Sidney Sonnino est le fils d'un commerçant italien d'origine juive, Isacco Saul Sonnino, et de Georgina Sophia Arnaud Dudley Menhennet, qui est néeGalloise. Sonnino, de confessionanglicane[1],[2], comme sa mère, hérite du prénom de son grand-père maternel, Sidney Menhennet. Son grand-père paternel avait émigré deLivourne en Égypte, où il avait bâti une énorme fortune comme banquier[3], et fait baron en 1862 à son retour d'Italie[4].
Il obtient son diplôme en droit à seulement 18 ans, en1865 à l'université de Pise. Sonnino estavocat pendant une courte période avant d'épouser la carrière diplomatique dans les ambassades italiennes et de s'installer, successivement, àMadrid, àVienne et àParis de 1866 à 1871[1]. Sa famille vit au Castello Sonnino à Quercianella, près de Livourne. Il se retire du service diplomatique en 1873.
En 1876, Sonnino se rend enSicile avecLeopoldo Franchetti pour mener une enquête privée sur l'état de la société sicilienne. En 1877, les deux hommes publient leurs recherches sur la Sicile dans un important rapport en deux parties destiné au Parlement italien. Dans la première partie, Sonnino analyse la vie des paysans sans terre de l'île. La moitié du rapport de Leopoldo Franchetti, intitulée « Conditions politiques et administratives en Sicile », était une analyse de lamafia auXIXe siècle qui fait encore autorité aujourd'hui. Franchetti allait finalement influencer l'opinion publique sur la Mafia plus que quiconque jusqu'àGiovanni Falcone, plus de 100 ans plus tard. « Conditions politiques et administratives en Sicile » est la première explication convaincante de la façon dont la Mafia est née[5].
Il reprend des études en économie et particulièrement sur les conditions de l'agriculture italienne. À cette époque, précisément en1878, il réalise une revue, laRassegna settimanale(it), qui traite, au début, uniquement de questions économiques et financières pour après se concentrer, petit à petit, sur l'activité politique[1].
En1880 au cours de laXIVe législature, il est éludéputé dans le collège deSan Casciano in Val di Pesa et au parlement, il appartient à l'aile conservatrice. En1893 il est ministre des Finances et du Trésor dans le troisième gouvernement Crispi. Sonnino, au sein du gouvernement, poursuit une politique de consolidation fiscale avec des mesures impopulaires (hausse des droits de douane sur les céréales) et le renforcement de la Banque d'Italie. Au cours de la crise du siècle, il ordonne également de tirer sur la foule qui manifeste. Mais il est aussi un partisan dusuffrage universel[6].
Sonnino est élu au cours de laXIVe législature pour la première fois à laChambre des députés italienne lors des élections générales de, dans la circonscription deSan Casciano in Val di Pesa. Il siège à la chambre jusqu'en, de laXIVe à laXXIVe législature, et soutient lesuffrage universel[6],[7]. Sonnino devient rapidement l'un des principaux adversaires de la gauche libérale. En tant que constitutionnaliste strict, il était favorable à un gouvernement fort pour résister à la pression des intérêts particuliers, ce qui faisait de lui un libéral conservateur[8].
En, il devientministre des Finances ( -) etministre du Trésor ( -) dans le gouvernement deFrancesco Crispi et tente de résoudre lescandale de la Banca Romana. Sonnino envisageait de créer une banque d'émission unique, mais la principale priorité de sa réforme bancaire était de résoudre rapidement les problèmes financiers de laBanca Romana et d'étouffer le scandale qui impliquait la classe politique, plutôt que de concevoir un nouveau système bancaire national. LaBanca d'Italia nouvellement créée était le résultat de la fusion de trois banques d'émission existantes (la Banca Nazionale et deux banques deToscane). Les intérêts régionaux étaient encore forts, ce qui a entraîné le compromis de la pluralité de l'émission de billets avec leBanco di Napoli et leBanco di Sicilia et la disposition d'un contrôle étatique plus strict[9],[10],[11].
En tant que ministre du Trésor, Sonnino a restructuré les finances publiques, imposé de nouveaux impôts[12] et réduit les dépenses publiques. Le déficit budgétaire est fortement réduit, passant de 174 millions delires en 1893-94 à 36 millions en 1896-97[13]. Après la chute du gouvernement Crispi à la suite de labataille perdue d'Adwa en, il prend la tête de l'opposition conservatrice contre le libéralGiovanni Giolitti. En, Sonnino publie un article intituléTorniamo allo Statuto (Revenons au statut), dans lequel il tire la sonnette d'alarme sur les menaces que le clergé, les républicains et les socialistes font peser sur lelibéralisme. Il demande l'abolition du gouvernement parlementaire et le retour de la prérogative royale de nommer et de révoquer le Premier ministre sans consulter le Parlement, ce qu'il considère comme le seul moyen possible d'écarter le danger[1],[8],[14]. En 1901, il fonde un nouveau grand journal,Il Giornale d'Italia[1].
En réponse aux réformes sociales présentées par le Premier ministreGiuseppe Zanardelli en[15], Sonnino présente un projet de réforme visant à réduire la pauvreté dans le sud de l'Italie, qui prévoit une réduction de l'impôt foncier enSicile, enCalabre et enSardaigne, la facilitation du crédit agricole, le rétablissement du système de bail perpétuel pour les petites exploitations (bail emphytéotique) et la diffusion et l'amélioration des contrats agraires afin de combiner les intérêts des agriculteurs avec ceux des propriétaires fonciers[16]. Sonnino critique l'approche habituelle qui consiste à résoudre la crise par des travaux publics : « construire des chemins de fer là où il n'y a pas de commerce, c'est comme donner une cuillère à un homme qui n'a rien à manger »[17].
La sévérité intransigeante de Sonnino à l'égard des autres s'est longtemps avérée être un obstacle à la formation de son propre gouvernement[3]. Néanmoins, Sonnino a été deux fois brièvement premier ministre. Le, Sonnino a formé son premier gouvernement[18], qui n'a duré que trois mois. Le[19], après seulement 100 jours, il est contraint de démissionner[1]. Il propose des changements majeurs pour transformer l'Italie du Sud, ce qui provoque l'opposition des groupes au pouvoir. Les impôts fonciers devaient être réduits d'un tiers, sauf pour les plus grands propriétaires fonciers. Il propose également la création de banques provinciales et des subventions aux écoles[20]. Ses réformes provoquent l'opposition des groupes dirigeants, etGiovanni Giolitti lui succède.
Le, Sonnino forme son deuxième gouvernement avec une forte connotation de centre-droit, mais il ne dure pas beaucoup plus longtemps et tombe le[1].
Sidney Sonnino en tant que ministre des Affaires étrangères
Après lacrise de juillet, Sonnino était initialement favorable au maintien de laTriple Alliance avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie en 1914. Il croyait fermement que l'intérêt personnel de l'Italie l'obligeait à participer à la guerre, avec la perspective de gains territoriaux italiens comme aboutissement de l'unification italienne[21]. Cependant, après être devenuministre des Affaires étrangères en dans le gouvernement conservateur d'Antonio Salandra et avoir réalisé qu'il était peu probable d'obtenir l'accord de l'Autriche-Hongrie pour concéder des territoires à l'Italie, il s'est rangé du côté de laTriple-Entente duRoyaume-Uni, de laFrance et de laRussie et a sanctionné letraité secret de Londres en pour satisfaire les revendications irrédentistes italiennes. L'Italie déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie le[21],[22].
Il reste ministre des affaires étrangères dans trois gouvernements consécutifs et représente l'Italie à laconférence de paix de Paris de 1919 avec le Premier ministreVittorio Emanuele Orlando. Sonnino défendit l'application littérale dutraité de Londres et s'opposa à une politique des nationalités dans les anciens territoires austro-hongrois[21],[23].
L'incapacité d'Orlando à parler anglais et sa faible position politique dans son pays permettent à Sonnino de jouer un rôle dominant. Leurs différences se sont avérées désastreuses lors des négociations. Orlando était prêt à renoncer aux revendications territoriales de laDalmatie pour annexerRijeka (ouFiume, comme les Italiens appelaient la ville), un grand port maritime sur la mer Adriatique, mais Sonnino n'était pas prêt à renoncer à la Dalmatie. L'Italie a fini par revendiquer les deux, mais n'a rien obtenu en raison de la forte opposition aux demandes italiennes du président américainWoodrow Wilson, qui avait une politique s'appuyant sur le droit à l'autodétermination des peuples[22],[23].
Après que les ambitions territoriales de l'Italie vis-à-vis de l'Autriche-Hongrie aient dû être considérablement réduites, leGouvernement Orlando démissionne en. C'est la fin de la carrière politique de Sonnino, qui ne participe pas auxélections de. Il est nommésénateur en, mais n'y participe pas activement.
Surnommé « l'homme d'État silencieux de l'Italie », il pouvait parler cinq langues couramment[3]. Les principaux objectifs de Sonnino étaient de relancer l'Italie du Sud sur le plan économique et moral et de lutter contre l'analphabétisme[3]. Il ne s'est jamais marié[3].
Seul leaderprotestant de la politique italienne, Sonnino était décrit comme « résolument britannique dans ses manières et ses pensées » et comme « le grand puritain de la Chambre, le dernier homme non corrompu ». Son moralisme intransigeant et sévère faisait de lui un homme difficile, et bien que son intégrité était universellement respectée, sa personnalité fermée et taciturne lui valait peu d'amis dans les cercles politiques[24].
Une nécrologie duNew York Times décrit Sonnino comme un aristocrate intellectuel, un grand financier et un érudit accompli, peu doué pour la popularité, dont la grandeur aurait été indéniable à l'époque de la monarchie absolue. Il était en outre dépeint comme un diplomate très compétent qui appartenait à la « vieille » diplomatie et qui, lors de la Conférence de paix de Paris, s'était illustré de manière imméritée comme un annexionniste impérialiste typique, alors que les règles diplomatiques avaient changé[25].
Selon l'historien R. J. B. Bosworth, « Sidney Sonnino, qui fut ministre des Affaires étrangères de 1914 à 1919, et qui jouissait d'une réputation personnelle, peut-être méritée, d'honnêteté dans toutes ses transactions, a de fortes prétentions à avoir mené la politique étrangère la moins réussie de l'Italie »[26].
Torniamo allo Statuto, texte dans lequel il expose une réduction des pouvoirs du Parlement, à la lumière d'une lecture plus restrictive duStatut albertin. Il a été écrit à la suite des tensions sociales qui éclatèrent enItalie à la fin duXIXe siècle.
Libro Verde, histoire de négociations diplomatiques entre l'Italie et l'Autriche-Hongrie.