Ne doit pas être confondu avecIdiot savant.

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| Groupe | Humain atypique, parfoisasocial ousociopathe |
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| Sous-groupe | Médecin ou scientifique original, génial, souvent dévoyé, ambitieux,narcissique etmégalomane |
| Origines | littéraires, prémices dans lesMiracles de Nostre Dame deGautier de Coincy (XIIIe siècle) |
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Lesavant fou est unstéréotype et unarchétype dusavant qui est souvent un cliché ou unlieu commun des œuvres defiction populaires.
Ce type de personnage travaille généralement à la mise au point de technologies, fictives et novatrices, à la pointe des connaissances de son époque. Fréquemment obnubilé par ses recherches, il manque desens commun et peut devenir un scientifique dangereux jouant àDieu sans en mesurer les conséquences.
L’image du savant inapte à la vie commune, en marge de la vie sociale, existe dès l'Antiquité grecque, dans une anecdote célèbre deSocrate :Thalès, qui contemple les astres en se promenant et qui tombe dans un puits, est moqué par une servantethrace[1].
Socrate aurait représenté une science coupée des affaires humaines, dont l'utilisation dans lacité est problématique. La naissance de la science et de la philosophie serait contemporaine d'un clivage entre un savoir (acquisition et pratique) et sa perception sociale (apparence ambivalente,tragi-comique, aux yeux du public). Ce problème politique fait l'objet d'undialogue de Platon dans sonThéétète'[1].
AuXIXe siècle, lessciences et lestechniques, y compris militaires, progressent rapidement pour le meilleur (rôle salvateur) ou pour le pire (rôle destructeur). Elles régleront tous les problèmes grâce au progrès ou bien elles causeront la perte de l'humanité. Les scientifiques sont alors représentés comme vertueux ou maléfiques, sérieux ou fous. Une constante se dessine entre ces extrêmes : legénie.
La figure du savant fou progresse au même rythme : au fur et à mesure que sciences et technologies prouvent leur puissance, les œuvres de fiction signalent les dangers ou expriment les angoisses liées à l'accélération du progrès scientifique. L'histoire scientifique appelle une réponse dans l'imaginaire collectif, le savant fou étant l'une des réponses les plus courantes.
Lors de laSeconde Guerre mondiale, des liens plus étroits s'établissent entre la communauté scientifique, industrielle et politique, notamment aux États-Unis pour l'invention de la bombe atomique. L'attitude envers les sciences physiques et l'image du savant fou se transforment dans laculture populaire. Les menaces nucléaires provoquent une véritable crainte que la science et la technologie ne soient devenues incontrôlables. La montée en puissance de la science et de la technologie pendant laguerre froide, qui a fait naître des menaces croissantes de destruction l'espèce humaine, a encore accentué cette impression[2].

Le savant fou apparaît déjà dans lalittérature duXVIIIe siècle, par exemple dansLes Voyages de Gulliver deJonathan Swift, où les savants de l'île volante deLaputa ont perdu pied avec la réalité, au propre comme au figuré[3].
DansLa Peau de chagrin d'Honoré de Balzac, les trois scientifiques (le Pr. Lavrille« grand pontife de la zoologie », M. Planchette, physicien qui parle longuement de la notion de mouvement sans parvenir à la définir, et le chimiste Japhet)[4] sont« entre deux âges, à la physionomie douce encore adoucie par un air obligeant »[5].
Au début duXIXe siècle, le docteurFrankenstein, inventé parMary Shelley, crée un monstre au nom de la science et par manque de précautions.
Puis, c'est ledocteur Moreau deH. G. Wells qui n'hésite pas à jouer avec la nature, qu'il modifie de manière terrible grâce à son habileté de chirurgien. Du même auteur,L'Homme invisible met en scène le brillant docteurGriffin (en) passionné d'optique, ayant mis au point une méthode jouant sur l'absorbance de la lumière des objets physiques, au point qu'il parvient à se rendreinvisible[6]. Ne voyant au départ que les avantages à son invisibilité, il déchante rapidement. Son statut de paria et son nouveau pouvoir le font basculer progressivement dans la folie mégalomaniaque.
On peut aussi citer lecapitaine Nemo deJules Verne, apparu en 1869, qui est un des personnages de savant excentrique les plus intéressants et les plus complexes : la science est son refuge ; Nemohait l'humanité dont il méprise les tares morales et se réfugie dans les fonds marins, isolé du monde, grâce à sonsous-marin, leNautilus.
Un personnage similaire apparaît dans un autre roman du même auteur,Robur le Conquérant (1886), roman qui débute par un débat d'aéronautique entre ceux qui pensent que les engins les plus aptes à voler sont les « plus légers que l'air » et ceux qui estiment que ce sont au contraire les « plus lourds que l'air ». Robur donne raison à ces derniers en leur montrant l’Albatros, sorte de bateau à hélices dont il se sert pour terroriser le monde et s'isoler par la voie des airs. On retrouve ce savant fou dansMaître du monde, publié en 1904. Les deux personnages vivent isolés du monde, loin de la société, dans des milieux naturels dépourvus de présence humaine, grâce à des engins de leur création.
DansFace au drapeau (1896) apparaît un troisième savant fou, Thomas Roch, inventeur d'unprojectileexplosif à la puissance jamais vue. Il est lui aussi séparé de l'humanité, d'abord dans l'hôpital psychiatrique où sa folie l'a fait interner, puis sur l'île déserte où le retient prisonnier une bande depirates qui souhaite qu'il mette son invention à leur service. Par la flatterie et jouant sur son ressentiment envers l'humanité, le chef des pirates parvient à le faire réaliser son arme.
En 1886,Robert Louis Stevenson met en scène un des savants fous les plus célèbres de la littérature dansL'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde, où l'on découvre que les deux personnages titres ne font qu'un. Le premier est un respectable savant anglais ayant découvert unphiltre, permettant de faire ressortir son mauvais côté en se transformant en un être monstrueux, devenant le second.
Plus récents, on peut également citer le Dr Mops dansL'Expérience du docteur Mops écrit parJacques Spitz en 1938 ainsi que le personnage de Morel dans le romanL'invention de Morel d'Adolfo Bioy Casares, publié deux années plus tard.


En 1927, le filmMetropolis deFritz Lang présente le prototype du savant fou au cinéma : Rotwang, legénie du mal qui crée les machines donnant vie à la ville dont le film porte le nom. Le laboratoire de Rotwang, où l'on trouve pêle-mêle des arcs électriques, des appareils en ébullition et des tableaux de cadrans et contrôles, a influencé les décors de nombreux films commeBlade Runner ouDark City. Joué par l'acteurRudolf Klein-Rogge, Rotwang vit des conflits intérieurs : il est maître de pouvoirs scientifiques presque mythiques, mais il est esclave de ses désirs de pouvoir et de vengeance. Son aspect physique aussi a eu une influence : les cheveux en broussaille, les yeux écarquillés et ses vêtements à l'allure presquefasciste. Même son bras droit mécanique est devenu un exemple de science détournée, par exemple dansDocteur Folamour deStanley Kubrick.
Au début duXXe siècle, les premiers « super-vilains » — nés avant lessuper-héros — ont généralement des prédispositions pour les sciences, qu'ils soient précisément scientifiques ou non :Fantômas (issu de la série littéraire du même nom), le Docteur Cornélius, leDocteur Mabuse, etc. Dans la seconde moitié duXXe siècle, le savant fou est devenu unponcif au cinéma (Docteur Folamour, et de nombreux savants fous croisant la route deJames Bond), etc.).
Lecinéma expressionniste allemand créa lui aussi son lot de savants fous. Comme dans le filmLe Cabinet du docteur Caligari deRobert Wiene (1920). LeDr Caligari, directeur d'un asile psychiatrique, y contrôle unsomnambule du nom de Cesare pour lui faire commettre des crimes à sa place.
Labande dessinée américaine de la seconde moitié duXXe siècle exploite ce stéréotype du savant fou à travers plusieurs de sespersonnages de fiction. On peut citerLex Luthor, l'ennemi deSuperman ; leDocteur Fatalis, l'ennemi desQuatre Fantastiques ; ainsi que plusieurs ennemis deSpider-Man.

Dans labande dessinée franco-belge, on peut citerZorglub, l'ennemi deSpirou. Ce savant mégalomane et maladroit est un ancien camarade ducomte de Champignac dont il représente le pendant négatif et dont il recherche secrètement l’admiration[7]. Le Comte lui-même joue parfois les savants fous, par exemple dansLa Peur au bout du fil, devenant temporairement fou et dangereux après avoir accidentellement bu une potion qu'il a fabriqué.
L'auteurEdgar P. Jacobs utilisa avec brio ce type de personnage, en particulier à travers le DocteurJonathan Septimus (La Marque jaune), unpsychiatre paranoïaque semant la terreur à traversLondres et rêvant de contrôler l'esprit humain pour asservir les gens. À travers le professeurMiloch Georgevitch (S.O.S. Météores,Le Piège diabolique), l'auteur décrit plutôt un savant de laGuerre froide. Georgevitch travaille d'abord au service dubloc de l'Est, où il détraque le climat de celuide l'Ouest pour faciliter une invasion. À la suite de son échec, il se venge pour son propre compte du professeurPhilip Mortimer en l'envoyant dans le passé, grâce à samachine à remonter le temps, où il se retrouve coincé. Les repreneurs de la série créent eux aussi des savants fous.Yves Sente etAndré Juillard créent ainsi le Docteur Voronov (La Machination Voronov), responsable de la clinique duKGB àBaïkonour, nostalgique deStaline, qui se sert d'unebactérie tueuse pour éliminer ceux qu'il considère comme ennemis duCommunisme.
DansLes Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, série créée parJacques Tardi en 1976 qui parodie et rend hommage auxromans-feuilletons, parmi les nombreux personnages déjantés croisant la route de l'héroïne figurent divers savants fous. Certains d'entre eux portent un nom comprenant le préfixe « dieu » (« Dieuleveult », « Dieudonné »…), pour souligner qu'ils se prennent pour des Dieux[7]. L'un d'eux, le professeur Robert Espérandieu, est au cœur de l'épisodeLe Savant fou. Chauvin et revanchard, Espérandieu se sert d'unpithécanthrope ramené à la vie et devenu monstrueux, pour venger toutes lesdéfaites militaires de la France.
Sur le fond de l'immémorialepeur de la nouveauté que l'on ne comprend pas et que l'on ne maîtrise pas[8], quelques scientifiques réels ont pu servir de modèle à l'archétype du « savant fou » :
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