Unescène de genre,peinte,gravée,dessinée ousculptée, est un type d’œuvre qui figure une scène à caractère anecdotique ou familier. Elle est parfois appeléepeinture de genre lorsqu'il s'agit d'une peinture.
On peut parfois considérer que la peinture de genre existe dès l’Antiquité, même si elle est connotée religieusement. Certains historiens d’art considèrent ainsi les peintures égyptiennes représentant les travaux des champs, les banquets, les fêtes, etc. comme peinture de genre.Pline l'Ancien cite Peiraikos comme peintre hellénistique de sujets « bas », tels qu’ils survivent en mosaïques et sur les peintures murales àPompéi : « échoppes de cordonniers, salons de coiffure, étals, ânes, vivres et sujets similaires[1] » De même, dans lesvases grecs ou étrusques, on peut trouver parfois des scènes de marché ou de chasse qui s’apparentent à des scènes de genre, tout comme certaines mosaïques et peintures romaines.
Avec leMoyen Âge, qui produit essentiellement un art à vocation religieuse, la scène de genre est cantonnée dans les marges et les lettrines historiées des manuscrits. Les manuscrits enluminés médiévaux illustrent souvent les scènes de la vie paysanne au quotidien, en particulier dansles Très Riches Heures du duc de Berry. Elle ne fait son retour que timidement dans certaines fresques dutrecento, comme dans lesAllégories du bon et du mauvais gouvernement parLorenzetti, mais elles restent attachées à un sujet moral ou religieux.
C’est avecVan Eyck et lesprimitifs flamands que la scène de genre semble réellement renaître.Les Époux Arnolfini, au-delà du portrait, présente des personnages dans un intérieur bourgeois, détaché du monde religieux, et peut être considéré comme la première scène de genre. D’autres compositions de Van Eyck, aujourd’hui perdues, comme uneDame à sa toilette confirment cette interprétation. Il est intéressant de constater que c’est dans les Flandres que débute réellement cette pratique : ce sont surtout les écoles du Nord qui mettront ensuite ce genre à l’honneur.
Avec la baisse de l'implication de la religion dans l'art, la scène de genre commence à se développer à partir de la Renaissance, en particulier dans les Flandres.Le Peseur d’or et sa femme deQuentin Matsys en est un exemple parfait, même si comme la plupart du temps, il doit se lire de manière symbolique.Jérôme Bosch etBruegel l’Ancien n’hésiteront pas à exploiter les scènes de genre, pour illustrer des proverbes et des histoires (aujourd’hui souvent perdus) qui donnent une nuance « laïque » à l’œuvre religieuse.
En Italie comme en France, ce thème est beaucoup moins bien perçu, malgré de fréquentes femmes au bain dans l’école de Fontainebleau, mais qui se rattachent le plus souvent à la peinture mythologique ou à la peinture d’histoire, plus qu’à la scène de genre proprement dite.
À la Renaissance, dans la première moitié duXVIe siècle, le peintre flamandJan Sanders van Hemessen avait peint de grandes scènes de genre innovantes, parfois avec un thème moral ou une scène religieuse en arrière-plan, qui faisaient partie d’un modèle d’« inversion maniériste » dans la peinture anversoise, donnant des éléments « bas » auparavant dans le fond décoratif des images.Joachim Patinir a élargi ses paysages, faisant des figures un petit élément, etPieter Aertsen a peint des œuvres dominées par desnatures mortes et des figures de genre de cuisiniers ou de vendeurs de marché, avec de petites scènes religieuses dans les espaces en arrière-plan.Pieter Brueghel l'Ancien a fait des paysans et de leurs activités, traitées de façon très naturelle, le sujet de beaucoup de ses peintures. Dans le sillage de ce peintre la peinture de genre devait s’épanouir dans le nord de l’Europe et les Pays-Bas dominer la scène de genre. Jusqu’auXVIIIe siècle et, auXVIIe siècle, lapeinture baroque flamande et la peinture hollandaise de l’âge d’or ont donné naissance à de nombreux spécialistes peignant essentiellement dans ce genre.
Les Pays-Bas duXVIIe siècle comptentAdriaen etIsaac van Ostade,Jan Steen,Adriaen Brouwer,David Teniers,Albert Cuyp,Johannes Vermeer etPieter de Hooch parmi les nombreux peintres spécialisés en scènes de genre. La taille, généralement petite de ces tableaux les rendait particulièrement propres à être exposées chez leurs acquéreurs issus de la classe bourgeoise. Le sujet de ces scènes de genre émanait souvent d’un emblème populaire tiré d’unlivre d'emblèmes qui pouvait donner un double sens au tableau, comme dansle Vendeur de volaille deGabriel Metsu, 1662, où un vieil homme offre un coq dans une pose symbolique basée sur une gravure obscène deGillis van Breen (1595-1622), avec la même scène. Lajoyeuse compagnie montre un groupe de personnages à une fête, soit faisant de la musique à la maison soit buvant dans une taverne. D’autres types de scènes courantes montrent des marchés ou des foires, des kermesses ou des soldats dans les camps.
En Italie, l’arrivée, en 1625, du peintre néerlandaisPieter van Laer à Rome, a donné naissance à une « école » de peinture de genre dont les œuvres ont fini par triompher du dédain affiché par d’éminents peintres romains et bolognais, commeAndrea Sacchi,Francesco Albani etGuido Reni, pour être très prisées au fil du temps. Le style pictural de van Laer, surnommé « Il Bamboccio » et de ses disciples, appelés les « Bamboccianti », inspirera les œuvres deGiacomo Ceruti,Antonio Cifrondi etGiuseppe Maria Crespi parmi tant d’autres.
En Angleterre,William Hogarth a véhiculé la comédie, la critique sociale et les leçons de morale au travers de toiles représentant l’histoire de gens ordinaires remplie, parfois à l’aide de longs sous-titres, de détails narratifs, souvent sous forme de séries, comme dansA Rake’s Progress, d’abord peint en 1732-33, puis gravé et publié sous forme imprimée en 1735.
En Espagne, il existait, une pratique d’observation sociale et de commentaires antérieure auLibro de Buen Amor basée sur la vieille habitude latine romaine, pratiquée par nombre de peintres et d’enlumineurs. À l’apogée de l’Empire espagnol et au début de son lent déclin, des artistes duSiècle d'or espagnol commeVélasquez etMurillo ont peint de nombreuses scènes de genre picaresques de vie de rue, ainsi que les scènes de cuisine connues sous le nom de « bodegones ». Plus d’un siècle plus tard,Goya a fait servir les scènes de genre en peinture et en gravure de support à ses commentaires pessimistes sur la condition humaine. SesDésastres de la guerre, sont une série de 82 évènements de genre de laguerre d'indépendance espagnole, qui ont porté la scène de genre à un niveau d’expressivité sans précédent.
Avec le déclin de la peinture religieuse et historique auXIXe siècle, les artistes ont de plus en plus souvent trouvé leur sujet dans la vie autour d’eux. Des peintres réalistes commeCourbet ont bouleversé les attentes en dépeignant des scènes du quotidien dans d’immenses tableaux à l’échelle traditionnellement réservée aux sujets « importants », brouillant ainsi la frontière qui avait fait de la peinture de genre une catégorie « mineure ». La peinture d’histoire elle-même est passée de la représentation exclusive d’événements de grande importance publique à la représentation de scènes de genre à l’époque historique, à la fois les moments privés des grandes figures et la vie quotidienne des gens ordinaires. L’expression « peinture de genre » s’est mise à remplacer, par abréviation, les expressions « peinture de genre vulgaire », « de genre bas », « de genre mineur » qui désignaient des œuvres représentant des scènes de la vie quotidienne ou intime, par opposition aux « peintures de genre historique ». Des scènes tirées de la Bible pouvaient être prises pour des scènes de genre par ignorance du sujet. On a appelé « bambochades » les peintures de genre vulgaire montrant des paysans ou des scènes d’auberges.
Dans l’art français, ce genre était connu sous le nom destyle troubadour. Cette tendance, déjà apparente en 1817 lorsqueIngres peint Henri IV jouant avec ses enfants, culmine dans l’art pompier académicien français commeGérôme etMeissonier. Dans la seconde moitié du siècle, l’intérêt pour les scènes de genre, souvent dans des contextes historiques ou avec des commentaires sociaux ou moraux pointus, a fortement augmenté dans toute l’Europe.
En Allemagne,Carl Spitzweg s’est spécialisé dans les scènes de genre légèrement humoristiques. Par la suite, les impressionnistes, ainsi que des artistes duXXe siècle commePierre Bonnard,Itshak Holtz,Edward Hopper etDavid Park ont peint des scènes de la vie quotidienne. Mais dans le contexte de l’art moderne, le terme « peinture de genre » a essentiellement été associé à la peinture réaliste particulièrement anecdotique ou sentimentale.
Le premier véritable peintre de genre aux États-Unis est l’immigrant allemandJohn Lewis Krimmel, qui produisit, de 1812 à 1821, des scènes de la vie à Philadelphie, dans le style de Wilkie et de Hogarth. D’autres peintres de genre auXIXe siècle aux États-Unis sontGeorge Caleb Bingham,William Sidney Mount etEastman Johnson.Harry Roseland[3] s’est concentré sur des scènes des Afro-Américains pauvres du Sud de l’après-guerre civile américaine[4], etJohn Rogers(en) était un sculpteur dont les petites œuvres de genre, produites en masse en plâtre moulé, furent immensément populaires en Amérique. Les œuvres du peintre américainErnie Barnes et celles de l’illustrateurNorman Rockwell pourraient illustrer un type plus moderne de peinture de genre.
En Espagne, plusieurs peintres se spécialisent dans les scènes de genre, commeRoman Ribera (scènes de vie de la haute bourgeoisie comme les bals et les soirées mondaines),Raimundo de Madrazo y Garreta (scènes d'intérieurs mondains),Marià Fortuny (scènes orientalistes),Luis Jiménez Aranda (réalisme social) ou encoreJoaquín Sorolla (réalisme, scènes de plages).
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Jean Clair,Nouvelle subjectivité : notes et documents sur le retour de l’expression figurative et de la scène de genre dans la peinture de la fin du siècle, Bruxelles, Lebeer Hossmann,.
Jean Lombard,Peinture de genre et genres picturaux dans les Pays-Bas duXVIIe siècle, Paris, L'Harmattan, 2022(ISBN978-2-14-030789-8)
Germaine Maillet,Rites et traditions dans la peinture de genre : À propos des Le Hain, Chalons, imp. de l’Union républicaine,.
Léonor Mérimée,De la peinture à l’huile : ou Des procédés matériels employés dans ce genre de peinture depuis Hubert et Jean Van-Eyck jusqu’à nos jours, Paris, Huzard,.