Saint Matthieu travaillant sur une illustration dans un scriptorium médiéval.Certains ordres de type semi-érémitique ne possèdent pas de véritable scriptorium : chaque moine peut s'exercer à l'activité de copiste dans la solitude de sa cellule.
Dans son sens le plus étroit, lescriptorium désigne l'atelier d'uneabbaye où se confectionnent desmanuscrits, le plus souvent avant l'introduction de l'imprimerie enOccident, depuis la préparation du support, l'écriture par lesmoinesscribes etcopistes, la décoration par lesenlumineurs, et lareliure. Par extension, le scriptorium désigne enpaléographie et encodicologie l'école de scribes ou d'enlumineurs qui se développe à un moment donné (surtout auhaut Moyen Âge et à l'époque romane) dans tel ou tel centre ecclésiastique (scriptoria d'église cathédrale, de chapitre régulier ou d'abbaye) ou laïc (scriptoria royaux ou impériaux)[1]. Le terme a quelquefois été repris pour désigner, de nos jours, une salle consacrée aux travaux d'écriture.
Les références dans les publications universitaires modernes à desscriptoria visent d'ordinaire la production écrite collective d'un monastère plutôt qu'une pièce physique particulière[réf. souhaitée].
« Les lieux d’écriture, où plusieurs copistes se consacraient à des travaux de transcription et de fabrication des livres, sont attestés — ou peuvent être reconstitués — depuis l’Antiquité dans lemonde gréco-romain. Ces endroits — où travaillaient des copistes de métier et d’autres individus, dont lesglutinatores,diorthotai, chargés de fabriquer des livres ou d’éditer des textes — étaient soit des demeures privées d’intellectuels et d’aristocrates qui avaient à leur service des esclaves copistes, soit des bibliothèques publiques œuvrant à produire de nouveaux exemplaires ou à restaurer ceux qui étaient détériorés par le temps ou l’usage, soit enfin des ateliers voués à la production ou à la vente de livres… L’Antiquité tardive, avec l’avènement, puis le triomphe du christianisme, marque une rupture entre les pratiques anciennes et les nouvelles », les copistes chrétiens étant mus, contrairement à leur prédécesseurs mus ni par un projet graphique commun, ni par un sentiment partagé, pas plus que par un programme intellectuel ou une nécessité spirituelle[2].
De petits ateliers de copie impliquant deux scribes chrétiens ont pu exister dès leIIe siècle dans les grandes villes de la chrétienté (Antioche, Rome). Lemonastère de Vivarium[3] en Italie du Sud peut être considéré comme le prototype en Occident du scriptorium. Construit auVIe siècle sur ordre deCassiodore en vue de collecter, copier et préserver les littératures sacrées et profanes, tant en langue latine que grecque, ce scriptorium est une tentative de conciliation de l'héritage du monde antique et de la nouvelle culture chrétienne[4]. Durant lehaut Moyen Âge, lesscriptoria ecclésiastiques se développent dans quelques centres principaux d'écriture où des moines lettrés composent des corpus hagiographiques (souvent sur les saints de leur monastère), des chroniques, des œuvres littéraires. Larenaissance carolingienne poursuit la réforme de l'Église et en particulier du monachisme, en portant une attention particulière au livre, instrument indispensable au service divin, et à la correction des textes bibliques corrompus, ce qui entraîne un renouveau dans lesscriptoria ecclésiastiques (scriptorium de l'abbaye de Ferrières, deSaint-Gall, deSaint-Denis, deMoissac, des églises épiscopales d'Amiens, de Châlons, Lyon, Noyon, Senlis, Soissons…)[4].
Tant les récits que les bâtiments encore existants ou les fouilles archéologiques montrent que, contrairement à l'opinion populaire, de telles pièces ne sont pas fréquentes dans les monastères ; la plupart des écrits monastiques sont réalisés dans des réduits à l'intérieur d'une galerie du cloître (lescarrels ouverts ou aux baies fermées à l'aide de papier huilé, de couvertures ou même de vitres), dans les cellules des moines, ou dans des salle communes qui font double emploi avec la bibliothèque ou le chapitre. Les monastères composés souvent d'une poignée de moines, ne disposent pas d'un vrai scriptorium : pour les besoins de l'étude et de la liturgie, ils doivent emprunter des livres écrits dans une abbaye plus importante, laquelle appose unex libris sur un manuscrit (marque de propriété, parfois aux armoiries de l'abbé). Le termescriptoria dans les textes latins pouvait désigner une petite pièce ou le simple nécessaire des moines contenant les instruments d'écriture[5]. Les mentions desscriptoria dans lescolophons révèlent ainsi une grande diversité d'organisation informelle ou hiérarchisée, depuis les simples cellules jusqu'aux grands ateliers[6].
Les scriptoria les plus célèbres sont, d'une part, ceux qui se sont développés à l'époque carolingienne et ont permis la transmission des textes de l'Antiquité classique ; et, d'autre part, ceux qui ont développé un style decalligraphie ou d'enluminure particulièrement achevé. Ils se trouvaient dans les monastères, dans les archevêchés, ou dans les évêchés. Parmi les principaux, on peut citer :
↑Guglielmo Cavallo,« Le scriptorium médiéval », dansChristian Jacob,Lieux de savoir, 1. Espaces et communautés, Albin Michel,,p. 537-555
↑Le monastère contenait des lampes à huile auto-alimentées, un cadran solaire, une horloge à eau ainsi que les instruments nécessaires à l'écriture comme des plumes, calames, encriers ou des grattoirs.
↑a etbMonique Peyrafort,« Les scriptoria ecclésiastiques dans le monde occidental du Ve au XIIe siècle », dansJean Glénisson,Le livre au Moyen Âge, Presses du CNRS,,p. 46
↑Pierre Gasnault,« Les supports et les instruments de l'écriture à l'époque médiévale », dans Olga Weijers,Vocabulaire du livre et de l'écriture au moyen âge, Brepols,,p. 32
↑Thérèse Glorieux-De Gand, Ann Kelders,Formules de copiste. Les colophons des manuscrits datés, Bibliothèque royale Albert Ier,,p. 12-13.