsch. Tausk avait demandé une analyse à Freud, qui la lui avait refusée, avant de l'adresser à Deutsch. Cette dernière était alors elle-même en analyse chez Freud. Cette situation est abordée par Roazen, qui la met aussi en rapport avec les autres causes du suicide de Tausk[189].
Selon l'anthropologue Samuel Lézé, lesFreud Wars, qu'il observe comme« une énigme locale », sont une expression courante dans laPresse aux États-Unis entre 1993 et 1995 : il s'agit d'une« série de polémiques » dont curieusement l'objet« portait essentiellement sur lapersonnalité de Freud », alors que pourtant, précise Lézé, la psychanalyse« n'est plus aux manettes de la psychiatrie américaine » depuis au moins le milieu des années 1980 et que les facultés de psychologie ne l'enseignent plus[190]. Unremake a lieu enFrance dix ans plus tard entre 2005 et 2010 à l'occasion duLivre noir de la psychanalyse et surtout duCrépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne deMichel Onfray[190]. D'après Samuel Lézé, l'enjeu de cette « guerre des psys » dans les médias français et les essais critiques est politique en fait :« une génération nouvelle de professionnels de la santé mentale entend prendre la place de l'ancienne génération formée dans le giron de la psychanalyse au début des années 1980 »[190].
Dans un compte-rendu de l'ouvrage de Lézé, Yannis Gansel affirme qu'« aux États-Unis, où l’emprise religieuse et la construction de la juridiction médicale sur les « problèmes personnels » contiennent la psychanalyse dans la sphère clinique, c'est un « Freud scientifique » que les critiques visent »[191]. D'après Gansel, Lézé décrit dans son livre« le « débat immobile » et la « cérémonie de dégradation » sans fin opérés par les anti-freudiens »[191]. Le mouvement des anti-freudiens opère en effet sous deux aspects : celui d'une critique rationnelle (un débat) et celui d'une dénonciation morale correspondant à une dégradation[191]. Pour Yannis Gansel, l’originalité du livre consiste à« montrer à quel point la critique dépend de l’icône qu’elle entend enterrer »[191].
En France, la critique théorique est représentée par un ouvrage collectif et multidisciplinaire,Le Livre noir de la psychanalyse (2005), corpus d'articles publié sous la direction de Catherine Meyer, et qui reflète plusieurs décennies de critiques à l'égard de Freud. La plupart des points critiques sont abordés, de la scientificité de la psychanalyse à la personnalité de Freud, en passant par les contradictions, la fabrication suspectée de cas psychopathologiques et de fausses guérisons[192]. Se basant sur des études épidémiologiques, selon ces auteurs la faible efficacité thérapeutique de la méthode psychanalytique par rapport à d'autres techniques psychothérapeutiques, comme lesthérapies cognitivo-comportementales est mise en évidence. Cet ouvrage a suscité des réactions dans divers milieux psychiatriques, thérapeutiques et psychanalytiques, relançant ainsi des conflits d'intérêts sous-jacents. En réponse à ces critiques, la psychanalyste Élisabeth Roudinesco a dirigé un ouvrage intituléPourquoi tant de haine ? : anatomie du Livre noir de la psychanalyse (2005)[192]. D’autres psychanalystes et psychiatres ont critiqué l'ouvrage[193],[194],[195].
Frank Sulloway a développé quant à lui dansFreud biologiste de l'esprit (1979) la thèse selon laquelle Freud aurait produit un modèle « cryptobiologique » dans le but de masquer ses théories biologiques reconnues comme déjà obsolètes à son époque par certains de ses partisans, telErnst Kris, afin de présenter la psychanalyse comme une théorie révolutionnaire et originale[196].Jacques Lacan, quant à lui, estime que l’œuvre de Freud est à comprendre sous l'angle du langage et non sous celui de la biologie, affirmant notamment que « l'inconscient est structuré comme un langage »[réf. nécessaire].
L'essayiste et polémiste françaisMichel Onfray publie en avril 2010Le Crépuscule d'une idole : l'affabulation freudienne, dans lequel il reproche notamment à Freud d'avoir généralisé son cas personnel, d'avoir été un médecin médiocre, d'avoir développé la théorie psychanalytique sans suivre une démarche scientifique, en mentant sur ses observations et sur les guérisons obtenues, aux seules fins d’assurer sa réussite personnelle et financière, et d'avoir fondé la communauté psychanalytique sur des principes quasi-sectaires. Il souligne également que Freud a signé une dédicace àBenito Mussolini et qu'il a écritL'homme Moïse et le monothéisme en plein essor du nazisme et de l'antisémitisme. L'intéressé reprend les critiques du freudisme connues et développées avant lui, en utilisant une grille d'interprétation d'inspiration nietzschéenne. En novembre 2010, il publieApostille au crépuscule : pour une psychanalyse non freudienne, où il propose un modèle psychologique permettant de « dépasser » la psychanalyse freudienne[197].
Le livre du neurologueLionel Naccache,Le nouvel inconscient, montre clairement comment les processus cérébraux correspondent à ce qui, chez Freud, est l’inconscient en tant que « représentation non représentée »[198]. Par contre, remarque le philosopheYvon Brès, Naccache« critique d’une manière intéressante mais discutable d’autres aspects de l’inconscient freudien : son intemporalité, son origine infantile, son rapport aurefoulement »[198]. Pour Jacques Galinier, les travaux de Lionel Naccache sur les phénomènes d'amorçage sémantique inconscient ont démontré l'existence d'un inconscient cognitif qui ne saurait être assimilé à l'inconscient freudien[199].
La théorie freudienne du rêve centrée sur la satisfaction hallucinatoire du désir dissimulé grâce aux mécanismes de déplacement, condensation et dramatisation a aussi été critiquée[F 3], tant dans la fonction attribuée aux rêves que dans son processus. Selon le psychologue, sociologue et essayisteG. William Domhoff et le psychologue cognitiviste David Foulkes, l'idée selon laquelle l'association libre permet d'accéder au contenu latent du rêve est infirmée par des travaux de psychologie expérimentale qui ont conclu au caractère arbitraire de cette méthode[200].
D'après le neuroscientifique Winson en 1985, l’association libre de Freud est une méthode valide qui permet l'accès au contenu latent[201]. Le neuropsychiatreAllan Hobson a critiqué l’ouvrage de Domhoff en lui reprochant de méconnaître les mécanismes neurobiologiques qu'il étudie[202] etDrew Westen(en) remarque que Foulkes partage des points de vue avec la théorie de Freud, notamment qu'il existe un contenu latent et un contenu manifeste qui en est la transformation, et que cette transformation relève d'un langage à déchiffrer[203]. Selon le neurologueBernard Lechevalier, il y a compatibilité entre la conception psychanalytique du rêve et lesneurosciences[204]. Le chercheur en neuroscience et prix NobelEric Kandel a émis quelques critiques vis-à-vis de la psychanalyse[205] mais concède qu'elle « représente encore la conception de l'esprit la plus cohérente et la plus satisfaisante intellectuellement »[206].
Avant laRévolution de 1917, la Russie est le pays où Freud est le plus traduit. Après la prise de pouvoir par les bolcheviks, il y eut des rapprochements entre la pensée de Freud et celle deKarl Marx. Cependant, par la suite,« quandTrotski, qui était très favorable à la psychanalyse, fut condamné à l'exil en 1927, la psychanalyse fut associée au trotskisme et officiellement interdite » expliqueEli Zaretsky[208]. En 1949, Guy Leclerc publie dansL'Humanité l'article « La psychanalyse, idéologie de basse police et d'espionnage »[209], dans lequel il considère la psychanalyse comme une science bourgeoise destinée à asservir les foules. Dès lors, après en avoir accepté l'importance avec lefreudo-marxisme, leParti communiste français commence sa campagne contre la psychanalyse, et plus largement contre lapsychanalyse en France[207].
Une partie des critiques envers Freud et la psychanalyse porte sur la question de sa scientificité.Ludwig Wittgenstein a par exemple dit :« Freud a rendu un mauvais service avec ses pseudo-explications fantastiques. N’importe quel âne a maintenant ces images sous la main pour expliquer, grâce à elles, des phénomènes pathologiques[210]. » Le philosopheMichel Haar (Introduction à la psychanalyse. Analyse critique, 1973) et les cognitivistesMarc Jeannerod et Nicolas Georgieff[211] dressent le panorama de ces critiques tenant de l'épistémologie. Les critiques de Freud, à son époque et aujourd'hui, mettent en effet en cause tantôt la scientificité de sa démarche, sa méthodologie (notamment le faible nombre de cas, ou l'interprétation littéraire), son aspect hautement spéculatif également, son incohérence théorique, l'absence de validation expérimentale ou d'études cliniques rigoureuses (contrôlées et reproductibles), des manipulations de données et de résultats cliniques et thérapeutiques[212].
Selon Clarice de Medeiros Chaves Ferreira, la plupart des scientifiques critiques envers la psychanalyse lui contestent la qualification de science,bon nombre[pas clair] allant jusqu'à la qualifier depseudoscience[213].
DansLa Psychanalyse à l'épreuve (1992),Adolf Grünbaum explique que Freud ne démontre rien sur le plan scientifique :« le caractère rétrospectif du test propre au cadre psychanalytique est incapable d'authentifier de manière fiable ne serait-ce que l'existence de l'expérience d'enfance rétrodictée (…), et encore moins son rôle pathogène »[214]. Bien que critique envers la psychanalyse, Grünbaum s'oppose par ailleurs à un autre détracteur des travaux de Freud :Karl Popper. Ce dernier explique que :« Les « observations cliniques », qui sont naïvement considérées par les psychanalystes comme des confirmations de leur théorie, ne sont pas plus probantes que les confirmations quotidiennes que les astrologues trouvent dans leur pratique. Quant à l'épopée freudienne du Moi, du Surmoi et du Ça, elle ne peut pas plus sérieusement prétendre à un statut scientifique que les histoires qu'Homère a collectées sur l'Olympe. Ces théories décrivent certains faits, mais à la façon des mythes. Elles contiennent des énoncés psychologiques des plus intéressants, mais qu'on ne peut soumettre à vérification »[215]. Le critère de safalsifiabilité (sa « réfutabilité » en d'autres termes) occupe l'essentiel de leur débat. Contrairement à Popper qui regarde la psychanalyse comme non réfutable donc pseudo-scientifique, Grünbaum pense que certaines assertions psychanalytiques peuvent être testées, comme le lien supposé par Freud entre paranoïa et refoulement de l'homosexualité (si le second était bel et bien la cause nécessaire de la première, des sociétés moins homophobes devraient connaître une prévalence moins importante de paranoïa)[réf. nécessaire].
À l'endroit de la notion de « falsification » chez Popper qui lui ferait rattacher la psychanalyse« tout à la fois à lamétaphysique et à lapensée mythique », le psychanalysteJean Laplanche objecte que Freud« invoque à de nombreuses reprises l'éventualité de ce qu'il nomme, entre guillemets, le « cas négatif », par exemple comme possibilité de falsification de sa théorie de l'étiologie sexuelle »[216]. Selon lui, c'est« de la même façon, par une épreuve de falsification », que Freud« procède aussi bien dans son « abandon de lathéorie de la séduction », que dans le texte qui se propose d'examiner « un cas deparanoïa contredisant la théorie psychanalytique de cette affection »[216]. Laplanche évoque aussi l'accueil par Freud de l'objection deMelanie Klein, qui « falsifie » la théorie freudienne de l'héritage chez un individu de la sévérité duSurmoi des parents, à laquelle elle oppose au contraire son observation clinique« que bien souvent les individus se sentent d'autant plus coupables que leur éducation a été plus tolérante »[216]. Jean Laplanche s'inscrit ainsi en faux contre l'assertion selon laquelle l'interprétation psychanalytique« serait par définition inaccessible à la contradiction »[216].
Selon Vannina Micheli-Rechtman, les critiques de Grünbaum et Popper ne prennent pas assez en compte l'épistémologie propre à la psychanalyse[217]. Ainsi, la psychanalyse est avant tout « une pratique de communication et une pratique de soin », selonDaniel Widlöcher, qui rappelle cette phrase de Lacan « "la psychanalyse est une science des actions humaines au même titre qu’un certain nombre de sciences des actions". C'est-à-dire que c’est une pratique d’actions (on fait quelque chose avec quelqu’un d’autre) et de cela on déduit des généralités qu’on va élaborer comme des modèles. La psychanalyse construit des modèles » descriptifs au même titre que la science économique[218] ou d'autres sciences sociales, comme l'ethnologie[219]. Elle n'en adopte pas moins la même rationalité que la rationalité scientifique, comme le montre, par exemple,Jean-Michel Vappereau[220]. Mais là où les sciences expérimentales évacuent la subjectivité pour atteindre l'objectivité, la psychanalyse s'attache à ce qui est propre à structurer la subjectivité, à travers un objet (l'inconscient) et un protocole (le « divan ») qui lui sont propres et parfaitement rationnels[221].
Emil Cioran réfute que la psychanalyse ait un caractère scientifique. « Freud », écrit-il,« s’est comporté, et dans ses écrits et dans ses actes, comme un fondateur de secte. La psychanalyse n’est pas une méthode, mais un simulacre de religion. Et d’ailleurs, ce n’est pas pour rien que le psychanalyste remplace leconfesseur »[222].
La toute première traduction d'un texte de Freud en français« par un certain M.W. Horn »[223] est celle deL'Intérêt de la psychanalyse, publié en1913 àBologne dans la revue italienneScientia[104],[224],[note 27]. Le texte y est« présenté simultanément en allemand, dans le corps de la revue, et en français dans un fascicule joint qui contient d'autres traductions »[223].
Par la suite, les premières traductions d'articles de Freud en français l'ont été notamment parHenri Hoesli pour laRevue française de psychanalyse. Les traductions de livres, parfois recueils d'articles, sont éditées par de nombreux éditeurs : Payot,Gallimard, PUF, Alcan.Anne Berman a été par exemple la traductrice de plusieurs ouvrages de Freud, d'Anna Freud et de Ernest Jones. Les Presses universitaires de France ont publié de 1988 à 2019 lesŒuvres complètes de Freud / Psychanalyse sous la direction scientifique deJean Laplanche. Cette traduction a été objet de controverses, du fait de ce que Laplanche définit comme« une exigence de fidélité au texte allemand », mais que ses contradicteurs voient comme un exercice formaliste, comportant desnéologismes qui en rendent la compréhension difficile[225]. Le volumeTraduire Freud (1989) tente d'expliquer et de justifier les principes auxquels se réfère cette grande entreprise d'une nouvelle traduction desŒuvres complètes de Freud en France.
En allemand, dix-sept volumes sont parus entre 1942 et 1952, intitulésGesammelte Werke. En anglais, vingt-quatre volumes paraissent entre 1953 et 1974 sous le titre deStandard Edition. En 2010, la situation des traductions des œuvres change radicalement puisque les écrits de Freud sont entrés dans ledomaine public[226].
Listes chronologiques des textes freudiens (choix)
La période prépsychanalytique comprend les écrits de Freud datant de sa formation médicale et de ses premiers travaux.
« Écrits sur la cocaïne » (Über Coca, 1884[3]), « Contribution à la connaissance des effets de la coca » (1885), regroupés avec d'autres articles et la correspondance sur ce même sujet dansDe la cocaïne (trad. de l'allemand), Bruxelles,Éditions Complexe,, 95 p.(ISBN2-914388-76-4). Retraduit enUn peu de cocaïne pour me délier la langue, Max Milo Éditions, 2005(ISBN978-2870270004)
« Analyse d'une phobie d'un petit garçon de cinq ans » (Le petit Hans) (1909) inCinq psychanalyses, Paris, Gallimard, 1935 ; Paris, PUF, OCF.P, IX,p. 1-130.
« Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle » (L'homme aux rats) (1909) inCinq psychanalyses, Paris, Gallimard, 1935 ; Paris, PUF, OCF.P, IX,p. 131-214.
« À propos de la psychanalyse dite "sauvage" » (1910) réédité sous le titre :La question de l'analyse profane, Paris, Gallimard, Folio, 1998(ISBN2-07-040490-0).
« Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d'un cas de paranoïa » (Le président Schreber) (1911) inCinq psychanalyses, Paris, Gallimard, 1935 ; Paris, PUF, OCF.P, X,p. 225-304.
« La Dynamique dutransfert » (1912) inLa technique psychanalytique, Paris, PUF, 2007, coll. « Quadrige Grands textes »(ISBN2-13-056314-7).
« Analyse terminée et analyse interminable » (1937) inŒuvres complètes - psychanalyse : volume 20 : 1937-1939, (OCF) Puf, 2010,(ISBN2130565948). Traduit aussi sous le titre « L’analyse finie et l’analyse infinie », inL’analyse finie et l’analyse infinie suivi de Constructions dans l’analyse, Quadrige, Puf, 2019.
« Un mot à propos de l’antisémitisme » (1938) in Œuvres complètes - psychanalyse : volume 20 : 1937-1939, (OCF) Puf, 2010,(ISBN2130565948).
Sigmund Freud,Correspondance (1873-1939), Édition d'Ernst L. Freud avec la collaboration de Jean-Pierre Grossein, traduction d'Anne Berman, Collection Connaissance de l'Inconscient, Gallimard, 1966. Nouvelle édition augmentée, Gallimard, 1979. Présentation sur le site de l'éditeur[lire en ligne]
Sigmund Freud, Karl Abraham,Correspondance complète : 1907-1925, Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l'inconscient », 2006(ISBN2-07-074251-2)
Cartes postales, notes & lettres de Sigmund Freud à Paul Federn (1905-1938), traduit de l’allemand par Benjamin Lévy, avec la collaboration de C. Woerle pour la transcription, Introduction par le Groupe de travail Paul Federn (F. Houssier, D. Bonnichon, A. Blanc et X. Vlachopoulou), Les éditions d'Ithaque, 2018,(ISBN978-2-916120-87-4)
Sigmund Freud, Sándor Ferenczi, Paris, Calmann-Lévy :
Correspondance. 1920-1933 Les années douloureuses,t. 3, 2000(ISBN2702131050)
Sigmund Freud, Ernest Jones,Correspondance complète, 1908-1939, Paris, PUF, 1998, coll. « Histoire de la psychanalyse »,(ISBN2-13-048636-3)
Sigmund Freud, Oskar Pfister,Correspondance avec le pasteur Pfister, 1909-1939, Gallimard, 1966, Paris, Gallimard, 1991, coll. « Tel »,(ISBN2-07-072293-7).
Lou Andreas-Salomé,Correspondance avec Sigmund Freud : 1912-1936, Paris, Gallimard, 1970(ISBN2-07-027003-3).
Sigmund Freud,Lettres à Wilhelm Fliess 1887-1904, Édition complète établie parJ. M. Masson, traduction de Françoise Kahn et François Robert, Paris, PUF, 2006(ISBN2130549950)
Die Brautbriefe [Les « lettres de fiançailles »], Bd 1 (Juni 1882-Juli 1883), Sei mein, wie ich mir's denke, Gerhard Fichtner, Ilse Grubrich-Simitis, Albrecht Hirsmüller (éd.), Francfort, Fischer Verlag, 2011,(ISBN978-3-10-022807-9) Présentation chez l'éditeur[lire en ligne]
Unser Roman in Fortsetzungen. Die Brautbriefe Bd. 2, Sigmund Freud, Brautbriefe, Band 2, Herausgegeben von: Gerhard Fichtner, Ilse Grubrich-Simitis, Albrecht Hirschmüller, Fischer Verlag, 2013,(ISBN978-3-10-022812-3). Présentation chez l'éditeur[lire en ligne]
Warten in Ruhe und Ergebung, Warten in Kampf und Erregung, Die Brautbriefe Bd. 3, Sigmund Freud, Brautbriefe, Band 3, Herausgegeben von: Gerhard Fichtner, Ilse Grubrich-Simitis, Albrecht Hirschmüller, Fischer Verlag,(ISBN978-3-10-022813-0), 2015, Présentation chez l'éditeur[lire en ligne]
Spuren von unserer komplizierten Existenz, Die Brautbriefe Bd. 4, Sigmund Freud, Brautbriefe, Band 4, Herausgegeben von: Gerhard Fichtner, Ilse Grubrich-Simitis, Albrecht Hirschmüller, Fischer Verlag, 2019,(ISBN978-3-10-022814-7). Présentation chez l'éditeur[lire en ligne]
DansSigmund Freud un juif sans Dieu (2019), réalisé parDavid Teboul, le cinéaste s’est penché sur le cas Freud : son film« est construit à la manière d’unecure analytique, par associations imagées et résonances »[240].
↑Il n'est pas sûr qu'il s'agisse du deuxième ou troisième mariage du père de Freud.
↑Une plaque commémorative (« c'est dans cette maison que le 24 juillet 1895 le mystère du rêve fut révélé auDr Sigmund Freud ») qui figure actuellement devant le 19 Berggasse à Vienne rappelle que le rêve dit de l'« injection faite à Irma » est le prototype de l'interprétation des rêves selon la psychanalyse.
↑« Ce plaisir est-il oral, anal ou phallique? », s'interroge Yvon Brès à propos d'un Freud qui« ne se pose pas encore la question », mais il ajoute :« Jeffrey Moussaieff Masson n'a peut-être pas tort d'attirer l'attention sur le nombre des agressions sexuelles dont étaient victimes les enfants à cette époque et sur le fait que, en particulier pendant son séjour à Paris, Freud avait pu fréquenter la morgue et réfléchir sur le phénomène » (page 26, note 2 de son essai, Brès se réfère à tout le chapitre II du livre de Masson,The Assault on Truth, traduit en françaisLe réel escamoté).
↑Le titre d'« Extraordinarius » correspond au premier grade universitaire, c'est-à-dire à professeur sans chaire. La lettre qui promeut Freud est signée de l'empereur François-Joseph.
↑Les« Schriften zur angewandten Seelenkunde » publient des travaux de Freud,Franz Riklin, Carl Jung, Karl Abraham, Sadger,Oskar Pfister, Max Graf, Ernest Jones, Sorfer, Keilholz et von Hug-Hellmuth. La collection s’arrête en 1913, peu de temps après la parution de la revueImago, inBrigitte Lemérer etalii, « Freud et l'activité éditoriale »,Essaim,vol. 1,no 7,,p. 59-81.
↑Cette « Feuille centrale de psychanalyse ou mensuel médical de psychologie » aAlfred Adler etWilhelm Stekel comme premiers rédacteurs en chef et Freud comme directeur de rédaction.
↑Publié en1966 par Bullitt dans une version remaniée sans l'accord de Freud, le manuscrit original est découvert dans lesannées 2010.
↑Selon Élisabeth Roudinesco, Jacques Lacan« acceptait d'analyser les homosexuels comme des patients ordinaires, sans chercher à les normaliser ». Elle estime qu’il a été le premier à autoriser les homosexuels à devenir psychanalystes[132],[133].
↑D'après Michel Picco,« Le seul exemple donné par S. Freud (1921a), du moins dans ses textes officiellement publiés, d’un cas de télépathie survenu dans le cours d’une analyse, est celui qui, depuis W. Granoff et J.-M. Rey (1983), peut être désigné sous le nom de « L’affaire Forsyth[173] ». Dès que le docteur Forsyth serait prêt à entamer une analyse didactique, la cure de M. P. devrait s'arrêter, (M. P. qui seraitSergueï Pankejeff selonMaria Torok)[174] ; Freud, qui n'avait plus aucun espoir dans l'évolution de sa cure et un nombre de places limitées, l'en avait prévenu ; ce patient y fit plusieurs allusions, le jour même de la visite du docteur, notamment par l'associationVorsicht, (prévoyance en allemand),foresight (prévoyance en anglais) avec le nom Forsyth. Sigmund Freud évoque plusieurs hypothèses, mais ne parvient pas à une explication satisfaisante, et selon Picco, il conclut« par un doute qui fait tout de même pencher un peu la balance du côté de sa croyance en l’existence de la télépathie »[173].
↑Selon l'historienne de la psychologie, Régine Plas, les premiers psychologues ont tous mené, de près ou de loin, des recherches qui seraient rejetés aujourd'hui dans le domaine de laparapsychologie, dont la télépathie[179],[180]. D'après le psychologue clinicien Thomas Rabeyron si une partie des phénomènes a été progressivement abandonnée, trois sociétés savantes ont poursuivi les recherches dites psychiques, laSociety for Psychical Research, créée en 1882 à Londres, l’American Society for Psychical Research(en), en 1885 à New York (dontWilliam James participe à la fondation) et l’Institut métapsychique international, en 1919 à Paris, cette thématique suscitant un fort engouement :William James,Charles Richet,Pierre etMarie Curie,Henri Bergson,Édouard Branly,Camille Flammarion participent, avec de nombreux membres de l’Académie de médecine, de l’Académie des sciences et d’hommes politiques connus, aux activités de ces sociétés[181]. Freud a de son côté été membre correspondant de la Society for Psychical Research à partir de 1911, puis membre d'honneur à partir de 1938, il a aussi été membre d'honneur de l'American Society for Psychical Research à partir de 1915[182],« tout en gardant, semble-t-il, ses distances avec ces mouvements », selon le psychiatre et psychanalyste Michel Picco[173].
↑Jones n'avait que du mépris pour tout ce qui avait trait à l'occultisme et était inquiet du tort que pouvait faire à la psychanalyse l'intérêt de Freud pour l’hypothèse de la transmission de pensée (Gedankenübertragung) . Il a néanmoins consacré dans sabiographie un chapitre sur le rapport de Freud et de l'occultisme[184].
↑Selon le psychanalysteMichael Turnheim,« Il n’est pas difficile de résumer les thèsesofficielles de Freud sur les phénomènes télépathiques : 1. La psychanalyse est une théorie du chiffrage-déchiffrage de tendances inconscientes et la télépathie n’appartient pas à ce domaine ; 2. Ce domaine analytique initial demande pourtant à être élargi pour rendre compte des effets de la pulsion de mort ; 3. La télépathie, si elle existe (possibilité que Freud ne veut nullement exclure), n’appartient pas non plus à ce champ plus large et ne justifie aucun élargissement supplémentaire de la théorie ; 4. Malgré la délimitation stricte de la télépathie par rapport au domaine analytique, des phénomènes télépathiques peuvent, en tant que matériel d’un rêve par exemple, entrer dans l’espace analytique proprement dit[186]. »
↑Comme le souligne Michel Picco, les positions de Freud à l'égard de la télépathie sont contradictoires,« sceptique ou réservé » face à ses disciples enthousiastes (Jung, Ferenczi), et« presque convaincu » devant un« ultra-sceptique » tel que Jones, écrivant des textes qu'il ne publie pas ou ne prononce pas en conférence[173].
↑le premier, publié de façon posthume en 1941, sous le titre « Psychanalyse et télépathie », le second, « Rêve et télépathie » qui paraît dansImago tandis que« Rêve et occultisme » sera publiée en 1933 dans lesNouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse[183] ; voir également :DanielWidlöcher,« Chapitre 1. La personne du psychanalyste et les processus d’empathie et de co-pensée », dansLes paradoxes de l’empathie : Philosophie, psychanalyse, sciences sociales, CNRS Éditions,coll. « Philosophie »,(ISBN978-2-271-13002-0,lire en ligne),p. 137–146 etWladimirGranoff, Jean-MarieRey et SigmundFreud,La transmission de pensée: traduction et lecture de "Psychanalyse et télépathie" de Sigmund Freud, Aubier,(ISBN978-2-7007-2441-7,lire en ligne).
↑Gori, R. (1996). Pensées de transfert ou transfert de pensée. La preuve par la parole : Sur la causalité en psychanalyse (51-73). Paris : PUF.
↑Widlöcher, D. (2004). The third in mind. Psychoanalytic Quarterly, 73, 197-213
↑Turnheim, M. (2008). Freud le médium (Notes sur l’affaire de la télépathie). Psychanalyse, 12, 41-53.
↑Des historiens ont montré la rigueur avec laquelle Freud avait abordé le sujet comme Patrick Moreau[note 19] ouBertrand Méheust[note 20], Rabeyron et Evrard, à la suite d'autres commeRoland Gori[note 21],Daniel Widlöcher[note 22] ou encoreMichael Turnheim[note 23] en donnent, à travers la correspondance entre Freud et Ferenczi, une interprétation psychanalytique notamment en termes transférentiels et contre-transférentiels, et d'inconscient et d'intersubjectivité[180].
↑« [il] transforme la télépathie, phénomène occulte supposant une intervention de l'au-delà (les astres, la voyance ou le démoniaque) en un pur transfert de pensée auquel il convient de donner une interprétation psychanalytique. Mais en feignant d'adhérer à la télépathie, il joue à retourner à une vision quelque sorte "préfreudienne", préhypnotique ou magnétique de la relationtransférentielle[183] »
↑Parmi les hypothèses, selon Picco, qui expliquent les ambivalences de Freud, l'une tient au fait que Freud utilise l'expression de télépathie« par défaut », à la place d'une conceptualisation plus exacte pour caractériser« le transfert bien sûr, l’archaïque, la formation du « moi », la transmission de contenus psychiques, les identifications, les rapports du sujet au groupe et les phénomènes de contagions psychiques », thèmes qu'il explore à la même période dansPsychologie des masses et analyse du moi publié en 1921[173]
↑Dans une note d'Ernest Jones, il est indiqué :« Traduction française par W. Horn, dansScientia, 7e année, Bologne ».
↑Le procédé cathartique de Breuer constitue une phase préliminaire de la psychanalyse. Freud ajoute qu'il repousse définitivement l'hypnose par la méthode de la libre association,p. 70.
↑« Nous en sommes encore à nous demander pourquoi, dans l'analyse, c'est le transfert qui oppose au traitement la plus forte des résistances », dansSigmund Freud,« La technique du transfert », dansTechnique psychanalytique, Presses universitaires de France,coll. « Quadrige Grands textes », (1reéd. 1912)(ISBN2130563147).
↑« J'avais jugé nécessaire d'adopter la forme d'une association officielle, afin de prévenir les abus qui pourraient se commettre au nom de la psychanalyse, une fois qu'elle serait devenue populaire »,p. 119.
↑Parlant de son autobiographie, Freud confirme ce lien entre sa vie et la psychanalyse :« MaPrésentation de moi-même montre comment la psychanalyse devient le contenu de ma vie, et se conforme ensuite à ce principe justifié que rien de ce qui m'arrive personnellement ne mérite d'intéresser au regard de mes relations avec la science », dansSigmund Freud présenté par lui-même, Gallimard, 1991,pp. 121-122.
↑Lettre à Wilhelm Fliess du, « J'ai besoin de beaucoup de cocaïne. »
↑« Über den Ursprung des Nervus acusticus », in« Monatsschrift für Ohrenheilkunde », Neue Folge, XX, 1886,pp. 245-282.
↑« Über Hypnose und Suggestion », in« Internationale Klinische Rundschau », VI, 1892,p. 814-818.
↑Lettre de Freud à Fliess du 21 septembre 1897 :« Il faut que je te confie tout de suite le grand secret qui, au cours de ces derniers mois s'est lentement révélé. Je ne crois plus à maneurotica… » (inLa naissance de la psychanalyse, Paris, PUF, 1956,p. 190).
↑« L'hérédité et l'étiologie des névroses », inLa RevueneurologiqueIII, repris inNévrose, psychose et perversion,PUF, 1973.
↑Anthologie de textes de Sigmund Freud, préface deCharles Melman et de Jean-Louis Chassaing,Un peu de cocaïne pour me délier la langue, Max Milo Éditions, 2005, coll. « Essais et documents »(ISBN2-914388-76-4).
↑« En réaction au décès de son père (…) Freud se livre à un intense travail de fouille dans son passé, il s'efforce de ramener à la lumière de sa mémoire les fragments refoulés de son enfance »,p. 46.
↑« La crainte d'un accident de chemin de fer le poursuivit toute sa vie »,p. 27.
↑Au même moment paraît un texte de l'historien de la littérature,Walter Muschg,Freud écrivain, qui salue« une plume de maître »,p. 140.
↑Les représentations de Freud du système psychique utilisent des analogies récurrentes, comme celles renvoyant à l'archéologie ou à la maison,p. 36-37 et 48.
↑Freud fait par ailleurs parvenir à Herzl un exemplaire deL'Interprétation des rêves,p. 98-101.
↑La plupart des psychanalystes sont en effet envoyés au front,p. 229.
↑Plusieurs manuscrits attestant son travail à décrire unemétapsychologie furent cependant perdus,p. 237.
↑La conception des pulsions partielles est constituée sur des couples d'opposés,p. 145. SelonErnest Jones :« la plupart de ceux qui ont étudié Freud ont été impressionnés par ce que l'on pourrait appeler sondualisme insistant. S'il avait été philosophe, il n'aurait certainement pas étémoniste, pas plus qu'il n'aurait partagé l'univers pluraliste deWilliam James »,p. 146.
↑Anna Freud est la seule des enfants de Freud à avoir été psychanalyste aux côtés de son père ; elle a contribué à développer la psychanalyse en Angleterre en fondant une école rivale à celle deMelanie Klein,p. 72-74.
Article « Sigmund Freud » et autres entrées connexes
↑Deux bourses d'un montant total de 180 Gulden lui furent accordées par le Ministère de l’Éducation en 1875 et 1876 pour lui permettre d'étudier les anguilles mâles de rivière. Ses dissections confirment l'existence de testicules chez l'anguille mâle. Ses travaux sont publiés en 1877 devant l'Académie des sciences de Vienne,p. 655.
↑Alain de Mijolla explique que son travail porte plus précisément sur les fibres nerveuses postérieures dupetromyzon,p. 655.
↑Après ce revers, Freud abandonne ses recherches sur la cocaïne mais continue à en user, notamment pour accroître sa capacité de travail et vaincre sa timidité,p. 656.
↑Ce séjour à Paris aurait commencé le et se serait terminé le,p. 656.
↑C’est un véritable« dialogue de sourds » entre les deux hommes, dans le sens où Fliess se méprend sur les intentions de Freud alors que ce dernier surestime la compréhension de ses thèses par son correspondant,p. 656.
↑« Après avoir un temps utilisé la suggestion hypnotique, Freud conclut à son peu d'efficacité »,p. 656.
↑Le succès éditorial de cet ouvrage est cependant faible : Freud ne vend en effet que420 exemplaires en six ans,p. 657.
↑Roger Perron, in entrée « Complexe d'Œdipe » précise que ces phases sont appelées plus volontiers « organisations » par les successeurs de Freud,p. 335.
↑Dans l'article de Panos Aloupis « Blessure narcissique », il s'agit en premier lieu de l'atteintenarcissique de l'individu à la suite de traumatismes pouvant porter sur l'intégrité duMoi ouEgop. 215.
↑« La relation de Freud avec Charcot est une sorte de « rencontre » existentielle plutôt qu'une relation classique entre disciple et maître »,pp. 456-457.
↑La Société des médecins de Vienne (ou« Kaiserliche Gesellschaft der Aertzte zu Wien ») est l'une des plus célèbres sociétés médicales d'Europe,p. 458
↑Pour un exposé complet et détaillé, se référer auxpp. 459-462.
↑« Freud semblait prendre les neurologues de la Société pour des ignorants »,p. 463.
↑« Le terme « subconscience » est donc au mieux flou (…) au pire falsifiant : car la psychanalyse récuse radicalement l'idée d'une deuxième conscience qui doublerait l'autre »,p. 90.
↑« (…) l'expression symbolique constitue en quelque sorte la logique propre du rêve qui permet d'en saisir l'analogie avec d'autres formations inconscientes »,p. 148-149.
↑Stefan Zweig dépeint ainsi Freud :« On ne pouvait pas imaginer un être plus intrépide d'esprit. Freud osait à chaque instant exprimer ce qu'il pensait, même quand il savait qu'il inquiétait et troublait par ses déclarations claires et inexorables ; jamais il ne cherchait à rendre sa position moins difficile par la moindre concession, même de pure forme. Je suis persuadé que Freud aurait pu exposer sans rencontrer de résistance du côté de l'université les quatre cinquièmes de ses théories, s'il avait été prêt à les draper prudemment, à dire « érotique » au lieu de « sexualité », « Eros » au lieu de « libido », et à ne pas toujours aller au fond des choses, mais se borner à les suggérer. Mais dès qu'il s'agissait de son enseignement et de la vérité, il restait intransigeant ; plus ferme était la résistance, plus il s'affermissait dans sa résolution », cité dansRoudinesco et Plon, 2006,p. 369.
↑En raison de la présence sur le registre de naissance de la ville deFreiberg de la date du, d'abord rapportée parErnest Jones en 1953 dansLa vie et l'œuvre de Sigmund Freud et qualifiée par lui d'« erreur »,Wladimir Granoff dansFiliations : l'avenir du complexe d'Œdipe (1975) etMarie Balmary dansL'homme aux statues : Freud et la faute cachée du père (1979) ont mis en doute la date de naissance, communément admise, de Freud. Cependant pourÉlisabeth Roudinesco,Henri Ellenberger,Alain de Mijolla, etDidier Anzieu, la date du 6 mai est attestée, en particulier par Renée Gicklhorn dans son article « The Freiberg period of the Freud family » publié dans leJournal of the History of Medicine and Allied Sciences, 02/1969, 24(1),pp. 37-43,[1].
↑Françoise Coblence, « Freud et la cocaïne »,Revue française de psychanalyse, 2002/2 Vol. 66,pp. 371-383.
↑abc etdÉlisabeth Roudinesco et Michel Plon,Dictionnaire de la psychanalyse, Paris,Fayard,, 1789 p.(ISBN978-2-253-08854-7), entrée : Freud Schlomo Sigismund, dit Sigmund (1856-1939),p. 535.
↑« Entretien avecEli Zaretsky », inVie et destin de la psychanalyse, Hors SérieLe Monde, 2010,p. 70
↑James [Charles Napier] Webb,Das Zeitalter des Irrationalen. Politik, Kultur & Okkultismus im 20. Jahrhundert [The Occult Establishment, Open Court, La Salle IL 1976,(ISBN0-912050-56-X)], Marix, Wiesbaden, 2008,pp. 411, 413(ISBN978-3-86539-152-0).
↑Lysis désigne en même temps la dissolution, la solution et la résolution, et en particulier défaire un nœud, la fin, l'aboutissement, le dépassement des difficultés mais aussi la rupture, etc.
↑Muriel Pic,« L'ancrage suisse », dansRevue internationale Henry Bauchau. L'écriture à l'écoute, Presses universitaires de Louvain,(ISBN9782874632570),chap. 3,p. 63.
↑Les premières traductions françaises datent de 1922, 1923 pour lesTrois essais sur la sexualité et en 1926 pour laScience des rêves, inJean-Pierre Bourgeron,Marie Bonaparte et la psychanalyse à travers ses lettres à René Laforgue, Paris/Genève, Éditions Slatkine Genève,, 241 p.(ISBN2-85203-708-4),p. 136.
↑« le « procédé cathartique » de Breuer constituait une phase préliminaire de la psychanalyse et que celle-ci datait du jour où, repoussant la technique hypnotique, j'avais introduit celle de l'association libre. […] Je suis arrivé à la conclusion qu'après tout il n'y avait rien d'impossible à ce que je fusse le véritable auteur de tout ce qui la caractérise et la distingue » dans S. Freud « Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique » inCinq leçons de psychanalyse, Paris, Payot, 1965, (pp. 67 à 155),[2]
↑Gilles Tréhel, « Sigmund Freud (1856-1939) : un papa de guerre »,L’Information Psychiatrique,vol. 84,no 4,,p. 329-342.
↑Gilles Tréhel, « Victor Tausk (1879-1919) et la médecine militaire »,L’Information Psychiatrique,no 3,,p. 239-247.
↑Gilles Tréhel, « Helene Deutsch (1884-1982) : théorisations sur les troubles psychiatriques des femmes pendant la Première Guerre mondiale »,L’Information Psychiatrique,vol. 83,no 4,,p. 319-326.
↑C. Lecadet & M. Mehanna,Histoire de la psychologie, Paris, Belin, 2006, ch. 4/1 : « Johann Friederich Herbart et l'émergence de la psychologie scientifique », p. 84-85.
↑Maria Dorer,Les bases historiques de la psychanalyse (Historische Grundlagen der Psychoanalyse, 1932), traduit de l'allemand par Marc Géraud,L'Harmattan, collection « Psyché de par le monde », 2012,(ISBN978-2-296-55957-8)
↑Luisa von Karpinska,Über die psychologischen Grundlagen des Freudismus (« Sur les fondements psychologiques du freudisme »),Internationale Zeitschrift,14,II,p. 305. Cité en note par P.-L. Assoun, qui précise qu'Ernest Jones signale cette étude tout en examinant la tentative de Maria Dorer, dansLa vie et l'oeuvre de Sigmund Freud, t. I, P.U.F.,p. 407, 413-415.
↑DominiqueCaïtucoli, « Michelle Moreau-Ricaud, Michael Balint : Le renouveau de l'École de Budapest »,Figures de la psychanalyse,no 5,,p. 211(DOI10.3917/fp.005.0211)
↑Yvon Brès, « Home, Carus, Hartmann (histoire de l'inconscient) »,Revue philosophique de la France et de l'étranger, Presses universitaires de France,vol. 2,t. 129,,p. 228(ISSN0035-3833).
↑Josianne Lacombe,Le développement de l'enfant de la naissance à 7 ans : Approche théorique et activités corporelles,De Boeck,(ISBN978-2-8041-5401-1),p. 168-174.
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↑« Pour Roazen, Tausk aurait commis le suicide dans le cadre d’une manipulation, à dessein punitif, de la part de Freud, qui se serait exprimée dans les attitudes de rejet de ce dernier vis-à-vis de Tausk », expliqueGerman Arce Ross dans « Le suicide maniaque de Victor Tausk »,Cliniques méditerranéennes, 2/2002,no 66,p. 155-174,consultable en ligne surcairn.info.
↑ab etcSamuel Lézé,Freud Wars: Un siècle de scandales, Paris, Presses universitaires de France / Humensis, 2017,[lire en ligne], extraits e-book :[lire en ligne].
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↑J. Allan Hobson, « Book Review: The Scientific Study of Dreams, by G. William Domhoff. APA Press, 2002 » inDreaming, September 2003, Volume 13, Issue 3,p. 187-191
↑« Une perspective cognitive qui partage bien des points de vue avec la théorie de Freud, est la perspective cognitive proposée par un chercheur qui étudia le rêve, David Foulkes (…). Foulkes comme de nombreux psychologues psychodynamiques contemporains, ne se contente pas de la conclusion relative à signification latente du rêve, à savoir un désir inconscient. Il propose à la place que les rêves soient simplement l'expression de préoccupations courantes d'un type ou d'un autre, traduites dans un langage ayant sa propre grammaire spécifique. » Drew Westen,Psychologie : pensée, cerveau et culture, De Boeck Supérieur, 2000,p. 496
↑« Comment l’inconscient psychanalytique peut-il être perçu par un neurologue ? […] Quant au rêve, état original “ni veille, ni sommeil”, nous ne voyons pas d’obstacle neurologique à le considérer comme une forme de pensée particulière, non aléatoire, utilisant un mode symbolique correspondant à l’activation d’ensembles de réseaux préformés pendant les stades de sommeil paradoxal » in Séverine Lestienne et Françoise Lotstra « Neuroplasticité et inconscient, sujets d'articulation entre psychanalyse et neurosciences »,Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 2/2009 (no 43),p. 35-45,DOI10.3917/ctf.043.0035
↑« Psychoanalysis still represents the most coherent and intellectually satisfying view of the mind »inEric R.Kandel, « Biology and the Future of Psychoanalysis: A New Intellectual Framework for Psychiatry Revisited »,American Journal of Psychiatry, American Psychiatric Association,vol. 156,no 4,,p. 505-524(ISSN0002-953X,lire en ligne)
↑« De la même manière, la contestation du caractère falsifiable de la psychanalyse par Popper, ou du caractère scientifique de la psychanalyse par Grünbaum, repose en grande partie sur une démarche délibérément extérieure au champ propre de la psychanalyse. Là encore, ces démarches pourraient sembler légitimes si la psychanalyse ne possédait pas sa propre épistémologie. On regrettera que celle-ci soit si souvent absente de ces débats. » in Vannina Micheli-Rechtman « L'efficacité de la psychanalyse : une question épistémologique »,Figures de la psychanalyse 1/2007 (no 15),p. 167-177.[lire en ligne].
↑Marie-Frédérique Bacqué « Questions à Daniel Widlöcher »,Le Carnet Psy 8/2005 (no 103),p. 31-41.[DOI : 10.3917/lcp.103.0031 lire en ligne]. L'auteur ajoute « Est-ce qu’on a jamais demandé à un ministre des finances de s’assurer qu’il y avait eu une étude randomisée avec vérification en double-aveugle pour savoir quelle attitude était meilleure que telle autre ? Jamais ! Les économistes utilisent des modèles, ces modèles sont plus ou moins pertinents, et les gestionnaires de l’économie, pour des raisons d’opportunisme, de prise en compte d’un contexte individuel (la situation dans une société donnée à un moment donné), disent “on va se servir de tel modèle, ça va mieux marcher que tel autre modèle” : on fait un modèle à la Keynes, ou on fait un modèle néo-libéral, et on l’exploite, on se comporte en fonction de ce modèle. Et bien, la psychothérapie et la psychanalyse en particulier se comportent en fonction de modèles. »
↑Markos Zafiropoulos « Psychanalyse et pratiques sociales ou la preuve par la psychanalyse », Recherches en psychanalyse 1/2004 (no 1),p. 97-118.[lire en ligne]. DOI : 10.3917/rep.001.0097. L'auteur parle « d' "Archilien" entre la psychanalyse et les sciences sociales, trouvant son expression la plus achevée dans la formule de Lévi-Strauss saisissant la psychanalyse comme une science sociale ».
↑Michel Lapeyre et Marie-Jean Sauret, « La psychanalyse avec la science »,Cliniques méditerranéennes 1/2005 (no 71),p. 143-168.[lire en ligne]. DOI : 10.3917/cm.071.0143.
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