LeSanglier d'Europe,Sanglier d'Eurasie ou plus simplementSanglier (Sus scrofa) est uneespèce demammifèresomnivores etforestiers de lafamille desSuidés. Cette espèce abondamment chassée est aussi considérée comme uneespèce ingénieure[1], capable de développer des stratégies d'adaptation à la pression de chasse.
Leporc (ou cochon), issu de ladomestication du sanglier, est une sous-espèce du Sanglier, connu sous l'appellation scientifiqueSus scrofa domesticus.
Autres noms vulgaires ounoms vernaculaires (langage courant) pouvant désigner éventuellement d'autres espèces :cochon[6].
Lafemelle du sanglier s'appelle lalaie[10],[11],[12] et un jeune sanglier âgé de moins de six mois, à la livrée rayée, est unmarcassin[13],[14],[15]. Dans lelexique de lachasse, notamment celui de lavénerie, un jeune sanglier âgé de six mois à un an, qui a perdu sa livrée de marcassin, est appelé unebête rousse[16],[17] ; un mâle adulte, unebête noire, oubête de compagnie à un an[16],[17] ; unragot à deux ans[18],[19] ; untiers-an outiers-ans, à trois ans[20] ; unquartanier ouquartannier, de 4 à5 ans[21],[22] ; unvieux sanglier à six ans ; et ungrand vieux sanglier à sept ans et plus. Unsolitaire est un sanglier qui vit seul[23].
Lesubstantifmasculinsanglier est attesté vers sous les formessengler etsenglier[8]. Il est issu dulatin vulgairesingularis (porcus)[8] qui signifie littéralement « porc solitaire »[8] et a d'abord désigné « le mâle qui vit seul[8] ».
L'avant-train est puissant, le cou massif. La tête (hure) a une forme globalement conique. Les flancs sont comprimés. Le pelage est constitué de longs jarres très rêches (les soies) ainsi que d'un épais duvet.
Les adultes sont de couleur gris-brun uniforme, foncé en général ; les plus jeunes ont un pelage formé de bandes rousses et crème horizontales. Plus tard, ce pelage prend une couleur rousse (couleur acquise autour de leur cinquième mois). Puis aux alentours de 10 mois, leur pelage s'assombrit pour donner la couleur sombre des animauxsubadultes et adultes.
Les oreilles (les écoutes) triangulaires sont toujours dressées. Les canines sont particulièrement développées. Celles de la mâchoire supérieure, les grès, se recourbent vers le haut durant la croissance. La taille des mâles est plus importante que celle des femelles. En outre, les sujets présents dans le sud de l'Eurasie sont plus petits que ceux du nord et de l'est, en accord avec larègle de Bergmann. Leurs dimensions augmentent aussi de l'ouest vers l'est de l'Europe. En Sardaigne, on trouve de très petits sujets.
Comparaison entre le crâne d'un sanglier (gauche) et celui du porc domestique (droite).
Sa queue moyennement longue (20 à 30 cm)[24] se termine par un long pinceau de soies. Généralement, elle est pendante quand l'animal est calme et bien dressée s'il est inquiet ou en colère.
Le sanglier possède un corps trapu et une tête volumineuse. Sa tête est prolongée d'un groin très allongé, appelé boutoir, et de deux grandes oreilles mobiles. Ses canines sont très développées : les supérieures s'appellent les grès et les inférieures les défenses. Ces défenses poussent tout au long de la vie du sanglier. En ouvrant et fermant sa gueule, le sanglier aiguise ses défenses sur les grès ; elles sont ainsi acérées en permanence.
Lesquelette est massif et solide. Lecrâne a une forme trapézoïdale (vu de profil). On en retrouve des éléments (dents, défenses, sabot percé, os) qui semblent avoir servi de bijoux ou élémentspendentifs[25] de décor durant laPréhistoire. On retrouve aussi des défenses associées à des tombes oupuits funéraires préhistoriques[26].
Lecochon domestique (Sus domesticus), possède38chromosomes. Le sanglier européen n'en détient que 36, à la suite d'une fusion ancestrale. Leur descendance commune, appeléecochonglier ou sanglochon, est fertile. Leshybrides de première génération possèdent37 chromosomes. Ensuite, ils peuvent en avoir 36, 37 ou 38. L'hybridation est fréquente dans les régions d'élevage de cochons en plein air ou bien lorsque la population sauvage a été reconstituée par des femelles de cochons domestiques saillies par un sanglier mâle. Le sanglier corse est génétiquement très proche du cochon domestique.
Le sanglier a été introduit par l'homme hors de son aire naturelle de répartition, dont enAmérique du Nord où il a parfois été croisé avec diverses souches de cochons. Ceci complexifie encore sa génétique, mais aussi sa dénomination commerciale légale. En Amérique du Nord, où il n'existe normalement pas dans la nature, certaines étiquettes commerciales qualifient sa viande de « sanglier sauvage », alors qu'il est élevé et introduit[réf. nécessaire].
Probablement pour se protéger des parasites et parfois se rafraîchir, le sanglier apprécie de se rouler ou de se baigner dans la boue, dans une « souille ».Souille de sanglier.
Le sanglier est essentiellementnocturne (une évolution peut-être due à la présence de l'homme). Il est plutôt sédentaire et apparemment attaché à son territoire quand il est entouré d'obstacles[27], mais dans un milieu qui lui convient, il peut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres dans la nuit et son aire vitale peut atteindre de100hectares à plus de1 000ha[28],[29]. Il sélectionne ses habitats selon la saison, l'heure du jour ou de la nuit et ses besoins alimentaires[30].
Régulièrement, le sanglier se vautre dans la boue (wallowing), dans des lieux appelés « souilles », et se frotte avec insistance contre les troncs d'arbres avoisinants pour se débarrasser d'un certain nombre deparasites, réguler sa température corporelle et marquer son territoire. Il dort dans de petites dépressions du sol, sèches, bien dissimulées, nommées « bauges ».
Les sangliers sontgrégaires[31]. Ils forment destroupes (ou bandes) autrefois appeléeshardes[32] ou à l'époque contemporainecompagnies[33], et dont la taille varie selon le lieu et la saison[31]. Une compagnie compte d'ordinaire de six à vingt individus[31], quoique des troupes (ou bandes) de plus de cent individus aient déjà été observées[31]. L'unité de base est un noyau composé d'une ou plusieurs laies (souvent 2 ou 3) et leurs dernièresportées de marcassins, on dit que ces femelles sont suitées[31]. La dynamique du groupe inclut l'isolement de la laie(pré)parturiente puis sa rentrée avec sa portée, l'entrée de laiesnullipares ainsi que l'arrivée de mâles adultes avec le départ simultané d'individus subadultes[31]. Les ragots (sangliers de deux à quatre ans) ferment la marche lors des déplacements, mais sont remplacés par des mâles plus âgés en période derut. Les cortèges sont souvent bruyants, non seulement par le bruit lourd des pas, mais aussi par les grognements, cris, soufflements et reniflements. Cependant, les sangliers savent se montrer discrets et silencieux s'ils se sentent menacés.
Trace de pattes dans la boue.Patte vue de dessous.
À l'approche de l'homme, le sanglier prend généralement la fuite avant qu'on ne l'ait détecté et peut se montrer étonnamment agile et rapide. Une laie pressentant un danger pour ses marcassins peut se montrer dangereuse et charger, ou attaquer un chien, de même qu'un adulte blessé. Irrité, un sanglier claque violemment des dents ; on dit alors qu'il « casse la noisette ».
Les déplacements importants d'individus ou de groupes sont habituellement induits par le manque de nourriture ou d'eau, mais d'autres facteurs (croissants) existent : 1) ledérangement (surfréquentation des forêts par les promeneurs, chasseurs et cueilleurs de champignons, poursuite par leschiens non tenus en laisse, traque et battues dechasse, chantiers forestiers) ; 2) leur exclusion par l'engrillagement de parcelles qui leur étaient favorables, les constructions de lotissements en forêt ou en lisière de forêt, sur des prairies ou terres cultivées où ils se nourrissaient. Ils fuient aussi parfois lesincendies de forêt.
Les sangliers peuvent ainsi, seuls ou en groupe, parcourir des distances très importantes, traverser desfleuves et des routes, ce qui occasionne de nombreusescollisions avec des véhicules. Néanmoins, les individus semblent généralement ensuite chercher à revenir sur leur territoire.
À certaines périodes de l'année, il est d'autant plus important de respecter la tranquillité du sanglier, afin de ne pas l'encourager à investir les cultures agricoles :
15 avril, période des semis de maïs ;
mi-juin, période où les blés sont dits en lait (stade de maturation pendant lequel le sanglier raffole des épis) ;
fin août à début octobre, car les champs de maïs sont d'immenses étendues où le sanglier va pouvoir trouver à la fois quiétude et nourriture en abondance.
À défaut, les agriculteurs subissent d'importants dégâts dans leurs récoltes.
Un marcassin de face.Laie et deux marcassins.Marcassins et leur mère.
L'activité reproductrice du sanglier a tendance à être saisonnière[31] et est corrélée à la disponibilité relative des principales denrées alimentaires ou est reliée à des facteurs climatiques[31] .
Comme les vautours, en consommant les cadavres, les sangliers (ici un sanglier d'Inde) jouent un rôle important d'assainisseurs. Mais à cette occasion, ils peuvent aussi se contaminer et bioaccumuler des produits toxiques, métaux lourds, radionucléides ou pesticides[35], par exemple.
Le sanglier remplit des fonctions complexes et importantes au sein desécosystèmes qu'il fréquente :
en retournant lessols forestiers (bioturbation), il les aère et parfois les décolmate, avec des effets plutôt positifs ou plutôt négatifs selon les cas. Selon un suivi expérimental de 2 ans, il ne semble pas affecter la texture, le pH ni le taux d'azote ou de matière organique du sol qu'il retourne, mais il a un effet sur le taux depotassium[36] et demagnésium[36], sur l'activité microbienne et l'abondance d'arthropodessaprophages et de prédateurs qui diminuent dans les sols qu'il a retournés[36]. Son exclusion n'améliore pas le sol qui voit alors son activité microbienne diminuer, de même que sa teneur encarbone organique et en azote total, peut être grâce à ses apports en urine et excréments[36] ;
en recherchant tubercules et champignons, il en diffuse aussi lesspores, dont ceux destruffes et en particulier la truffeElaphomyces granulatus (tout comme l'écureuil et quelquesmicromammifères fouisseurs consommant également ce champignon dont la fructification est totalement souterraine). Or ce champignon joue un rôle important dans la structure des sols et en matière demycorhization ;
Excréments.
quand le sanglier creuse sa souille et s'y roule, et quand il se frotte sur les gros troncs, il se débarrasse de sesparasites, mais il contribue aussi à disperser des spores etdiaspores parfois enfouies il y a des décennies voire des siècles, et qui pour certaines ont conservé leurs propriétés germinatives dans la « banque de graines du sol ». Il facilite notamment la dispersion « épizoochorique » de diaspores deplantes vasculaires. En effet, le nombre moyen de graines viables ainsi que le nombre d'espèces de plantes sont plus élevés dans les échantillons de sol étudiés près des arbres où il se frotte que près des autres arbres[37], et certaines espèces ne sont pratiquement trouvées qu'au pied des arbres où il se frotte. Les diaspores crochues et hérissées, adaptées à l'épizoochorie, sont plus fréquentes, mais de nombreuses espèces à diaspores non spécialisées sont aussi exclusivement trouvées près des arbres de frottement[37]. Ces diaspores sont celles d'espèces forestières, mais aussi non forestières de milieux ouverts[37]. Les scientifiques ont aussi observé une accumulation de graines d'espèces bioindicatrices demilieux humides plus importante près des arbres de frottement, laissant supposer que les sangliers jouent un rôle important de dispersion directe d'espèces végétales des zones humides[37]. Ces résultats confirment des études antérieures sur les charges en diaspores du pelage et des sabots de sangliers abattus. Ils démontrent l'efficacité de la dispersion[37]. Les sangliers jouent donc un rôle dans larésilience écologique de la forêt après les chablis et incendies ou d'autres perturbations[37]. Un sanglier peut, lors de ses déplacements, en quelques heures, transporter et littéralement « semer » des graines jusqu'à des dizaines de kilomètres à la ronde (un sanglier peut parcourir 20 à 30 km en une seule nuit). Ces graines et spores entourées de boue et réchauffées au contact de son corps ont plus de chances de germer. Il en est de même pour les graines non digérées, rejetées avec ses excréments (endozoochorie). Ceci pourrait expliquer certains « patterns » locaux de végétation que laphytosociologie n'explique qu'incomplètement ;
cependant, là où il est anormalement abondant, en raison de la disparition de sesprédateurs sauvages (lynx) et/ou à cause du nourrissage (alimentation artificielle) ou de plans de chasse qui l'ont trop favorisé, il semble — avec lechevreuil et parfois le cerf — jouer un rôle plutôt négatif (surpiétinement, surprédation et augmentation du nombre detiques). Il occasionne en outre desdégâts dans les champs, les prairies et parfois les jardins en y mangeant et parfois en retournant profondément les sols (boutis).
Le sanglier affectionne particulièrement les zones arborées disposant de points d'eau. Cependant, il est relativementubiquiste et on peut le rencontrer dans de nombreux autres types de milieux. Leslandes sont par exemple des milieux très favorables pourvu qu'une strate arbustive même discontinue approche un mètre de haut. Il évite simplement les grandes zones trop à découvert.
Au moment de la chasse ou à d'autres périodes, des sangliers sont de plus en plus souvent observés[38] en zonepériurbaine, et plus rarement en centre-ville. Leur présence dans ces zones peut poser des problèmes sanitaires et de sécurité (routière notamment).
Ainsi, des compagnies de sangliers sont régulièrement observées sur les hauteurs deBarcelone et en périphérie de la ville. Et il y aurait àBerlin entre5 000 et 8 000sangliers périodiquement réfugiés ou vivant dans le réseau desespaces verts berlinois[39]. En 2004, àSaint-Amand (Nord), un sanglier s'est réfugié 18 heures (avant d'être abattu par un chasseur) dans la cour intérieure de l'hôpital[40]. En octobre 2011, le terrain de football deMetz-en-Couture est en partie « muloté » (retourné) par des sangliers[41]. En novembre 2011 à Toulouse, une laie désorientée a erré plusieurs heures dans le centre historique de Toulouse, traversant la place du Capitole, avant de plonger dans leCanal du Midi face à la gare où elle a été abattue sur ordre du préfet[42], au lieu d'être sortie de l’eau et relâchée dans la nature, comme le réclamaient quelques témoins de la scène.
Tout comme l'ensemble du grandgibier (cerfs,chevreuils)[43], une prolifération des sangliers est observée en Europe (augmentation de quatre ou cinq fois en moyenne par pays en vingt ans[44]), et plus particulièrement en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Espagne, en France, en Italie, au Luxembourg, au Portugal[44] et en Suisse[43], depuis les années 1980-1990[43],[44]. Celle-ci entraîne une hausse des dégâts agricoles et forestiers, entravant par exemple le taux de renouvellement de la forêt[43], un risque de prolifération de maladies et l'augmentation du risque d'accidents de la route. Cette prolifération inquiète aussi certaines zones urbaines[44]. Elle s'explique par une plus grande précocité reproductive[45], l'évolution desemblavements des cultures refuges, lechangement climatique et une régulation déficiente par la prédation ou la chasse[44]. En 2009, leministre français de l'ÉcologieJean-Louis Borloo lance un Plan national de maîtrise du sanglier[45]. En 2022, le gouvernement italien autorise la chasse en zone urbaine[46].
Le sanglier, porcféral (redevenu sauvage) ou des croisements de porcs et sangliers ont été introduits (volontairement ou involontairement) dans plusieurs régions du monde et dans de nombreuses îles.
Depuis la préhistoire, le sanglier est l'origine de nombreuses espèces de porcs domestiques, dont la plupart ont disparu ou ne constituent plus que de faibles populations.
Scène de chasse au sanglier, au pieu avec l'aide de chiens, par le héros grecMéléagre en présence de la déesseArtémis.
C'est le grandmammifère chassé dont la population augmente le plus en Europe[60], à la suite des plans de chasse (les laies sont habituellement épargnées pour favoriser un accroissement de la population[61],[62],[63]), mais aussi par l'agrainageabondamment pratiqué[réf. nécessaire], la déprise agricole au profit de la forêt et de la garrigue, la grande quantité de nourriture dans les champs exploités (notamment les vastes monocultures de maïs qui offrent un refuge aux hardes)[64].
Outre le piégeage individuel qui existe probablement depuis longtemps, des méthodes simples et efficaces de piégeage de compagnies entières ont été développées, pour des raisons scientifiques notamment. La capture dans un corral, ou par filet nécessite des moyens importants en personnel, alors que la capture en cages en nécessite moins. Selon l'ONCFS (publication de 1994, faite après 3 ans d'études et d'essais), le piégeage nocturne à vue, tel que testé àPuéchabon (c'est sur un site d'agrainage éclairé), s'avère plus efficace que le piégeage automatique[68]. Le sanglier semble peu gêné par l'éclairage[68]. L'utilisation de somnifères et de téléanesthésie est également possible (moins de blessure et de stress pour l'animal).
Exemple de parcelle de « culture cynégétique » intra-forestière, dans uneforêt de guerre de l'anciennezone rouge près deVerdun. Ces cultures appétentes encouragent les sangliers à rester en forêt, ce qui limite les dégâts du gibier en périphérie. Mais cela contribue aussi aux phénomènes de surpopulations de sangliers et de cervidés.
En France, des années durant, dans un objectif productiviste et de « gestion cynégétique » du sanglier[69], les chasseurs de grand-gibier ont lâché dans la nature et nourri, des sangliers et « cochongliers » (issus de croisement en captivité avec des porcs (une pratique désormais interdite) et particulièrement prolifiques)[70]. Selon Marc Giraud, porte-parole de l’Association pour la protection des animaux sauvages :« La première cause de prolifération des sangliers, ce sont les chasseurs. Ça pour trois raisons. D'abord, au cours des siècles, ils ont fait disparaître leurs prédateurs. Ensuite, ils les ont élevés pendant des années, à partir desannées 1970. Enfin, aujourd'hui encore [en2020], ils les agrainent. Ils disposent des grains pour attirer les sangliers et les nourrir. L'agrainage, ça fait exploser les populations de sangliers, il faudrait arrêter totalement l'agrainage en France »[71]. Le naturaliste et militant anti-chassePierre Rigaux souligne que « le nombre faramineux de sangliers abattus chaque année est la conséquence mal maîtrisée d’une volonté politique et historique de disposer d’une abondance d’animaux à tuer, résume l’écologue. Les chasseurs ont maintenant le beau rôle, celui de régulateurs de sangliers, justifiant plus largement dans l’inconscient collectif leur rôle de régulateur de la faune sauvage[70]. Nicolas Rivet, directeur général de laFédération nationale des chasseurs, met en cause d'autres facteurs :« Il y a eu le développement de cultures et la généralisation de cultures qui sont particulièrement propices aux sangliers, où ils trouvent tout ce qu'il faut pour se nourrir. Enfin, le sanglier est une espèce qui s'est remarquablement adaptée auréchauffement climatique avec des hivers peu rigoureux, une nourriture abondante, une mortalité des jeunes très basse. Aujourd'hui, on se retrouve avec souvent trois portées en deux ans »[71]. Des parcelles introforestières de cultures cynégétiques ont exacerbé le phénomène.
Les chasseurs le chassent à l'affût, ou organisent des battues pour en prélever et réduire leur nombre : depuis lesannées 2010, ils tuent environ 500 000 sangliers par an, y compris hors de la saison de la chasse, soit quatre fois plus qu’il y a vingt ans (la Fédération nationale des chasseurs estimant que leur population est de 1 à 1,5 million d'individus) et ils sont désormais classés « nuisibles » dans nombre de départements[72].
Le sanglier sauvage avait disparu enGrande-Bretagne et enIrlande auXVIIe siècle, mais des individus d'élevage échappés des enclos de ferme ont récemment été repérés à travers leWeald[73].
ÀBerlin, leur population est estimée entre5 000 et 8 000individus, et plus de 500 bêtes ont été abattues entre avril et novembre 2008 à l'initiative de la municipalité[39].
Il a fait l'objet de réintroductions en France[74], en Égypte[75] et plusieurs études ont étudié les possibilités de réintroduction au Royaume-Uni (enÉcosse notamment dont pour évaluer le nombre minimal de sanglier à introduire pour avoir une population viable à long terme (« Minimum viable population » ou MVP pour les anglophones)[76] et pour savoir s'il existait encore en Écosse, région fortement déforestée, des boisements assez grands pour abriter une telle population[77].
En France, à la suite d'une augmentation de population dépassant nettement les prélèvements, et pour limiter les coûts des dégâts du gibier (indemnisations aux agriculteurs passées de 20 à 30 millions d'euros par an entre 2000 et 2010 en raison notamment du doublement du prix des céréales[78]), pour limiter certains risques sanitaires (bien que rares)[78] (risque de « retour » de certaines zoonoses transmissibles entreanimaux sauvages et d'élevage ou à l'homme), un plan national de maîtrise du sanglier a été mis en place en 2009, sur tout le territoire avec 13 mesures[note 1] (à appliquer dans chaque département) pour en limiter la prolifération puis en maîtriser les populations. L'agrainage du sanglier pourrait aussi être interdit[78], sauf cas particulier.
747 000 sangliers étaient abattus en France en 2019, contre 36 000 en 1973[64].
Le sanglier est apprécié envenaison pour sa chair goûteuse et peu grasse. À l'instar du porc, tout se mange dans un sanglier. Certainsbouchers etcharcutiers produisent du jambon fumé de sanglier, notamment en Ardenne belge.
Sur la base d'une compilation de 144 206 résultats d'analyses de plomb dans les aliments recueillis en Europe durant neuf ans, l'AESA[79] notait en 2012 qu'alors que la plupart des aliments ont un taux de plomb qui a diminué, la viande de sanglier (avec celle du faisan et divers abats d'autres espèces gibier) reste préoccupante en termes de teneur en plomb (teneur moyenne de 1143 μg/kg, soit environ 100 fois plus élevée que la viande de porc/porcelet (11 μg/kg en moyenne), et 1 600 fois la dose moyenne ingérée par jour par un européen moyen (0.68 µg/kg/jour/personne)[79]. Un échantillon de viande de sanglier sauvage a culminé à 232 000 μg/kg, le record pour près de 145 000 analyses parmi 734 catégories d'aliments consommés en Europe[79]. Ces teneurs très élevées en plomb peuvent être dues au caractère nécrophage du sanglier, son goût pour les champignons (dont certainsbioconcentrent très bien le plomb, notamment dans certainesforêts de guerre où leplomb des munitions fait partie desséquelles laissées par les conflits armés), mais les résidus de plomb laissés par les munitions qui ont servi à le tuer sont aussi en cause[80].
En Pologne, les sangliers sauvages (qui sont de grands consommateurs de champignons ; y compris souterrains comme latruffe du cerf) présentent parmi tous les animaux-gibier et non-gibier consommés les taux les plus élevés de mercure dans leurs muscles, mais de manière générale, de2009 à2018, on observe une tendance à la baisse depuis l'interdiction du mercure dans de nombreux usages[81]. Lazarus et al. en2014 avaient aussi trouvé des taux très élevés de mercure dans la chair de cerfs sauvages en Croatie (3.71 mg/kg de muscle, pour la période 2002-2008)[82]
En France, de 1984 à 1986[83] (en 3 ans), il y avait eu 11 055 collisions avec animaux sauvages (phénomène dit deroadkill) déclarées (un peu moins de 4 000/an), ayant fait 75 blessés[78].
Une laie accompagnée de ses marcassins traversant une route lors d'un moment d'accalmie près deVelta, enEstonie.
En 1993-94, pour 25 départements étudiés, on a constaté un triplement du nombre de collisions (par rapport au précédent recensement), sur desroutes départementales le plus souvent, mais avec une augmentation préoccupante sur lesautoroutes (de 6,8 % en 1984-86, 18,3 % en 1993-94). Le sanglier est en cause dans 1/3 des cas environ, derrière le chevreuil (75 % des collisions, en forêt presque toujours) avec selon les statistiques de la police et gendarmerie pour 2008-2010 : 500 accidents corporels dus à animal sauvage (+/-170/an), 35 tués (+/-12/an), 350 hospitalisations (+/-115 par an) et 200 blessés légers (65 par an). Depuis 2003, le fonds de garantie (n'indemnisant originellement que les victimes d’accidents de la circulation dont les auteurs sont non-assurés ou non-identifiés) intervient. En 2008 il y eut près de 35 000 collisions déclarées, dont plus de 60 % par du grand gibier (36 % sangliers, 17 % chevreuils, 8 % cerfs), pour 16 millions d'euros de dégâts réglés par les assureurs. En 2009, le fonds de garantie a été déchargé de sa mission d’indemnisation au profit d'un règlement des dommages par les assurances et risques assurables[78].
Les « pullulations » locales de sanglier, peuvent être source de risque épidémique[85], y compris aux États-Unis où des sangliers introduits à partir de l'Europe (dès les années 1500) comme gibier ont localement proliféré, notamment là où ils se sont croisés avec des porcs domestiques (ils seraient au moins 4 millions dans 39 États du pays, surtout en Californie, au Texas et dans le Sud-Est du pays). Une étude publiée en 2011, confirmant d'autres études faites au Texas ou dans d'autres États a montré que les risques d'exposition aux parasitesToxoplasma gondii etTrichinella (trouvés dans le sang de 83 sangliers sauvages tués enCaroline du Nord de 2007 et 2009) augmente alors que ces deux parasites (ici trouvés pour la première fois chez des sangliers) avaient été éliminés des élevages de porcs. Ces parasites ingérés provoquent des symptômes pouvant être confondus avec ceux de lagrippe, maisT. Gondii est dangereux pour lafemme enceinte et les personnes ayant unsystème immunitaire affaibli (C'est une cause majeure de décès pour cause de maladie d'origine alimentaire aux États-Unis)[85].Trichinella peut produire des symptômes légers à sévères, avec dans le pire des cas des problèmes cardiaques potentiellement mortels et de graves problèmes respiratoires selon lesCDC[85]. Même dans les cas modérés, la fatigue, un état de faiblesse et des diarrhées peuvent durer des mois[85].
Omnivore etnécrophage à l'odorat fin, le sanglier a aussi un rôle sanitaire : il détecte et élimine rapidement les cadavres de nombreux petits et gros animaux, même cachés, en évitant qu'ils contaminent les eaux superficielles par des pathogènes ou toxines (botuliques notamment, auxquelles il se montre très résistant). Pour cette raison, c'est une espèce qui – bien que non située en bout dechaîne alimentaire – peut fortementbioconcentrer certainstoxiques etpolluants (via les cadavres qu'il mange ou via les champignonsbasidiomycètes et souterrains contaminés (dont par des radionucléides[86], après Tchernobyl par exemple) qu'il consomme en grande quantité).
Selon Fernández et al., au-delà des considérations empiriques[87], les risqueszoonotique, sanitaire pour les élevages et écoépidémiologiques devraient être mieux pris en compte lors des opérations detranslocation ou deréintroduction[88]
En raison du couvert forestier et de lapluviométrie lors du passage dunuage de Tchernobyl, c'est dans le S-O de l'Allemagne dans le parc naturelPfälzerwald (qui se prolonge en France avec laRéserve de biosphère transfrontalière des Vosges du Nord-Pfälzerwald) que les sangliers radioactifs au-dessus des normes ont été trouvés les plus nombreux (voir carte ci-dessous)[89].Répartition spatiale des proportions de dépassements de la norme pour lecésium dans la viande (muscle) de sangliers chassés en forêt du Palatinat, janvier 2001-février 2002 (n=2 131 sangliers, sans marcassins), par districts forestiers (numérotés). Un gradient est-ouest caractérise les résultats de l'étude : plus on s'approche duLuxembourg et de laBelgique, plus le risque qu’un sanglier soit radioactif au-dessus des normes de consommation alimentaire est élevé[89],[90].
Ils sont également impliqués dans la remise au jour et labioconcentration de certainsradionucléides. Ainsi, sur les zones touchées par les retombées de lacatastrophe de Tchernobyl, l'iode radioactif en raison de sa courte période radioactive, a rapidement disparu de l'environnement, mais les sangliers ont continué à accumuler ducésium 137, à partir de leurs aliments.
Or, cecation est radiologiquement et chimiquement toxique[92], très soluble dans le bol alimentaire et traverse facilement labarrière intestinale au niveau dupetit intestin[90] d'où il gagne facilement toutes les parties du corps (comme s'il avait été inhalé)[93],[94].
C'est en Allemagne que la contamination des sangliers par lecésium 137 semble avoir été le mieux détectée, étudiée et traitée (pour ce qui est du nombre d'animaux analysés, du suivi et des précautions prises)[note 2].
Bien qu'assez peu représenté sur les peintures et gravures rupestres, on sait par lesarchéologues que le sanglier était chassé durant laPréhistoire. Il est possible qu'il ait dans les derniers millénaires, alors que se développaient les populations humaines de chasseurs-cueilleurs, profité du recul des grands prédateurs tels que le lion des cavernes, le tigre à dents de sabre et l'ours des cavernes.
Chez les Indo-Européens, le sanglier symbolise la castesacerdotale tandis que l’ours correspond à la caste guerrière.
Le sanglier est le troisièmeAvatar (descente, incarnation) du dieuVishnou,Varaha, chargé de sauver la déesse Terre (son épouse) d'un démon des eaux d'undéluge. C'est donc un animal particulièrement sacré enInde.
Il représente la force et le courage mais aussi la connaissance et a un rapport avec l'au-delà.
LesCeltes le considèrent comme un animal sacré. Des têtes de sanglier ornent les armes et sa viande accompagne les défunts dans leur dernier voyage. Son rôle est à rapprocher de celui dutaureau dans les mythologies des origines de l'Europe. Le sanglier est donc l'attribut desdruides et certains se faisaient même appeler « sanglier ».
En Occident, dans l'antiquité romaine, germano-gauloise et galloromaine, sa chasse semble avoir été particulièrement valorisée. Dans la religion celtique, il s'agissait de la nourriture des héros rassemblé chez les dieux[95].
L'animal était considéré comme courageux et fort et se battant jusqu'au bout. Le chasser devient un combat entre le guerrier et l'animal, un combat singulier où l'homme doit supporter les cris, les coups et l'odeur de la « bête ». Le vaincre était alors un exploit.
Ces qualités sont aussi reconnues chez les Romains comme chez les Germains, qui semblent avoir fait de la chasse au sanglier un rituel initiatique indispensable du guerrier pour devenir libre et adulte. Les Celtes en ont fait un gibier de rois et une chasse symbolique[96].
Le sanglier n'est plus le gibier des rois et des princes; il perd cette qualité au profit du cerf qui lui est opposé. L'une des raisons serait que la chasse au sanglier demandant peu d'espace, contrairement à la chasse au cerf, les grands seigneurs auraient alors « laissé » sa chasse aux seigneurs moins importants. La chasse au cerf serait devenue un moyen de se démarquer pour les seigneurs ayant des forêts assez vastes pour se la permettre.
L'autre raison principale de cette dévalorisation a été la « propagande » de l'Église. Les qualités du sanglier vantées à l'Antiquité en font, pour l'Église, l'animal des païens, voire l'animal du diable. L'Église va tourner toutes ses qualités en défauts, et sa force et son courage deviennent de la férocité.
Le cerf, auquel elle l'oppose aussi, a lui toutes les vertus : c'est le Christ des animaux. Avec le temps, et plus récemment, la chasse au sanglier devient aussi le moyen de se débarrasser d'animaux dangereux qui abîment les cultures[98],[99].
L'écrivain allemandErnst Jünger a écrit un court récit intituléLa Chasse au sanglier.
Au livre III de l'Énéide deVirgile, un oracle d'Apollon annonce à Enée qu'il fondra sa ville là où il trouvera « […] une énorme laie blanche étendue sur le sol, et trente nouveau-nés, blancs comme leur mère, pressés autour de ses mamelles […][100]. »
LeMoyen Âge européen a repris cette symbolique enhéraldique où le sanglier est très représenté (notamment dans lesArdennes[101]), et aussi dans le vocabulaire de l'escrime (garde de la « dent du sanglier »).
En règle générale, le sanglier apparait de profil dans lesblasons, etpassant, c'est-à-dire semblant avancer trois pattes au sol et une patte avant levée. Il est dit « défendu » si ses défenses sont d'une couleur différente de celle du corps. On nomme sa tête « hure », son nez « boutoir » et sa couche « bauge ».
Le sanglier est le symbole desArdennes où il abonde. Il en est devenu lamascotte et la sculpture du « plus grand sanglier du monde »,Woinic, symbolise le département.
Il est aussi le symbole du premier club de football du département, leClub Sportif Sedan Ardennes, étant représenté sur l'écusson du club depuis ses débuts.
Sanglier commémoratif sur Mirage IIIE pour rendre hommage à l'escadron de chasse 3/3 Ardennes.
Il est enfin le symbole du régiment deschasseurs ardennais caserné àMarche-en-Famenne (Belgique), ainsi que l'unité aérienne du 2 Wing Tactique de Florennes (Belgique) ayant pour mascotte Bull Rusch (mâle) et Gipsy (femelle).
Il a parfois été repris par l'armée, notamment l'armée de l'air — par exemple, à des fins commémoratives, où le sanglier a décoré des avions en l'honneur d’escadrilles affectées dans les Ardennes. Un exemplaire deMirage IIIE décoré aux couleurs des Ardennes et comportant une tête de sanglier imposante est toujours visible et accessible au public sur le site desAiles Anciennes àBlagnac, pour célébrer le cinquantième anniversaire de l'escadron de chasse 3/3 Ardennes[102]
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Heinz Meynhardt,Ma vie chez les sangliers, 1982, 1990 (Titre originalSchwarzwildreport, mein Leben unter Wildschweinen, traduit de l'allemand par André Dick, édition du Chasseur français, Hatier(ISBN2-907098-05-5), 163 p.).Éthologue établi en Allemagne de l'Est, H. Meynhardt a vécu quotidiennement auprès des sangliers et a réussi à se faire adopter par une compagnie. Il a ainsi pu en étudier, et même filmer les comportements. Une véritable mine d'informations et de réflexions pour les passionnés de nature et de cette espèce animale.