| Shoah en Serbie sous occupation allemande | |
Monument aux victimes de la Shoah àBelgrade | |
| Date | avril 1941 - 1945 |
|---|---|
| Lieu | Territoire du commandant militaire en Serbie |
| Victimes | Juifs de Serbie |
| Type | Extermination systématique des Juifs d'Europe par le Troisième Reich et ses alliés |
| Morts | 18 007 |
| Auteurs | |
| Motif | Shoah |
| Participants | ZBOR,Tchetniks (collaborateurs) |
| Guerre | Seconde Guerre mondiale |
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LaShoah en Serbie sous occupation allemande recouvre lespersécutions, lesdéportations et l'extermination subies par lesJuifs de Serbie entre 1941 et 1945. Le génocide est exécuté parles nazis dans leterritoire du commandant militaire en Serbie, administration imposée par le Troisième Reich après l'invasion de la Yougoslavie en avril 1941. Ces crimes sont principalement commis par lesautorités d'occupation allemandes, qui appliquent lespolitiques raciales nazies, avec le concours desgouvernements fantochescollaborationnistes établis par l'Allemagne.
Dès le début de l'occupation, les nazis imposent des lois raciales qui catégorisent les Juifs et lesRoms comme desUntermensch (« sous-humains »). L'occupant impose aussi deux gouvernements civils fantoches pour appliquer ses directives.
Les Juifs sont les principales victimes des persécutions mais les Roms sont eux aussi ciblés. LaWehrmacht est chargée d'exécuter la Shoah ; les soldats de l'armée régulière allemande sont les principaux acteurs de l'extermination[1],[2]. Leurs opérations sont soutenues par legouvernement fantoche deMilan Nedić ainsi que leMouvement national yougoslave ZBOR, organisationfasciste dirigée parDimitrije Ljotić. Les principaux instruments d'assassinat sont lescamps de concentration et lesGaswagen. En mai 1942, la Serbie occupée fait partie des premiers territoires déclarés « judenfrei ». Sur ce territoire occupé, les nazis ont assassiné environ 18 000 juifs serbes.
Les principaux coupables de la Shoah en Serbie traduits devant la justice sont les officiers nazisHarald Turner,August Meyszner etJohann Fortner. Milan Nedić, emprisonné, s'est suicidé et Ljotić est mort dans un accident de voiture. En 2019, 139 Serbes avaient reçu le titre deJustes parmi les nations.


Anton Korošec, ministre yougoslave aux affaires étrangères, est un prêtre catholique romain qui dirige les conservateursslovènes. En septembre 1938, il déclare :« Il n'existait pas dequestion juive en Yougoslavie... Lesréfugiés juifs venus d'Allemagne nazie ne sont pas les bienvenus ici ». En décembre 1938, le rabbin Isaac Alkalai, seul membre juif du gouvernement, est limogé.
Le,Paul de Yougoslavie signe lepacte tripartite, engageant leroyaume de Yougoslavie aux côtés despuissances de l'Axe. Ce pacte est extrêmement impopulaire, notamment en Serbie et auMonténégro, et des manifestations protestent contre la signature. Le 27 mars, des officiers serbes renversent Paul. Le nouveau gouvernement retire son soutien à l'Axe mais il n'annule pas le pacte tripartite. Les forces de l'Axe, menées par leTroisième Reich,envahissent la Yougoslavie en avril 1941.
Les forces de l'Axe démantèlent la Serbie et plusieurs pays se partagent l'occupation du territoire : laHongrie, laBulgarie, l'Italie et l'État indépendant de Croatie. En Serbie centrale, l'occupant nazi instaure leterritoire du commandant militaire en Serbie (Gebiet des Militärbefehlshabers in Serbien), la seule région yougoslave placée sous la tutelle directe du gouvernement militaire allemand ; l'administration quotidienne est confiée au chef allemand de l'administration militaire. Le commandant militaire allemand de Serbie nomme un gouvernement civil fantoche pour la Serbie : il a pour mission d'exécuter les tâches administratives d'après les directives nazies. La police et l'armée de ce régime fantoche sont sous l'autorité des commandants allemands.
En juillet 1941 commence en Serbieun soulèvement massif contre l'occupant, ce qui conduit à la proclamation de larépublique d'Užice, le premier territoire libéré en Europe pendant la Seconde Guerre. Le dictateurAdolf Hitler ordonne personnellement d'écraser la révolte et l'armée allemande commence l'assassinat de dizaines de milliers de civils serbes, dont des milliers de Juifs[3]. Pour appuyer la répression, l'occupant établit en août 1941 le régime fantoche deMilan Nedić, qui est aussi responsable de nombreuses opérations relatives à la Shoah, comme le recensement et l'arrestation des Juifs et la codirection ducamp de concentration de Banjica àBelgrade[1].

Le, avant lacapitulation officielle de l'Armée royale yougoslave, Wilhelm Fuchs — chef desEinsatzgruppen basés à Belgrade — ordonne le recensement des Juifs de la ville[4]. Il annonce que tous ceux qui manqueraient de se signaler seraientfusillés[5]. Peu après, le colonel von Keisenberg émet un décret qui restreint leurliberté de circulation[6]. Le,Harald Turner, chef de l'administration militaire allemande en Serbie, donne l'ordre de recenser tous les Juifs et tous les Roms en Serbie occupée. Cet ordre leur impose le port de brassards jaunes, instaure l'exploitation dutravail forcé et lecouvre-feu, limite leur accès à la nourriture et aux autres approvisionnements et leur défend d'utiliser les transports publics[7].
Le 30 mai, le commandant militaire de Serbie, Helmuth Förster, édicte les principales lois raciales : « Les décrets au sujet des Juifs et des Roms » (Verordnung betreffend die Juden und Zigeuner), qui catégorisent les personnes considérées comme juives ou roms. Celles-ci sont évincées de la vie publique et économique, leurs biens sont confisqués, elles doivent s'inscrire sur des listes spéciales (Judenregister etZigeunerlisten) et sont livrées aux travaux forcés. En outre, les Juifs et les Roms doivent porter un ruban jaune ; ils sont exclus de tout emploi dans les institutions publiques et il leur est interdit d'exercer dans les domaines du droit, de la médecine, de la dentisterie, de la médecine vétérinaire et de la pharmacie ; ils n'ont plus accès aux cinémas, aux théâtres, aux salles de divertissement, aux bains publics, aux terrains de sport et aux marchés[5].

Dès les premiers jours de l'occupation, des membres de l'Einsatzgruppe Jugoslawien commencent à cambrioler et piller les entreprises juives[8]. Par la suite, ces sociétés sont confisquées à cause des législations antisémites et leur contrôle est souvent confié à desVolksdeutsche locaux[8]. La confiscation s'étend aussi à tous les biens immeubles, personnels et religieux des Juifs. Une forme particulière de vol est « la contribution », qui représente 12 millions de dinars et que les Juifs de Belgrade sont obligés de verser au titre des « dégâts causés aux Allemands pendant laguerre d'avril, que les Juifs ont provoquée »[8]. En outre, les nazis forcent les Juifs de Belgrade à verser 1,4 million de dinars dans un « Fonds pour l'éradication des actionsjudéo-communistes »[8]. Les Allemands et lesVolksdeutsche maltraitent et brutalisent les Juifs dans les rues ; en parallèle, à Belgrade, lesVolksdeutsche et les partisans deDimitrije Ljotić capturent des Juifs plus âgés et leur infligent des traitements cruels[9]. Les nazis, avec l'appui desVolksdeutsche et des partisans de Ljotić, détruisent et profanent les temples juifs[10]. L'occupant enrôle tous les hommes juifs âgés de 14 à 60 ans et toutes les femmes juives de 16 à 40 ans pour les soumettre à des travaux forcés pénibles pendant 17 ou 18 heures par jour, sans repos[11]. Les victimes sont forcées d'exécuter les travaux les plus difficiles, comme déblayer à mains nues les débris et les cadavres provoqués par lesbombardements lourds des Allemands contre Belgrade[12]. Ceux qui ne peuvent tenir le rythme sont fusillés par leurs gardiens allemands.

Les nazis exécutent la destruction des Juifs serbes en deux phases distinctes. La première, qui dure de juillet à novembre 1941, concerne les hommes, qui sont fusillés dans le cadre desreprésailles de l'armée allemande contre la montée des insurgés partisans antinazis en Serbie. En octobre 1941, le généralFranz Böhme ordonne l'exécution de 100 civils pour chaque soldat allemand tué et 50 pour chaque blessé[13]. Böhme précise que lesotages doivent être issus de « tous lescommunistes, les gens soupçonnés de l'être, tous les Juifs et un nombre limité d'habitants nationalistes ou aux idées démocrates ». Au total, environ 30 000 civils serbes sont exécutés par les nazis pendant les deux premiers mois de cette politique[13], dont 5 000 hommes juifs, soit presque tous les hommes juifs de plus de 14 ans en Serbie et dans leBanat[14].
À la fin de l'été 1941, laGestapo et lesVolksdeutsche locaux ont déjàraflé tous les Juifs du Banat et les ont déportés auxcamps de concentration de Topovske Šupe et de Sajmište[15]. Les Allemands procèdent à la première arrestation d'otages à Belgrade en avril 1941. D'août à novembre 1941, ils raflent les hommes adultes juifs dans le reste de la Serbie et les emprisonnent à Topovske Šupe[15]. Ces détenus forment le principal réservoir d'otages juifs promis à la fusillade dans le cadre des représailles sur les civils serbes. Depuis ce camp, les occupants raflent et exécutent les juifs dans plusieurs sites àJajinci,Jabuka (près dePančevo)[16], etc. 500 juifs du Banat sont exécutés àDeliblatska peščara, dans le Sud de la région[16], tandis que d'autres sont tués pendant les assassinats menés ailleurs, comme lesmassacres de Kragujevac etde Kraljevo[17]. Ainsi, à partir de novembre 1941, « il ne restait presque plus d'hommes juifs en vie susceptibles d'être utilisés comme otages »[18].

La deuxième phase du génocide, entre décembre 1941 et mai 1942, est l'incarcération des femmes et des enfants au camp de concentration de Semlin, ou Sajmište, puis leur exécution dans des camions asphyxiants appelésSauerwagen (voir :Gaswagen). Le camp de concentration nazi, établi sur l'ancien parc d'exposition — aussi connu sous le nom de Staro Sajmište — près deZemun, est implanté près de Belgrade, de l'autre côté de larivière Save, sur le territoire de l'État indépendant de Croatie, pour enfermer et exterminer les Juifs, les Serbes, les Roms et d'autres captifs.
Le, tous les Juifs encore en vie à Belgrade ont ordre de s'inscrire dans les bureaux duJudenreferat (police juive de la Gestapo), rue George Washington[20]. Les Allemands leur prennent la clé de leurs maisons puis les emmènent, par le pont sur la Save, vers le camp duJudenlager de Sajmište, récemment ouvert. 7 000 femmes et enfants juifs sont internés dans ce camp, dans les ruines dubombardement, pendant un hiver rigoureux qui cause des centaines de morts[20].
Les premières victimes desGaswagen sont le personnel et les patients des deux hôpitaux juifs de Belgrade[20]. Pendant deux journées de mars 1942, les nazis font monter plus de 800 personnes — principalement des malades — dans le camion, par groupes de 80 à 100 victimes. Celles-ci meurent d'asphyxie au monoxyde de carbone pendant que le camion se rend aux sites d'exécution deJajinci[20]. Une fois vidés les hôpitaux juifs, la destruction des femmes et des enfants juifs commence à Semlin. L'historienChristopher Browning indique :
« Une fois rempli, leGaswagen a gagné le pont de Sava, à quelques centaines de mètres de l'entrée du camp, où Andorfer [le commandant] attendait dans sa voiture pour ne pas voir le chargement... De l'autre côté du pont, le camion s'arrêtait et l'un des conducteurs sortait pour travailler sous le châssis, en reliant le pot d'échappement au compartiment scellé. Le camion des bagages quittait la route pendant que leGaswagen et la voiture du commandant traversaient Belgrade pour rejoindre un lieu d'exécution... à dix kilomètres au Sud de la ville[20]. »
Du 19 mars au 10 mai, les conducteurs, Götz and Meyer, accompagnés parHerbert Andorfer (de) (commandant du camp), ont effectué entre 65 et 70 trajets reliant Semlin et Jajinci, provoquant la mort de 6 300 détenus juifs[20]. À Semlin, où près de 7 000 juifs sont détenus, moins de 50 femmes ont survécu. Parmi les victimes du camp figurent 10 600 Serbes et un nombre inconnu de Roms. En septembre 1944, les gendarmes de Milan Nedić, Dimitrije Ljotić et lesTchetniks avaient capturé environ 455 juifs survivants en Serbie, qui sont envoyés aucamp de Banjica puis immédiatement assassinés[21],[22].

En décembre 1939, des navires transportant environ 1 200 réfugiés juifs, venus principalement d'Autriche et d'Allemagne, arrivent àKladovo, à la frontière serbe avec laRoumanie[23]. Les voyageurs, qui fuient les nazis, transitent par leDanube jusqu'à lamer Noire pour se rendre enPalestine mandataire ; toutefois, à cause des limites britanniques sur la migration de Juifs en Palestine, les autorités roumaines refusent de laisser passer ces réfugiés. Ceux-ci vivent d'abord sur le rivage et dans les bateaux à Kladovo avec l'aide fournie par la communauté juive de Belgrade. En septembre 1940, les voyageurs sont déplacés dans la ville serbe deŠabac, où certains s'installent dans des domiciles privés et d'autres dans des centres communautaires. Accueillis par le maire et les habitants locaux, les réfugiés reprennent des activités culturelles, éducatives et religieuses, certains des jeunes rejoignent l'équipe locale de football[24]. En avril 1941, quand les Allemands envahissent la Serbie, ils envoient ces réfugiés ainsi que les juifs locaux dans un camp d'internement proche de Šabac. En septembre 1941, dans le cadre des représailles contre l'attaque des partisans à Šabac, les nazis emmènent les hommes juifs dans une « marche sanglante » forcée de 46 kilomètres, où 21 traînards sont assassinés[24]. En octobre 1941, des escadrons de la Wehrmacht fusillent les hommes survivants dans le cadre des exécutions de 2 100 otages en représailles à la mort de 21 soldats allemands aux mains des partisans[24]. En janvier 1942, les nazis emmènent les femmes et les enfants àZemun avant de les obliger à marcher 10 kilomètres dans la neige jusqu'au camp de concentration de Sajmište ; certains jeunes enfants meurent pendant le trajet. À l'exception de deux femmes réfugiées de Kladovo qui ont survécu, tous les membres sont assassinés ensuite par les Allemands dans lesGaswagen en même temps que les autres femmes et enfants juifs issus de toute la Serbie[24].
AuBanat, les autorités desSouabes du Danube, qui sont allemandes, aident à commettre la Shoah. Sous les ordres deSepp Janko (en), les autorités allemandes locales déportent environ 4 000 à 10 000 juifs du Banat vers le territoire des autorités militaires allemandes en Serbie pour qu'ils y soient assassinés dans les camps de concentration nazis, comme à Sajmište.


Même si laWehrmacht, après la guerre, déclare qu'elle n'a pris aucune part aux actes génocidaires, le généralFranz Böhme et ses hommes ont planifié et exécuté le massacre de plus de 20 000 Juifs et Roms sans recevoir le moindre signal de Berlin[2]. Comme l'écrit Tomasevich :
« Les Allemands ont appliqué la Solution Finale presque entièrement en Serbie et dans le Banat, avant même que cette politique ne soit officiellement annoncée. Deux raisons principales sous-tendent ce fait. D'abord, les Allemands contrôlaient entièrement ces secteurs via l'occupation et les armées allemandes ont ainsi pu mener l'extermination des Juifs. Ensuite, la résistance en Serbie, menée par les communistes, a provoqué la fusillade en masse d'otages en représailles ; parmi ceux-ci, les Allemands ont ciblé de nombreux juifs détenus dans les camps de concentration[25]. »
Un soldat allemand écrit après la guerre :« la fusillade des Juifs n'a aucun rapport avec les attaques despartisans » et les représailles ne constituent« qu'un alibi pour exterminer les Juifs »[4].Harald Turner, chef de l'administration militaire en Serbie, justifie les assassinats de Juifs parmi les otages serbes par des raisons pratiques (« Ils [les Juifs] étaient ceux qui nous avions dans le camp » et« Ce faisant, la question juive trouve une solution plus rapide »), en ajoutant que« [les Juifs] sont aussi des citoyens serbes et doivent disparaître »[4]. Au moment de laconférence de Wannsee, l'armée allemande a déjà tué presque tous les hommes juifs en Serbie et dans le Banat et elle a rassemblé les femmes et les enfants juifs aucamp de concentration de Sajmište en prévision de leur extermination au printemps 1942.
Le SS-commander Harald Turner, chef de l'administration militaire allemande en Serbie, résume par quels procédés les nazis ont appliqué le génocide des juifs serbes :
« Il y a plusieurs mois déjà, j'ai fusillé tous les Juifs que j'ai pu attraper dans ce secteur, rassemblé tous les femmes et enfants juifs dans un camp de concentration et, avec l'aide du SD (Sicherheitsdienst), j'ai obtenu un "camion anti-poux", qui sous deux à quatre semaines aura permis de vider entièrement le camp...
Lettre de Harald Turner àKarl Wolff, datée du[26] »
Si les Allemands portent la responsabilité exclusive des tentatives d'extermination des Juifs en Serbie, ils reçoivent l'appui descollaborateurs locaux dugouvernement Nedić (entre autres), qui les aident à rafler les Juifs, les Roms et les Serbes qui s'opposent à l'occupation.Dimitrije Ljotić fonde le parti fascisteZBOR, pro-nazi etpan-serbe[27],[28],[29],[30]. Le parti est un réseau très actif qui publie de nombreux documents marqués par un antisémitisme extrême. La branche militaire du Zbor, appelée leCorps de volontaires serbes, soutient activement laGestapo dans l'extermination des Juifs.
Emanuel Schäfer, commandant de la police de la Sécurité et de la Gestapo en Serbie, condamné en Allemagne en 1953 pour la mort de 6 000 juifs serbes parGaswagen à Sajmiste, a transmis à Berlin ce message célèbre, après l'assassinat des derniers juifs en mai 1942 :« Serbien istjudenfrei »[31]. De même, leSS Harald Turner, qui est ensuite exécuté à Belgrade pourcrimes de guerre, déclare en 1942 :« La Serbie est le seul pays où la question juive et la question rom ont trouvé leur solution »[32]. Au moment où la Serbie et les zones orientales de la Yougoslavie sont libérées en 1944, la plupart des juifs serbes avaient péri. La Yougoslavie d'avant-guerre, en 1941, comptait 82 500 personnes juives ; seules 14 000 (soit 17 %) ont survécu à la Shoah[33]. La population juive en Serbie représentait 16 000 personnes et les nazis en ont assassiné 14 500[34],[14],[35].
L'historienChristopher Browning, qui a participé à la conférence sur la Shoah et l'implication de la Serbie, déclare :« Hormisla Pologne et l'Union soviétique (en), la Serbie est le seul pays où toutes les victimes juives sont assassinées sur place, sans déportation, et c'est aussi le premier pays,après l'Estonie, qui est déclaréjudenfrei, vocable nazi utilisé pendant la Shoah pour désigner un secteur vidé de ses Juifs »[36].

Pour l'aider à réprimer la résistance croissante despartisans en Serbie, l'armée allemande crée un gouvernementcollaborationniste, qui lui est totalement inféodé, doté de pouvoirs limités et sous la direction deMilan Nedić[37]. Si les Allemands dirigent de bout en bout la Shoah en Serbie et exécutent les massacres de juifs[38],[17], les forces collaborationnistes prêtent leur concours de plusieurs manières. Sur ordre des Allemands, la police spéciale recense les juifs et applique les lois nazies, comme l'obligation de porter l'étoile jaune[39]. Par la suite, les armées occupantes procèdent à des rafles massives de Juifs pour les conduire dans les camps de concentration[40],[20], mais ce sont les administrations collaborationnistes qui pistent et capturent les Juifs qui ont échappé à ces rafles. Ainsi, de 1942 à 1944, la hiérarchie sous contrôle nazi capture et livre au moins 455 juifs aux Allemands[41]. Certains Juifs qui se cachent dans les campagnes sont tués et dépouillés par lesTchetniks[42].
L'occupant et ses collaborateurs dirigent ensemble lecamp de concentration de Banjica où, sur 23 697 détenus recensés, 688 sont juifs[43]. La Gestapo en tue 382 à Banjica et déporte les survivants vers d'autres camps de concentration[43]. Les collaborationnistes, notamment les membres du ZBOR fasciste, diffusent une propagande antisémite[44] ; celle des Tchetniks soutient que la résistance des partisans est composée de juifs[45]. Après l'extermination de la plupart des juifs serbes aux mains des nazis, un document de Nedić signale que« grâce à l'occupant, nous nous sommes libérés des juifs et il nous appartient désormais de nous défaire d'autres éléments immoraux qui font obstacle à l'unité spirituelle et nationale en Serbie »[46].
Les Allemands placent larégion du Banat sous le contrôle de collaborateurs locaux appartenant à la minorité allemande[17]. Ces derniers procèdent à la première rafle de masse contre les juifs serbes et envoient des juifs locaux dans les camps de concentration nazis près de Belgrade, où ces victimes font partie des premières personnes assassinées par l'armée allemande[17].

Sur les 16 000 juifs que compte la Serbie occupée, les nazis en assassinent environ 14 500[34].Jozo Tomasevich, en citant Jasa Romano, relève qu'en Serbie à proprement parler les nazis ont tué 11 000 juifs, auxquels s'ajoutent 3 000 autres juifs venus de la région du Banat sous contrôle allemand[47].
D'après Jelena Subotić, la Serbie avant l'occupation comptait 33 500 juifs, dont environ 27 000 sont tués dans la Shoah. En Serbie occupée, environ 12 000 juifs sur 17 000 sont morts très tôt pendant la guerre, y compris pratiquement tous les 11 000 juifs de Belgrade[48].
D'après des experts yougoslaves et des rapports d'après-guerre issus de la commission du gouvernement yougoslave, pratiquement tous les Juifs de Serbie — y compris ceux du Banat — semblent avoir été assassinés. Les Juifs qui ont rejoint lespartisans ont survécu, ainsi que ceux qui faisaient partie de l'Armée royale yougoslave, capturés pendant l'invasion et qui ont été envoyés en Allemagne commeprisonniers de guerre. Par conséquent, le nombre de juifs assassinés s'élève à quelque 16 000, alors que Romano, dans ses estimations les plus récentes, réduit ce nombre à 15 000 personnes[49].
En 2019, 139 Serbes sont desJustes parmi les nations selonYad Vashem. Ce nombre ne reflète pas forcément la totalité des secours apportés dans chaque pays, mais plutôt les dossiers documentés auprès de Yad Vashem[50] . Jaša Almuli, ancien président de l'association juive de Belgrade, écrit que le faible nombre de Juifs secourus tient au régime imposé par l'occupant, le plus cruel d'Europe (hormis celui d'Union soviétique) avec ses lois sur les représailles[51].Raphael Lemkin remarque que les Serbes ont reçu l'interdiction d'aider les Juifs sous peine d'être exécutés dans le cas où ils abriteraient ou protégeraient des Juifs ou s'ils recevaient ou acceptaient des objets de valeur de leur part[52].
La Serbie est le premier pays d'Europe qui adopte une loi prévoyant la restitution des biens confisqués aux victimes juives sans héritiers pendant la Shoah[53]. La loi indique qu'outre la restitution, la Serbie versera 950 000 euros chaque année, prélevés sur son budget, à l'Union des Municipalités juives à partir de 2017[54]. La World Jewish Restitution Organization (WJRO) s'est réjouie de cette loi. L'ambassade d'Israël en Serbie s'est aussi montrée satisfaite[55].
Pendant les années 1990, divers historiens serbes ont minimisé les actes deMilan Nedić etDimitrije Ljotić dans l'extermination des Juifs de Serbie[56]. En 1993, l'Académie serbe des sciences et des arts classe Nedić parmi « Les 100 Serbes les plus éminents »[57].
En 2006, le bâtiment du gouvernement de Serbie comporte un portrait de Milan Nedić auprès d'autres chefs d'État serbes. Cette tentative de réhabiliter Nedić, ainsi que d'autres, fait l'objet de critiques acides, dont celles d'Aleksandar Lebl, qui dirige l'Association des communautés juives de Serbie et qui déclare :« Nedić était antisémite, comme le reste de son gouvernement, de sa police et de son armée - tous ont pris part à la persécution des Juifs, seuls les instigateurs et les exécuteurs étaient Allemands »[58]. En 2009, le portrait de Nedić est retiré après la démarche d'Ivica Dačić[58].
Après ladislocation de la Yougoslavie, des conseillers municipaux deSmederevo cherchent à donner à la plus grande place de la ville le nom de Ljotić. Ces conseillers prennent la défense de Ljotić pendant la guerre et justifient leur initiative en soutenant que :« [La collaboration]... était nécessaire à la survie biologique du peuple serbe » pendant la Seconde Guerre mondiale[59]. Par la suite, le magazine serbePogledi (en) publie une série d'articles dans une tentative d'exonérer Ljotić de ses responsabilités[60]. En 1996,Vojislav Koštunica, futur président, fait l'éloge de Ljotić dans une déclaration publique[61]. Koštunica et son parti,Demokratska stranka Srbije (DSS), militent pour réhabiliter certaines personnalités comme Ljotić et Nedić aprèsle renversement deSlobodan Milošević et de songouvernement socialiste en octobre 2000[61].
« Srbija je prva država u Evropi koja je donela zakon o vraćanju imovine Jevreja ubijenih u Holokaustu koji nemaju naslednike. Profesor Filozofskog fakulteta Nikola Samardžić kaže da je suočavanje sa Holokaustom ozbiljno i da je Srbija lider u Evropi po ovom zakonu. »
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