Après la disparition des Scythes, les auteurs des périodes antiques, médiévales et modernes ont utilisé le terme de « Scythes » ou de « Scythiques » pour désigner diverses populations des steppes eurasiennes n'ayant pas forcément rapport entre elles. Le consensus scientifique actuel veut que les Scythes proprement dits soient les peuples iraniens antiques d'Eurasie centrale qui parlent deslangues scythes faisant partie du groupe deslangues iraniennes.
Les Scythes ont entretenu des relations commerciales étroites avec lescolonies grecques du nord de lamer Noire et joué un rôle important dans laroute de la soie, un vaste réseau commercial reliant dès l'Antiquité laGrèce, l'Empire perse, l'Inde et laChine. Les métallurgistes scythes sont réputés pour leurs objets décoratifs portables affiliés à l'art des steppes. Selon les territoires et les époques, les Scythes ont pu être nomades comme sédentaires.
Guerriers scythes, d'après une représentation sur un vase en or dukourgane deKoul-Oba (Crimée).
Le mot « Scythes » provient du grec ancienSkúthoi (Σκύθοι) qui est dérivé de l'endonyme scytheSkuδatā, signifiant « archers »[1]. En raison du changement de son de /δ/ à /l/ dans lalangue scythe, le mot a évolué vers la formeSkulatā. Cette désignation a été enregistrée en grec sous le nom deSkōlotoi (Σκωλοτοι), qui, selonHérodote, est l'autodésignation de la tribu des Scythes royaux, l'aristocratie guerrière des Scythes. Le terme « scythique » est lui relatif aux phénomènes linguistiques et culturels.
LesAssyriens désignent les Scythes notamment sous le nom deIshkuzai qui est dérivé deSkulatā[2]. LesPerses les désignent sous le nom deSakas envieux perse, d'une racine verbaleiranienne sak-, « aller, errer » et signifiant ainsi « nomade ». Le terme de Sakas est utilisé par les Perses pour désigner tous les peuples nomades de lasteppe eurasienne, dont les Scythes. LesChinois les connaissent sous le nom deSai.
De nos jours, le nom « Scythes » est utilisé spécifiquement pour les anciens nomades de la steppe occidentale tandis que « Saka » est utilisé pour un groupe de nomades apparenté vivant dans la steppe orientale[1]'[3].
Les historiens modernes utilisent le terme de Scythes pour désigner spécifiquement les peuples nomades ou semi-nomades de lasteppe eurasienne, même si lesBabyloniens,Perses etGrecs de l'Antiquité désignent sous ce nom tous les nomades des steppes :
Le nom « Sakas » désigne spécifiquement les Scythes orientaux qui vivent dans la steppe eurasienne du nord et de l'est et dans le bassin duTarim[1]'[3] ;
LesCimmériens sont souvent décrits par les auteurs antiques comme étant culturellement scythes mais ils forment une tribu différente des Scythes proprement dits qui les ont remplacé dans lasteppe pontique auVIIe siècle av. J.-C.[4].
Les Scythes partagent plusieurs similitudes culturelles avec d'autres populations d'Asie centrale, en particulier pour les armes, les équipements pour chevaux et l'art des steppes, des éléments qui forment la « triade scythe »[1]. Les cultures partageant ces caractéristiques sont souvent désignées comme étant « scythiques ». Les peuples associés aux cultures scythes comprennent donc les Scythes eux-mêmes, qui constituent un groupe ethnique distinct, mais aussi lesSakas, lesCimmériens, lesSarmates (ou Sauromates pour les proto-Sarmates), lesMassagètes, lesAlains (les ancêtres desOssètes) et lesRoxolans. Divers peuples méconnus de la steppe forestière d'Europe de l'Est sont souvent apparentés à la culture scythique, tels que les premiersSlaves, lesBaltes et lesFinno-Ougriens[5]. Dans cette définition large du terme « Scythe », les Scythes les plus occidentaux sont souvent distingués des autres groupes par les termes « Scythes classiques », « Scythes occidentaux », « Scythes européens » ou « Scythes pontiques »[6]
Dans un sens large, les terme de Scythes est parfois utilisé pour désigner tous les premiers nomades eurasiens[6], mais la validité d'une telle terminologie est contestée[1].
De nombreuses sources antiques attestent l'existence des peuples scythes. LesAssyriens mentionnent les Scythes sous le nom deIshkuzai dès 640av. J.-C.[2]. Les textes assyriens donnent les noms de deux chefs scythes : Iskpakāy et Partatûa. Les sourcesperses désignent quant à eux les Scythes par le nom deSakas (ou Saces).
Les Grecs et les Scythes n'ont pas entretenus de relations continues, mais se sont rencontrés au gré de la remontée des fleuves par les marchands grecs. Pour les géographes grecs, le monde scythe constitue l'un des quatre mondes barbares, avec celui desPerses, desÉthiopiens et desIndiens, ces mondes étant répartis géographiquement selon les points cardinaux. La culture des Scythes est principalement connue grâce aux récits d'Hérodote qui constituent une source d'information très riche, même si l'historien évoque les Scythes d'Europe (Ukraine actuelle)[10]. Hérodote qualifie par analogie de mœurs et de modes de vie, lesCeltes de « Scythes de l'ouest ». Selon lui, les Scythes habitent originellement de l'autre côté d'un fleuve qu'il appelle l'Araxe, peut-être laVolga. Selon lui, les Scythes sont très hostiles à toute coutume étrangère et particulièrement à celle des Grecs[11]. Le fait qu'ils forment un peuple nomade les rendent en plus insaisissable à ses yeux. Pour lui, le Scythe est l'incarnation dubarbare et l'antithèse du Grec des cités du fait de son nomadisme à travers les steppes et de ses mœurs sanguinaires. Militairement, le guerrier scythe s'oppose à l'hoplite grec en évitant le combat rapproché. À la suite d'Hérodote, le jugement des Grecs envers les Scythes n'est plus si catégorique.
Il convient néanmoins de remarquer que les auteurs grecs affirment que lesThraces et lesSlaves ont aussi les cheveux roux, ce qui semble être un trait commun aux peuples « barbares » vivant au nord de la Grèce. Quant aux descriptions physiques de la fin de l'Antiquité, elles pourraient se référer à des tribus germaniques orientales, notamment lesGoths, présentes dans les mêmes régions et qui ont souvent été confondues avec les Scythes dans les sources romaines tardives[réf. nécessaire].
Une étude génétique de 2009, portant sur26 individus échelonnés sur deux millénaires a suggéré que les populations du sud de la Sibérie, de l'âge du bronze (culture d'Andronovo et deKarassouk, qui sont ancêtres des Scythes), et de l'âge du fer (cultures scythes proprement dit), avaient très majoritairement un phénotype européen du nord avec une peau claire, et en majorité des yeux et cheveux clairs, ces populations sont également porteuses de l'haplogroupeY R1a1 originaire d'Europe du Nord et de l'est[19].
Selon une étude de 2015 fondée sur l'ADN autosomal d'une centaine d'individus des anciennes populations eurasiennes, la culture d'Andronovo et celle des Scythes seraient génétiquement étroitement liées à laculture de Sintachta qui provient elle-même essentiellement de la culture de lacéramique cordée en Europe du centre-nord (et non directement de laculture Yamna), dans le cadre d'une seconde vague de migrations indo-européennes durant l'âge du bronze depuis l'Europe vers l'Asie, qui est hypothétiquement à l'origine du rameau deslangues indo-iraniennes[20].
Deux études génétiques publiées en 2019 confirmeraient la nature de conglomérat de tribus distinctes dans le monde scythe, les Scythes ukrainiens formant un gradient entre les Scythes et lesSarmates du sud de l'Oural et les populations européennes. La première étude porte sur29 individus des cultures Aldy-Bel et Sagly issus de cinq sites archéologiques situés dans la vallée de la rivière Eerbek dans larépublique de Touva en Russie. Neuf des hommes appartiennent à l'haplogroupe R1a-M513, dont deux au sous-clade R1a-Z93. Six hommes appartiennent à l'haplogroupe Q1b-L54 dont cinq appartiennent au sous-clade Q1b-L330. Un homme appartient à l'haplogroupe N-M231. La diversité mitochondriale est supérieure à celle du chromosome Y et contient notamment les haplogroupes C4 (30,8 %),H (15,4 %), D4 (11,5 %), HV (11,5 %),U5 (7,7 %), U4 (7,7 %), T2 (7,7 %). Ces résultats montrent autant de lignages maternels occidentaux qu'orientaux[21]. Les chercheurs notent des différences importantes avec les sites scythes occidentaux d'Ukraine et deMoldavie pour lesquels environ les deux tiers des lignages maternels sont occidentaux et un tiers seulement sont orientaux. Dans ces sites occidentaux, la majorité des haplogroupes du chromosome Y sontR1b-M269. L'ensemble de ces résultats suggère que l'origine des Scythes occidentaux et orientaux est différente[22].
La seconde étude montrerait une diffusion de la composante génétique orientale vers l'ouest durant la période scythe, vraisemblablement corrélée avec un certain degré de migration de populations. Enfin, elle révèle une discontinuité génétique au début et à la fin de la période scythe dans les steppes occidentales, La discontinuité génétique observée dans laculture de Tcherniakhov conforte l'hypothèse de l'apparition d'une composantegothe dans cette région[23].
Une étude publiée en 2021 portant sur des sites archéologiques identifiés comme « scythes orientaux » auKazakhstan actuel semble corroborer les données précédentes et montrerait que les Scythes orientaux en plus des deux sources occidentales et orientales sont également issus d'une troisième source proche des anciens Iraniens ou des populations ducomplexe bactro-margien (BMAC, oucivilisation de l'Oxus) qui augmente avec le temps. Cette dernière composante représente entre 13 et 20 % chez lesSakas[24].
La culture scythe dePazyryk localisée dans l'Altaï, qui se différencie culturellement des autres cultures scythes et en représente une des branches les plus orientales, est la seule qui est mélangée en proportion significative, bien que minoritaire, avec le type mongoloïde[25].
Sur la base de preuves archéologiques plus récentes, l'Asie centrale orientale et la région de l'Altaï sont désormais privilégiées comme lieu d'origine de la culture matérielle scythe, qui se serait ensuite répandue vers l'ouest par l'intermédiaire des groupes de typeSakas. Ces derniers sont nés du mélange d'anciens peuples iraniens orientaux et de groupes sibériens locaux. En tant que telle, l'émergence de la culture scythe n'est pas une continuation directe de la culture Srubnaya de l'âge du bronze, mais un développement ultérieur[31]. Des études génétiques suggèrent que les Scythes occidentaux pourraient être liés à laculture Sroubna, cependant cela n'implique pas une continuité directe car les Scythes occidentaux tirent également leurs ancêtres d'autres populations[6],[32].
Les Scythes commencent à s'étendre vers le sud en suivant la côte de lamer Caspienne pour parvenir ensuite dans la steppeciscaucasienne, à partir de laquelle ils s'installent dans la zone située entre les rivièresAraxe etKoura, avant de s'étendre au sud dans l'actuelAzerbaïdjan et vers l'est de laTranscaucasie. L'Asie du Sud-Ouest devient le centre d'opérations des Scythes jusqu'au début duVIe siècle av. J.-C.[37]. Cette présence dans la steppe ciscaucasienne exerce une influence sur la culture scythe : l'acinace (un poignard) et les pointes de flèches en bronze à douille à trois tranchants, qui, bien qu'elles soient considérées comme des armes « typiquement scythes », sont en fait d'origine transcaucasienne et ont été adoptés par les Scythes lors de leur séjour dans le Caucase[38]. Dans le même temps, les pointes de flèches scythes typiques, qui pourraient être originaires de Sibérie, auraient été introduites en Asie du Sud-Ouest par les Scythes[39].
Archéologiquement, la migration vers l'ouest des premiers Scythes depuis l'Asie centrale a constitué la dernière des deux ou trois vagues d'expansion de laculture Sroubna à l'ouest de la Volga. La dernière et troisième vague correspondant à la migration scythe a été datée auIXe siècle av. J.-C.[40]. Au cours de la première période migratoire, certains groupes de Scythes se sont installés enCiscaucasie et dans les contreforts des montagnes du Caucase à l'est du fleuveKouban, où ils se sont mêlés aux populations indigènes de cette région, et n'ont pas migré vers le sud en Asie Sud-Ouest[38].
Archer scythe sur une coupe grecque, peinture réalisée parÉpictétos vers 520-500av. J.-C.
Au cours desVIIIe et VIIe sièclesav. J.-C., certaines tribus scythes migrent depuis la steppeciscaucasienne vers l'ouest dans lasteppe pontique, sur les rives de lamer Noire (ou Pont-Euxin), qu'ils occupent en supplantant lesCimmériens[41]'[42], un autrepeuple nomade iranien qui a laissé son nom à laCrimée. Durant cette période les Scythes assimilent la plupart des Cimmériens et conquiert leur territoire. Cette absorption des Cimmériens par les Scythes a été facilitée par leurs origines ethniques et leurs modes de vie communs. Sous la pression des Scythes, les Cimmériens migrent vers le sud le long de la côte de lamer Noire pour finir par atteindre l'Anatolie. LeDanube forme alors la limite ouest du territoire des Scythes. Ce processus de contrôle de la steppe pontique est pleinement achevé auVIIe siècle av. J.-C.
Archéologiquement, l'expansion des Scythes dans la steppe pontique est attestée par le mouvement vers l'ouest de laculture Sroubna enUkraine qui est contemporain de son mouvement vers le sud le long de la côte de lamer Caspienne. La culture Sroubna en Ukraine est appelée dans les études la culture « tardive de Sroubna »[43].
La migration vers l'ouest des Scythes s'est accompagnée de l'introduction dans le nord de la région pontique d'articles originaires de laculture du Karassouk d'origine sibérienne, tels que des épées et des poignards distinctifs, et qui sont caractéristiques de la culture archéologique des premiers Scythes, constitués de chaudrons en bronze coulé, de poignards, d'épées et d'harnais de chevaux, eux-mêmes influencés par l'art chinois[44]. Par exemple, les « tubes cruciformes » utilisés pour fixer les croisements de sangles sont d'un type initialement modelé par les artisans de l'époqueShang[45].
Entre 650 et 625, les Scythes de lasteppe pontique entrent en contact avec les Grecs qui ont commencé à fonder descolonies dans des régions sous domination scythe, notamment sur l'île de Berezan, sur un site près deTaganrog, ainsi que dans d'autres endroits, dontTanaïs,Panticapée,Hermonassa,Phanagoria et surtoutOlbia du Pont. Le territoire autour d'Olbia du Pont est sous la domination directe de cette ville et n'est habité que par des Grecs. Les Grecs entretiennent des relations commerciales florissantes avec les peuples sédentaires de la steppe forestière vivant au nord du pays des Scythes. Les grands fleuves d'Europe orientale qui se jettent dans la mer Noire constituent les principales voies d'accès à ces marchés. Ce processus met les Scythes en contact permanent avec les Grecs, et leurs relations restent pacifiques, même si les Scythes ont manqué de détruire Panticapée au milieu duVIe siècle av. J.-C.[49].
Au cours desVIIe et VIe sièclesav. J.-C., les Scythes attaquent régulièrement les régions adjacentes depuis la steppe pontique. Les raids des Scythes atteignent laPodolie, laTransylvanie et laplaine hongroise. De ce fait, de nouveaux objets, notamment des armes et des équipements équestres associés aux premiers Scythes commencent à apparaître enEurope centrale à la fin duVIIe siècle av. J.-C. Plusieurs colonies fortifiées de laculture lusacienne sont détruites par des attaques des Scythes durant cette période. Les attaques répétées des Scythe provoquent finalement la destruction de la culture lusacienne elle-même. Les Scythes mènent également des incursions dans le sud de laGermanie et, de là, jusqu'enGaule, et peut-être même dans lapéninsule ibérique. Les Scythes ont attaqué et détruit de nombreux sites de l'âge du fer situées au nord et au sud de laPorte de Moravie et qui appartiennent au groupe oriental de laculture de Hallstatt, conduisant à l'adoption de l'art de « style animal » scythe et du tir à l'arc monté par les populations de ces régions dans la période suivante. C'est également à cette époque que les Scythes introduisent des types de ferronnerie qui suivent un modèle chinois en Eurasie occidentale, où ils sont adoptés par la culture de Hallstatt. Les activités des scythes sont attestées par des figurinesétrusques en bronze représentant des archers scythes à cheval ainsi que dans les influences scythes dans l'art celte[50]. Parmi les sites d'Europe centrale attaqués par les Scythes se trouve celui de Smolenice-Molpír enSlovaquie actuelle, où des flèches de type scythe ont été retrouvées. Ces raids des Scythes rappellent ceux desHuns et desAvars pendant lesinvasions barbares de la fin de l'Antiquité et ceux desMongols à l'époque médiévale.
La première mention des Scythes dans les archives de l'Empire néo-assyrien, date d'entre 680 et 677 lorsque le roi scythe Ispakaia rejoint une alliance avec les Cimmériens et les Mannéens contre l'empire néo-assyrien. À cette époque, les Scythes effectuent des raids loin au sud jusqu'à la province assyrienne de Zamua dans la région dulac d'Ourmia. Les forces alliées sont finalement vaincues par le roi assyrienAssarhaddon[52]. Au milieu des années 670, en alliance avec les Cimmériens de l'Est, les Scythes pénètrent dans les provinces assyriennes de Parsua et de Bit Ḫamban. Ces forces conjointes menacent la communication entre l'Empire assyrien et le royaume vassal de Hubushkia. Dans le même temps les Mannéens, les Cimmériens et les Mèdes forment une grande coalition contre les Assyriens dirigée par le Mède Kashtariti. En 674, les Assyriens sortent vainqueurs du conflit. Les Scythes décident alors de se rapprocher des Assyriens par une politique matrimoniale : le roi Bartatua, qui a succédé à Išpakaia, demande en 672 la main de la fille d'Assarhaddon, demande qui est attestée dans les questions d'Assarhaddon à l'oracle du dieu-SoleilShamash[52]. Le mariage n'est pas formellement attesté dans les textes assyriens, mais l'alliance étroite entre les Scythes et l'Assyrie sous les règnes de Bartatua et de son fils Madyes suggère que les prêtres assyriens ont approuvé ce mariage entre une fille d'un roi assyrien et un seigneur nomade, ce qui n'ait encore jamais arrivé dans l'histoire assyrienne. Les Scythes se sont donc séparés à l'époque des Mèdes[53]. Conformément à la loi assyrienne, les territoires gouvernés par le roi scythe sont devenus un fief accordé par le roi assyrien. Bartatua vient en aide aux Assyriens en battant les Mannéens. À cette époque, le roi d'UrartuRusa II aurait également enrôlé des troupes scythes pour garder ses frontières occidentales.
L'alliance entre les rois scythes etassyriens placent les Scythes sous l'influence de la culture assyrienne. Parmi les concepts initialement étrangers aux Scythes et qu'ils ont adoptés des peuples mésopotamiens et transcaucasiens figure celui de l'origine divine du pouvoir royal, ainsi que la pratique des sacrifices humains lors des funérailles royales ; les rois scythes imitent désormais le style de domination des rois d'Asie du Sud-Ouest[54]. Les Scythes adopte également de nombreux éléments des cultures d'Urartu et de Transcaucasie, notamment des armes plus efficaces comme l'épéeacinace et les pointes de flèches en bronze à douille à trois tranchants[55]. Au sein de la religion scythe, la déesse Artimpasa et la déesse aux pattes de serpent sont fortement influencées par lesreligions mésopotamienne etsyro-cananéenne, et ont respectivement absorbé des éléments d'Astarté-Ishtar-Aphrodite pour Artimpasa et de Dercéto pour la déesse aux pattes de serpent[56].
Dans les années 660-659, le roi assyrienAssurbanipal envoie un général mener campagne contre les Mannéens. Après avoir tenté en vain d'arrêter l'avancée des Assyriens, le roi mannéen est renversé par une rébellion populaire et est tué avec la majeure partie de sa dynastie par la population révoltée ; son fils demande alors l'aide des Assyriens qui lui ait fournie par l'intermédiaire du roi scythe Bartatua. Après quoi les Scythes ont pu étendre leur domination sur le pays des Mannéens. Vers la même époque, les Scythes s'emparent également d'une partie importante des territoires du royaume d'Urartu[52].
Après une période de déclin de l'empire assyrien au cours des années 650, l'autre fils d'Assarhaddon,Shamash-shum-ukin, devenu roi deBabylone, se révolte contre son frèreAssurbanipal en 652. Shamash-shum-ukin reçoit le soutien desMèdes tandis que les Scythes, sous le règne de Madyes, viennent en aide à Assurbanipal en envahissant la Médie. Le roi mèdePhraortès est tué au combat, soit contre les Assyriens, soit contre les Scythes. Ces derniers imposent alors leur domination sur les Mèdes pendant vingt-huit ans au nom des Assyriens, commençant ainsi une période que les auteurs grecs ont appelés la « domination scythe sur l'Asie »[44], alors que la Médie, la Mannai et Urartu continuent d'exister en tant que royaumes sous suzeraineté scythe. Au cours de cette période, les Mèdes adoptent les techniques et l'équipement de tir à l'arc scythes en raison de leur supériorité sur ceux des peuples d'Asie du Sud-Ouest. Lecommerce de la soie vers l'Eurasie occidentale aurait pu commencer à cette époque par l'intermédiaire des Scythes. La première présence de soie dans en Asie du Sud-Ouest a été retrouvée dans une forteresse ourartienne, vraisemblablement importée deChine par l'intermédiaire des Scythes[57].
Dans les années 640-630 les Cimmériens menacent la sécurité de la frontière nord-ouest de l'empire assyrien et s'attaquent le royaume deLydie. Après avoir pilléSardes, les Cimmériens attaquent les cités grecques d'Ionie et d'Éolide. Ils reconnaissent la suzeraineté d'Assurbanipal avant de se rebeller une nouvelle fois contre les Assyriens. Puis avec la tributhrace desTrères, les Cimmériens attaquent à nouveau la Lydie en 637 et conquiert Sardes. Les Cimmériens sont finalement battus par les forces conjointes des Scythes du roi Madyes et des Lydiens du roiAlyatte II vers 600[58]. Dans son récit sur la défaite des Cimmériens,Polyen affirme que les Lydiens peuvent compter sur des « chiens de guerre » scythes. Ce terme est lié au rite de passage deskóryos commun chez les peuplesindo-européens[59].
Pointes de flèches scythe en bronze, 700 à 300av. J.-C.
Dans les années 620av. J.-C., l'empire néo-assyrien commence à s'effondrer après la mort d'Assurbanipal. Outre l'instabilité interne en Assyrie elle-même, lesBabyloniens se révoltent contre les Assyriens en 626 sous la direction deNabopolassar. L'année suivante, lesMèdes renversent le joug scythe en invitant les dirigeants scythes à un banquet puis en les assassinant, y compris le roi Madyes, après les avoir enivrés[52]. Peu de temps après l'assassinat de Madyes, entre 623 et 616, les Scythes profitent du vide de pouvoir créé par l'effondrement de leurs anciens alliés assyriens pour envahir leLevant ; mais cette tradition issue d'Hérodote ne fait pas consensus parmi les historiens. Selon Hérodote, ce raid scythe s'étend même jusqu'enPalestine[61]. Il aurait été prédit par les prophètesjudaïquesJérémie etSophonie comme un « désastre venant du nord » et qui selon eux entraînerait la destruction deJérusalem[52]. Mais Jérémie est discrédité et perd la faveur du roiJosias car le raid scythe n'a pas affecté laJudée. L'expédition scythe aurait ensuite, toujours selon Hérodote[61], atteint les frontières de l'Égypte, où leur avancée est stoppée par les marais dudelta du Nil. Après quoi lepharaonPsamétiqueIer vient à leur rencontre et les convainc de rebrousser chemin en leur offrant des cadeaux[1]. Les Scythes se retirent en passant par la villephilistine d'Ascalon sans incident, bien que certains retardataires pillent le temple d'Astarté qui est alors considéré comme le plus ancien de tous les temples de cette déesse. Les auteurs de ce sacrilège et leurs descendants auraient été maudits par Astaté d'une « maladie féminine » par laquelle ils sont devenus une classe de devins travestis appelésanarya (ouénarees /anarieis engrec ancien)[62], qui signifie littéralement « non viril » enlangue scythe[1].
Selon les archivesbabyloniennes, les Scythes deviennent à partir de 615 les alliés des Mèdes contre les Assyriens, peut-être de manière contrainte. Le fait que les Scythes abandonnent leur alliance avec les Assyriens affaiblit la position de ces derniers[63]. La découverte de pointes de flèches de style scythe aux endroits associées aux couches de destruction d'Assur, deNinive et deHarran suggère que des contingents composés de Scythes ou de Mèdes auraient pu être recrutés dans l'armée néo-babylonienne, ou alors que les Babyloniens utilisent ce type de flèche[64]. La présence des Mèdes, et donc des Scythes, du côté des Babyloniens à labataille de Karkemish contre les Égyptiens, alliés des Assyriens, n'est pas clairement établie[65]. Des contingents scythes, ou combattant dans le style scythe, aurait également pu participer aux campagnes néo-babyloniennes dans le sud du Levant, notamment à l'annexion du royaume deJudée en 586. Des figurines en argile représentant des cavaliers scythes, ainsi qu'un bouclierionien et une hache de combatnéo-hittite similaires à celles retrouvées dans les vestiges scythes de lasteppe pontique témoignent de la présence de mercenaires scythes en Anatolie et au Levant à cette époque[66].
Durant cette première phase du royaume pontique scythe, l'emprise des Scythes royaux sur la partie occidentale de la steppe située à l'ouest du Dniepr reste légère et ils se satisfont du tribut prélevé sur la population agricole sédentaire de la région. À cette époque, les Arotères, une tributhrace sédentaire dirigée par une classe dirigeante scythe, importe de la poterie, des bijoux et des armes grecques en échange de produits agricoles, et les offre à leur tour en hommage à leurs suzerains scythes. Le pays de la tribu des Alazones semble lui s'appauvrir au début duVIe siècle av. J.-C. lorsque de nombreuses colonies pré-scythes construites sur leur territoire sont détruites par les Scythes royaux. EnCrimée, les Scythes royaux prennent la majeure partie du territoire jusqu'audétroit de Kertch à l'est. Dans l'ouest de la Ciscaucasie, où les Scythes ne sont pas assez nombreux pour se répandre dans toute la région, ils ont plutôt conquis la steppe au sud du fleuve Kouban, où ils élèvent de grands troupeaux de chevaux[49].
C'est à cette époque que les Scythes apportent avec eux les connaissances du travail du fer qu'ils ont acquises en Asie du Sud-Ouest et l'introduisent dans la steppe pontique, dont les peuples sont encore à l'âge du bronze. Certains forgerons d'Asie du Sud-Ouest pourraient également avoir accompagné les Scythes lors de leur retraite vers le nord pour devenir les employés des rois scythes ; après quoi la pratique du travail du fer s'est rapidement étendue aux populations voisines[69]. Au cours de cette période, la tribu des Scythes royaux enterre principalement ses morts aux limites des territoires qu'ils occupent, en particulier dans la région occidentale de la Cisaucasie, plutôt que dans la région steppique qui est alors le centre de leur royaume ; ceskourganes de Ciscaucasie sont pour certains d'entre eux très riches et appartiennent à des aristocrates ou à des membres de la royauté. Les sépultures des Scythes royaux dans la steppe du Kouban sont les plus somptueuses de tous les monuments funéraires scythes[49]. Au début duVIe siècle av. J.-C., certains groupes de Scythes transcaucasiens migrant vers le nord parviennent dans la steppe pontique et se joignent aux Scythes royaux[49].
À cette époque, les empiresmède,lydien,égyptien etnéo-babylonien, avec lesquels les Scythes ont interagi pendant leur séjour en Asie du Sud-Ouest, sont supplantés par lesPerses. Au début de la périodeachéménide, la société perse préserve encore de nombreux aspects iraniens archaïques qu'ils ont en commun avec les Scythes[70]. La formation de l'empire achéménide semble avoir poussé les Scythes à rester au nord de la mer Noire.
LesPerses font référence aux peuples nomades se trouvant au nord de leurempire sous le nom deSakas et les divisent en trois catégories : lesSakā tayai paradraya (« au-delà de la mer », vraisemblablement les Scythes royaux), lesSakā tigraxaudā (« avec des bonnets pointus ») et lesSakā haumavargā (« buveurs deHaoma »[72], les plus à l'est). Les Scythes possèdent des liens de parenté culturels avec les anciens Perses, car ils partagent, au moins partiellement, des origines ethno-culturelles et linguistiques communes en Eurasie centrale, ces deux populations parlant notamment deslangues iraniennes encore assez proches à l'époque. Mais alors que les Perses ont formé un vaste empire agricole, sédentaire et centralisé, les Scythes reste un peuple de cavaliers pastoraux nomades farouchement indépendants et politiquement éclatés. De ce fait les relations entre les deux blocs sont complexes, faites de nombreux conflits de pouvoir, d'invasions réciproques et d'alliances militaires[70].
En 513av. J.-C.,DariusIer lance unecampagne militaire contre les Scythes d'Europe vivant sur les rives de lamer Noire[73]. Les motivations de Darius sont mal connues. Il aurait pu vouloir châtier les Scythes à la suite d'une éventuelle invasion de ces derniers en Perse, en soutien aux Sakas d'Asie centrale, ou alors il aurait eu pour projet d'intégrer toute la Scythie à un vaste empire pan-iranien qui rassemblerait tous les peuples de culture iranienne sous son autorité. Une autre hypothèse veut que cette campagne s'inscrive dans le cadre d'une stratégie plus globale de conquête de l'Europe, Darius ayant préalablement soumis une partie de laThrace en alliance avec lesIoniens au sud du Danube. SelonHérodote, Darius dirige pour envahir la Scythie la plus grande armée alors jamais vue (plus de 700 000 hommes, ce qui est probablement exagéré), arrivée dans une immense flotte que les Grecs voient passer stupéfaits. Les Scythes tiennent un grand conseil entre les rois des peuples scythes et des peuples voisins. Ils obtiennent le ralliement desGélons, desBudins et desSauromates, mais beaucoup d'autres peuples décident de ne défendre que leur propre territoire. Les Scythes coalisés se divisent en trois groupes commandés par trois rois :Idanthyrse (neveu du philosopheAnacharsis), Scopasis et Taxakis.
Les Scythes font évacuer les non combattants en zone protégée vers le nord dans une immense cohorte de chariots, puis ils attirent l'armée de Darius pour la perdre dans des territoires inconnus et arides. Les Perses s'épuisent dans un long périple à travers la Scythie d'Europe et le pays des Sauromates à l'est duDon. Une fois les Perses revenus à l'ouest du Don, un dialogue resté célèbre a lieu. Darius réclame selon la coutume iranienne « la terre et l'eau » en signe de soumission des Scythes[74]. Idanthyrse réplique : « je te ferai pleurer pour avoir osé t'intituler mon maître ! »[75]. Les Scythes, malgré leur infériorité numérique, se mettent à harceler jour et nuit l'armée perse, très majoritairement composée de fantassins, par des raids de cavalerie, et à couper le plus possible leurs ravitaillements. Ils tentent en vain de convaincre les Ioniens de trahir leurs alliés perses en coupant la retraite de ces derniers sur le Danube sur lequel les Perses ont installé des ponts de bateaux reliés. Au lieu de « la terre et l'eau » réclamées par Darius, les Scythes lui envoie un oiseau, un rat, une grenouille et cinq flèches, invitation à s'enfuir et signe d'un sort funeste[76]. Enfin, les Scythes font mine d'accepter une bataille rangée, normalement suicidaire pour eux. Mais quand les deux camps se trouvent face à face, les Scythes se mettent à la chasse au lièvre à cheval dans la steppe devant les Perses. Darius, impuissant, avec son immense armée de fantassins assoiffés ordonne alors la retraite. Les Perses peuvent retraverser le Danube sur les ponts gardés par les Ioniens[77].
Cette campagne en Scythie, qui a duré60 jours, est fort probablement exagérée sur de nombreux points dans le récit d'Hérodote au livreV ;Strabon en fait lui un récit plus modéré. Les inscriptions perses font référence aux « Saka qui habitent au-delà de la mer (Noire) », c'est-à-dire aux Scythes royaux, comme ayant été conquis par Darius, mais le résultat a été une défaite pour les Perses. À la suite de cette campagne, les Scythes gagnent auprès des Grecs une réputation d'invincibilité en raison de leur mode de vie nomade[78]'[41].
Durant lesguerres médiques, l'armée perse compte de nombreux Scythes d'Asie centrale (Sakas), où ils se distinguent aux batailles deMarathon et dePlatées.
Après avoir perdu leurs territoires dans la steppe duKouban à la fin duVIe siècle av. J.-C. face à l'avancée desSauromates, les Scythes sont contraints de se retirer complètement dans lasteppe pontique, le centre du pouvoir des Scythes royaux se déplaçant vers le sud, dans le coude duDniepr, où le site deKamianka devient le principal centre industriel de la Scythie. La population sédentaire de cette ville est en grande partie composée de métallurgistes qui fondent les minerais de fer des tourbières en fer qui est transformé en outils, ornements simples et armes pour la population agricole de la vallée du Dniepr et d'autres régions de la Scythie. La ville est le principal fournisseur de produits en fer et en bronze des Scythes nomades et devient également la capitale des rois scythes, dont le siège est situé dans un acropole fortifiée. Au cours des années 550-500av. J.-C. une vague de nomades sauromates venus de la steppe de la basseVolga migrent en Scythie et sont ensuite absorbés par les Scythes pontiques avec lesquels ils se mêlent[79]'[35]'[80]. Ces divers mouvements migratoires provoquent la destruction d'un grand nombre d'habitations dans les vallées des rivières steppiques et des changements matériels importants dans la culture scythe. Certains de ces changements proviennent de la culture sauromate, tandis que d'autres proviennent des Scythes du Kouban. Une culture scythe pleinement formée apparait alors dans la région du bas Dniepr, sans précurseurs locaux et comprenant notamment une notable augmentation du nombre de monuments funéraires scythes[81]. Les Scythes connaissent une unification et une consolidation politique en réaction à l'invasion perse. Les noms de rois ayant régné sur les Scythes au cours duVe siècle av. J.-C. sont connus (Ariapeithes, Scyles, Octamasadas), bien qu'il ne soit pas certain si ces rois ont régné uniquement sur les régions occidentales de la Scythie, entre leDanube etOlbia du Pont, ou sur tous les Scythes.
Les Scythes deviennent plus agressifs à cette époque, peut-être en raison de l'arrivée de nouveaux éléments nomades sauromates de l'est, ou de la nécessité de résister à l'expansionnismeperse. Ce changement se manifeste par la consolidation de la position dominante des Scythes royaux sur les autres tribus de la Scythie et par l'emprise grandissante des Scythes royaux sur la partie occidentale de leur royaume à l'ouest du Dniepr, où vivent les populations agricoles. Les Scythes auraient pu aussi à cette époque avoir eu accès aux plaines deValachie (région) et deMoldavie actuelle, bien que l'Olténie et certaines parties de la Moldavie ont été plutôt occupées par lesAgathyrses. Les Sythes montrent un expansionnisme accru, d'abord à l'embouchure du Danube, avec la mise sous tutelle des cités grecques deKallatis et deDionysopolis dans l'actuelleDobroudja, puis vers 496-495 avec l'attaque des territoires thraces loin au sud du Danube jusqu'à laChersonèse de Thrace sur l'Hellespont pour tenter de se protéger de l'empiètement des Perses[80]. L'essor duroyaume des Odryses au cours duVe siècle av. J.-C. bloque les avancées des Scythes enThrace, et les Scythes choisissent d'établir des contacts amicaux avec les Odryses, le Danube étant fixé comme frontière commune entre les deux royaumes. Une fille du roi des Odryses,Térès épouse le roi scythe Ariapeithes. Ces relations amicales voient des influences réciproques entre les Scythes et les Thraces dans l'art et le modes de vie[80]. Cependant, le roi des Agathyrses, Spargapeithes, tue ensuite traîtreusement le roi scythe Ariapeithes. Au nord et au nord-ouest, l'expansionnisme scythe se manifeste par la destruction des colonies fortifiées de la steppe forestière et l'assujettissement de sa population[1].
Au cours duVe siècle av. J.-C., les Scythes tentent d'imposer leur domination sur les colonies grecques des rives nord de lamer Noire. La colonie grecque de Kremnoi àTaganrog sur le cours inférieur duDon, et qui est la seule colonie grecque dans cette région, a été détruite par les Scythes entre 550 et 525. En raison de la nécessité pour les Scythes de poursuivre le commerce avec les Grecs, elle estremplacée par une colonie scythe qui devint la principale station commerciale entre les Grecs et les Scythes dans cette région[1]. Les relations entre les Scythes et les colonies grecques de la région pontique ont été jusqu'alors majoritairement pacifiques et que les cités grecques n'ont au départ aucun mur défensif et possèdent des colonies rurales non fortifiées dans l'arrière-pays. Mais l'hostilité entre Scythes et Grecs s'accroit et pendant les années 490, des fortifications sont construites dans de nombreuses colonies grecques dont leschôrai sont abandonnés ou détruites, tandis que des sépultures d'hommes tués par des pointes de flèches de type scythe apparaissent dans leurs nécropoles[1]. Entre 450 et 400,Kerkinitis rend hommage aux Scythes. Les Scythes parviennent finalement à imposer leur domination sur les colonies grecques des côtes nord-ouest et de l'ouest de laCrimée, notammentNikonion,Tyras,Olbia du Pont et Kerkinitis. Les relations étroites entre Olbia et le pouvoir scythe prend fin à cette époque[71].
L'emprise des Scythes sur la partie occidentale de la région pontique se renforce au cours duVe siècle av. J.-C. Le roi scythe Scyles possède même une résidence dans la cité grecque d'Olbia du Pont qu'il visite chaque année, tandis que la colonie elle-même connaît une afflux important d'habitants scythes durant cette période. La présence de monnaies de Scyles àNikonion atteste de son contrôle sur cette dernière. Cette présence scythe dans les colonies grecques permet aux Scythes d'entretenir des relations indirectes avec Athènes qui a établi des contacts en Crimée. La destruction des établissements ruraux des colonies grecques signifient cependant que celles-ci ont perdu leur arrière-pays céréalier, avec pour résultat que les Scythes instituent une politique économique par laquelle les populations sédentaires de la steppe forestière au nord deviennent les producteurs de céréales. Celles-ci sont ensuite transportées par les fleuves vers les cités grecques de la mer noire au sud, d'où elles sont exportées vers la Grèce continentale[1].
Les Scythes ne parviennent pas à conquérir complètement les cités grecques de la région dudétroit de Kertch (ou Bosphore cimmérien) enCrimée. Ils s'emparent deNymphaion ; mais les autres cités construisent ou renforcent leurs murs et se regroupent en une alliance sous la direction dePanticapée. Après s'être défendus avec succès, les cités grecques de la région se réunissent dans le royaume du Bosphore[1]. Au même moment, les Scythes envoie une mission diplomatique àSparte dans le but d'établir une alliance militaire contre l'Empire perse[8]. Les auteurs grecs affirment que les Spartiates ont commencé à cette occasion à boire du vin non dilué, « à la scythe »[82]. Le roi de SparteCléomèneIer serait même devenu fou à force de boire du vin non coupé d'eau. Ces rencontres diplomatique n'ont pas eu de suites militaires effectives.
À la fin duVe siècle av. J.-C., des conflits internes éclatent au sein du royaume scythe et une nouvelle vague deSauromates arrive en Scythie vers 400, ce qui déstabilise le royaume et met fin à l'activité militaire contre les colonies grecques des rives de la mer Noire. Le contrôle scythe sur les cités grecques pontiques prend fin entre 425 et 400 : ces dernières parviennent à reconstituer leurchorai ;Olbia repend le contrôle du territoire qu'elle a auparavant occupé, tandis queTyras etNikonion parviennent également à restaurer leur arrière-pays. Les Scythes perdent le contrôle deNymphaion qui devient partie intégrante duroyaume du Bosphore et parvient à étendre ses territoires sur la rive asiatique du Bosphore cimmérien. Avec l'arrivée d'une nouvelle vague d'immigrants sauromates, les Scythes royaux et les tribus alliées se déplacent vers les parties occidentales de la Scythie, s'étendant dans les régions au sud duDanube, correspondant à laBessarabie et à laBulgarie actuelles, et enDobroudja. Ainsi, un rois scythe de la fin duVe siècle av. J.-C. a été enterré dans unkourgane somptueusement meublé situé àAgighiol en Roumanie[83].
Le règne desSpartocides dans leroyaume du Bosphore est favorable aux Scythes. Les rois spartocides emploie des Scythes dans leur armée et la noblesse du Bosphore entretien des contacts avec les Scythes, qui aurait pu comprendre des relations matrimoniales entre les royauté scythe et bosphorienne. AuIVe siècle av. J.-C., le royaume du Bosphore devient le principal fournisseur de céréales de la Grèce, en partie à cause de laguerre du Péloponnèse. Alors que la plupart des céréales que les Scythes vendent aux Grecs sont produites par les populations agricoles de la steppe forestière du nord, les Scythes eux-mêmes essayent de produire davantage de céréales au sein même de la Scythie, ce qui est explique la sédentarisation de nombreux Scythes qui a été plus intense dans les régions adjacentes au royaume du Bosphore[80]. La royauté et l'aristocratie scythes obtiennent d'énormes profits de ce commerce de céréales. Cette période voit la culture scythe prospérer mais alors que la société scythe connait une hellénisation importante.Kamianka reste la capitale politique, industrielle et commerciale des Scythes au cours desVIe et IIIe sièclesav. J.-C., période durant laquelle les Scythes fonde une nouvelle colonie à Elizavetovskaya qui fonctionne comme le centre principal des régions du cours inférieur duDon et du nord de lamer d'Azov, tout en étant la résidence des seigneurs scythes locaux. Le principal centre funéraire des Scythes au cours de cette période est situé dans la région deNikopol et deZaporijjia sur le Dniepr, où se trouvent deskourganes. De riches sépultures attestent de la richesse acquise grâce au commerce des céréales par l'aristocratie scythe qui est enterrée avec d'autres parents, serviteurs et objets funéraires, comme des objets en or et en argent selon la technique de latoreutique, et des bijoux de fabrication grecque. Les roturiers scythes ne tirent aucun revenu de ce commerce et les objets de luxe sont absents de leurs sépultures. Malgré la pression de certains groupessarmates, plus petits et isolés à l'est, la période est inhabituellement paisible. L'hégémonie scythe dans la steppe pontique est restée intacte, les nomades scythes continuant de former la majeure partie de la population de la région pontique du nord[80]'[1].
Le roi scythe le plus important duIVe siècle av. J.-C. estAteas dont le long règne commence vers 400. À cette époque, les tribus scythes sont déjà installées de manière permanente sur les terres au sud duDanube, où vivent les sujets d'Ateas avec leurs familles et leur bétail. Ateas unifie les tribus scythes pour former un État rudimentaire et règne sur les territoires traditionnels du royaume scythe de la steppe pontique, au moins jusqu'en Crimée. Vers 350av. J.-C., il s'empare de territoires au sud du Danube aux dépens desGètes. Sous son règne, les cités grecques au sud du Danube sont également tombées sous son hégémonie, dontKallatis où il émet probablement ses pièces de monnaie. Les Scythes contrôlent une grande partie de la rive droite du Danube comme l'attestent ses campagnes contre lesTriballes et les Gètes et ses menaces contreByzance. Il se rapproche un temps du roi deMacédoinePhilippe II dans sa campagne contre la cité grecque d'Histria enThrace ; mais étant parvenu à vaincre seul les Histriens, il repousse cette alliance et une guerre éclate entre avec les Macédoniens en 340-339. Ateas trouve la mort à l'âge de90 ans et son armée est mise en déroute dans une bataille livrée le long du Danube. Les Macédoniens capturent le camp des Scythes et mettent la main sur 20 000 femmes et enfants et plus de 2 000 chevaux[83]'[80]. La défaite des Scythes semblent avoir entraîné la perte de territoires des deux côtés du Danube. Les Gètes se déplacent alors vers le nord à travers le Danube et s'installant dans les terres situées entre leDniepr et leProut. Ces changements n'affectent pas la puissance scythe : les Scythes continuent toujours à nomadiser et à enterrer leurs morts dans de riches kourganes dans les zones situées au nord-ouest de la mer Noire ; la capitale scythe deKamianka continue d'être prospère même après la mort d'Ateas. En 331,Zopyrion, le stratège d'Alexandre le Grand enThrace, mène une armée de 30 000 hommes dans une campagne contre les cités grecques duPont-Euxin qui sont en bonnes relations avec les Scythes et échappent à l'hégémonie macédonienne. Zopyrion se dirige versOlbia qu’il assiège. Mais les Scythes et lesMilésiens la ravitaillent et Zopyrion se retrouve à son tour encerclé par les Gètes et les Scythes, qui anéantissent l'armée macédonienne. Zopyrion trouve la mort dans la bataille[80]. En 329, Alexandre entend faire une démonstration de puissance envers lesSakas et traverse avec son armée leSyr-Daria, contraignant les Sakas à fuir dans la steppe. Par la suite, une ambassade permet de conclure un pacte de non-agression[84].
AuIer siècle av. J.-C., le roi scytheMauès(en) agrandit le royaume dans une grande partie du nord de l'Inde sur la totalité du bassin de l'Indus et l'ouest de laplaine du Gange, en remplaçant en grande partie lesroyaumes indo-grecs[86]. Les rois indo-scythes conservent en grande partie leur culture scythe avec des apports helléniques provenant desGréco-Bactriens et indo-grecs. Ils ont laissé du vocabulaire qui s'interprète principalement grâce aukhotanais, une languelangue iranienne. Par exemple, le termemaja « ravissant » correspond au khotanaismāja « ravissant ». Le nom de Mauès s'explique probablement le khotanaismauya oumuyi, qui signifie « tigre ».
Les Scythes au sens large, qu'il convient plutôt d'appeler « peuples scythiques », font figure de fondateurs de la civilisation de lasteppe eurasienne en cela qu'ils ont été les premiers porteurs de traits caractéristiques qui se sont largement transmis aux nomades des époques postérieures, qu'ils soientAlains,Huns,Turcs ouMongols, dans les techniques militaires, dans la tenue vestimentaire, certaines pratiques funéraires et sociales[88].
Les Scythes sont surtout des éleveurs nomades, mais aussi semi-nomades ou des agriculteurs sédentaires, selon les conditions locales et les opportunités. Le nomadisme scythe est « territorial », il n'a pas de rapport avec un nomadisme errant ou sous-développé, mais est le fruit d'un long développement de techniques complexes et très rodées, après avoir longtemps expérimenté l'agriculture et l'élevage sédentaire qui a peu à peu évolué vers le nomadisme. Les tribus scythes connaissent, possèdent et défendent chacune leur propre territoire qu'elles parcourent. Le nomadisme a pris son essor notamment grâce au développement de la cavalerie montée, qui a permis de mieux tirer parti de toutes les ressources du territoire très particulier qu'est lasteppe, cet océan d'herbe qui demande à être conquis par des techniques novatrices, aboutissant ainsi à une véritable civilisation du cheval et de la steppe très sophistiquée. Le nomadisme errant n'a existé que lorsqu'une tribu perd le territoire de ses ancêtres et doit alors en rechercher un autre[89].
Dans lesgrandes steppes et prairies eurasiatiques, le nomadisme constitue en unetranshumance des troupeaux afin de suivre les zones de pâturage abondant en fonction des saisons, selon un cycle régulier. Les distances parcourues surtout nord-sud peuvent être de400 à 1 500km. Ainsi les prairies etsteppes boisées plus septentrionales au climat plus frais et humide sont pâturées en été lorsqu'elles ne sont pas couvertes de neige, tandis que les steppes plus maigres et surtout les vallées alluviales marécageuses des régions plus méridionales au climat plus aride sont pâturées en hiver et au printemps. Dans les régions plus montagneuses les déplacements, plus courts, se font entre pâturages d'été en altitude et pâturages d'hiver dans la plaine. La topographie et les climats locaux étant très variés en Asie centrale, différents types de transhumance existent. Dans le même temps, grâce à une métallurgie très sophistiquée, les Scythes ont pu développer des techniques d'attelage et de harnachement des chevaux de plus en plus élaborées et devenant un des supports les plus importants de l'art scythe[90]. Le bétail est varié : il est essentiellement constitué de bovins ou de moutons suivant les zones. L'animal le plus précieux est le cheval qui est à la fois objet de légendes, monture du cavalier, animal de trait indispensable au nomadisme, fournisseur de lait de jument ainsi qu'un animal de guerre.
Le lait, et surtout ses produits dérivés, est l'aliment de base des nomades, plus encore que la viande dont la productivité est moindre en comparaison mais celle-ci est aussi un des aliments les plus importants. Le lait de jument fermenté est le plus apprécié et est bu dans desrhytons en corne de vache décorée pour les plus modestes, en bronze, ou en or massif ornée d'une tête d'animal (mouflon, félin, bouquetin) pour les nobles. De plus le territoire parcouru par les Scythes étant riche en cours d'eau, marais, lacs et mers intérieures poissonneuses, le poisson s'avère donc aussi une ressource non négligeable. De nombreux animaux sont également chassés (une grande faune sauvage existe encore à cette époque dans les steppes) mais cela constitue plus une activité de prestige qu'une ressource importante comparé à l'élevage. À cela s'ajoutent les produits végétaux et les céréales localement cultivés et échangés. SelonHérodote, les Scythes d'Europe sont également de grands buveurs de vin, qu'ils boivent « à la scythe » c'est-à-dire pur et non coupé d'eau contrairement auxGrecs[82].
Les nomades vivent principalement dans de grands chariots à quatre roues à rayons, couverts d'une tonnelle enfeutre. Ils sont souvent tirés par des bœufs, plus endurants que les chevaux à l'époque pour le trait. D’après les sources grecques, lors des déplacements les femmes et les enfants conduisent les chariots tandis que les hommes sont à cheval pour conduire les troupeaux et mener la garde. Les chariots des personnes de haut rang peuvent être richement meublés à l'intérieur et confortablement aménagés à l'aide de tapis peut-être importés dePerse (les plus anciens connus proviennent deskourganes scythes), des étoffes de feutre aux couleurs vives, et du mobilier à base de bois, d'os, de métaux, de dorures, de fourrure et de cuir travaillé et décoré. Les kourganes gelés de l'Altaï ont permis d'avoir un rare aperçu sur le confort et le luxe que peut atteindre ce type d'habitat. Les nobles et les rois peuvent posséder plusieurs dizaines de chariots conduits par des serviteurs, constituant des sortes de palais roulants, et de nombreux chevaux aux harnachements riches et pompeux. Il est fréquent que la tête des chevaux soit surmontée de longues cornes de bouquetin ou de bois de cerf ou d'élan, leur donnant l'aspect d'animaux fantastiques. Toutes ces richesses sont enterrées dans les kourganes avec leurs propriétaires défunts pour être emportées dans l'au-delà. Des tentes, ancêtres desyourtes despeuples turciques etmongols, aménagées en camps temporaires sont aussi mentionnées[91] ; mais le peu de vestiges ne permet pas d'en comprendre l'aspect exact.
La plupart des Scythes étant, au début de leur histoire, des nomades équestres, ils sont réputés pour être d'excellents cavaliers, les hommes scythes passant la majeure partie de leur vie à cheval[92]. Les Scythes élèvent une race de chevaux petite mais très rapide qu'ils montent directement et qu'ils utilisent également pour tirer des charrettes. Les auteurs gréco-romains affirment que les Scythes et les Sarmates castrent leurs chevaux pour qu'ils ne soient pas trop turbulents[91].
Le nomadisme généralisé concerne surtout la steppe herbeuse et les régions montagneuses d'Asie centrale ; mais il existe aussi divers modes de vie mixtes, semi-nomades ou semi-sédentaires agricoles dans laquelle seule une partie de la population se déplace pour la transhumance.
Dans la zone plus favorable de lasteppe boisée européenne, des franges plus septentrionales, une agriculture est pratiquée par des groupes sédentarisés dans de nombreux villages bien organisés, cultivant blé, orge, millet, lentilles, pois, oignons et ail sur les richesterres noires. De nombreux fruitiers sont également plantés (pruniers, pommiers, cerisiers). Des animaux plus sédentaires y sont élevés comme les porcs et les volailles (oies, canards, poules). Les bovins y sont plus prépondérants que les chevaux, signe de sédentarité. On y a retrouvé des faucilles, des meules de pierre, des silos, des grands fours complexes de séchage de grain et de fruits, qui caractérisent une économie agricole sédentaire. Une partie de la production de ces régions, notamment des céréales, est exportée par les fleuves vers les Scythes nomades de la steppe herbeuse (qui probablement dominent les tribus sédentaires), mais aussi vers les cités grecques de lamer Noire puis exportée enMéditerranée, en échange de vin et de céramiques grecs importés en grande quantité en Scythie. Ce commerce a fait la richesse des cités grecques de la mer Noire et des Scythes nomades d'Ukraine. Une agriculture sédentaire scythe est également développée enCrimée avec des apports grecs[95].
Vase trouvé près deVoronej, à Chastykh Kurganakh. Le roi Targitai, l'ancêtre des Scythes, donne l'arc — un symbole de puissance — à son plus jeune fils Kolaksai,musée de l'Ermitage.
La métallurgie est très développée chez les nomades scythes qui travaillent tous les métaux connus de l’époque et exploitent des gisements, pour la fabrication d'armes, d'objets usuels comme les attelages et harnachements, mais aussi d'objets d'art. L'artisanat peut être pratiqué dans des camps saisonniers. Les nomades travaillent aussi tous les produits dérivés de leurs cheptels : cuir, laine, os, corne, à des fins autant utilitaires (tentes, courroies, vêtements, outillage, etc.) que décoratives et pour le commerce, ils excellent notamment dans le travail du cuir et de la fourrure. La céramique scythe quant à elle est assez grossière et a beaucoup régressé, comparée aux cultures proto-scythes plus anciennes, et les Scythes d'Europe préfèrent importer de la céramique grecque trouvée en quantité dans certaines tombes. L'ébénisterie semble avoir été développée chez les Scythes, et des meubles démontables en bois sophistiqués à motifs animaliers sculptés typiquement scythes, souvent incrustés d'or, ont été découverts dans les kourganes gelés de l'Altaï.[réf. nécessaire]
Le commerce est un élément très important de la culture scythe, qui commercent avec tous les peuples qui les entourent et entre eux. Les Grecs sont les principaux partenaires commerciaux en Scythie européenne, en Asie centrale ce sont les Perses et les Chinois, notamment avec le développement de laroute de la soie.
Les tombeaux des Scythes sont destumulus, appeléskourganes par les archéologues de l'école russe. Ils peuvent atteindre une taille monumentale. La tombe proprement dite est constituée d'une ou plusieurs chambres funéraires enterrées construites en bois ou en pierre, dans laquelle sont parfois accumulées de nombreuses richesses que le défunt doit emporter dans l’au-delà. Ce type de tombe est aussi le fruit d'un important culte des ancêtres dont le souvenir est ainsi pérennisé pour les générations suivantes dans le paysage des grandesprairies, ainsi de nos jours les steppes d'Europe et d'Asie sont encore marquées par ces nombreuses collines artificielles parfois organisées en vastes groupes ou en lignes de plusieurs kilomètres. Ce type d'inhumation est caractéristique des différentes populationsindo-européennes semi-nomades de lasteppe eurasienne qui se sont succédé depuis laculture Yamna. Les différences de taille reflètent des différences de statut social : les plus grands tumulus sont ceux des rois[27]'[81]'[1].
En tant qu'éleveurs nomades dans lessteppes eurasiennes, les Scythes sont les grands maîtres de la cavalerie dans l'Antiquité. On attribue aux Scythes les principaux développements de la cavalerie montée[94]. À leur suite, lesSarmates développent lacavalerie lourde aristocratique et les premierscataphractaires entièrement en armure, sélectionnent des races de chevaux plus fortes. Déjà engagés par lesAchéménides, les cataphractaires constituent plus tard la force principale desParthes. Il convient souligner une erreur récurrente dans certaines sources : leschars à faux utilisés par lesPerses et lesSéleucides ne sont pas des « chars scythes ». Cette dénomination erronée provient du fait qu'en langue anglaise « faux » s'écrit « scythed », un mot d'origine germanique sans aucun rapport avec le peuple scythe. Au gré des alliances, les cavaliers scythes servent comme mercenaires dans les armées des États pour lesquels ils constituent un atout majeur. Ils s'engagent en particulier auprès desAssyriens et des Perses, et plus sporadiquement auprès des cités grecques. Ainsi auVe siècle av. J.-C.,Athènes utilise une police mercenaires d'archers scythes[106]. Par la suite, ils forment des contingents de mercenaires au service desSéleucides.
L'arme principale des Scythes est l'arc[107] et lesarchers montés à cheval constituent le principal corps de bataille des royaumes scythes[27]. Le tir à l'arc monté est permis par les selles scythes à quatre traversins surélevées à chaque coin, ce qui, à une époque où l'étrier n'a pas encore été inventé, permet aux cavaliers de s'appuyer sur dessus pour pouvoir tirer leurs flèches à cheval. Ce type de selle préserve aussi l'archer monté des rebonds des chevaux, permettant ainsi aux archers montés scythes d'opérer à des niveaux de performance très élevés[94]. Les Scythes, ou du moins leurs ancêtres directs (cultures deSintachta et d'Andronovo), sont considérés comme les inventeurs de l'arc composite[108]. Cet arc est formé de plusieurs matériaux différents : le corps principal est fabriqué à partir de bois, offrant la flexibilité nécessaire pour la courbure de l'arc. Des morceaux d'os sont intégrés pour renforcer la structure et améliorer la résistance à la compression. Ces morceaux d'os sont généralement placés du côté de l'arc qui est sous tension lorsque l'arc est bandé. La corne d'origine animale est utilisée pour la partie comprimée de l'arc. La corne a la capacité de conserver une grande quantité d'énergie élastique lorsqu'elle est pliée et relâchée, ce qui contribue à la puissance de l'arc. Les tendons animaux, souvent issus de bovins, sont utilisés pour lier les différentes parties et agissent comme une sorte de corde d'arc supplémentaire. L'utilisation de ces matériaux permet donc d'obtenir des armes puissantes et adaptées au mode de vie nomade, à la chasse et au combat à cheval. L'arc scythe possède un profil très reconnaissable : il est d'une taille modérée, à double courbure prononcée et avec des extrémités recourbées[109]. Les Scythes utilisent legorytos, un boîtier servant à la fois d'étui pour l'arc et de carquois pour les flèches. En dehors de l'arc, les Scythes utilisent : la lance, mesurant entre 1,70 et 2,20 m de long avec des pointes en fer en forme de feuille de laurier ; l'épée longue au début de leur histoire ; un poignard (l'acinace) emprunté aux peuplestranscaucasiens ; la hache de combat ; lelasso[92][1].
SelonHérodote, les Scythes ont pour coutume de boire le sang de leur premier ennemi tué au combat, de couper les têtes de leur ennemis pour les amener à leur roi et aussi d'utiliser leur peau pour confectionner du cuir[110]. Ce dernier fait est soutenu archéologiquement, d'après analyse du cuir de carquois trouvés dans des sépultures scythes: la majorité des carquois analysés était constituée de cuir animal mais une petite partie de certains d'entre eux semble avoir été fabriquée à partir de peau humaine, selon une étude de 2023[111][source secondaire nécessaire].
La religion des Scythes, complexe et polythéiste, entretient de nombreuses similitudes avec les religions grecque, thrace, celte, germanique, iranienne (perse) et hindoue. Les récents travaux montrent que les Scythes baignent dans une atmosphère religieuse. Pourtant, ils n'ont pas de classe de prêtres, contrairement à leurs cousinsindo-européens.Hérodote (IV, 67) mentionne des devins qui manipulaient des faisceaux de baguettes de saule et d'autres, les Enarées « hommes-femmes » (d'un composé iranien *a-narya « non-mâle »), qui se servent de morceaux d'écorce de tilleul. Ces personnages n'ont rien de sacré. Quand un roi tombe malade, ils pensent généralement que quelqu'un a juré un faux serment sur le feu royal. Ce que les Scythes ont de plus sacré est sûrement leurs sépultures : symbolisant la pérennité des ancêtres dans le paysage, ils les construisent aussi loin que possible de leurs ennemis et sont prêts à mourir pour les défendre.
Hérodote donne une liste de divinités scythes avec leurs équivalents grecs. Pour certaines d'entre elles, il précise leur nom scythe, mais prononcé à la manière grecque :
Tabiti, déesse équivalente àHestia, la déesse grecque du feu et du foyer ;
Argimpasa, déesse considérée comme « Aphrodite céleste » ;
un dieu équivalent àHéraclès et un dieu équivalent àArès, le dieu de la guerre des Grecs.
L'Héraclès scythique devait être très proche de son homologue grec, puisque les Grecs de lamer Noire ont mélangé leurs mythes : ils lui ont attribué le dixième travail de leur propre héros, celui où il vole les bœufs deGéryon (lesquels se transforment en juments dans la suite de leur récit).
L'identification de ces dieux est problématique, mais ce travail a bénéficié de l'avancée des études indo-européennes. Les Indo-européens mettaient le dieu du feu en tête de leur panthéon, ce qui est le cas ici. Tabiti correspond à une ancienne déesse indienne[réf. nécessaire] dont le nom est lié ausanskrittapati « brûler ». Georges Dumézil a retrouvé ses traces dans les légendes desOssètes, peuple iranien duCaucase. Il a également reconnu en l'Arès scythique un héros ossète, Batraz. Ces deux personnages s'identifient notamment tous les deux à une épée.
Dans le nom d'Apia, les spécialistes s'accordent à reconnaître l'iranienāp- « eau ». Selon Hérodote, c'est la Terre, mais l'analyse de la mythologie indo-européenne montre que la Terre était représentée sous la forme d'une montagne « sécrétant » une rivière, c'est-à-dire d'une montagne-source. Les Indo-Iraniens ont accentué son aspect humide. Dans les textes grecs, le dieu iranienMithra est identifié àApollon, ce qui permet de considérer qu'Oitosuros est Mithra. Ce nom devait être un composé Oito-suros dont le deuxième membre provenait du vieil iraniensūra- « fort ». Dans l'Avesta, ce qualificatif est attribué à Mithra. Quant au termeoito, selon l'analyse de François Cornillot, il était la graphie grecque de*witāw, de *hwatāwah « souverain ». Ainsi, les Scythes surnommaient Mithra le « Souverain Fort ». Ce même auteur a proposé une autre lecture du nom desSakā haumavargā (une confédération de Saces nommée ainsi par les Perses) : il fait dériver son deuxième membre dehauma warāgan, où le termewarāgan signifie « vainqueur de*Wāra » et aboutit à l'ossèteWœrgon. De la sorte, lesSakā haumavargā sont les « Saces adeptes du culte du Haoma vainqueur de *Wāra ». Pour comprendre la signification de cet ethnonyme, leHaoma est une plante divinisée et son ennemi*Wāra, appeléVritra dans les textes indiens, est un démon qui cherche à faire disparaître le soleil et à obstruer la rivière qui descend de la montagne-source. Comme*Wāra représente la mort, la victoire duHaoma (plante d'immortalité) est celle de la vie sur la mort.
LesSogdiens, fondateurs de la cité deSamarcande, sont d'anciensSakā haumavargā, car le nom de cette cité pourrait s'expliquer[réf. nécessaire] commeSaka-Haumawarga-kantha « ville des Saces Haumawarga » → *Sai-Maragkanda → *Sā-maragkanda (la transformation desaka ensai est un phénomène attesté ailleurs). Enfin, lehauma-wāragan est aussi connu sous le nom dexwarnah (oukhvarnah). C'est une entité multiforme, lumineuse, assimilée à un feu mais qui séjourne sous les eaux. Selon un texte iranien, leBundahishn, il est gardé par la déesse Aredvi Sūrā Anāhitā. Celle-ci est donc laxwarnah-pāthrā, « [déesse] assurant la garde duhauma-wāragan » (outh se prononce comme « thank you » en anglais). En inversant les termeshauma etwāragan, puis par transformations successives, on obtient :wārag[an]-hauma-pāthrā → *wārgumpāsā → *argempāsā. On reconnaît le nom de la déesse Argimpasa.
Les Scythes couvrent leurs objets de représentations de cerfs stylisés à très longs bois en « galop volant », de bouquetins, de félins enroulés ou de rapaces, dans une stylisation bien particulière et des conventions de représentation constantes depuis l'Ukraine jusqu'à laMongolie sur plusieurs siècles. Le loup est présent surtout enSibérie méridionale. Le cerf semble être un animal important et symbolique de cette culture. Il y a aussi legriffon, commun à tous lespeuples iraniens, et des animaux imaginaires et composites. Il existe aussi des représentations très réalistes de combats d'animaux. Nous ignorons ce que ces symboles animaliers peuvent signifier ; mais il semble certain qu'ils renvoient à des idées mythologiques complexes. Les momies scythes de l'Altaï, dont celle de laPrincesse de l'Altaï, qui ont une peau bien conservée, comportent de nombreuxtatouages virtuoses de motifs animaliers complexes ; ce sont les plus anciens tatouages parvenus jusqu'à nos jours avec ceux desmomies du Tarim. Les représentations humaines sont aussi importantes : le guerrier scythe et les chevaux sont très souvent représentés ainsi que des scènes pastorales, mais essentiellement dans lasteppe pontique par suite de l'influence hellénique.[réf. nécessaire]
Répartition des objets en or scythes retrouvées en Asie.
Les Scythes sont des métallurgistes particulièrement réputés. Ils fabriquent beaucoup d'objets légers de bronze et d'argent, en particulier des plaques ornementales ajourées représentant des scènes animalières en mouvement ; ces plaques sont cousues sur les vêtements et accessoires des personnes et des chevaux qui peuvent être très richement ornés. Les Scythes sont aussi réputés parmi les meilleursorfèvres de l'Antiquité. De nombreuses tombes (kourganes), richement meublées, dans toute l'aire de répartition des Scythes, ont livré de très grandes quantités d'objets en or, jusqu'à plusieurs milliers d'objets d'or massifs pour les tombes princières, particulièrement remarquables par la finesse de leur travail, la diversité des techniques utilisées, le réalisme des représentations, l'équilibre des proportions et un grand sens de la représentation du mouvement[116]. Le style de l'orfèvrerie scythique montre quelques liens évidents de parenté avec l'art celte,grec,thrace,perse et mêmeassyrien, mais possède aussi son style propre[117],[101]. De nombreux objets en or sont des ornements cousus sur les vêtements d'apparat et les accessoires des hommes et des chevaux. En Scythie européenne, au nord de lamer Noire, l'art scythe a fusionné avec l'art grec, donnant naissance à une riche orfèvrerie gréco-scythe.
Plaque ornementale en or représentant un animal composite, représentatif de l'art animalier scythe, provenant d'un kourgane du Kazakhstan,Ve siècle av. J.-C.
Après leur expulsion du Tarim par lesYuezhi auIIe siècle av. J.-C., certains Scythes pourraient aussi avoir migré vers leYunnan en Chine du sud, où leurs talents de métallurgistes auraient été mis à profit. Des guerriers scythes pourraient également avoir servi comme mercenaires pour les différents royaumes de la Chine ancienne. Les objets d'art anciens duroyaume de Dian dans leYunnan ont révélé des scènes de chasse de cavaliers europoïdes et des représentations animalières dans un style typique des Scythes d'Asie centrale[119].
Des influences scythes ont également été identifiées en Corée et au Japon. Divers artefacts coréens, comme les couronnes royales en or duroyaume de Silla, sont peut-être de conception scythe. Des couronnes similaires, apportées par des contacts avec le continent, peuvent également être trouvées durant lapériode Kofun au Japon. Via les steppes d'Asie du nord-est des groupes scythes auraient facilement pu atteindre la Corée où le savoir-faire des orfèvres aurait pu être mis à profit, les Coréens adoptent également à cette époque le principe des kourganes pour les inhumations nobles[120].
Hérodote relate trois légendes différentes concernant l'origine des Scythes. Parmi celles-ci, il en attribue une auxGrecs pontiques. Elle semble être une transmission fidèle d'une source scythe[121] :
Après qu'Héraclès se soit accouplé avec le monstreÉchidna, cette dernière met au monde trois garçons. Puis vient le moment pour Héraclès de continuer sa route. Mais le jour du départ, Échidna demande à son amant ce qu’elle devrait faire de leurs enfants, une fois parvenus à l'âge adulte. Héraclès prend l'un de ses deux arcs et son baudrier qu'il donne à Échidna. Il ajouta que celui des trois qui parviendrait à positionner le baudrier et à bander l’arc comme lui-même le fait, deviendrait le roi du pays. Les deux autres frères devraient alors s’exiler. Quand ils parviennent à l'âge adulte, Échidna rassemble ses trois enfants,Agathyrsos,Gélonos etScythès. Le test peut alors commencer. Seul Scythès parvint à réussir les deux épreuves. Comme l'a exigé Héraclès, Échidna offre le pouvoir suprême au vainqueur, tandis que ses deux autres enfants s’exilent. À ce moment, Scythès donna son nom à cette région et à son peuple[121].
Pour les Grecs et les Romains, le monde dans lequel évoluent les scythes est marqué par le froid et la neige :Homère parle d'une terre froide,Hérodote du ciel neigeux ;Ovide dans lesMétamorphoses d'un monde de glaces éternelles et de mer gelée. Ce contact avec le climat continental déstabilise les auteurs méditerranéens, peu habitués aux vents.Lucien signale que les invocations des Scythes se font souvent« par le fer et par le vent »[122].
LesAmazones présentes dans lesmythes grecs sont un peuple semi-légendaire uniquement constitué de femmes guerrières, habitant selon une tradition les steppes du nord de lamer Noire et l'Asie centrale. Dans l'Antiquité elles sont liés à l'histoire des Scythes et desSaromates[123], comme cela est présenté parHérodote[124] et parPlaton dansLes Lois[125].
Les attributs des Amazones sont typiques des peuples scythiques : cheval monté, lance, hache, et surtout arc et flèches. Or si les Amazones proprement dit n'ont probablement pas existé, le fait que les femmes scythes etsarmates, appartenant à un peuple de cavaliers nomades aux mœurs différentes des sédentaires, puissent chevaucher comme les hommes, et même participer à des combats, a pu frapper l'imaginaire des Grecs. Des fouilles archéologiques à la frontière entre laRussie et leKazakhstan ont permis de mettre au jour des tombes de femmes guerrières, enterrées avec leurs armes entre 600 et, probablement cavalières comme le révèle l'analyse ostéologique. L'une des tombes est richement garnie de nombreux objets et bijoux féminins et également de cent pointes de flèches. Une enquête approfondie menée dans la même région a démontré l'existence d'une tradition vivace de la femme archère et cavalière émérite, leur arc est identique à celui qui est représenté sur des céramiques antiques[126],[127].
Selon lesYasht, la partie mythologique de l'Avesta, le texte sacré dumazdéisme, un héros nommé Thraetaona (leFereydoun duShâh Nâmâ deFerdowsi) partage son royaume entre ses trois fils, Iradj, Salm et Tour. Iradj reçoit laPerse, Salm la partie occidentale de son royaume et Tour la partie orientale. LeYasht XVII (prière à la déesse Ashi, 55-56.) parle des « Tours aux chevaux rapides ». Selon les écrivains de l'Antiquité et du Moyen Âge, leTouran s'étend dans les steppes du nord de la Perse et duTurkestan occidental (domaine desSogdiens). Ceci permet de les identifier aux Scythes. Le roi Fraransyan du Touran attaque les Perses mais est vaincu. Cette lutte est relatée dans leYasht XIX. Si Thraetaona est purement mythique, il n'y a pas de raison de douter de la confrontation entre les Perses et les nomades touraniens. Après l'arrivée des turques au Turkestan, les Touraniens (et par conséquent les Scythes) sont considérés à tort comme Turcs.
Le nom de Tour vient d'un terme indo-iranien,tura, qui signifie « puissant ». D'après les travaux de François Cornillot, spécialiste duRig-Veda et de l'Avesta, on le retrouve dans le nom deTargitaos, l'ancêtre des Scythes selon une légende racontée par Hérodote, avec une transformation duu et una propre aux Scythes septentrionaux : ce nom est auparavant prononcé *Tar-γwitaw, titre provenant lui-même de *Tur-hwatawah « Souverain Puissant ».Hérodote (IV, 5-6) rapporte que Targitaos a eu trois fils, Lipoxaïs, Arpoxaïs et Coloxaïs. Sous leur règne, trois objets en or tombent du ciel, une charrue et un joug, une hache-sagaris et une coupe. Les deux premiers frères veulent prendre ces objets, mais ils s'enflamment. Ils reviennent à Coloxaïs, qui reçoit alors le titre de roi. Ces trois objets représentent les trois fonctions reconnues parGeorges Dumézil chez tous les peuples indo-européens : la fonction cléricale (le bol), la fonction guerrière (la hache) et la fonction de production (la charrue et le joug). Étant entré en possession de ces trois objets, Coloxaïs acquit un caractère trifonctionnel, comme tous les rois indo-européens. Par ailleurs, les linguistes considèrent unanimement que le suffixe-xaïs reproduit le nom iranien du roi, qui estxshaya- en avestique.
Plusieurs groupes ethniques se sont plus ou moins réclamés d'une ascendance scythe, moyen d'établir une connexion prestigieuse entre identité nationale et Antiquité classique. Les traditions des peuples turcophoneskazakhs etiakoutes (dont l'endonyme estSakha), ainsi que celles desPachtounes d'Afghanistan les connectent également aux Scythes. Plusieurs légendespictes,gaéliques,hongroises,serbes etcroates (entre autres) mentionnent également des origines scythes. Ladéclaration d'Arbroath de 1320 revendique la Scythie comme ancienne patrie desÉcossais.
À la fin duXVIIe et le début du XVIIIe siècle se répand l'intuition que la plupart des langues européennes et la languepersane, qui sont très proches entre elles (car appartenant à une même famille de langues que l'on n'appelle pas encore leslangues indo-européennes) ont une origine commune que l'on se figure alors chez les anciens peuples cavaliers des steppes de la mer Noire, identifiés aux Scythes dont parle Hérodote, du fait entre autres de l'importance du vocabulaire commun propre au cheval qui caractérise ces langues. Cette intuition, la « théorie scythique », notamment défendue par le philosophe et mathématicienLeibniz qui est passionné par la question, est la préfiguration de l'hypothèse kourgane qui est aujourd'hui largement admise par la majorité des archéologues, linguistes et généticiens pour expliquer l'origine des langues et cultures indo-européennes, et selon laquelle c'est la domestication du cheval et l'invention duchar par les peuples des steppes de la fin duNéolithique et de l'âge du bronze, ancêtres des Scythes, qui leur ont permis leur vaste expansion en Europe et en Asie[129] : « On peut conjecturer que cela vient de l'origine commune de tous ces peuples descendus des Scythes, venus de la mer Noire, qui ont passé le Danube et la Vistule, dont une partie pourrait être allée en Grèce, et l'autre aura rempli la Germanie et les Gaules. » (Leibniz,Essais sur l'entendement humain, 1703). Mais il faut attendre la fin duXVIIIe siècle pour que la découverte dusanskrit, lui aussi très proche des langues européennes, lance le début desétudes indo-européennes.
Souvent, les lettrés polonais de l'époque humaniste ou du siècle des Lumières, telStanislas Leszczynski, assimilent le qualificatif « scythe » avec l'identité primitive des ancêtres, adoptant spécifiquement le terme « sarmate » pour dénommer leurs compatriotes anciens ou vivants en république chrétienne. LesSarmates étant les successeurs et héritiers des Scythes, à l'époque historique et surtout chrétienne. Mais nous savons désormais, par les études linguistiques, que les Russes et les Polonais sont desSlaves, les Lituaniens sont desBaltes... et non pas des Scythes, appellation conventionnellement utilisée dans la poésie duXVIIIe siècle :Alexandre Blok l'évoque d'ailleurs de manière sarcastique dans son dernier grand poèmeLes Scythes (1920).
De nos jours, la revendication d'origines scythes joue même un rôle important dans les théoriespanturque etsarmatiste. En réalité, si les Scythes ont effectivement eu une influence culturelle importante sur les populationsturco-mongoles d'Asie centrale qui ont progressivement remplacé les populations scythes au cours du Moyen Âge,l'ascendance scythe dans ces populations est minoritaire[réf. nécessaire].
L'ethnie desJats dans lePendjab du Pakistan et d'Inde, se réclame d'une ascendance indo-scythe.
Actuellement, sur le plan uniquement linguistique, lesOssètes dans le Caucase sont les derniers à parler une langue scythique proprement dite, mais il existe aussi quelques villages près de Samarcande en Ouzbékistan qui parlent encore un dialecte descendant dusogdien.
Dans sesEssais (1580 et 1588), dans le chapitreDes Cannibales,Montaigne fait référence aux Scythes. Il débat sur lecannibalisme et en les prenant pour exemple.
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