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William Shakespeare

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Page d’aide sur l’homonymie

Pour les articles homonymes, voirShakespeare (homonymie).

Sauf précision contraire, les dates de cet article sont exprimées dans lecalendrier julien. LaGrande-Bretagne et ses dépendances utilisent le calendrier julien jusqu'en 1752.

William Shakespeare
Description de cette image, également commentée ci-après
Leportrait Chandos est l'un des raresportraits de Shakespeare considéré comme authentique.
Données clés
Naissance
Stratford-upon-Avon (Angleterre)
Décès23 avril 1616 (dans le calendrier grégorien)
Stratford-upon-Avon (Angleterre)
Activité principale
Auteur
Langue d’écritureanglais
Mouvementthéâtre élisabéthain
Genres
Adjectifs dérivésshakespearien

Œuvres principales

Signature de William Shakespeare

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William Shakespeare est undramaturge,poète etacteuranglais baptisé/né le àStratford-upon-Avon et mort le dans la même ville. Surnommé « le Barde d'Avon », « le Barde immortel » ou simplement « le Barde », il est considéré comme l'un des plus grandspoètes etdramaturges delangue anglaise. Son œuvre, traduite dans de nombreuses langues, se compose de 39 pièces, 154 sonnets et quelques poèmes supplémentaires, dont certains ne lui sont pas attribués de manière certaine.

Après des études àStratford-upon-Avon, dans leWarwickshire, Shakespeare se marie à 18 ans avecAnne Hathaway, avec qui il a trois enfants. À une date inconnue entre 1585 et 1592, il entame sa carrière d'acteur et auteur à succès àLondres au sein desLord Chamberlain's Men, une troupe dont il est actionnaire. Il semble s'être retiré à Stratford vers 1613 pour y mourir trois ans plus tard. Il ne subsiste guère de traces de l'homme Shakespeare, ce qui a engendré de nombreuses spéculations concernant sonapparence physique, sasexualité, sareligion (en). Desthéories marginales avancent que son œuvre a été en réalité écrite par un autre.

Shakespeare rédige la majeure partie de ses pièces entre 1589 et 1613. Les premières sont surtout des comédies et des pièces historiques, puis il se consacre davantage aux tragédies commeHamlet,Othello,Le Roi Lear etMacbeth. À la fin de sa vie, il rédige des tragi-comédies et collabore avec d'autres dramaturges. De son vivant, bon nombre de ses pièces sont publiées dans des ouvrages bon marché de qualité variable. En 1623, deux de ses amis éditent le « Premier Folio », un recueil qui comprend presque toute son œuvre théâtrale sous une forme définitive. Dans sa préface,Ben Jonson prédit le caractère intemporel de Shakespeare, dont les pièces continuent à être mises en scène, adaptées, redécouvertes et réinterprétées au fil des siècles dans des contextes culturels et politiques variés.

Biographie

Origines, mariage et années perdues

Lamaison natale de Shakespeare à Stratford-upon-Avon.

William Shakespeare est le fils deJohn Shakespeare (vers 1531-1601) etMary Arden (vers 1537-1608). Son père, originaire deSnitterfield dans leWarwickshire, est ungantier prospère établi àStratford-upon-Avon où il occupe la charge d'alderman, tandis que sa mère est la fille d'un riche propriétaire terrien deWilmcote[1]. Né à Stratford, William Shakespeare est baptisé le. Sa date de naissance exacte est inconnue. Une tradition qui trouve son origine dans une erreur commise par le critiqueGeorge Steevens auXVIIIe siècle la situe le. Cette date est reprise par de nombreux biographes, séduits par la coïncidence avec laSaint-Georges, fête du saint patron de l'Angleterre, ainsi qu'avec le jour de la mort du dramaturge en 1616[2],[3]. William est le troisième des huit enfants des Shakespeare et l'aîné des fils qui survivent à la petite enfance[4].

La plupart des biographes de Shakespeare considèrent qu'il est probablement scolarisé à laKing's New School (en) de Stratford, bien qu'aucun registre de présence ne subsiste de cette époque[5],[6],[7]. Cettegrammar school a été fondée par une charte royale d'ÉdouardVI en 1553[8] et se situe à moins de 500 mètres de la maison de John Shakespeare. Les écoles anglaises sont de qualité variable, mais elles partagent le même programme par décret royal[9],[10]. Il repose principalement sur l'étude intensive de la grammaire dulatin classique et de lalittérature latine[11].

Le blason accordé au père de Shakespeare en 1596, avec une lance(spear) en guise decalembour sur son patronyme.

William Shakespeare est âgé de dix-huit ans lorsqu'il se marie avecAnne Hathaway, la fille d'unyeoman deShottery (en), âgée de vingt-six ans. Leconsistoire dudiocèse de Worcester émet un certificat de mariage le, qui autorise la célébration des noces après seulement unepublication des bans au lieu de trois. Le lendemain, deux voisins de Hathaway certifient qu'il n'existe aucun empêchement légal à cette union[12],[13]. Cette précipitation s'explique par l'état de Hathaway, qui accouche six mois plus tard d'une fille,Susanna, baptisée le[14]. Des jumeaux,Hamnet etJudith, naissent un an et demi plus tard et sont baptisés le[15]. Hamnet meurt à l'âge de onze ans de causes inconnues ; il est enterré à Stratford le[16].

Après la naissance des jumeaux, Shakespeare disparaît presque complètement des documents d'époque pendant sept ans, jusqu'à sa réapparition comme figure établie du petit monde du théâtre londonien en 1592. Sa seule mention dans les sources pour cette période figure dans les documents concernant un procès tenu auQueen's Bench de Westminster entre fin 1588 et fin 1589[17]. Les biographes du dramaturge rapportent de nombreuses histoires apocryphes censées avoir eu lieu pendant ces « années perdues » de sa vie[18]. Le premier d'entre eux,Nicholas Rowe (1674-1718), rapporte une légende de Stratford selon laquelle Shakespeare se serait enfui à Londres pour échapper à la justice après avoir été surpris braconnant sur les terres deThomas Lucy (en). Il aurait pris sa revanche plus tard en composant un poème calomnieux contre Lucy[19]. Une autre légende affirme que Shakespeare aurait fait son entrée dans le monde du théâtre comme valet d'écurie[20].John Aubrey (1626-1697) rapporte qu'il aurait été maître d'école quelque part à la campagne[21], une idée reprise auXXe siècle à la suite de la découverte d'un certain « William Shakeshafte » dans les légataires du testament d'Alexander Hoghton, un propriétaire catholique du Lancashire[22],[23]. Aucune de ces légendes n'est fondée sur davantage que des racontars et des hypothèses qui ne font pas consensus ;Shakeshafte est un patronyme courant dans le Lancashire[24],[25].

Acteur et dramaturge à Londres

La reconstitution duthéâtre du Globe àLondres.

La date et la manière dont débute la carrière d'acteur et d'écrivain de Shakespeare sont inconnues. Il est suffisamment célèbre en 1592 pour être la cible deRobert Greene. Dans son pamphletGreene's Groats-Worth of Wit (en), publié à titre posthume, Greene accuse à mots couverts Shakespeare de n'être qu'un touche-à-tout médiocre, qui a l'outrecuidance de vouloir rivaliser avec des dramaturges établis sortis d'Oxford et deCambridge commeChristopher Marlowe,Thomas Nashe ou Greene lui-même[26],[27],[28]. Il s'agit de la toute première allusion à l'œuvre théâtrale de Shakespeare, qui pourrait avoir débuté à n'importe quelle date entre le milieu des années 1580 et l'attaque de Greene[29],[30],[31].

À partir de1594, les pièces de Shakespeare sont exclusivement interprétées par lesLord Chamberlain's Men, une compagnie d'acteurs à laquelle il appartient et qui devient rapidement la plus populaire de Londres[32]. Après la mort de la reineÉlisabethIre, en 1603, son successeurJacquesIer devient le mécène de la troupe, qui se rebaptise les King's Men[33]. Plusieurs membres de la compagnie s'associent en 1599 pour faire construire leur propre théâtre dans le quartier deSouthwark, au sud de laTamise : leGlobe. Ils prennent également le contrôle duBlackfriars Theatre en 1608. Les archives montrent que Shakespeare tire des bénéfices substantiels de son association avec la troupe[34]. En 1597, il est en mesure de racheter la deuxième plus grande maison de Stratford,New Place[35].

Les pièces écrites par Shakespeare commencent à être publiées au formatin-quarto en 1594. Son nom apparaît sur lespages de titre à partir de 1598, signe d'une certaine popularité[36],[37],[38]. Il continue à se produire comme acteur, y compris dans des pièces d'autres auteurs, jouant ainsi dansEvery Man in His Humour (en) (1598) etSejanus His Fall (en) (1603) deBen Jonson[39]. En revanche, il ne figure pas dans la distribution deVolpone en 1605, ce qui est interprété par certains biographes comme la preuve de la fin de sa carrière d'acteur[29]. Néanmoins, lePremier Folio de 1623 affirme qu'il fait partie des rôles principaux de toutes ses pièces, dont certaines n'ont commencé à être jouées qu'après 1605, sans que l'on sache les rôles qu'il interprète[40]. En 1610,John Davies de Hereford (en) affirme que le « bon Will » jouait les rôles « royaux[41] » Un siècle plus tard, Nicholas Rowe rapporte la tradition selon laquelle il interprétait lespectre du roi (en) dansHamlet. D'autres rôles lui sont attribués ultérieurement : Adam dansComme il vous plaira, le chœur dansHenri V[42],[43]. Les spécialistes remettent en question les sources de ces informations[44].

Durant toute sa carrière, Shakespeare partage son temps entre Londres et Stratford. En 1596, il réside dans la paroisse de St. Helen's àBishopsgate[39],[45]. Il déménage à Southwark avant 1599, année de la fondation du Globe[39],[46], puis retourne vivre de l'autre côté de la Tamise avant 1604. Cette année-là, il loue un appartement à unhuguenot français dans un quartier au nord de lacathédrale Saint-Paul qui comprend plusieurs belles maisons[47],[48].

Dernières années et mort

La tombe de Shakespeare.

Nicholas Rowe est le premier à affirmer que Shakespeare prend sa retraite pour aller passer à Stratford les dernières années de sa vie, une affirmation reprise parSamuel Johnson[49],[39]. Cependant, l'idée de prendre sa retraite n'est pas courante au début duXVIIe siècle[50]. De fait, un document de 1635 indique qu'il est encore actif sur les planches à Londres en 1608[51]. Cependant, l'épidémie de peste bubonique qui frappe Londres l'année suivante entraîne de fréquentes fermetures pour les théâtres de la ville (ils sont fermés pendant plus de 60 mois entre et), ce qui réduit pour les acteurs les occasions de travailler[52],[53],[54].

La présence de Shakespeare à Londres est encore attestée entre 1611 et 1614[49]. En 1612, il est appelé à témoigner dans l'affaireBellott v. Mountjoy[55],[56]. En mars de l'année suivante, il achète uneporterie de l'ancien prieuré deBlackfriars[57]. À partir de, il passe plusieurs semaines à Londres chez son gendreJohn Hall (en)[58]. Il rédige moins de pièces à partir de 1610 et aucune ne lui est attribuée après 1613[59]. Ses trois dernières sont le fruit d'une collaboration, probablement avecJohn Fletcher, son successeur comme dramaturge attitré des King's Men[60],[61].

William Shakespeare meurt le à l'âge de 52 ans, un mois après avoir établi sontestament (en), dans lequel il se décrit comme « en parfaite santé ». Les circonstances de son décès ne sont rapportées par aucune source d'époque. Un demi-siècle plus tard, le vicaire de StratfordJohn Ward (en) rapporte qu'il aurait été pris de fièvre à la suite d'une soirée trop arrosée avecMichael Drayton et Ben Jonson et qu'il en serait mort[62],[63]. Le 23 avril est régulièrement rapproché de la date de l'enterrement de l'écrivainMiguel de Cervantes, le, par exemple par les Nations unies qui font du 23 avril la journée internationale du livre[64]. Cependant, outre que ce rapprochement nécessite de confondre la date d'enterrement et la date de la mort de l'écrivain espagnol, la coïncidence ne fonctionne que si une date est exprimée dans lecalendrier julien et l'autre dans lecalendrier grégorien, ce qui n'est pas le cas : en effet selon le calendrier grégorien, Shakespeare est mort le 3 mai[65].

La femme et les deux filles de Shakespeare lui survivent. L'aînée, Susanna, s'est mariée au docteur John Hall en 1607, tandis que Judith a épousé un marchand de vin,Thomas Quiney (en), deux mois avant la mort de son père[66]. Susanna hérite de la majeure partie des biens de Shakespeare, qu'elle est censée transmettre intacts à l'aîné de ses éventuels fils[67],[68]. Les Quiney ont trois enfants qui meurent sans descendance[69],[70]. Les Hall n'ont qu'une fille,Elizabeth (en), qui meurt en 1670 sans avoir eu d'enfant de ses deux maris. Sa mort marque l'extinction de la descendance du dramaturge[71],[72].

Shakespeare est inhumé dans lechancel de l'église de la Sainte-Trinité de Stratford-upon-Avon deux jours après sa mort[73],[74]. Sa tombe porte l'épitaphe suivante :

Mon ami, pour l’amour du Sauveur, abstiens-toi
De creuser la poussière déposée sur moi.
Béni soit l’homme qui épargnera ces pierres
Mais maudit soit celui violant mon ossuaire

Good friend, for Jesus' sake forbear,
To dig the dust enclosed here.
Blest be the man that spares these stones,
But cursed be he that moves my bones.

À une date inconnue entre 1616 et 1623, unmonument funéraire (en) est édifié en sa mémoire sur le mur nord du chancel. Il comprend une sculpture à son effigie et une plaque dont le texte le compare àNestor,Socrate etVirgile[75].

Arbre généalogique

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Richard
Shakespeare

(1490-1561)
 
Robert
Arden
(† 1556)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
John
Shakespeare

(1531-1601)
 
Mary
Arden

(1537-1608)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Richard
Hathaway
(† 1581)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Joan
Shakespeare
(1558-1558)
 
Margaret
Shakespeare
(1562-1563)
 
William
Shakespeare

(1564-1616)
 
Gilbert
Shakespeare

(1566-1612)
 
Joan
Shakespeare

(1569-1646)
 
Anne
Shakespeare
(1571-1579)
 
Richard
Shakespeare
(1574-1613)
 
Edmund
Shakespeare

(1580-1607)
 
Anne
Hathaway

(1555-1623)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
John
Hall

(1575-1635)
 
Susanna
Hall

(1583-1649)
 
Hamnet
Shakespeare

(1585-1596)
 
Judith
Quiney

(1585-1662)
 
Thomas
Quiney

(1589-1662)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Thomas
Nash
(1)
(1593-1647)
 
Elisabeth
Barnard

(1608-1670)
 
John
Barnard
(2)
(1604-1674)
 
Shakespeare
Quiney
(1616-1617)
 
Richard
Quiney
(1618-1639)
 
Thomas
Quiney
(1620-1639)
 
 
 
 
 


Les ascendants et descendants directs de Shakespeare sont en bleu, ses frères et sœurs en rouge, la famille de sa femme en jaune et ses parents par alliance en vert. Certaines dates sont approximatives.

Œuvres

Théâtre

Les pièces

Articles détaillés :Chronologie des pièces de William Shakespeare etListe des personnages des pièces de William Shakespeare.

Trente-neuf pièces de théâtre sont attribuées à Shakespeare : les trente-six parues dans lePremier Folio en 1623 et trois autres (Périclès, prince de Tyr,Les Deux Nobles Cousins etÉdouard III). La liste qui suit reprend l'ordre dans lequel elles apparaissent dans lePremier Folio, où elles sont réparties en trois catégories : lescomédies, les pièces historiques et lestragédies. Les trois pièces supplémentaires sont indiquées à la fin de leurs catégories respectives.

Liste des pièces de William Shakespeare
ComédiesPièces historiquesTragédies
  1. La Tempête
  2. Les Deux Gentilshommes de Vérone
  3. Les Joyeuses Commères de Windsor
  4. Mesure pour mesure
  5. La Comédie des erreurs
  6. Beaucoup de bruit pour rien
  7. Peines d'amour perdues
  8. Le Songe d'une nuit d'été
  9. Le Marchand de Venise
  10. Comme il vous plaira
  11. La Mégère apprivoisée
  12. Tout est bien qui finit bien
  13. La Nuit des rois
  14. Le Conte d'hiver
  15. Périclès, prince de Tyr
  16. Les Deux Nobles Cousins
  1. Le Roi Jean
  2. Richard II
  3. Henri IV (première partie)
  4. Henri IV (deuxième partie)
  5. Henri V
  6. Henri VI (première partie)
  7. Henri VI (deuxième partie)
  8. Henri VI (troisième partie)
  9. Richard III
  10. Henri VIII
  11. Édouard III
  1. Troïlus et Cressida
  2. Coriolan
  3. Titus Andronicus
  4. Roméo et Juliette
  5. Timon d'Athènes
  6. Jules César
  7. Macbeth
  8. Hamlet
  9. Le Roi Lear
  10. Othello
  11. Antoine et Cléopâtre
  12. Cymbeline
The Plays of William Shakespeare deJohn Gilbert (1849) réunit des scènes et personnages de plusieurs pièces de Shakespeare.

Il est difficile de dégager unechronologie exacte des pièces de Shakespeare[76],[77]. Les plus anciennes remontent au début des années 1590, une période de grande popularité pour le théâtre historique : il s'agit deRichard III et des trois parties deHenri VI. Certains éléments suggèrent queTitus Andronicus,La Comédie des erreurs,La Mégère apprivoisée etLes Deux Gentilshommes de Vérone appartiennent aussi à la première moitié des années 1590[78],[76]. Les premières pièces historiques de Shakespeare, qui s'appuient principalement sur l'édition de 1587 de lachronique deRaphael Holinshed[79], offrent une interprétation dramatique des conséquences néfastes d'un gouvernement faible ou corrompu et constituent peut-être une défense des origines de lamaison Tudor[80]. Elles témoignent de l'influence d'autres dramaturges élisabéthains, notammentThomas Kyd etChristopher Marlowe, mais aussi du théâtre médiéval et des pièces deSénèque[81],[82],[83].La Comédie des erreurs est également d'inspiration antique, mais aucune source n'a été identifiée pourLa Mégère apprivoisée, qui s'inspire peut-être d'un conte populaire[84],[85]. Cette pièce, qui raconte la soumission à un homme d'une femme à l'esprit libre, est jugée problématique par les critiques et les publics du début duXXIe siècle[86].

Les premières comédies de Shakespeare, d'inspiration antique ou italienne, avec leurs intrigues parallèles bien réglées et leurs passages comiques millimétrés, laissent place au milieu des années 1590 à des comédies à l'atmosphère plus romantique, généralement préférées par la critique[87].Le Songe d'une nuit d'été mélange ainsi romance, magie féérique et comique bas du front[88].Le Marchand de Venise, tout aussi romantique, offre un personnage problématique en la personne de l'usurier juifShylock, qui reflète l'antisémitisme de la société élisabéthaine[89],[90]. Les traits d'esprit deBeaucoup de bruit pour rien, les décors pastoraux deComme il vous plaira et l'ambiance festive deLa Nuit des rois viennent compléter l'inventaire des grandes comédies de Shakespeare[91]. Après le lyrisme deRichard II, une pièce presque entièrement versifiée, Shakespeare introduit des éléments comiques en prose dans les deux parties deHenri IV etHenri V. Ses personnages deviennent plus complexes et il alterne adroitement scènes humoristiques et sérieuses, en vers ou en prose[92],[93],[94]. Deux tragédies encadrent cette période fertile :Roméo et Juliette (vers 1595), l'une de ses pièces les plus célèbres, qui traite de l'adolescence, l'amour et la mort[95],[96], etJules César (vers 1599), inspirée par la traduction desVies parallèles dePlutarque parThomas North, qui introduit un nouveau type de tragédie dans lequel les différents thèmes de prédilection de Shakespeare (politique, personnages, introspection, événements contemporains) commencent à s'alimenter les uns les autres[97],[98].

Vers le début duXVIIe siècle, Shakespeare rédige une série de « pièces à problèmes » :Mesure pour mesure,Troïlus et Cressida etTout est bien qui finit bien. Cette période voit également la production de ses plus célèbres tragédies[99],[100]. Ces textes, qui comptent parmi les plus acclamés du dramaturge, tournent généralement autour d'un personnage principal dont la ruine est causée par un défaut de caractère fondamental[101]. DansHamlet, c'est l'indécision duprotagoniste, illustrée par sa célèbre tirade« To be, or not to be », qui entraîne sa perte[102]. DansOthello, c'est la jalousie duhéros, encouragée par le machiavéliqueIago, qui le pousse à tuer sa femme qui est pourtant innocente[103],[104]. DansLe Roi Lear, le vieux roi commet l'erreur d'abdiquer ses pouvoirs, mettant en branle une série d'événements qui aboutissent, avec une inéluctable cruauté, à la torture du comte de Gloucester et la mort de sa fille préférée, Cordelia[105],[106],[107]. DansMacbeth, la plus courte et la plus dense des tragédies de Shakespeare[108], c'est une insatiable ambition qui pousse Macbeth etsa femme à assassiner le roi légitime avant d'être anéantis par leur culpabilité[109]. Les dernières grandes tragédies de Shakespeare,Antoine et Cléopâtre etCoriolan, sont considérées comme ses meilleures par le poète et critiqueT. S. Eliot[110],[111],[112].

Dans ses dernières années, Shakespeare se tourne vers la romance et la tragicomédie. Il achève trois autres grandes pièces :Cymbeline,Le Conte d'hiver etLa Tempête, ainsi quePériclès, prince de Tyr, écrite avec un collaborateur anonyme. Ces quatre pièces sont plus sérieuses que les comédies des années 1590, mais elles sont également moins sombres que les tragédies précédentes de Shakespeare, en s'achevant sur la réconciliation des ennemis et le pardon d'erreurs potentiellement tragiques[113]. Certains critiques y ont vu un changement de philosophie d'un Shakespeare plus âgé, mais il s'agit peut-être simplement du reflet des modes du moment[114],[115],[116]. Les deux dernières pièces connues de Shakespeare,Henri VIII etLes Deux Nobles Cousins, sont le résultat d'une collaboration, vraisemblablement avecJohn Fletcher[117].

Sur scène

Richard Burbage, premier interprète de personnages commeHamlet ouOthello.

Les troupes pour lesquelles Shakespeare écrit ses premières pièces ne sont pas identifiées avec certitude. La page de titre de l'édition de 1594 deTitus Andronicus indique cette pièce a été jouée par trois compagnies différentes[118]. Après l'épidémie de peste de 1592-1593, c'est la troupe de Shakespeare, les Lord Chamberlain's Men, qui interprète ses textes auTheatre et auCurtain, deux salles du quartier londonien deShoreditch[119]. L'écrivain Leonard Digges rapporte que le public s'y précipite pour assister aux représentations de la première partie deHenri IV[120]. En conflit avec leur propriétaire, les Lord Chamberlain's Men font raser le Theatre et en utilisent les poutres pour fonder leur propre salle, le Globe, à Southwark. Il s'agit du tout premier théâtre fondé par des acteurs pour des acteurs[121],[122]. Il ouvre ses portes à l'automne 1599 et l'une des premières pièces qui y est jouée est leJules César de Shakespeare. La plupart de ses chefs-d'œuvre suivants sont écrits pour le Globe, deHamlet àOthello en passant parLe Roi Lear[121],[123],[124].

En 1603, les Lord Chamberlain's Men deviennent les King's Men et entretiennent dès lors une relation particulière avec le roiJacquesIer. Les sources d'époque sont parcellaires, mais il est certain qu'ils interprètent sept pièces de Shakespeare à la cour entre le et le, dontLe Marchand de Venise à deux reprises[43]. À partir de 1608, la troupe se produit au Blackfriars en hiver et au Globe en été[125]. Le Blackfriars étant une salle couverte, il permet à Shakespeare d'introduire des effets spéciaux plus élaborés, qui correspondent également au goût du public pour lesmasques à la mise en scène élaborée. Ainsi, il fait apparaître le dieuJupiter assis sur un aigle et entouré d'éclairs dansCymbeline[126],[127]. Ces effets spéciaux ne sont pas sans danger : le, lors d'une représentation deHenri VIII, un tir de canon met le feu au chaume du Globe et l'incendie qui s'ensuit réduit le théâtre en cendres. Cet incident représente l'un des rares cas où l'on puisse dater une représentation de Shakespeare au jour près[128].

La troupe de Shakespeare comprend plusieurs acteurs célèbres, parmi lesquelsRichard Burbage etWilliam Kempe. C'est Burbage qui crée les premiers rôles de plusieurs de ses pièces, dontRichard III,Hamlet,Othello etLe Roi Lear[129]. Kempe est quant à lui un acteur comique populaire, qui interprète notamment le domestique Pierre dansRoméo et Juliette et l'agent de policeDogberry (en) dansBeaucoup de bruit pour rien[130],[131]. Il est remplacé vers 1600 parRobert Armin, qui joue Touchstone dansComme il vous plaira et le bouffon dansLe Roi Lear, entre autres[132].

Le « Macbeth vaudou » mis en scène parOrson Welles en 1936.

Après l’interrègne (1642-1660), pendant lequel le théâtre est interdit, les troupes de laRestauration puisent dans l'œuvre des dramaturges de la génération précédente : Beaumont et Fletcher sont extrêmement populaires, mais également Ben Jonson et William Shakespeare. Leurs œuvres sont souvent adaptées de manière radicale, à l'image duRoi Lear deNahum Tate qui reçoit une fin heureuse. Jusqu'auXIXe siècle, les pièces de Shakespeare sont interprétées dans des costumes contemporains. À l'époque victorienne, les représentations théâtrales sont en revanche marquées par une recherche de reconstitution d'époque[133], les artistes ayant une fascination pour leréalisme historique. La mise en scène deGordon Craig pourHamlet en1911 inaugure son influencecubiste, avec un décor épuré constitué de simples niveaux, des teintes monochromes étendues sur des praticables de bois combinés pour se soutenir entre eux. Bien que cette utilisation de l'espace scénique ne soit pas nouvelle, c'est la première fois qu'un metteur en scène l'utilise pour Shakespeare[134]. En1936,Orson Welles monte unMacbeth novateur àHarlem, transposant non seulement l'époque de la pièce mais aussi n'employant que des acteurs afro-américains. Ce spectacle très controversé replace l'action dans les Antilles avec un roi aux prises avec la magievaudoue. De nombreuses mises en scène ultérieures choisissent de transposer l'action de pièces de Shakespeare dans un monde très contemporain et politique.

Publication

La page de titre duPremier Folio (1623) avec leportrait Droeshout, l'un des seulsportraits de Shakespeare identifiés de manière certaine.

En 1623, deux membres des King's Men,Henry Condell etJohn Heminges, publient lePremier Folio, un recueil de 36 pièces de Shakespeare, dont 18 sont imprimées pour la première fois[135]. Les autres ont été éditées avant cette date au formatin-quarto, plus petit et moins prestigieux[136]. Rien ne permet d'affirmer que Shakespeare ait autorisé la publication de ces in-quarto, décrits dans le Premier Folio comme« des copies volées et clandestines[137] ». Le dramaturge n'envisageait en fait probablement pas que son œuvre subsiste d'une manière ou d'une autre, et sans la publication du Premier Folio par ses amis après sa mort, elle serait vraisemblablement tombée dans l'oubli.

En 1909, le bibliographeAlfred William Pollard introduit l'expression « mauvais quarto » pour décrire certains des textes parus avant 1623 qui se caractérisent par la qualité médiocre de leur contenu. Adapté, paraphrasé ou mélangé, leur texte pourrait être en partie une reconstitution tirée des souvenirs d'un membre du public ou d'un acteur de la troupe[136],[137],[138]. Lorsque plusieurs versions d'une même pièce subsistent, elles présentent toujours des différences. Ces différences peuvent provenir d'erreur de copie ou d'impression, de notes prises par les acteurs ou les membres du public, ou même des brouillons de Shakespeare[139],[140]. Il est plausible que le dramaturge ait revu le texte de certaines pièces commeHamlet,Troïlus et Cressida etOthello après leur parution au format in-quarto. Dans le cas duRoi Lear, les différences entre l'in-quarto de 1608 et le Premier Folio sont telles que les éditeurs duOxford Shakespeare ont choisi de publier les deux textes l'un après l'autre au lieu de les combiner[141].

Classification

Les 36 pièces de Shakespeare publiées dans le Premier Folio y sont réparties en trois catégories : 14comédies, 10pièces historiques et 12tragédies[142]. Trois pièces supplémentaires, non reprises dans le Premier Folio, sont traditionnellement ajoutées au canon shakespearien, les critiques s'accordant à considérer qu'il a contribué en grande partie à leur écriture :Les Deux Nobles Cousins,Périclès, prince de Tyr etÉdouard III[143],[144].

En 1875, le critiqueEdward Dowden (en) introduit une nouvelle catégorie, celle desromances, où il classe quatre comédies tardives :Périclès, prince de Tyr,Cymbeline,Le Conte d'hiver etLa Tempête. Le terme de « romance » reste couramment employé pour les décrire, même si certains auteurs préfèrent parler detragi-comédies[145],[146]. En 1896,Frederick S. Boas (en) distingue quatre autres pièces,Tout est bien qui finit bien,Mesure pour mesure,Troïlus et Cressida etHamlet, qu'il décrit comme despièces à problème[147]. Il considère en effet que ces pièces ne sont ni strictement des comédies, ni strictement des tragédies[148]. Cette classification, amplement débattue par les spécialistes de Shakespeare, reste en usage pour trois de ces quatre pièces,Hamlet étant définitivement considérée comme une tragédie[149],[150],[151].

Poésie

Les sonnets

Article détaillé :Sonnets (Shakespeare).
La page de titre de la première édition desSonnets de Shakespeare.

Publiés en 1609, lesSonnets sont la dernière œuvre non-dramatique de Shakespeare à avoir été éditée. Ces 154 poèmes, méditations profondes sur la nature de l'amour, la passion, la procréation, la mort et le passage du temps, ont vraisemblablement été composés sur une longue période de temps à destination d'un public restreint[152],[153]. L'écrivainFrancis Meres les évoque en 1598, et l'année suivante, deux d'entre eux sont publiés sans l'autorisation de Shakespeare dans le recueilLe Pèlerin passionné[154],[155],[156]. L'ordre de l'édition de 1609 ne correspond sans doute pas à la volonté de Shakespeare, qui semble avoir considéré ces poèmes comme appartenant à deux séries distinctes : l'une décrit une violente passion pour une femme mariée au teint mat, tandis que l'autre dépeint un amour contrarié pour un jeune homme blond. La question de l'identité de ces deux personnes est ardemment débattue, tout comme celle du narrateur des poèmes, qui n'est pas forcément censé être Shakespeare[157],[153]. Une autre question non résolue est celle de l'identité du « monsieur W. H. » à qui est dédiée l'édition de 1609[158].

Autres poèmes

En 1593-1594, alors que les théâtres de Londres sont fermés pour cause de peste, Shakespeare publie deux poèmes narratifs,Vénus et Adonis etLe Viol de Lucrèce, qu'il dédie au comte de SouthamptonHenry Wriothesley. Le sexe est un thème commun aux deux poèmes : dansVénus et Adonis, l'innocentAdonis rejette les avances de la déesseVénus, tandis que dansLe Viol de Lucrèce, unTarquin lubrique viole la vertueuseLucrèce[159]. Inspirés desMétamorphoses d'Ovide, ces deux textes illustrent la culpabilité et la confusion morale qu'engendrent une luxure débridée[160],[161]. Ils rencontrent un franc succès et sont réédités à plusieurs reprises du vivant de leur auteur. Un troisième poème narratif,A Lover's Complaint, apparaît à la fin de la première édition desSonnets. Exprimant le désespoir d'une jeune femme abandonnée par son amant, il est généralement attribué à Shakespeare, bien que sa paternité ait été ponctuellement remise en cause à partir du début duXIXe siècle[155],[162],[163]. Enfin,The Phoenix and the Turtle (en), paru en 1601 en supplément au poèmeLove's Martyr deRobert Chester (en), est une lamentation allégorique sur la mort duphénix et de son amante, la colombe.

Faux documents de Shakespeare

L'une des faussessignatures de Shakespeare réalisées par William Henry Ireland. MS Hyde 60, (4),Houghton Library,université Harvard.

Dès les années 1790, lefaussaire britanniqueWilliam Henry Ireland commence à produire de nombreuxfaux documents prétendument écrits par William Shakespeare (en) ou qui lui sont liés. Citons par exemple un portrait de lui, une lettre de la reineÉlisabethIre, une lettre du poète adressée à sa femmeAnne Hathaway (accompagnée d'une boucle de cheveux), ainsi que des extraits de versions alternatives des piècesLe Roi Lear etHamlet. En1796, il publie même une fausse pièce,Vortigern and Rowena, inspirée des personnages légendaires de lalégende arthurienne,Vortigern etRowena. Mais la première est un désastre (il n'y aura pas de seconde représentation) et la supercherie finit par éclater au grand jour[164],[165].

Style

Les premières pièces de Shakespeare sont rédigées comme les autres pièces de l'époque. Ses personnages s'expriment d'une manière stylisée qui n'émerge pas naturellement de leur caractérisation ou des besoins de l'intrigue[166]. La poésie du texte repose sur des métaphores filées et des concepts complexes, avec de nombreux artifices rhétoriques. Ils sont davantage faits pour être déclamés que dits. Ainsi, certains critiques estiment que les diatribes grandioses deTitus Andronicus paralysent l'action et que les vers desDeux Gentilshommes de Vérone sont trop guindés[167],[168].

Shakespeare ne tarde pas à plier les normes stylistiques à ses propres fins. Ainsi, la tirade introductive deRichard III s'inspire fondamentalement du discours du Vice dans les pièces chrétiennes du Moyen Âge, mais la conscience de soi dont fait preuve le personnage de Richard annonce les monologues des pièces ultérieures de Shakespeare[169],[170]. Il n'existe pas de démarcation nette pour ce passage d'un style traditionnel à un style plus libre et le dramaturge combine les deux tout au long de sa carrière, ce dont témoigne le plus clairementRoméo et Juliette[171]. Lorsqu'il rédige cette pièce, ainsi queRichard II etLe Songe d'une nuit d'été, Shakespeare produit une poésie plus naturelle et moins guindée, dans laquelle comparaisons et métaphores sont au service de l'intrigue.

Sa forme poétique de prédilection est levers blanc non rimé enpentamètres iambiques, avec dix syllabes par vers et une syllabe sur deux accentuée. Dans ses premières pièces, il tend à faire commencer et finir ses phrases dans les limites de chaque vers, quitte à engendrer une certaine monotonie[172]. Au fur et à mesure qu'il développe sa maîtrise du vers blanc, il commence à jouer avec le rythme de ses phrases dans des pièces commeJules César ouHamlet, dans laquelle les phrases hachées reflètent le trouble qui règne dans l'esprit du prince[173].

AprèsHamlet, Shakespeare développe encore sa variété stylistique, notamment dans les passages les plus chargés d'émotion de ses tragédies tardives[174]. Il a recours à plusieurs techniques :enjambements, pauses irrégulières et variations marquées dans la structure et la longueur de ses phrases[175]. DansMacbeth, par exemple, les répliques enchaînent les métaphores et les comparaisons sans point d'ancrage commun, mettant l'auditeur au défi de reconstituer le sens des propos[175]. Les romances tardives, avec leurs retournements de situation et leur approche spéciale du passage du temps, inspirent une autre variation stylistique : phrases longues et courtes s'opposent, les propositions s'enchaînent, le sujet et l'objet échangent de position, des mots sont omis. Tous ces effets donnent une impression de spontanéité au texte[176].

Le génie poétique de Shakespeare est avant tout lié à sa vision concrète du théâtre[177]. Comme tous les dramaturges de l'époque, il s'inspire d'histoires provenant de sources commePlutarque ou Holinshed[178], mais il retravaille chaque intrigue pour proposer plusieurs centres d'intérêt et présenter autant de points de vue que possible au public. Grâce à cette méthode, les pièces de Shakespeare peuvent être traduites, abrégées ou réinterprétées sans perdre leur conflit central[179]. Ses progrès comme écrivain l'amènent à offrir des motivations plus claires et plus variées à ses personnages, ainsi que des manières de parler distinctes. Il ne renie pas pour autant complètement le style de ses débuts. Dans ses romances tardives, il revient sciemment à une diction plus artificielle pour mettre l'accent sur le caractère illusoire du théâtre[180],[181].

Influence

Article détaillé :Liste d'adaptations de William Shakespeare.
Shakespeare en présence de la peinture et la poésie (vers 1789). Cette gravure deBenjamin Smith représente une statue deThomas Banks située à l'origine à l'entrée de laBoydell Shakespeare Gallery.

L'influence de Shakespeare sur le théâtre moderne est considérable. Il joue un rôle crucial dans le développement du potentiel dramatique d'éléments comme la caractérisation des personnages, l'intrigue, la langue et le genre[182]. Ainsi, les histoires d'amour n'étaient pas considérées comme un sujet valable pour une tragédie avantRoméo et Juliette[183]. Les monologues servaient principalement à transmettre des informations au public ; Shakespeare les utilise pour explorer l'esprit des personnages[184]. AuXIXe siècle, les poètes romantiques tentent de produire de nouvelles pièces en vers sur le modèle de Shakespeare, sans grand succès : selon le critiqueGeorge Steiner, toutes les pièces en vers de langue anglaise produites entre Coleridge et Tennyson ne sont que« de piètres variations sur les thèmes shakespeariens[185] ».

L'œuvre de Shakespeare est aussi une influence pour des romanciers commeThomas Hardy,William Faulkner etCharles Dickens. Les monologues des personnages deHerman Melville doivent beaucoup à ceux de Shakespeare : lecapitaine Achab deMoby Dick est unhéros tragique[186]. Plus de 20 000 œuvres musicales présentent un lien avec Shakespeare, parmi lesquelles les opéras deGiuseppe VerdiMacbeth,Otello etFalstaff, dont la réputation critique rivalise avec celle des pièces qui les ont inspirés[187]. De nombreux peintres, notamment des courants romantique et préraphaélite, ont également puisé dans l'œuvre du dramaturge[188]. Au-delà du monde des arts, le psychanalysteSigmund Freud s'est inspiré des personnages de Shakespeare, notamment Hamlet, pour développer ses théories sur la nature humaine[189].

L'usage que fait Shakespeare de lalangue anglaise contribue au développement de sa forme moderne[190]. Il est l'auteur le plus cité dans leDictionary of the English Language deSamuel Johnson (1755), l'un des premiers dictionnaires de langue anglaise[191]. De nombreux mots et expressions passés dans le langage courant apparaissent pour la première fois dans l'œuvre de Shakespeare, comme « one fell swoop » ou « good riddance[192] ». L'anglais est couramment désigné par la périphrase « langue de Shakespeare ».

L'influence de Shakespeare ne se limite pas au monde anglophone. Il est populaire en Allemagne dès leXVIIIe siècle auprès des auteurs duclassicisme de Weimar, etChristoph Martin Wieland est le premier à produire une traduction intégrale de son œuvre théâtrale dans une autre langue, dès les années 1760[193],[194]. En France, il exerce une influence notable surHonoré de Balzac, certains allant même jusqu'à parler de plagiat s'agissant duPère Goriot et duRoi Lear[195]. Selon l'Index Translationum, avec un total de 4 281 traductions, il est le troisième écrivain le plus traduit au monde aprèsAgatha Christie etJules Verne[196].

Il existe plus de 400 films adaptés des pièces de Shakespeare[197]. De 1978 à 1985, laBBC produit des adaptations de 37 pièces de Shakespeare pour la télévision :The Complete Dramatic Works of William Shakespeare. Cet ensemble unique, joué par quelques-uns des meilleurs comédiens britanniques (Derek Jacobi,Anthony Quayle,John Gielgud, etc.), est très fidèle aux textes originaux et propose des mises en scène inspirées de la tradition théâtrale anglaise[198].

Accueil critique

Article connexe :Traductions françaises de Shakespeare.

De son vivant, l'œuvre de Shakespeare est l'objet de commentaires élogieux, mais il n'est pas pour autant considéré comme un génie[199],[200]. Dans le Premier Folio,Ben Jonson le décrit comme« l'âme de notre époque, la joie de notre scène », mais il remarque ailleurs que« Shakespeare manquait d'art ». Durant laRestauration et jusqu'à la fin duXVIIIe siècle, les idées antiques sont à la mode et Shakespeare trouve donc moins grâce aux yeux des critiques que Jonson ouJohn Fletcher[201]. Ainsi,Thomas Rymer lui reproche de mélanger le comique au tragique. L'opinion de Rymer prévaut pendant plusieurs décennies, jusqu'à ce que les critiques duXVIIIe siècle prennent en considération Shakespeare pour lui-même et décèlent ce qu'ils appellent son génie naturel. Sa réputation s'accroît avec la parution des éditions critiques de Samuel Jonson etEdmond Malone, parues en 1765(The Plays of William Shakespeare) et 1790 respectivement[202],[203]. En 1769, l'acteurDavid Garrick organise un jubilé pour Shakespeare dans sa ville natale de Stratford qui marque une étape dans le développement d'un véritable culte autour du dramaturge, la « bardolâtrie[204] ». À l'aube duXIXe siècle, sa position comme poète national de l'Angleterre est assurée[205]. Il bénéficie également d'une solide réputation à l'étranger après avoir été loué par des auteurs commeVoltaire (Lettres philosophiques, 1734),Goethe (Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister, 1795-1796),Stendhal (Racine et Shakespeare, 1823-1825) etVictor Hugo (préface deCromwell, 1827, et l'essaiWilliam Shakespeare, 1864)[206].

AuXIXe siècle, l'admiration pour Shakespeare confine à l'adoration[207]. Il est loué par les romantiques commeSamuel Taylor Coleridge etAuguste Schlegel[208] et l'époque victorienne voit ses pièces interprétées dans des mises en scène grandioses[209]. Le dramaturgeGeorge Bernard Shaw se moque de ce qu'il appelle la « bardolâtrie » et affirme que le naturalisme de dramaturges commeHenrik Ibsen a rendu Shakespeare obsolète[210]. Néanmoins, le courant moderniste du début duXXe siècle ne rejette pas ses œuvres, bien au contraire : ses pièces sont mises à contribution par le théâtre d'avant-garde. Elles sont mises en scène aussi bien par les expressionnistes allemands que par les futuristes russes, etBertolt Brecht développe l'idée duthéâtre épique en s'inspirant de Shakespeare.T. S. Eliot prend le contrepied de la critique de Shaw en déclarant que c'est précisément le caractère « primitif » de Shakespeare qui le rend moderne[211].

Le courant dunew criticism, inspiré par Eliot et des critiques commeG. Wilson Knight (en), propose une lecture plus attentive de l'imagerie de Shakespeare. De nouvelles approches apparaissent dans les années 1950 et annoncent les études postmodernes de Shakespeare[212]. Toutes sortes de courants se penchent sur son œuvre, parmi lesquelsstructuralisme,féminisme,néo-historicisme,African-American studies etqueer studies[213],[214].

Spéculations

Paternité de ses œuvres

Article détaillé :Paternité des œuvres de Shakespeare.

Des théories marginales concernant la paternité des œuvres attribuées à Shakespeare circulent depuis le milieu duXIXe siècle[215]. Parmi les noms avancés comme le véritable auteur de ses pièces et poèmes, les plus populaires sontFrancis Bacon,Christopher Marlowe et le comte d'OxfordEdward de Vere[216]. Cette idée suscite une certaine curiosité chez le grand public, mais les milieux universitaires considèrent de manière quasiment unanime qu'il n'existe aucune raison valable de remettre en doute la paternité des œuvres de Shakespeare[217],[218],[219].

Religion

La vie publique de Shakespeare est celle d'un fidèle de l'Église d'Angleterre : c'est la religion dans laquelle il se marie, ses enfants sont baptisés et il est enterré[220]. Cependant, ses croyances intimes sont sources de débats et certains chercheurs affirment que des membres de sa famille sont catholiques, une foi alors interdite en Angleterre[221]. De fait, sa mère, Mary Arden, est issue d'une famille catholique dévote. Une déclaration de foi catholique signée par son père John a été découverte en 1757 dans le plafond de son ancienne maison de Henley Street, mais ce document est aujourd'hui perdu et son authenticité fait débat[222],[223]. John Shakespeare est rapporté avoir manqué la messe en 1591, et la fille du dramaturge, Susanna, figure dans une liste de fidèles de Stratford n'ayant pas reçu l'Eucharistie à Pâques en 1606[224],[225],[226]. En ce qui concerne Shakespeare lui-même, il ne subsiste aucune indication permettant d'établir sa foi intime. Diverses lectures de ses pièces y ont vu des preuves de son catholicisme, de son protestantisme ou de son absence de foi, sans jamais trouver d'indice concluant[227],[228].

Sexualité

Article détaillé :Sexualité de William Shakespeare.

L'orientation sexuelle de Shakespeare est un sujet débattu. Il s'est marié avecAnne Hathaway et ils ont eu trois enfants. Après sa mort, certains lecteurs, considérant les sonnets de Shakespeare comme autobiographiques, y ont vu la preuve de son amour pour un jeune homme, et donc d'une possiblebisexualité. D'autres n'y voient cependant que l'expression d'une amitié intense[229],[230],[231].

Portraits

Article détaillé :Portraits de Shakespeare.

L'apparence physique de Shakespeare n'est décrite dans aucune source d'époque, et rien ne permet d'affirmer qu'il ait fait faire son portrait. Les deux seules représentations du dramaturge susceptibles de donner une idée de son apparence sont leportrait Droeshout, paru en frontispice du Premier Folio, dont Ben Jonson affirme qu'il représente bien son modèle[232], et sonmonument funéraire à Stratford. À partir duXVIIIe siècle, la grande popularité de Shakespeare s'est traduite par une recherche de portraits du dramaturge, allant de l'identification erronée de portraits d'autres individus à la production de faux portraits[233].

Notes et références

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