Femme politique de premier plan au Japon, elle est candidate à plusieurs reprises pour la présidence de son parti, et est, en 2024, la première femme à accéder au second tour desélections à la présidence du PLD. Si elle échoue face àShigeru Ishiba, elle remporte finalement cetteélection en 2025, devenant la première femme présidente du PLD et la première femmePremière ministre du Japon le, après plusieurs difficultés à former une coalition parlementaire.
Considérée comme conservatrice, même au sein de son parti, Takaichi est affiliée au lobby révisionnisteNippon Kaigi et est un fervent soutien de l'ancien Premier ministreShinzō Abe. Elle se montre critique vis-à-vis des excuses du gouvernement japonais pour lescrimes commis par le Japon durant la Seconde Guerre mondiale, et est favorable à la visite par les membres du gouvernement dusanctuaire Yasukuni, sanctuaireshinto considéré par certains comme l'un des symboles nationalistes du Japon, qu'elle visite régulièrement. Conservatrice également sur le plan social, elle exprime à plusieurs reprises son opposition aumariage homosexuel, ainsi qu'aux tentatives de changer la loi japonaise imposant aux couples mariés de partager le même nom.
Sanae Takaichi naît le àNara, dans lapréfecture du même nom[1]. Fille de parents aux revenus modestes — sa mère est policière à Nara et son père travaille dans une usine automobile —, Takaichi grandit dans la ville de Nara, où elle effectue ses études[2]. Bien qu'admise aux prestigieuses universitésWaseda etKeiō àTokyo après les examens d'entrée à l'université, ses parents ne peuvent pas se permettre de l'envoyer vivre à Tokyo, arguant la nécessité de payer les études de son jeune frère[2]. Takaichi rejoint ainsi l'université de Kobe, une université publique plus proche de Nara[2]. Considérée comme une rebelle pendant ses études, Takaichi développe notamment un fort intérêt pour les motos et le heavy métal[3].
Après ses études, Takaichi se spécialise dans une carrière télévisuelle, et devient présentatrice pour plusieurs émissions de variétés ou d'informations surTV Asahi. Elle y côtoieRenhō, future présidente du Parti démocrate du Japon, alors aussi présentatrice. Ses chroniques étaient alors marquées par son look punk assumé ainsi que par son fort accent de larégion du Kansai[4]. Elle arrête rapidement ses chroniques et devient professeure d'économie dans une université privée[4], l’université Kindai[5].
Sanae Takaichi commence sa carrière politique en 1992, alors qu'elle désire obtenir l'investiture duParti libéral-démocrate pour l'élection à la Chambre des conseillers du Japon de la même année. Bien qu'elle échoue à obtenir cette investiture, elle se présente tout de même dans lacirconscription électorale de Nara, sa circonscription natale, en tant qu'indépendante[4] mais n'est pas élue[4]. L'année suivante, lors desélections législatives japonaises de 1993, elle se présente à nouveau dans la circonscription de Nara, toujours en tant qu'indépendante[6], et est cette fois élue, faisant son entrée à laDiète du Japon[4],[7]. Elle participe à la création du très éphémère Parti libéral japonais de 1994, dissous moins de6 mois après sa création, et rejoint leShinshintō en, lors de sa création[8].
Ichirō Kanazawa(ja), médecin japonais, et Sanae Takaichi, alors ministre de l'Innovation, en 2007.
En 2006, Sanae Takaichi sert au sein dupremier gouvernement deShinzō Abe en qualité deministre d'État chargée d'Okinawa et auxTerritoires du Nord, ministre d'État chargée de la Politique scientifique et Technologie, ministre d'État chargée de l'Innovation, ministre d'État chargée de la Natalité et l'Égalité des sexes, et enfin ministre d'État chargée la Sécurité alimentaire[10]. C'est également à cette époque qu'elle commence à obtenir des postes au sein de l'organigramme interne du PLD, notamment la présidence du comité chargé des questions liées à la jeunesse, ou celui chargé des questions liées au textile et l'industrie de la mode[10]. Elle retrouve par la suite son poste device-ministre chargée de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie dans les gouvernementsFukuda etAsō[10].
Takaichi perd son siège de la deuxième circonscription de Nara à l'issue desélections législatives japonaises de 2009, mais conserve un siège à la Diète grâce à la relance proportionnelle[10]. Désormais dans l'opposition, à la suite de la prise du pouvoir par le Parti démocrate du Japon, elle se rapproche encore plus deShinzō Abe[14]. Elle retrouve son siège lors desélections législatives japonaises de 2012, et est nommée la même année directrice du cabinet de stratégie politique du PLD par Abe[14].
Portrait officiel de Takaichi en 2010.
Le, Sanae Takaichi accède au poste deministre des Affaires intérieures et des Communications, au sein dusecond gouvernement de Shinzō Abe, succédant ainsi àYoshitaka Shindō[15],[16]. Elle devient la première femme à occuper ce poste[17]. Lors desélections législatives de la même année, elle conserve son siège avec une large avance sur son opposant démocrate[18]. Durant sa période au ministère, elle est également responsable d'un redécoupage des circonscriptions électorales japonaises[12]. Elle devient en 2017 la personnalité politique avec le mandat le plus long à ce poste, et est remplacée la même année parSeiko Noda[19],[20]. Elle conserve plusieurs postes importants dans l'organigramme du PLD, où elle est nommée présidente du siège de la cybersécurité, ou à la chambre des représentants, où elle dirige la Commission du règlement de la Diète du Japon[1].
Takaichi retrouve ce poste en 2019, dans legouvernement Abe IV. Durant cette période, elle s'implique notamment dans des lois sur la redevance télévisuelle japonaise, ainsi que dans des mesures de soutien aux industries touchées par lapandémie de Covid-19[21],[22]. Elle n'est pas reconduite en 2020 dans ses fonctions lors dans legouvernement Suga, laissant plusieurs de ses travaux en cours à son successeurRyōta Takeda[23].
Sanae Takaichi se déclare en 2021 candidate pour succéder àYoshihide Suga à la président duParti libéral-démocrate (PLD), avant même l'annonce de sa démission[24]. Dans le rapport de force qui l'oppose à d'autres chefs du parti, elle bénéficie notamment des faveurs des ex-Premiers ministres Shinzo Abe etYoshirō Mori dont elle est connue pour avoir des positions politiques semblables[25],[26]. Parmi les autres figures du PLD, elle est notamment soutenue parTomomi Inada, ancienne ministre de la Défense,Eriko Yamatani,Yasutoshi Nishimura ouSatsuki Katayama[27],[28]. Elle ancre notamment sa politique économique, nommée « Sanaenomics », dans la continuité de celle de Abe, les « Abenomics », qui visent la reconstruction de l’économie, un assouplissement monétaire et la promotion de la croissance[3],[29],[30]. Bien qu'elle ne remporte pas cette élection, queFumio Kishida remporte, elle crée la surprise en dépassant les intentions données par les sondages à son égard[31].
En 2022, Takaichi est nommée au sein dugouvernement Kishida II, au poste de ministre chargée de la Sécurité économique[32],[33]. La même année, elle est également nommée directrice de la section préfectorale du PLD de Nara, devenant la première femme à occuper ce poste[34].
En, à la suite de la démission deFumio Kishida de la présidence du PLD, Sanae Takaichi estcandidate à sa succession et donc au poste de Premier ministre du Japon. Elle s'oppose notamment àYōko Kamikawa,Toshimitsu Motegi,Yoshimasa Hayashi,Shigeru Ishiba etShinjirō Koizumi[35],[36]. Sa candidature est soutenue, entre autres, parHaruko Arimura,Mio Sugita etHirofumi Nakasone[37]. Elle organise cette fois sa campagne autour de son programme économique, ainsi qu'autour de sa volonté de faire du Japon une puissance majeure du Pacifique, notamment par l'intermédiaire d'une modification de la constitution anti-militariste du Japon. Takaichi milite également pour un maintien des forces américaines dans la zone[38].
Bien qu'elle arrive au second tour de cette élection, en ayant devancéShigeru Ishiba à la fois dans le vote des parlementaires et dans le vote des adhérents, elle perd le second tour. Elle devient à cette occasion la femme ayant été le plus proche du poste dePremier ministre au Japon[39]. À la suite de cette élection, Takaichi se voit proposer par Ishiba le poste prestigieux de présidente du conseil général du PLD, qu'elle refuse[40]. Elle prend en la présidence d'un nouveau comité au sein du PLD, dédié à la lutte contre la cybercriminalité[41],[42]. La même année, elle est largement réélue dans son fief de Nara lors desélections législatives japonaises de 2024, initiées après une dissolution de la Diète du Japon parShigeru Ishiba[43].
Sanae Takaichi donnant un discours àNagoya, le 26 septembre 2025.
De nouveau candidate à la présidence duParti libéral-démocrate (PLD) après la démission deShigeru Ishiba le[44], Sanae Takaichi axe cette fois sa campagne sur la limitation de l'immigration croissante au Japon, et promet également une féminisation de la vie politique japonaise[45]. Le, elle remporte cette fois l'élection, et devient la première femme à présider le PLD[46],[47],[48]. Elle devient ainsi pressentie pour devenir la prochainePremière ministre, malgré le fait que le PLD ne détienne plus la majorité à laDiète du Japon[47],[49].
Sa nomination à ce poste est rapidement compromise par le refus du partiKōmeitō, allié gouvernemental historique du PLD depuis 26 ans, de la soutenir. Celui-ci avait réclamé du PLD qu’il apporte son soutien à une proposition visant à mieux encadrer et limiter les financements accordés aux partis politiques par les entreprises et les organisations, ce qui a été refusé par Sanae Takaichi[50]. Le Kōmeitō a aussi dénoncé le retour deKōichi Hagiuda dans l'organigramme du parti, alors que ce dernier a été exclu en 2024 de toute fonction pour son implication dans les scandales liés à lasecte Moon et auxcaisses noires du PLD. Enfin, la position de Takaichi est fragilisée par les rivalités internes au PLD, notamment l'hostilité déclarée que lui voue l’ancien Premier ministreYoshihide Suga[50]. Le retrait du Kōmeitō de la coalition gouvernementale force Takaichi à négocier avec d'autres partis d'opposition, notamment le partiIshin no Kai, qui après avoir obtenu de Takaichi la baisse d'une taxe à la consommation et la réduction du nombre de sièges parlementaires, annonce former une nouvelle alliance et soutenir la nomination de Takaichi[51],[52].
Sur les questions de politique extérieure, elle insiste particulièrement sur la menace que constitue laChine et entend augmenter massivement les dépenses militaires[25],[3],[54]. Pour cette raison, elle s'affiche comme un fervent soutien de la souveraineté deTaïwan[29]. Elle défend également une diplomatie plus agressive contre laCorée[55].
Takaichi est favorable à la construction d'installations japonaises sur lesîles Senkaku, un archipel à l'origine d'un contentieux territorial entre la Chine et le Japon[56].
Elle adhère à des positions conservatrices concernant les questions de société. Elle rejette notamment le mariage entre personnes du même sexe, refuse d'autoriser les femmes à garder leur nom de jeune fille, s'offusque à l'idée de naissances hors mariage et milite pour que la succession dutrône impérial continue de se faire exclusivement de père en fils[25],[3],[57]. Takaichi véhicule également activement une vision paternaliste de la famille, avec des rôles bien définis pour les hommes et les femmes[3].
Takaichi est également opposée à la mise en place d'un système de quotas de femmes permettant l'accès à des postes plus importants pour les Japonaises[58].
Comme la plupart des membres des gouvernements Abe, et comme le Premier ministreShinzo Abe lui-même, Takaichi est affiliée au mouvementrévisionniste et nationalisteNippon Kaigi[16],[25].
Elle se dit favorable à une révision desdéclarations de Kono et deMurayama, qui est la position officielle du gouvernement japonais sur la reconnaissance de l'implication de l'armée impériale dans l'utilisation de « femmes de réconfort » lors de la Seconde Guerre mondiale[14],[16]. Elle prétend que l'invasion japonaise de la Mandchourie en 1931 était une « guerre d'autodéfense » et refuse toute repentance[59]. Elle nie par ailleurs lemassacre de Nankin, au cours duquel des centaines de milliers de civils chinois ont été tués par l'armée japonaise entre 1937 et 1938[59]. Plus généralement, Sanae Takaichi défend la fin de la repentance du Japon pour lescrimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale, affirmant qu'ils ont été fortement exagérés. Elle souhaite également que les manuels scolaires promeuvent la fierté nationale[25].
Elle est également favorable à la visite par les membres du gouvernement dusanctuaire Yasukuni, sanctuaireshinto, considéré par certains comme l'un des symboles nationalistes du Japon, mais également de son passécolonialiste[60]. Elle-même s'y rendit publiquement alors qu'elle était ministre en[61], puis en, cette fois accompagnée deHaruko Arimura et d'Eriko Yamatani[62], puis encore une fois en 2020[63], et encore une fois en 2025, au moment des 80 ans de la capitulation du Japon[64].
Takaichi cite régulièrementMargaret Thatcher comme son inspiration dans le monde politique[17]. Takaichi fait partie des défenseurs de la politique économique deShinzō Abe, lesAbenomics, et axe sa propre politique économique autour de la revitalisation de l’économie japonaise, d'un assouplissement monétaire et de la promotion de la croissance[3],[29],[30]. Takaichi souhaite en effet encourager le libre-échange, avec les pays voisins du Japon, supprimer l'impôt progressif sur le revenu[65]. Takaichi souhaite également massivement investir dans les technologies de pointe, et introduire des cours obligatoires de programmation dans les écoles[65].
En 2014,Tomomi Inada, ministre dugouvernement Abe, également jugée comme conservatrice, et Takaichi ont posé souriantes aux côtés de Kazunari Yamada, leader duParti national-socialiste des travailleurs japonais, qui a fait l'éloge d'Adolf Hitler et des attentats du11 septembre 2001 sur leWorld Trade Center[66],[67]. Après la publication de la photo par la presse, Takaichi déclara ne pas être au courant de l'identité de l'homme. Un membre de son équipe insiste en affirmant qu'il s'agissait d'un assistant d'un journaliste, et que « nous ne savions pas qui il était à ce moment-là, mais il a demandé une photo »[57],[67].
La même année, elle crée également la polémique à la suite de son soutien affiché dans la presse à un livre controversé publié en 1994 par Yoshio Ogai, un élu duPLD, vantant les qualités électorales d'Adolf Hitler[6].
En, Takaichi crée la polémique en évoquant la possibilité d'ordonner la suspension des émissions aux radiodiffuseurs qui enfreignent la loi qui garantit l'équité politique, suscitant de vives critiques de la part des médias et des partis d'opposition[17].
En 2023, un représentant de l'opposition accuse Takaichi d'avoir, alors qu'elle était ministre des Affaires intérieures des Communications, fait pression sur plusieurs médias critiques du PLD et des différents gouvernements Abe. Bien qu'elle réfute ces accusations, assurant démissionner si ces fuites s'avèrent être vérifiées, elle affirme plus tard que les passages la concernant sont falsifiés, et nie toute implication[68],[69].
Toyota Supra (édition limitée), modèle que conduit Sanae Takaichi.
Takaichi est mariée àTaku Yamamoto, lui aussi parlementaire pour leParti libéral-démocrate. Le couple se rencontre en 2003, et se marie en 2004[70],[71]. Takaichi et Yamamoto divorcent en 2017 pour des raisons de divergences politiques, mais restent proches, Yamamoto la soutenant notamment dans toutes les élections internes du PLD[70]. Le couple renoue en 2021, et Yamamoto change son nom de famille en Takaichi, afin de rester cohérent avec les positions politiques de cette dernière[72]. Bien que Takaichi soit sans enfants, elle est grand-mère quatre fois par l'intermédiaire des enfants de son mari[73].
Très grande amatrice deheavy métal[3], Takaichi se déclare fan du chanteurDemon Kakka, qu'elle rencontre plusieurs fois en tant que ministre des Communications, faisant de ce dernier la figure de proue d'une loi visant la promotion de la radio nipponne[74]. Elle-même a formé un groupe de métal durant ses années universitaires, où elle était batteuse[2].
Takaichi est une fervente supportrice de l'équipe de baseball desHanshin Tigers, une équipe basée à Osaka[75],[76]. Elle apprécie également les produits dérivés de la franchiseHello Kitty[75]. Elle est par ailleurs connue pour être une grande consommatrice de tabac[75].
Takaichi est également une férue d'automobile et une grande amatrice des voitures de sport. Elle conduit un modèle en édition limitée deToyota Supra depuis25 ans, dont elle prend grand soin[75],[77]. Dans sa jeunesse, elle prend également part à plusieurs courses de motos[77]. Elle est d'ailleurs à l'initiative d'un club bipartisan à la Diète du Japon d'amateurs de motos[78].
↑« Japon : Sanae Takaichi élue à la tête du parti libéral-démocrate et en passe de devenir la première femme à diriger le pays »,Le Monde,(lire en ligne, consulté le)