Semi-consonne
Enphonétique et enphonologie, le termesemi-voyelle désigne un type dephone (son) intermédiaire entreconsonne etvoyelle, qui présente des traits de l'une et de l'autre[1],[2],[3]. Autrement dit, ce n'est ni une consonne, ni une voyelle[4], d'où le nom alternatif desemi-consonne. Une autre définition affirme également ce caractère intermédiaire mais aussi que la semi-voyelle est une voyelle qu'on ne peut prononcer qu'avec une autre voyelle dans une mêmesyllabe[5]. Enfrançais, de tels phones sont[j] (par exemple dans les motspied,fille),[w] (dansoui) et[ɥ] (dansnuit)[6],[7].
À part cette définition générale, le son appelé semi-voyelle a diverses interprétations du point de vue dont il est considéré : seulement phonétique ou aussi phonologique. Leslinguistiques des diverses langues le traitent aussi en fonction des rôles phonologiques qu'il a ou n'a pas dans lalangue considérée.
L'interprétation traditionnelle de ce type de son prend en considération plutôt son aspect phonétique que celui phonologique. Dans une interprétation plus nouvelle, le point de vue phonologique est important. Dans celle-ci, certains auteurs considèrent que ce terme est imprécis, par conséquent obsolète, et lui préfèrent le termeanglaisglide[6],[4]. Dans le langage anglais courant, ce mot signifie « glissement »[8] et, en phonétique, il désigne un son de transition produit par les organes articulatoires lorsqu'ils s'approchent ou s'éloignent de l'articulation d'un autre son[9]. À noter cependant que dans la linguistique de l'anglais, certains auteurs considèrent le termeglide dans ce sens, mais aussi comme unsynonyme dediphthong, qu'ils définissent comme une voyelle dont l'articulation glisse de celle d'une voyelle à celle d'une autre[10].
Les phones appelés semi-voyelles ont des caractéristiques d'articulation communes aux voyelles et aux consonnes. Leur structureacoustique est proche de celle de voyelles qui leur correspondent. En français, ce sont [i], [u] et [y]. Dans certaines positions, ils peuvent être prononcés soit comme tels, soit comme les voyelles correspondantes, ex.louer [lwe] en débit rapide vs [lu.e] en débit lent[11]. Le degré d'ouverture de la cavité buccale lors de leur articulation est intermédiaire entre celui de la consonne la plus ouverte et celui de la voyelle la plus fermée. Cela détermine sur le plan acoustique l'absence d'une structure deformants nettement définie, ce qui les distingue des voyelles, et une concentration de l'énergie relativement importante due à l’absence d'obstruction devant l'émission de l'air, ce qui les distingue des consonnes[6],[3]. Une autre caractéristique qui rapproche ce type de sons des consonnes est qu'ils sont asyllabiques, c'est-à-dire ils ne peuvent pas constituer le noyau d'une syllabe ni, par conséquent, êtreaccentués[12].
Ce type de son ayant des caractéristiques communes avec celles des consonnes, le terme « semi-voyelle » est considéré par certains auteurs comme synonyme de « semi-consonne »[13],[3],[1].
Il y a aussi des auteurs qui distinguent les semi-consonnes des semi-voyelles[14], par exemple dans la linguistique de l'italien[15] ou de l'espagnol. Ainsi, un même son pourrait être d'une nature ou de l'autre dans des positions différentes. Si le son précède la voyelle syllabique (le noyau de la syllabe), il serait une semi-consonne, ex.i dans le mot(es)piedra « pierre »[16], mais s'il se trouve après la voyelle syllabique, il serait une semi-voyelle, ex.i dans(es)aire « air »[17].
D'autres auteurs incluent une partie des sons appelés semi-voyelles, semi-consonnes ou glides parmi les consonnes, celles appeléesspirantes. Tel est le cas des sons français mentionnés[11],[18].
En fonction des linguistiques des diverses langues et des auteurs, on considère qu'au moins certains groupes formés de ce type de son avec une voyelle dans une même syllabe sont desdiphtongues, et avec une voyelle, plus encore un son appelé semi-voyelle – destriphtongues. Ce type de son constitue la/les partie(s) asyllabique(s) de tels groupes. Des détails sur cela sont présentés plus bas, dans les sections traitant de quelques langues.
Latranscription phonétique des sons appelés semi-voyelles, semi-consonnes ou glides n'est pas non plus unitaire. Dans la linguistique du français, on les transcrit comme les consonnes spirantes dans l'alphabet phonétique international. Dans la linguistique de l'anglais, il y a plusieurs procédés. Certains auteurs utilisent les signes [j] et [w] lorsqu'ils ne font pas partie de diphtongues, étant considérés comme des consonnes, et aussi dans les diphtongues, tandis que pour les éléments asyllabiques qui ne peuvent pas être des consonnes, ils emploient les signes pour les voyelles correspondantes (ex.[ə])[19]. D'autres emploient [j] et [w] hors diphtongues et les signes pour les voyelles correspondantes en diphtongues :[ɪ] au lieu de [j],[ʊ] au lieu de [w][20]. D'autres encore les transcrivent avec [j] et [w] hors diphtongues et avec les signes pour les voyelles correspondantes, avec lediacritique◌̯, en diphtongues ([ɪ̯], [ʊ̯])[21]. Ce dernier procédé est adopté dans la phonétique traditionnelle duroumain, langue dans laquelle de tels phones sont [i̯], [u̯], [e̯] et [o̯][5].
Selon certains auteurs, les sons appelés semi-voyelles forment une classe à part seulement du point de vue phonétique, mais phonologiquement ce sont des consonnes, puisque leur fonction en syllabe est la même que celle des sons unanimement considérés comme des consonnes, c'est-à-dire ils ne peuvent pas constituer le noyau de syllabe, par conséquent ni êtreaccentués[4],[22],[23].
L'une des questions concernant ce type de sons est de savoir lesquels ne sont jamais desphonèmes mais seulement desallophones (variantes de réalisation) de phonèmes, ainsi que de savoir dans quelles situations ceux qui sont des phonèmes n'ont cependant pas de fonction phonémique. Cette question est liée à celle de savoir si un groupe formé d'un tel son et d'une voyelle dans une même syllabe est une diphtongue ou non, et si les diphtongues sont des phonèmes ou non. Voir ci-après des détails sur ces questions.
En linguistique du français, on considère en général que [w] et [ɥ] sont des allophones des phonèmes vocaliques /u/ et /y/ respectivement[24]. Ils alternent souvent avec ces voyelles dans unefamille de mots ou dans laconjugaison:
Il y a des situations où, dans un mêmemot, les séquences [w] + voyelle et [ɥ] + voyelle (ensynérèse) peuvent être prononcées [u] + voyelle et [y] + voyelle (endiérèse):
[j] aussi peut avoir le même statut que [w] et [ɥ], c'est-à-dire :
Selon certains ouvrages français, comme Grevisse et Goosse 2007, en français il n'y a ni diphtongues ni triphtongues.
Dans la linguistique de cette langue, il y a diverses opinions divergentes sur les glides.
Rogers 2003, par exemple, prend en compte les sons /j/ (ex. dansyes « oui ») et /w/ (dansanyway « de toute façon ») comme des phonèmes consonantiques en début de syllabe[25]. Elles se prononcent de la même façon en tant que parties asyllabiques de cinq diphtongues, dans lavariété standard de l'anglais britannique. Dans cette situation, il ne les considère pas comme phonémiques, mais ce sont les diphtongues en cause qu'il prend en compte comme des phonèmes vocaliques : /ej/ (danssay « dire »), /əw/ (danstone « ton »), /aj/ (dansdine « dîner »), /aw/ (dansdown « en bas ») et /ɔj/ (danscoin « pièce de monnaie »). À ceux-ci, il ajoute trois autres diphtongues phonèmes, dont la partie asyllabique est [ə] : /ɪə/ (dansidea « idée »), /ɛə/ (dansSarah) et /ʊə/ (dansjury)[26]. En même temps, il considère que, en principe, toute voyelle peut devenir partie asyllabique de diphtongue (ex. [ja], [wɛ], [ɛw]), mais ne compte parmi les phonèmes que les huit précédentes. Par ailleurs, il appelle « glides » les parties asyllabiques des diphtongues, mais il utilise ce terme comme synonyme de « diphtongue » aussi[27].
Concernant l'anglais britannique standard, Zsiga 2013 appelle « glides » les sons /j/ et /w/, en les considérant comme des phonèmes consonnes dans des mots commeyou « toi, vous » etwell « bien »[28]. Ce sont aussi des parties asyllabiques avec des voyelles syllabiques dans une même syllabe. Du point de vue phonologique, pour cette auteure, ces parties asyllabiques sont parfois contrastives et d'autres fois non. Elles sont contrastives, ayant donc une valeur phonémique, lorsqu'elles créent une opposition avec desmonophtongues, en distinguant par elles-mêmes les sens de certains mots, c'est-à-dire en participant à la création depaires minimales. Exemples[29] :
Ces parties asyllabiques n'ont pas de valeur phonémique si elles ne créent pas de telles oppositions. En conséquence, Zsiga 2013 considère que seuls [aɪ], [aʊ] et [ɔɪ] sont de vrais diphtongues, sans toutefois les traiter comme des phonèmes. D'autres successions voyelle + glide ne sont pour elle que des voyelles diphtonguées[29].
Dans la phonétique traditionnelle de cette langue, on considère que les voyelles /i/ et /u/ deviennent des semi-consonnes quand elles sont atones et suivies d'une voyelle, c'est-à-dire dans des diphtongues ascendantes (ex. danspiede « pied » et dansguerra « guerre »), et des semi-voyelles quand elles sont également atones et précédées d'une voyelle, dans des diphtongues descendantes :mai « jamais »,auto[15].
Selon Dubois 2002, en italien, /j/ est un phonème en début de syllabe, étant donné qu'il existe une paire minimale commeiato « hiatus » vslato « côté », mais allophone de la voyelle /i/ en fin de syllabe, ex.mai « jamais ». Dans ce mot, elle peut être prononcée [j], formant ainsi la diphtongue [aj], quand elle n'est pas suivie d'unepause (dans la parole àdébit rapide), ou [i], en syllabe à part, devant une pause (dans la parole lente)[6],[30].
Naroumov 2001 aborde du point de vue phonologique la différence entre semi-voyelle et semi-consonne en espagnol. Ainsi, dans cette langue, il y a deux phonèmes qui se réalisent comme des semi-consonnes ou comme des semi-voyelles[31].
Le phonème /j/ se réalise :
Ce phonème se réalise aussi comme uneconsonne affriquéepalatalevoisée ([ɟ͡ʝ]), après[ɲ] et après[ʎ] :enjugar [eɲɟ͡ʝuˈgar] « essuyer »,el hielo [eʎˈɟ͡ʝelo] « la glace ».
Le phonème /w/ se réalise :
En phonétique traditionnelle du roumain, on appelle semi-voyelles ou, plus rarement, semi-consonnes, les sons transcrits phonétiquement [i̯] (dansiarbă « herbe »), [u̯] (dansrouă « rosée »), [e̯] (dansseară « soir ») et [o̯] (dansdoagă « douve (de tonneau) »). On considère que toutes correspondent à des voyelles et qu'elles peuvent être prononcées seulement associées à une voyelle dans des diphtongues et des triphtongues qui, par conséquent, peuvent se trouver dans n'importe quelle position[5].
Traditionnellement, ce type de son ou bien n'est pas traité du point de vue phonologique, ou bien la phonologie intervient pour considérer ces sons comme des allophones des phonèmes vocaliques correspondants, /i/, /u/, /e/, respectivement /o/. Dans une autre opinion, [i̯] et [u̯] sont des phonèmes consonantiques (/j/ et /w/), et [e̯] et [o̯] des phonèmes semi-vocaliques (/e̯/ et /o̯/)[32].
Dans une conception tout à fait différente, le roumain compterait parmi les phonèmes /j/ et /w/, appelés « glides », [e̯] et [o̯] étant seulement les parties asyllabiques de deux diphtongues, /e̯a/ et /o̯a/, elles-mêmes considérées comme des phonèmes vocaliques. À part celles-ci, aucune combinaison de glide et de voyelle ne serait une diphtongue[33].
Les sons appelés semi-voyelles peuvent encore avoir, dans diverses langues, le rôle non phonémique de liaison entre autres sons, par exemple pour éviter l'hiatus[34],[6].
Lefrançais standard recommande la prononciation en diérèse, c'est-à-dire avec un hiatus, de mots commeoublier [ubliˈe] oupays [peˈi] mais permet d'éviter l'hiatus par l'insertion de [j] : [ubliˈje], [peˈji][35].
En roumain, dans les mots anciens, on élimine en général l'hiatus par insertion de [j] après /i/ et de [w] devant /u/, ex.laudă [ˈla.wu.də] « louange »,vie [ˈvi.je] « vignoble »[36]. Au contact entre mots, il y a des cas d'élimination obligatoire et d'autres, d'élimination facultative de l'hiatus par des sons appelés semi-voyelles. Entre certainspronoms personnels conjoints et les formes monosyllabiques duverbe auxiliaireavea « avoir », l'hiatus est obligatoirement éliminé par l'élément asyllabique de diphtongues ou de triphtongues, ex.ți-am spus « je t'ai dit »,duce-le-aș « je les emporterais »,te-am întrebat « je t'ai demandé » (tecomplément d'objet direct),ne-ai povestit « tu nous as raconté » (necomplément d'objet indirect),te-ai întoarce « tu retournerais » (tepronom réfléchi)[37]. Par le même procédé, on évite facultativement l'hiatus dans la parole rapide, entreclitiques et mots à senslexical, par sinérèse, ex.de atunci [de.aˈtunt͡ʃʲ] →de-atunci [de̯aˈtunt͡ʃʲ] « depuis lors »,pe aici [pe.aˈjit͡ʃʲ] →pe-aici [pe̯aˈjit͡ʃʲ] « par ici »,îmi pare o poveste [ɨmʲˈpa.re.o.poˈveste] →îmi pare-o poveste [ɨmʲˈpa.re̯o.poˈveste] « cela me semble être un conte »[38].
Dans certaines langues, commeBCMS[39]) ou lehongrois, dont la linguistique ne prend pas en compte des diphtongues ni des semi-voyelles, mais qui ont /j/, considéré comme un phonème consonne, celui-ci sert tout de même dans certains cas à éviter l'hiatus. En BCMS, l'écriture le rend dans certains cas, mais non dans d'autres[40] :
En hongrois, il n'est jamais écrit mais s'entend dans des mots commedió [ˈdi.joː] « noix »,fiú [ˈfi.juː] « garçon »,tea [ˈte.ja] « thé »[41].
En phonétique de l'anglais, on considère que les glides servent aussi de sons de transition entre une consonne et une voyelle, par exemple [j] dans le mottune [tjuːn] « air, chanson »[9], sans que dans certains ouvrages[20], les successions consonne + glide + voyelle soient vues comme contenant une diphtongue. En revanche, dans d'autres ouvrages, concernant d'autres langues, on les considère comme tels[42].
Les parties grisées indiquent une articulation jugée impossible. Les cases blanches vides indiquent des articulations théoriques possibles mais non encore attestées. Les cases marquées d’un astérisque (*) indiquent des sons attestés non encore représentés officiellement dans l’API. | |
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| Voir aussi :Point d'articulation | |||||||||