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LeService du travail obligatoire (STO) fut, durant l'occupation de la France par l’Allemagne nazie, laréquisition et le transfert vers l'Allemagne de centaines de milliers de travailleurs français contre leur gré, afin de participer à l'effort de guerre allemand que les revers militaires contraignaient à être sans cesse grandissant (usines, agriculture, chemins de fer, etc.). Les personnes réquisitionnées dans le cadre duSTO étaient hébergées, accueillies dans des camps de travailleurs localisés sur le sol allemand. Il fut instauré par la loi du, faisant suite au relatif échec des politiques de volontariat et du système dit deRelève, qui aboutit à la présence en 1942, de 70 000 travailleurs venus de France en Allemagne, très en deçà des exigences de l'occupant[1].
L'Allemagne nazie imposa augouvernement de Vichy la mise en place duSTO, pour essayer de compenser le manque de main-d'œuvre dû à l'envoi d'un grand nombre de soldats allemands sur le front de l'Est, où la situation ne cessait de se dégrader. De fait, les travailleurs français sont les seuls d'Europe à avoir été requis par les lois de leur propre État et non par une ordonnance allemande. C'est une conséquence indirecte de la plus grande autonomie négociée par le gouvernement de Vichy comparativement aux autres pays occupés, qui ne disposaient plus de gouvernement propre.
L'exploitation de la main-d'œuvre française par leTroisième Reich a concerné des travailleurs obligatoires (les requis duSTO), des travailleurs volontaires attirés par la rémunération ou « prélevés » dans les entreprises dans le cadre de laRelève ainsi que les prisonniers de guerre. Un total de 600 000 à 650 000 travailleurs français fut acheminé vers l'Allemagne entre et auquel s'ajoutait la partie des soldats prisonniers retenus de force dans le pays, dont le nombre initial s'élevait à 1 850 000 hommes. Les travaux de recherche citent le chiffre de 1 500 000 Français — prisonniers, réquisitionnés duSTO, volontaires — qui auraient travaillé en Allemagne entre 1942 et 1945[2]. LaFrance fut le troisième fournisseur de main-d'œuvre forcée du Reich après l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et laPologne et fut le pays qui lui donna le plus d'ouvriers qualifiés.
Les requis ont fait partie jusque dans les années 1970 des oubliés de laSeconde Guerre mondiale, concurrencés sur leplan mémoriel par d'autres victimes de guerre, qui avaient été plus héroïques ou plus victimes qu'eux, notamment lesprisonniers de guerre français, les déportés politiques et les victimes de laShoah. Les premiers travaux de recherche sur la réquisition pour le travail ne sont lancés auCentre national de la recherche scientifique (CNRS) que dans lesannées 1970 et ne se développeront que dans lesannées 1990. LesSTO ont parfois dû faire face au reproche de n'avoir pas désobéi et d'être partis renforcer le potentiel de la main-d'œuvre du Troisième Reich.
Au moment de leur rapatriement en France, les requis tiennent à être considérés comme desdéportés du travail mais la concurrence mémorielle explique qu'ils se voient interdire l'utilisation de cette dénomination. Après une longue bataille parlementaire et judiciaire, les associations d'anciens « requis du travail obligatoire » obtiennent, par décret du, la dénomination officielle de « victimes du travail forcé en Allemagne nazie » mais celle de « déportés du travail » leur est refusée le par laCour de Cassation[3].
Dès l'automne 1940, des volontaires, au début majoritairement d'origine étrangère (notamment Russes, Polonais, Italiens) partent travailler en Allemagne. C'est aussi à l'automne 1940 que l'occupant procède à des rafles arbitraires de main-d'œuvre dans les départements duNord et duPas-de-Calais, rattachés àBruxelles.

Fritz Sauckel, surnommé le « négrier de l'Europe », est chargé le d'amener de la main-d'œuvre de toute l'Europe par tous les moyens. Il s'intéresse particulièrement à la France. Sa nomination est à peu près concomitante du retour au pouvoir dePierre Laval. Jusqu'alors, moins de 100 000 travailleurs français volontaires sont partis travailler en Allemagne[4]. Le refus d'envoyer 150 000 ouvriers qualifiés a été l'une des causes de la chute deDarlan[5]. Au cours desannées 1942 et 1943, Sauckel use d'intimidation et de menaces pour remplir ces objectifs. Face à lui, Laval, tour à tour négocie, temporise et obtempère, si bien que les relations entre les deux hommes sont tumultueuses, Sauckel louant Laval pour sa coopération ou le condamnant pour son obstruction[6]. Les exigences de main-d'œuvre formulées par Sauckel entre leprintemps 1942 et ledébut de 1944 sont connues sous le nom d'« actions Sauckel »[7].
Le travail obligatoire est institué en Europe de l'Ouest par unAnordnung de Sauckel du[8]. Sauckel demande 250 000 travailleurs supplémentaires avant la fin du mois de juillet. Face à cette exigence, Laval recourt à sa méthode favorite qui consiste à négocier, gagner du temps et chercher des moyens d'échanges.

C'est ainsi qu'il en vient à proposer le système de laRelève consistant à libérer un prisonnier de guerre pour trois départs en Allemagne de travailleurs libres ; cette relève est instituée et annoncée dans un discours du. Dans le même discours, Laval proclame :« je souhaite la victoire de l'Allemagne »[4]. Dans une lettre envoyée le même jour au ministre allemand des Affaires étrangères,Ribbentrop, Laval place cette politique de la relève dans le cadre d'une participation de la France à l'effort de guerre allemand contre le bolchevisme, au travers de l'envoi de travailleurs[5]. En tout, 200 000 travailleurs, dont 70 000 femmes vont travailler pour leTroisième Reich.
Le manque de succès de cette mesure (17 000 volontaires seulement à fin août) sonne le glas du volontariat. Le, une directive de Sauckel précise qu'il faut désormais recourir au recrutement forcé[9]. Du point de vue de Sauckel, la Relève a été un échec puisque moins de 60 000 travailleurs français sont partis en Allemagne à la fin du mois d'août. Il menace alors de recourir à une ordonnance pour réquisitionner la main-d'œuvre masculine et féminine, ordonnance qui ne peut s'appliquer qu'enzone occupée. Laval négocie l'abandon de l'ordonnance allemande au profit d'une loi française concernant les deux zones[10]. Ceci conduit à la loi française du[11] qui introduit la conscription obligatoire pour tous les hommes de18 à 50 ans et pour les femmes célibataires âgées de21 à 35 ans[6]. Cette loi de coercition est évidemment impopulaire et, au sein même du gouvernement, quatre ministres auraient manifesté leur opposition[12]. En, l'objectif de 250 000 hommes de la première action Sauckel est atteint[13].
Toutefois, la réquisition forcée d'ouvriers, gardés par des gendarmes jusqu'à leur embarquement en train, suscite de nombreuses réactions hostiles. Le éclate une grève aux ateliersSNCF d'Oullins, dans la banlieue lyonnaise, qui va s'étendre jusqu'au 17 dans leRhône, àSaint-Étienne etChambéry[14],[15]. On écrit sur les trains « Laval assassin ! »[16].
À la suite de ces événements, le gouvernement est forcé de reculer en zone sud, si bien qu'au, seuls 2 500 ouvriers requis ont en tout et pour tout quitté lazone sud[17].


Après qu'Hitler eut ordonné, le, le versement dans l'armée de 300 000 ouvriers allemands, Sauckel exige, le, qu'en plus des 240 000 ouvriers déjà partis en Allemagne, un nouveau contingent de 250 000 hommes soit expédié d'ici la mi-mars[6].
Pour satisfaire cette deuxième « action Sauckel », le Pierre Laval, après avoir vainement négocié[18], précise la loi du (art. 1) en instaurant le Service du travail obligatoire (STO) qui mobilise pour deux ans les jeunes gens« afin de répartir équitablement entre tous les Français les charges résultant, selon les termes d'un communiqué officiel, des besoins de l'économie française » et en fait de l'économie allemande[19],[note 1].
Les réquisitions liées à la loi du ne concernaient théoriquement que des ouvriers qualifiés. Avec la mise en place duSTO, le recrutement, de catégoriel, se fait désormais par classes d'âge entières.
Les jeunes gens nés entre 1920 et 1922, c'est-à-dire ceux des classes 1940, 1941 et 1942 ont l'obligation de partir travailler en Allemagne (ou en France), s'agissant d'un substitut au service militaire. La jeunesse, dans son ensemble, devient la cible duSTO[6]. La classe 1942 est la plus touchée. Dès le, les étudiants savent qu'ils seront soumis auSTO à la prochaine rentrée[20]. Les exemptions ou sursis initialement promis aux agriculteurs disparaissent dès juin. Le public visé étant strictement le même que celui de la loi du, théoriquement, les jeunes femmes sont aussi concernées mais, par peur des réactions de la population et de l'Église, hormis quelques cas individuels, elles ne sont pas touchées par leSTO. Parmi les requis de cette deuxième action Sauckel, on compte 24 000 jeunes hommes deschantiers de jeunesse, du dernier contingent de la classe 1942[18]. Des résistants communistes autrichiens exilés en France ont utilisé ce dispositif pour retourner résister dans leur pays sous de fausses identités françaises ce qui entraînera une forte répression au cours du premier semestre 1944[21].
La date fixée par Sauckel étant mi-mars, l'opération est menée tambour battant :
Le, au cours d'une réunion de prières réunissant 4 000 jeunes, à Roubaix, église Saint-Martin, le cardinalLiénart, évêque de Lille, exhorte les jeunes à y aller (leJournal de Roubaix titre :« ce serait de la lâcheté de ne pas obéir […] ») ; une semaine plus tard, le cardinal expose sa pensée en trois points : l'occupant outrepasse ses droits, on peut donc désobéir sans péché mais le devoir de charité — si je ne pars pas, un autre partira à ma place — peut inciter à partir[22].
Au total, 600 000 hommes partent entre et[23]. Laval aura mis l’inspection du travail, la police et la gendarmerie au service des prélèvements forcés de main-d’œuvre et de la traque desréfractaires au Service du travail obligatoire[17]. Il aura ainsi permis que les forces d'occupation ne soient pas mobilisées sur cette opération.
À la seconde action Sauckel succède une troisième : le, les Allemands présentent de nouvelles demandes, il leur faut 120 000 ouvriers en mai et 100 000 autres en juin. Le, ils en exigent 500 000 supplémentaires[24]. Ces objectifs ne sont jamais atteints car des réfractaires de plus en plus nombreux échappent aux réquisitions et, finalement, ce sont les Allemands eux-mêmes qui mettent un terme, de fait, aux demandes de Sauckel. Le, le ministre de l'armement du ReichAlbert Speer conclut un accord avec le ministre du Gouvernement Laval,Jean Bichelonne, soustrayant de nombreuses entreprises travaillant pour l'Allemagne à la réquisition de Sauckel. Les hommes sont protégés mais l'économie française dans son ensemble est intégrée à celle de l'Allemagne[23]. De façon formelle, à côté de la nouvelle politique de Speer, Sauckel tente tant bien que mal de continuer la sienne de prélèvement de main-d'œuvre vers l'Allemagne. Ainsi, une quatrième action Sauckel lancée en 1944 s'avère être un fiasco complet[25].
Avec le tarissement des ressources humaines à prélever, le développement desmaquis explique aussi la chute des départs à partir del'été 1943, induisant le demi-succès de la troisième action Sauckel (de juin à) puis le fiasco de la quatrième en 1944. Ainsi, leSTO provoque le départ dans la clandestinité de près de 200 000 réfractaires, dont environ un quart gagne les maquis en pleine formation. Cet afflux d'environ 50 000 réfractaires dans les maquis, qui fait espérer àHenri Frenay et à d'autres chefs de laRésistance que des actions de guérilla vont pouvoir se développer contre les forces d'occupation allemandes en France, suscite à Londres la crainte des alliés que de telles actions de guérilla amènent les Allemands à augmenter massivement leurs forces d'occupation, compromettant ainsi les chances de succès d'un futur débarquement allié en France[26]. LeSTO accentue la rupture de l'opinion avec le régime de Vichy et constitue un apport considérable pour la Résistance mais il place aussi cette dernière devant une tâche inédite, d'une ampleur considérable : résoudre le manque d'argent, de vivres, d'armes, etc. pour des milliers de maquisards qui ont soudain afflué[6]. Les réfractaires auSTO forment également une part significative mais difficilement quantifiable des quelque 25 000 évadés de France qui gagnent l'Espagne puis l'Afrique du Nord et s'engagent dans laFrance libre ou dans l'armée française de la Libération. Robert Belot évalue à 51,6% la part des jeunes de 20 à 23 ans dans la population des évadés par l'Espagne en 1943 et ajoute que ce chiffre« est à relativiser , car il ne suffit pas d'être de ces classes d'âge pour êtreipso facto visé par le STO »[27].
La Résistance vole ou détruit de nombreux registres d'état-civil, listes de recensement et fichiers duSTO. Le, un commando du Comité d'action contre la déportation dirigé parLéo Hamon, incendie 200 000 fiches dans les locaux parisiens du Commissariat général auSTO[28].
Faute de filière, de place dans le maquis ou de désir de se battre, de nombreux réfractaires se limitent toutefois à se cacher à domicile ou à se faire embaucher dans des fermes isolées où ils servent de main-d'œuvre à des paysans complices. Après l'automne 1943, ils sont aussi nombreux à rejoindre un vaste secteur industriel protégé mis en place par l'occupant et travaillant exclusivement pour ce dernier. Enfin, une part non négligeable des jeunes Français concernés par leSTO réussissent à passer à travers les mailles du filet en refusant leSTO mais sans pour autant entrer dans la clandestinité ; ces derniers ont la chance d'être progressivement oubliés par l'administration de l'occupant.
Probablement sans connexion avec la politique duSTO mais simplement parce qu'il est un dignitaire nazi circulant en voiture dans Paris, le délégué de Fritz Sauckel en France, leSS-Standartenführer (colonel)Julius Ritter, est abattu le par une équipe desFrancs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI][29] dugroupeManouchian[30]. Il est remplacé par leSS-Brigadeführer (général)Alfons Glatzel (de).
À la fin de 1944, alors que la France est presque entièrement libérée par les Alliés, environ deux millions de Français se trouvent encore en Allemagne et la plupart travaillent plus ou moins pour le Reich. Parmi eux, on dénombre un million de prisonniers de guerre. Une seconde catégorie de 200 000 hommes est formée des anciens prisonniers de guerre qui ont choisi le statut de « travailleur libre », soumis aux lois nazies. Ils ne sont alors plus protégés par les conventions internationales. La convention de Genève de 1929 prévoit à l'article 27 que les prisonniers de guerre, militaires du rang de2e classe à caporal-chef peuvent être mis au travail par la puissance détentrice[31]. Par ailleurs, 600 000 travailleurs duSTO forment la troisième catégorie. Quant aux travailleurs partis plus ou moins volontairement[32], ils sont environ 40 000. À cela, s'ajoute une autre catégorie de « travailleurs » pour l'Allemagne : lesAlsaciens ou Mosellans, enrôlés sous l'uniforme allemand dans le cadre du Reichsarbeitsdienst ou Service national du travail obligatoire pour les garçons et les filles entre 17 et 25 ans. À l'issue du service au RAD les garçons ont été, après, mobilisés dans l'armée allemande.
Une seule manifestation à l'encontre de convois ferroviaires circulant vers l'Allemagne avec à leur bord desSTO est photographiée avec des photographies toujours visibles (en mai 2025). Il s'agit d'une manifestation qui s'est tenue àRomans-sur-Isère le et photographiée par le journaliste Paul Deval qui aurait ensuite caché les négatifs sous le plancher de la Maison des jeunes de la ville tout en déclarant aux inspecteurs de Vichy qui l'interrogent le lendemain qu'il les a détruits[33].
Cette manifestation est préparée le. Jean Chapus, chef de gare, informe le capitaine Vincent Beaume, desMouvements unis de la Résistance (MUR), du passage en gare de Romans, le, d'un train spécial, en provenance de Grenoble, devant convoyer environ 300 requis duSTO. LesMUR de Romans et deBourg-de-Péage se réunissent pour organiser une manifestation. Deux organisations sont particulièrement actives : laJeunesse communiste (JC) et laJeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Le Comité de Résistance, laJC, laJOC et laConfédération générale du travail (CGT) clandestine décident de se réunir et d'appeler les ouvriers à une manifestation la veille du départ, le, à18 h, devant labourse du travail. Une cinquantaine de tracts sont rédigés à la main. Ils appellent à protester contre les départs en Allemagne, contre la faiblesse des salaires, pour un meilleur ravitaillement. Les tracts sont distribués par les délégués syndicaux dans les usines et passent de main en main.
Le, à18 h, à la sortie des usines, les manifestants se dirigent vers la bourse du travail. La police, les gardes mobiles avertis cernent le bâtiment. Deux à trois mille personnes se regroupent alors place du maréchal Pétain. Les élèves de l'école de gendarmerie de Romans tentent de les faire circuler ; pour beaucoup, engagés pour échapper auSTO, ils sont plutôt passifs. Les manifestants prennent pour cible des lieux de réunion de collaborateurs. Le café de Valence, siège duParti populaire français (PPF) est mis à sac. Le calme revient vers20 heures[33].
Selon Jean Chapus, le chef de gare, le train transportant les personnes en partance pour réaliser leSTO en Allemagne est immobilisé durant2 h 5 du fait de manifestants qui entravent les voies par leur présence et la pose de pierres de taille et de madriers. Une vingtaine de manifestants auraient été arrêtés le[33].
LeSaint-Siège demande au maréchalPétain, par l'intermédiaire deLéon Bérard, ambassadeur de France au Vatican, que les séminaristes français soient exemptés duSTO or, ceci n'est pas souhaité par les évêques français, qui entendent de la sorte ne pas déserter le terrain de la reconquête du monde ouvrier et ce monde ouvrier se trouve pour partie non négligeable en Allemagne. Ainsi, 3 200 séminaristes partent en Allemagne dans le cadre duSTO.
D'autre part, à compter de fin 1942, des négociations sont menées entre l'épiscopat français représenté par lecardinal Suhard et leDr Brandt, qui traite de cette question pour les Allemands,[réf. nécessaire] pour officialiser la présence d'aumôniers parmi les déportés duSTO. À la fin du mois de, leDr Brandt oppose un refus définitif à la demande des évêques français mais ceux-ci ont déjà envisagé d'envoyer des prêtres en Allemagne, non pas avec le statut d'aumônier mais avec celui d'ouvrier. Il s'agit là de la naissance du mouvement desprêtres ouvriers. Pionnier, l'abbé Adrien Bousquet arrive à Berlin le.
À la suite du père Bousquet, 25 prêtres sélectionnés par le pèreJean Rodhain, aumônier national des prisonniers de guerre et futur fondateur duSecours catholique, sont envoyés clandestinement dans le Reich. En plus de ces clandestins organisés, d'autres prêtres sont requis sans que leur qualité de religieux soit détectée. Certains partent de leur propre initiative, parfois contre l'avis de leur évêque. Il y a également 273 prêtres prisonniers de guerre, transformés en « travailleurs libres ». Avec les 3 200 séminaristes et les militants de l'Action catholique partis, contraints ou volontaires, cela représente au total un ensemble de quelque 10 000 militants.
Pour les autorités allemandes, les travailleurs étrangers sont autorisés à assister aux offices allemands. Ils ne voient pas d'objection à ce que des ecclésiastiques étrangers soient employés comme travailleurs, à condition qu'ils s'abstiennent de toute activité spirituelle ou ecclésiastique. Cependant l'étau se resserre progressivement, toute activité religieuse auprès des travailleurs forcés devenant dangereuse pour les participants.
Le,Ernst Kaltenbrunner, chef de la sécurité du Reich, adresse une note à tous les fonctionnaires de laGestapo. Il leur donne la consigne de rechercher tous les prêtres et séminaristes dissimulés sous le statut de laïcs, de les expulser ou de les emprisonner en cas de faute grave. Les responsables régionaux des groupes clandestins deJeunesse ouvrière chrétienne (JOC), seule organisation clandestine de soutien spirituel présente sur le territoire allemand, sont arrêtés et déportés. Les militants catholiques, encore actifs, doivent cesser toute activité catholique sous peine d'emprisonnement (voir à ce sujetRésistances chrétiennes dans l'Allemagne nazie, Fernand Morin, compagnon de cellule de Marcel Callo, D. Morin, éd. Karthala, 2014). L'un d'eux,Marcel Callo, a été béatifié par Jean-Paul II en 1987. Sur les 25 prêtres clandestins envoyés en Allemagne, douze sont envoyés en camp de concentration, généralement àDachau.
Les groupes de laJOC continuent néanmoins leur action malgré la répression. Un millier de groupes répartis dans 400 villes allemandes sont répartis en 70 fédérations. Des clansscouts se forment.Jacques Duquesne, en parlant d'eux, évoque une version moderne de l'« église des catacombes » :« Ils se confessent en pleine rue, communient dans les escaliers […] ».
La loi du[34] donne aux victimes duSTO le statut de « personnes contraintes au travail en pays ennemi, en territoire étranger occupé par l'ennemi ou en territoire français annexé par l'ennemi », leur ouvrant droit à indemnisation. Une carte spéciale et un insigne distinctif sont attribués aux bénéficiaires de ce statut, sur décision du ministre des anciens combattants et victimes de la guerre.
Admise en Belgique, bien que le Parlement français ne se soit jamais prononcé définitivement sur la qualification à donner aux requis duSTO, la dénomination officielle de « déporté du travail » est interdite aux associations de victimes duSTO par la justice française en 1992, pour éviter la confusion avec la déportation vers la mort qui a été le sort réservé aux résistants et aux Juifs, principalement.
Selon la Fédération nationale des déportés et internés politiques (FNDIP), fondée en 1945 et devenue en 1946 laFédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP), 60 000 d'entre eux seraient morts en Allemagne et 15 000 auraient été fusillés, pendus ou décapités pour actes de résistance. Les historiens jugent aujourd'hui ces chiffres excessifs et estiment qu'entre 25 000 et 35 000 STO ont perdu la vie enAllemagne[35]. La majorité sont morts en raison de leur emploi dans des usines d'armement bombardées, souvent dans de mauvaises conditions et sous la surveillance fréquente de la Gestapo, ce qui a occasionné un taux de mortalité supérieur à celui des prisonniers de guerre. De 5 à 6 000 d'entre eux d'entre eux sont morts dans descamps de concentration, victimes de la répression de la Gestapo. Au moins un millier est mort dans descamps d'éducation par le travail. Un certain nombre d'entre eux, mis à la disposition d'artisans, de laReichsbahn, de la Poste ou de l'administration, ou, plus rarement, de fermes, sont morts de maladies mal soignées ou d'accidents du travail.
En 1943, après sa destruction par les Alliés à Berlin, une unité de construction aéronautique est déplacée àČeská Kamenice (République tchèque) dans lesSudètes (région annexée en 1938, précédemment tchécoslovaque).
Avec la complicité du gouvernement de Vichy, des jeunes gens, techniciens, tourneurs, sont interpellés dans leur propre famille ou sur leur lieu de travail, sinon convoqués, notamment chez Air-Équipement àBois-Colombes (France) le ; avant leur départ pour Berlin, ou d'autres destinations comme Iéna, Leipzig, ils sont consignés à la caserne Mortier à Paris[note 3]. Les familles sont éventuellement informées par courrier dans le but de leur apporter des affaires pour y passer la nuit : tout dépend en fait de la bonne volonté du gendarme qui a procédé à l'interpellation.
Près de Ceskà Kamenice, les nazis ont aménagé le site des mines et fait construire le camp de Rabstein par des déportés venant de plusieurs des 95 kommandos dépendant du camp de concentration, à 260 km, deFlossenbürg en Allemagne (lui-même à environ 100 km à l'est deNuremberg).
Le camp de Rabstein est situé dans un creux de vallon et les baraquements où logent les prisonniers sont souvent inondés. Les hommes insuffisamment vêtus souffrent de la faim, du froid et sont sujets à des rhumatismes.
Dans les caves humides et mal éclairées, les conditions de travail des ouvriers sont particulièrement pénibles avec 12 heures de présence quotidienne obligatoire.
Douze heures de présence quotidienne sont également exigées dans l'entreprise allemande de peinture dirigée parM. Peters àWünschendorf-sur-Elster, près d'Erfurt ; le climat y est continental et les températures vont de- 25° C en hiver à+ 30° C en été. Les conditions de travail y sont déplorables notamment pour les « disciplinaires »[note 4], les logements dans des baraquements sont malsains et la sous-alimentation est chronique. Il ne faut pas être surpris en train de se nourrir clandestinement sous peine de brimades ; néanmoins les ouvriers, pour survivre, doivent s'organiser et parviennent à voler des céréales et légumes dans les champs.
Les prisonniers de Wünschendorf, entre autres, ont également été contraints de travailler pour les entreprises de Weida et de procéder à la reconstruction de la gare de Leipzig, détruite par un bombardement allié le.
Une controverse a entouré le passé deGeorges Marchais, secrétaire général duParti communiste français (PCF) de 1970 à 1994, accusé d'avoir été volontaire en Allemagne chezMesserschmitt ; en effet, il n'a pas été requis par leSTO, contrairement à ses déclarations. Selon son biographe Thomas Hofnung[36], Marchais n'a jamais été ni volontaire ni requis duSTO mais, en fait, aurait été muté en Allemagne par l'entreprise d'aviation qui l'employait en France en 1940. Cette entreprise (Voisin) fut tenue, après l'invasion allemande en, de travailler pour les autorités d'occupation, après avoir été réquisitionnée. Elle devint alors une quasi-filiale de Messerschmitt et assurait notamment l'entretien d'avions allemands qui lui étaient confiés pour réparation. En, Georges Marchais fut transféré en Allemagne, dans une usine du groupe Messerschmitt, près d'Augsbourg.
Selon Roger Codou[37], c'est plutôt chezAGO Flugzeugwerke, filiale aéronautique d'AEG, que le futur secrétaire général duPCF aurait été affecté. Georges Marchais déclara avoir fui l'Allemagne à la mi-1943, à l'occasion d'une permission qu'il avait obtenue, en alléguant la mort de sa fille (en fait, de sa nièce) et n'avoir après cette permission jamais rejoint l'usine d'Augsbourg où il était affecté. Toutefois, il ne fut pas capable de prouver son séjour en France, en région parisienne ou ailleurs, entre sa permission de 1943 et la Libération[38]. Selon le magazinel'Express de, en 1944, Georges Marchais était encore en Allemagne et ne se serait donc jamais évadé contrairement à ses dires.
Le, Albert Corrieri, 102 ans — envoyé de force pour travailler en Allemagne au titre duSTO — demande devant le tribunal administratif que le ministère des Armées et l’Office des anciens combattants lui rétribuent son labeur volé. Il réclame sa rémunération non perçue, soit 43 200 euros, sur la base d’un calcul de 10 euros de l'heure[39].« La déportation, c'est le transfert forcé de population et c'est bien le cas ici » plaide son avocat.« Monsieur Corrieri a été déporté par la volonté du régime de Vichy et réduit en esclavage. Selon toutes les lois et conventions, nationales et internationales, la déportation comme la réduction en esclavage sont des crimes contre l’humanité et sont donc imprescriptibles par nature »[40],[41]. Cependant, le tribunal administratif de Marseille n'est pas de cet avis et déboute Albert Corrieri de sa demande d'indemnisation en estimant que les faits sont prescrits[42].