Lashikla oushakila (arabe :شكيلة), aussi connue sous le nom d'alama (arabe :علامة, soit« insigne ») est une pièce devêtement que lesJuifs de Tunisie sont tenus de porter pour les distinguer des autres habitants, entre l'installation desAlmohades à la fin duXIIe siècle et le milieu duXIXe siècle.
Shikla commealama signifient« marque, signe, distinction ».
Les porteurs de lashikla sont lesshakliyyan.
L'appellationshikla est à l'origine dunom de famille juif Bou Shikla, qui signifie« celui qui porte une shikla »[1].
Avec l'arrivée desHilaliens àKairouan auXIIe siècle, lesJuifs deTunisie commencent à subir desdiscrimination et de l'intolérance de la part des nouveaux souverains. Pour ces derniers, les Juifs et leschrétiens ont bénéficié de beaucoup de droits sous le règne desFatimides, chose qu'ils ne peuvent pas accepter et continuer à appliquer. Ils se basent pour ce faire sur unhadith qui précise que lesgens du Livre (ahl al-kitâb, soit les Juifs et les chrétiens) ne bénéficient de laliberté de culte accordée par leprophèteMahomet que pour une période de 500 ans après l'hégire, ce qui coïncide avec l'année1107, date d'apparition duMessie selon ce que les Juifs deMédine auraient promis au prophète. Cette date étant dépassée il y a longtemps au moment de l'installation desAlmohades enIfriqiya, ces derniers estiment qu'il n'y a plus de raison pour garder ces privilèges accordés auxdhimmis[2].
Parmi les nombreuses obligations que les Juifs doivent subir, figure l'obligation de porter lashikla[3], selon un ordre du calife almohadeAbu Yusuf Yaqub al-Mansur donné en1198[4], afin que les autres puissent les distinguer au sein de la population, alors que beaucoup de lieux, métiers et événements leur sont interdits. Même les Juifs qui ont accepté de seconvertir à l'islam sont obligés de porter cet habit distinctif.
Les Juifs continuent de porter lashikla en Tunisie jusqu'à la mise en place et à l'exécution duPacte fondamental (qui supprime le statut de dhimmi) selon un décret deMohammed Bey, daté du ; il abolit non seulement son port mais leur accorde aussi le droit de porter lachéchia rouge comme le reste des Tunisiens, alors qu'auparavant, ils ne pouvaient porter qu'une calotte noire.Ibn Abi Dhiaf commente cette décision en écrivant :« La prescription d'une tenue spécifique pour les gens de ladhimma n'a rien à voir avec les fondements de la religion. Le prophète n'a jamais changé la tenue des Juifs de Médine »[2].

Les exigences pour lashikla varient avec les différentes dynasties qui règnent sur la Tunisie. Le but principal est de distinguer, voire d'humilier les Juifs dans l'espace public.
Sous le règne des Almohades, il s'agit principalement de teindre le bout duturban enjaune. Les Juifs convertis doivent quant à eux porter plutôt une longuetunique de couleur bleu foncé, avec desmanches si larges qu'elles tombent jusqu'aux pieds, et une calotte à la place du turban[2].
Durant l'époque ottomane, les Juifs autochtones (Twansa) mettent desbonnets noirs alors que lesGranas préfèrent lescouvre-chefs européens, évitant par cela d'être confondus avec les autochtones[2].