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Lesanskrit ousanscrit[1],[2] (संस्कृतम्,saṃskṛtam,/ˈsɐ̃skr̩tɐm/) est unelangue indo-européenne de lafamille indo-aryenne, encore parlée dans lesous-continent indien bien que par une minorité. De nos jours, elle est encore parlée dans quelques villages[3] et par certains érudits qui publient des œuvres universitaires ou tiennent des colloques en sanskrit[4].
Le sanskrit est notamment la langue des textes religieuxhindous et de certaines branches dubouddhisme ainsi que des textes littéraires ou scientifiques et, à ce titre, continue d'être utilisé, à la manière dulatin enOccident, commelangue liturgique, culturelle et mêmevéhiculaire (un recensement de1981 indique qu'il y aurait encore environ 6 100 locuteurs ; en1961, à peu près 194 400 personnes disaient l'utiliser comme langue secondaire). C'est d'ailleurs l'une deslangues officielles de l'État de l'Uttarakhand, avec le hindi. Lagrammaire du sanskrit est celle d'une langue hautementflexionnelle et très archaïsante, dont l'étude est fondamentale dans le cadre de lalinguistique comparée.
En 2011, on recense 2 360 821 locuteurs du sanskrit, dont 24 821 locuteurs natifs en Inde[5] et 1 669 au Népal[6].
Son nom,saṃskṛtam, qui signifie « parachevé » (ou plus précisément « formé selon opérations prescrites par les grammairiens »[7]), est assez tardif dans l'usage littéraire[8] ; la langue a pendant des siècles été simplement désignée parभाषा (bhāṣā),वाच् (vāc) ouशब्द (śabda), « la parole, la langue », le sanskrit étant senti comme la seule langue possible ; quelques désignations métaphoriques, commeगीर्वाणभाषा (gīrvāṇabhāṣā), « langue des dieux », marquent bien son caractère éminemment religieux.
Le premier sens desanskrit est celui d'« indo-aryen ancien », langue mère qui a donné naissance à une multitude de dialectes et est parallèle à la langue sœur de l'iranien ancien (sous-branche attestée par deux langues, l'avestique et levieux-perse), dont elle se sépare à peine. L'étude de plusieurs langues indiennes ou indo-aryennes moyennes conduit cependant à se demander si, parallèlement au sanskrit, au moins une autre langue indo-aryenne ancienne n'a pas pu coexister en Inde du Nord, dans l'Antiquité, léguant notamment au hindi moderne un vocabulaire et des variantes phonétiques héritées du tronc commun mais non attestés en sanskrit, à moins qu'il ne s'agisse que de niveaux de langues (par exemple propres à la caste des commerçants).
D'après des documents retrouvés en payshittite et rédigés dans cette autre langue indo-européenne qu'est lehittite, comprenant quelques mots indo-aryens, noms communs (sur l'équitation) et noms propres (théonymes), il est possible de déterminer qu'une forme d'indo-aryen était parlée auXIVe siècle av. J.-C. en Asie occidentale.
La plus vieille forme de sanskrit attestée de manière plus tangible est nomméevédique : c'est la langue dans laquelle sont rédigés lesVedas. Il n'y a qu'un Véda (connaissance) sous la forme de quatre volumes : dont leRig-Veda ou « Veda des hymnes(rig-) », le plus ancien ensemble de textes de l'hindouisme. Il est cependant extrêmement difficile de dater leRig-Veda lui-même, et donc les débuts de l'histoire réelle de la langue védique : les textes sacrés, en effet, étaient avant tout récités et appris par cœur (ils le sont d'ailleurs encore). Les linguistes s'accordent à discerner maintenant plusieurs strates historiques dans le védique (au moins deux ou trois), d'après la grammaire, les théonymes et le style. Les neuf premiers livres du Rig-Veda contiendraient en particulier ce qu'il est convenu d'appeler le « védique ancien ». Cette langue archaïque et peu normée est l'une des plus proches de l'indo-européen commun, langues « anatoliennes » mises à part (hittite, louvite notamment), et elle s'avère précieuse pour lalinguistique comparée tant le volume de ses textes, l'ampleur de sa grammaire et la richesse de son vocabulaire prêtent à des analyses.
Lesanskrit védique est la forme archaïque de sanskrit dans lequel les quatre Védas (le Rig-Véda, le Yajur-Véda, le Sama-Véda et l'Atharva-Véda) ont été composés (la plupart d'après la linguistique ont été rédigés en « védique moyen » et « védique récent »). Le sanskrit védique diffère dusanskrit classique dans une étendue comparable à la différence que l'on trouve entre grec homérique et grec classique. À titre indicatif, on peut mentionner les principales différences entre le sanskrit védique et le sanskrit classique :
le sanskrit védique avait uneconsonne fricative bilabiale sourde (/ɸ/,Upamādhamīya) et uneconsonne fricative vélaire sourde (/x/,jihvāmūlīya) — qu'il a utilisées jusqu'à ce que le soufflevisarga apparaisse devant les consonnes sourdes labiales et vélaires respectivement. Les deux ont été perdues en sanskrit classique ;
le sanskrit classique a aussi emprunté de nombreux mots aux langues dravidiennes.
Une forme tardive du védique, déjà évoluée (on note la disparition du subjonctif, par exemple), forme un sanskrit préclassique, utilisé aux alentours duVe ou IVe siècles av. J.-C. On pourrait parler à son égard de « védique récent terminal ». C'est ce sanskrit quePāṇini, sans doute le premier grammairien de l'Antiquité (quoique son approche structuraliste puisse être le fruit d'un héritage plus ancien), décrit de manière phonologique et grammaticale, dans un ouvrage d'une précision et d'une rigueur formelle inégalée jusqu'à ce que la linguistique moderne se développe, bien plus tard. Celui-ci s'attache à décrire dans son traité, l’Aṣṭādhyāyī, la langue qu'il parle et souligne les formules qu'il considère propres aux hymnes védiques, sans réellement dire qu'elles sont archaïques. La langue commence à se normaliser.
le vieil indien théorique, ancêtre de toutes les langues indo-aryennes, est surtout représenté par levédique puis lesanskrit classique qui, se figeant, abandonne son statut de langue vivante pour devenir un idiome littéraire et immuable ;
continuant d'évoluer, le vieil indien donne naissance à une multitude de langues — lemoyen indien — nomméesprâkrits, parmi lesquelles lepāḷi, qui n'évoluera plus ;
enfin, le moyen indien évolue ennéo-indien, c'est-à-dire les langues vivantes modernes, comme l'hindī ou lebengālī.
Longtemps de tradition purement orale, ou peut-être progressivement à l'aide de symboles logographiques, idéographiques, voire de signes syllabiques (via l'acrophonie) liés aux cultes, lareligion hindouiste n'a pas eu besoin de fixer ses textes. C'est tardivement que l'emploi de labrāhmī, d'abord (semi-syllabaire utilisé pour lesédits d'Ashoka), puis de la multitude d'écritures qui en dérivent, est généralisé, pour les textes profanes, puis sacrés. Chaque région de l'Inde utilise l'écriture qui lui sert pour noter sa propre langue afin d'écrire les textes sanskrits ; le sanskrit n'a ainsi pas d'écriture attitrée et, surtout, peut être noté par différents semi-syllabaires qui doivent donc être capables de représenter certainsphonèmes dont ils n'ont pas l'usage autrement. L'on peut donner un exemple de cette souplesse d'emploi des écritures indiennes avec une même phrase sanskrite notée dans plusieurs graphies :
QueŚiva bénisse les amateurs de la langue des dieux. (Kālidāsa)
Au début duVIIe siècle, à l'époque de la dynastie chinoise desTang, lorsque le grand chercheur bouddhiste chinoisXuanzang étudia le dharma bouddhique en Inde et qu'il ramena en Chine des centaines de soutras et commentaires, l'écriture utilisée en Inde et celle des textes bouddhiques était une écriture appelée lesiddham,xītán (悉曇/悉昙) en chinois.
Des orientalistesbritanniques de l'Empire des Indesbritanniques aux côtés d'Indiens ont introduit, pour écrire l'hindoustani, l'usage de l'une de ces écritures, ladevanāgarī[11], elle aussi issue de la brāhmī. C'est maintenant en devanāgarī que l'on écrit majoritairement le sanskrit en Inde et dans les éditions occidentales.
En outre, en se transmettant par lebouddhisme, des termes sanskrits ont été adaptés enchinois puis enjaponais, dont les écritureslogographiques réclament la création decaractères phonétiques destinés à cet usage ou l'utilisation de caractères indépendamment de leur sens ; ainsi, le terme sanskritbodhisattva est noté par菩提薩埵/菩提萨埵, qui se lisait vraisemblablementbu-dej-sat-thwa enmoyen chinois (de nos jourspútísāduò, abrégé en菩薩 (púsà), d'où vient d'ailleurs le mot françaispoussah, « jouet à bascule » puis « gros homme ventru et débonnaire »). De ces caractères seuls提 (tí), « tirer », et埵 (duǒ), « terre compacte », ont un sens, qui est évincé dans le composé au profit du son, tandis que菩 et薩 n'ont jamais servi qu'à cette transcription et n'ont par ailleurs aucune signification.
Enfin, leXe congrès des Orientalistes fixa, en1894 à Genève, unetranscription latine qui, de nos jours, est la seule utilisée dans les ouvrages didactiques occidentaux. C'est cette même transcription, qui, quelque peu augmentée, permet aussi de transcrire toutes les autres langues indiennes, qu'elles soient ou non indo-aryennes, au moyen des mêmes symboles. Cette transcription est décrite en détail dans l'article consacré à latranscription traditionnelle des langues de l'Inde.
Plus récemment, un linguiste[Qui ?] a proposé également, sur la base des fréquences de caractères et de l'épigraphie comparée, de discerner dans le crétois minoen noté enlinéaire A (écriture syllabique de la première moitié et du milieu duIIe millénaire av. J.-C. enCrète) une langue de la famille indo-iranienne, dont le niveau religieux de langue (appliqué aux tables à libation de pierre) s'apparente étroitement au sanskrit védique ancien (voir références et liens,infra). Des théonymes comme Indra, Asura, y auraient leurs équivalents (I(n)tar, Asirai) qui ne sont pas sans rappeler des divinités du Mitanni et celles de l'Iran préislamique.[réf. nécessaire]
Étude de la culture d'expression sanskrite en France
La littérature sanskrite étant une des plus riches du monde, tout à la fois par son extension dans le temps et par la variété des sujets dont elle traite, elle a fasciné de nombreuses personnes en dehors de l'Inde. En France, les plus importants contributeurs à la connaissance de la culture d'expression sanskrite sont legrammairien etindianisteEugène Burnouf (1801-1852) qui fut titulaire de la chaire de langue et de littérature sanskrites duCollège de France de 1832 à 1852, le grammairien et indianisteHippolyte Fauche (élève de Burnouf et connu pour sa traduction duRāmāyaṇa et duMahâbhârata), l'indianisteLouis Renou (1896-1966), l'indianisteMadeleine Biardeau (auteur de la version duMahâbhârata publiée au Seuil)) etLouis Dumont, enseignant à l'EPHE et àOxford, et célèbre auteur deHomo Hierarchicus.
Un important ouvrage de référence en français, très utile pour la connaissance de cette culture, est« L'Inde Classique, Manuel des études indiennes » (2 volumes), que Renou a dirigé avec son collègueJean Filliozat (1906-1982).
« En sanskrit, il y a un travail sur le son qui est fondamental. Ce sont des gens qui produisent d'abord, non pas des idéologies, non pas de la doctrine, ils produisent de la musique. On est dans une expérience.(...)Ils ont travaillé de manière intense sur cette dimension sonore, quel effet le son produit sur la physiologie. C'est ça un texte sanskrit. Et c'est comme ça que l'on apprenait leYoga-Sûtra. C'est d'abord une expérience sonore. Ils pensent en effet que le son, pas n'importe quel son, pas chanté n'importe comment, pas récité n'importe comment, le son est une des voies directes vers là-haut »[12].
Rajiv Malhotra (2016),Battle for Sanskrit: Dead or Alive, Oppressive or Liberating, Political or Sacred? (Publisher: Harper Collins India;(ISBN978-9-351-77538-6))
Colette Poggi,Le sanskrit, souffle et lumière. Voyage au cœur de la langue sacrée de l'Inde, Paris, Almora,, 254 p.(ISBN978-2-351-18090-7)
Nadine Stchoupak,Chrestomathie sanskrite, préfacée par Louis Renou, publication de l'institut de civilisation indienne, Librairie d'Amérique et d'Orient, Adrien Maisonneuve, Jean Maisonneuve successeur, Paris, 1977, 88 pages(contient une rareté : un lexique du français au sanskrit).
Nouvelle éd. entièrement revue et augmentée, 2016, 587 p.(ISBN978-2874-57086-5). « [L'ouvrage] est à la fois une grammaire et une méthode d'apprentissage ».
Jan Gonda,Manuel de grammaire élémentaire de la langue sanskrite, traduit de la 4e édition en langue allemande par Rosane Rocher, Brill, Leyde ; Adrien Maisonneuve, Paris, 1966 ( éd. revue et corrigée 1997, réimpr. 2002).
Francine Mawet,Grammaire sanskrite à l’usage des étudiants hellénistes et latinistes, Louvain, Peeters, 2012.
N. Stchoupak, L. Nitti et Louis Renou,Dictionnaire sanskrit-français, 897 p., Librairie d'Amérique et d'Orient, Jean Maisonneuve Successeur, Paris 1932, rééd. 1987 (réimpression, 2008)(ISBN2-7200-1049-9)