Malgré son appellation courante deblé noir, le sarrasin n'est pas une espèce du genreTriticum (genre regroupant les variétés deblé), ni même une espèce degraminées. Il est dépourvu degluten, ce qui le rend difficile à utiliser pur enpanification (pain noir) ou pour la confection despâtes. Le sarrasin est souvent considéré comme unecéréale bien qu'il n'en soit pas une, il est alors qualifié depseudo-céréale[4].
Il est connu sous divers noms communs : sarrasin, renouée sarrasin, blé noir, blé de barbarie, bucail ou bucaille, carabin, mais égalementfroment noir dans certaines sources duXVIe siècle.
Fagopyrum vient du latinfagus (hêtre) et du grecpyros (blé)[5], ce qui donne « blé de hêtre ». Ce nom fait référence à la ressemblance des graines de sarrasin avec lesfaînes, les fruits du hêtre.Esculentum signifie « comestible » ou « mangeable ». Donc,Fagopyrum esculentum pourrait se traduire par« blé de hêtre comestible ».
L'emploi du terme « sarrasin » pour désigner cettepseudo-céréale, outre son origine géographique (tout ce qui vient d'Orient est qualifié de « sarrasin » auMoyen Âge), provient peut-être de sa couleur brune.
La plante est originaire du sud de laChine, dans l'actuelYunnan[9]. Grâce à des analyses génétiques sur des populations sauvages et cultivées, le professeur Ohmi Ohnishi, spécialisé en génétique agricole à l’université de Kyoto, démontre que la région originelle deFagopyrum esculentum se trouve sur les piémonts de l'Himalaya, dans le nord-ouest duYunnan, en Chine, où l'espèce sauvageF. esculentum ssp.ancestrale est encore présente[10]. Ce n’est que dans un second temps qu’elle aurait migré vers la région deSanjiang (région autonomezhuang duGuangxi) où elle a été domestiquée[11]. Plus tard, la plante s'est répandue par la culture enExtrême-Orient, principalementCorée etJapon, ainsi qu'enEurope auXIVe siècle[9].
Il est semé en France de mi-mai à début juillet (endérobée) et jusqu’en août dans le Japon subtropical (parfois comme couvert végétal), pour éviter les gelées qu'il ne supporte pas. Le sarrasin est une plante nécessitant de la chaleur pour une levée rapide et uniforme (en une semaine) et beaucoup d'humidité.
Pour une récolte en grains en France, il est préférable de ne pas semer après le 15 juin car les fortes chaleurs à la floraison peuvent entraîner des avortements floraux (coulure) et diminuer le rendement. De même, les populations d'abeilles étant généralement insuffisantes, il est prudent de placer de deux à cinqruches à l'hectare à proximité des parcelles[18]. On sème environ 40 kg/ha d'une variété commela Harpe avec un semoir à céréales[19].
Le sarrasin exporte peu d'éléments minéraux, on ne pratique donc généralement pas de fumure, même organique. Un excès d'azote peut entraîner de la verse ou un développement des parties vertes au détriment des graines. Les précédents fournissant des reliquats importants et les sols riches enmatière organique sont donc à éviter[19].
Les principaux prédateurs sont lespigeons. Il n'y a généralement ni autres ravageurs ni maladies.
Le sarrasin domine facilement les herbes concurrentes passé le stade 2 feuilles vraies, de plus ses racines émettent des substances toxiques (allélopathie). Il faut donc s'assurer que le sarrasin atteigne ce stade sur un sol propre, en faisant éventuellement précéder un semis soigné defaux semis[19]. On ne pratique donc normalement pas de désherbage, même mécanique, la plante se cassant facilement.
Le blé noir est récolté entre la mi-septembre et la mi-octobre. Sa particularité est de ne pas mûrir uniformément, les pertes peuvent donc être importantes à la moisson, surtout avec l'emploi de lamoissonneuse-batteuse. On récolte lorsque les tiges sont rouges et les trois quarts des grains mûrs à 25 % d'humidité. On sèche ensuite pour ramener à 15 % pour une bonne conservation[19]. Les rendements varient de 0 à 30 quintaux secs pour un cycle de 2 à 5 mois.
Cependant, depuis quelques années, le sarrasin est cultivé par les agriculteurs pratiquant l'agriculture de conservation et l'agriculture biologique. Son fort pouvoir couvrant permettant de diminuer la pression desadventices sur l'ensemble de la rotation, sa capacité à économiser l'azote en font une plante intéressante, notamment dans les couverts inter-cultures (culture intermédiaire piège à nitrates)[23].
Plus de100 000ha sont cultivés en Bretagne au début des années 1960, quelques centaines20 ans plus tard[33], le blé noir subissant le contrecoup de lapolitique agricole commune à l'origine de l'industrialisation de l'agriculture qui bascule de la polyculture à l'agriculture de marché. Depuis les années 2000, la production locale de sarrasin ne permettant d'approvisionner que le quart des quelque 15 000 tonnes consommées annuellement en France[34], la confection des galettes de blé noir fait largement appel à des produits d'importation provenant deChine, dePologne et duCanada[35],[36]. Uneindication géographique protégée, l'IGPBlé noir tradition Bretagne, existe depuis 2010 pour la farine de sarrasin bretonne, grâce à l'Association blé noir tradition Bretagne (créée en 1987) qui rassemble plus de800 producteurs et une dizaine de meuniers pour promouvoir l'utilisation de farine bretonne (4 000 tonnes par an)[34]. Les surfaces cultivées en Bretagne sont comprises entre3 000 et4 000 hectares[37], dont la moitié sous l'égide de cette association[38],[24].
Il est consommé en grains bouillis comme le riz[9]. Les grains peuvent être grillés avant la cuisson dans l'eau[9]. Sous forme de farine délayée dans l'eau, il entre dans la composition de crêpes (Bretagne bretonnante, à l'ouest de la ligne Saint-Brieuc-Vannes) et degalettes[9] telles les "galetous" en Limousin. Avec du lait, il sert aussi à confectionner des bouillies en Bretagne et en Normandie.
Le sarrasin (grains oufourrage) peut être utilisé pour l'alimentation animale[39]. Les grains de sarrasin présentent une excellente qualitéprotéique avec une proportion delysine très supérieure aux céréales. Savaleur énergétique est cependant inférieure à celle de l'orge. Compte tenu de ces caractéristiques, la meilleure façon de l'utiliser serait de le donner en mélange avec des céréales classiques[39].
Les fanes (oupailles) de sarrasins sont peu digestes et peu appréciées des ruminants[39].
Le sarrasin est utilisé comme couvert à gibier semé seul ou en mélange[40]
Le sarrasin estmellifère[9],[41]. Dans le cadre de l'année internationale de la biodiversité 2010, un projet pilote, enFranche-Comté, visait à cultiver des surfaces de sarrasin offrant aux abeilles un pollen nutritif[42].
Le fagopyrisme est une affection (photosensibilisation de la peau) qui survient chez les animaux recevant une ration comportant une trop grande proportion de sarrasin et exposés à la lumière[39].
Cette affection ne peut survenir que lorsque le sarrasin est en fleurs. Sous l’effet de la lumière, il devient alors dermotoxique et peut créer desinflammations cutanées, notamment sur les parties pâles de la peau ou du cuir. Le fagopyrisme peut également se retrouver chez l’homme après avoir consommé du miel de sarrasin[43],[44].
C’est une plante nettoyante qui limite la présence de plantesadventices en occupant le sol. Associées auxmycorhizes, ses racines mobilisent des grandes quantités de phosphore et de calcium. Il peut servir deplante de service pour accompagner les implantations précoces de trèfle, de luzerne, voire de colza[45].
Levant facilement, étouffant les adventices, sensible au gel, le sarrasin est considéré comme un excellentengrais vert et utilisé comme couvert[46]. Il faut alors le semer en tout début d'été et le détruire avant la maturité des graines[47].
Traditionnellement, notamment enCorée du Sud et auJapon, l'écale (ou cosse) de sarrasin est récupérée et nettoyée à la suite du décorticage de la graine. Elle est utilisée comme rembourrage desoreillers. La cosse de sarrasin peut également être utilisée commepaillis des plates-bandes en horticulture.
↑Alain Rey (direction), Marianne Tomi, Tristan Hordé, Chantal Tanet et Alain Rey,Dictionnaire historique de la langue française, Tomes I et II, Le Robert,
↑Jean-Jacques Monnier, Jean-Christophe Cassard, directeurs de publication,Toute l'histoire de Bretagne : des origines à la fin duXXe siècle, Morlaix : Skol Vreizh, 1996,(ISBN2-903313-95-4),p. 326.
Jean-Jacques Hemardinquer, « Recherches sur l'introduction et la diffusion du sarrasin notamment en Lyonnais et Bas-Dauphiné »",Bulletin philologique et historique (jusqu'à 1610) du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1964,p. 307-318
Michel Nassiet, « La diffusion du blé noir en France à l'époque moderne »,Histoire et sociétés rurales,no 9, 1998
Christian Ferault. " Le sarrasin : une grande importance passée mais aussi un avenir", Revue de l'AMOPA, 2019, 224, 5-8.
Peer Schilperoord, « Plantes cultivées en Suisse - Le sarrasin[1] », Verein für alpine Kulturpflanzen, Alvaneu, 2017, 26 p.
Christian Ferault, " Le Sarrasin : un passé conséquent, des atouts pour l'avenir", Encyclopédie de l'Académie d'agriculture de France, Fiche "Questions sur... n° S01-04-03, septembre 2020, 4 p. www.academie-agriculture.fr
Bleuzen du Pontavice, Le sarrasin, dit blé noir, Editions La Truite de Quénécan,(ISBN979-10-94826-07-2), 2024
BenjaminKeltz,Galette-saucisse, je t'aime ! le manuel officieux, les Éd. du Coin de la rue ; les Éd. Goater,(ISBN978-2-9542521-1-7)