Sarrasins,Sarrazins ouSaracènes est l'un des noms donnés durant l'époque médiévale enEurope aux peuples de confessionmusulmane.
On les appelle aussi « Arabes », « Mahométans », « Ismaélites » ou « Agarènes ». D'autres termes sont employés également comme « Maures », qui renvoie aux Arabes et auxBerbères de l’Afrique du Nord après laconquête musulmane. Le terme de « Sarrasin » est déjà employé dansLa Chanson de Roland (1080 de notre ère), texte dans lequel il s'applique auxBasques. L'appellation Sarrasin englobe aussi d'autres peuples non chrétiens, comme les Saxons, les Slaves ou les Normands[1].
Les mots « islam » et « musulmans » n'existaient pas en Occident médiéval. Enfrançais, « musulman » est mentionné pour la première fois en 1551[Note 1] ; « islam » en 1697[Note 2]. Avant ces dates, on employait pour désigner la religion musulmane « loi de Mahomet » ou « loi des Sarrasins[Note 3] ».
« Les Sarrasins ainsi nommés soit parce qu’ils se prétendent descendants deSara, soit, au dire des païens, parce qu’ils sont d’origine syrienne. Ils habitent un très vaste désert. On les appelle Ismaélites parce qu’ils sont issus d’Ismaël. Ou encore Cedar du nom d'un fils d’Ismaël. Ou encore Agaréniens d'aprèsAgar. On les appelle à tort Sarrasins parce qu’ils se vantent de descendre de Sara. »
Contrairement à ce quecertains[Qui ?] pourraient penser,Jean Damascène n'est pas à l'origine de ce récit. Dans son ouvrageDes Hérésies, le terme « Sarrasin » est à rapprocher deSarah, et lesArabes sont les descendants d’Abraham parAgar ; or, celle-ci a été renvoyée « les mains vides » par Sarah (en grec,ek tês Sarras kenous) (Genèse 21,10-14).
Nous trouvons en réalité des traces de cette forme du récit sur le lien entre les Ismaélites et les Sarrasins dès leVe siècle.Sozomène, historien ecclésiastique écrit : « C'est ici la tribu qui prit son origine et son nom d'Ismaël, le fils d'Abraham ; et les anciens les appelaient Ismaélites d'après leur progéniteur. Comme leur mère Agar était une esclave, pour cacher l'opprobre de leur origine, ils assumèrent par après le nom de Sarrasins comme s'ils descendaient de Sarah, la femme d'Abraham. Telle étant leur origine, ils pratiquent la circoncision comme les Juifs, se réfrènent d'utiliser le porc et observent de nombreux autres rites et coutumes Juives ».Théodoret de Cyr qualifie les Ismaélites de Sarrasins, utilisant le terme de manière interchangeable[5].
PourRufin d'Aquilée, auteur d'unehistoire ecclésiastique, les Sarrasins étaient des maraudeurs barbares et dangereux, mais une de leurs reines Mauvia, se convertit auchristianisme, montrant que tout espoir n'était pas perdu les concernant[6].
Le terme « Sarrasins » est utilisé dans la littérature historique ancienne pour désigner les califatsomeyyade etabbasside. « Sarrasins » a été utilisé auMoyen Âge par les Occidentaux pour désigner toutes les tribus arabo-musulmanes.
Par rapprochement phonétique, le mot a pu aussi désigner lesCircassiens présents dans quelques pays arabes et en Turquie : en Jordanie par exemple, la « garde circassienne » est la garde rapprochée du roi.
Lorsque l'empereurJulien meurt en Perse, certains supposèrent qu'un Sarrasin en était l'auteur. Mais de manière plus intéressante, nous noterons en particulier le fait que sous l'empereurValens, les Sarrasins étaient dirigés par une reine veuve,Mavia. À cette époque, les Sarrasins bataillent dans les régions orientales de l'empire romain. La reine mit, comme condition à la paix, l'obtention du moine Moïse (Sarrasin d'origine) en tant qu'évêque chrétien pour son peuple[5],[7].
Les Sarrasins, employés comme auxiliaires, aidèrent également à repousser les attaques desGoths qui, après avoir envahit la Thrace, avancèrent jusqu'aux portes de Constantinople (aux environs de la mort de l'empereur Valens)[8],[9].
Les Sarrasins, par leur surgissement soudain sur les terres méridionales desroyaumes francs, ont marqué par leur exotisme les guerriers de l’Empire carolingien.
Dans un premier temps, ce terme imprécis correspond, dans le contexte des batailles menées par les Carolingiens, à leurs ennemis non-chrétiens auxquels ils sont confrontés dans le sud du royaume puis de l'Empire franc, que ce soient :
les peuples des montagnes pyrénéennes qui ne sont pas encore appelésbasques (l’historiographie française assimilera rétrospectivement le terme de Sarrasins aux tribus assaillant Roland dans lachanson de geste) ;
enfin, tous les ennemis non-chrétiens des Francs (Arabes, Saxons, Slaves, Normands)[1]. Ainsi, dansSégurant ou le chevalier au dragon, lors de la bataille de la Roche-aux-Saxons, ceux-ci sont appelés Sesnes et Sarrasins[11] et, dans un autre épisode, invoquent Mahomet[12].
795 : établissement de la marche d’Espagne sur laquelle s’appuieLouis, roi d’Aquitaine et fils de Charlemagne, pour s’emparer deBarcelone en801.
799 : expédition victorieuse des troupes de Charlemagne pour récupérer lesBaléares prises l’année précédente par les Sarrasins ; cette victoire demeure sans lendemain, les Francs ne pouvant se maintenir dans ces îles.
806 : les Sarrasins s’étant emparé de la petite île dePantelleria, et ayant vendu comme esclaves les moines qui y résidaient, Charlemagne les fait racheter.
806 : le fils de Charlemagne,Pépin, chasse les Sarrasins de laCorse qui retombe dès l’année suivante en leur domination.
807 : Charlemagne envoie en Corse le connétableBurchard pour y déloger les Sarrasins ; mais la victoire est là aussi éphémère.
808 : le papeLéon III parlant des mesures prises contre les Sarrasins en Italie, demande à Charlemagne de s’occuper de la défense de la Corse et de laSardaigne.
812 : les Sarrasins d’Afrique, malgré une flotte grecque renforcée par des bateaux deGaète et d’Amalfi, pillent les îles deLampédouze,Ponza etIschia. Charlemagne envoie des renforts commandés par son cousinWala au pape Léon III.
812 : Charlemagne signe un traité avecEl-Hakem l’Espagnol ; cette tentative n’a pas de suite.
813 : une terrible tempête qui détruit une flotte sarrasine de cent navires, ralentit quelque peu lesrazzias des Arabes d’Espagne qui toutefois pillent peu après,Civita Vecchia,Nice, la Sardaigne et la Corse d’où ils ramènent des captifs.
Néanmoins, jusqu'auXIIIe siècle, à partir de laCôte des Barbaresques, les raids se poursuivent contre des populations locales qui sont enlevées pour être réduites en esclavage (Lérins en 1003, 1047, 1107 et 1197[15] ; Toulon 1178, 1197).
↑Barthélemi d'Herbelot,Bibliothèque Orientale, Paris, Compagnie des Librairies,,p. 501 « ISLAM. L'Islamisme ; c'est-à-dire, le Musulmanisme, ou le Mahometisme. Ce mot se prend pour la religion, & pour le pays des Mahométans. »
↑L'expression « loi des Sarassins » apparaît notamment auXIIIe siècle dans la deuxième lettre des Lettres deJacques de Vitry. « D'autres, misérables, et sans loi, disent qu'au jour du Jugement, quand le Seigneur demandera : « Pourquoi n'as-tu pas observé la loi des Juifs ? », ils répondront : « Seigneur, nous n'étions pas tenu de la servir puisque nous ne l'avions pas reçue et que nous n'étions pas juifs ». — Pourquoi n'avez-vous pas observé la loi des chrétiens ? — « Seigneur, nous n'y étions pas tenus, car nous n'étions pas chrétiens. Et nous ne devions pas non plus observer la loi des Sarrasins, puisque nous n'étions pas Sarrasins. »
↑Françoise Thelamon, « Païens et chrétiens au IVe siècle : l'apport de l'Histoire ecclésiastique de Ruffin d'Aquilée »,Études Augustiniennes,, p. 123-147
↑« En 972, l'abbé Maïeul de Cluny aurait été capturé par des Sarrasins sur le pont près de [Châtelard], dont l'origine reste obscure. » (Werner Meyer, « Châtelard » dans leDictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du)
↑Laurent Ripart, « Exactions Sarrasines à Agaune et au Grand-Saint-Bernard »,Passé simple n°3,
↑Lucien Musset,Les Invasions : le second assaut contre l'Europe chrétienne (VIIe – XIe siècles). Collection : Nouvelle Clio, Volume 12. Presses universitaires de France, 1965,p. 156.
J. Lacam,Les Sarrasins dans le Haut Moyen Âge français, Paris, Maisonneuve et Larose, 1965, 218 p., ill.(ISBN2-7068-0300-2)
Lucien Musset,Les Invasions : le second assaut contre l'Europe chrétienne (VIIe – XIe siècles). Collection : Nouvelle Clio, Volume 12. Presses universitaires de France, 1965.
Consulter aussi l'histoire de St Vidian (Duc du Sud Ouest) qui aurait battu les Sarrasins à Martres Tolosane (31200). Les habitants de Martres Tolosane fêtent chaque année cette victoire en rejouant la bataille entre "Chrétiens et Sarrasins" dans des costumes qui se lèguent de père en fils.