Le nom « ΗΙΠΠΟΛΥΤΟϺ » (Hippolytos) inscrit sur uncratèrecorinthien (v. 575-550 av. J.-C.) ; l'inscription comprend des formes de lettres particulières à Corinthe : unhêta rectangulaire (), uniota en zigzag (), unpi archaïque () et un san en finale au lieu d'unsigma.
L'alphabet grec dérive de l'alphabet phénicien à partir duVIIIe siècle av. J.-C. Dans lesalphabets grecs archaïques, on pense que l'existence de deux lettres en concurrence,sigma et san, résulte d'une confusion lors de cette adoption, lephénicien disposant de plus de sonssifflants (apparentés à /s/) que legrec. Selon l'épigraphiste Lilian Jeffery[1], la distribution des lettres sifflantes en grec est due à une confusion entre les sons et les positions alphabétiques des quatre signes sifflants phéniciens : lesigma grec (Σ) prendrait la forme et la position dushin phénicien (), mais le nom et la valeur duSemka. Inversement, lexi grec (Ξ) aurait la forme et la position du Semka (), mais le nom et la valeur du shin. Le même échange se produirait entre leszen etsade phéniciens : lezêta grec recevrait la forme et la position du premier () et le nom et la valeur du deuxième, tandis que le san prendrait la forme approximative et la position du sade (), et ce qui pourrait être à l'origine la valeur du zen, c'est-à-dire un [z]voisé. Toutefois, comme lez voisé et le [s] non voisé ne sont pas desphonèmes distincts en grec, le sigma et le san en arrivent à remplir essentiellement la même fonction. Les dialectesdoriens qui conservent san au lieu de sigma pourraient toutefois avoir eu une telle prononciation de /s/[2].
Selon Roger Woodard[3], « san » serait le nom original de ce qui est actuellement connu comme « sigma » et correspondrait ainsi directement au shin phénicien. Le nom aurait été par la suite associé à une lettre locale alternative dont le nom original est inconnu. Le nom moderne « sigma » serait quant à lui une innovation grecque qui signifierait simplement « sifflement », sur la base du verbeσίζω (sízô, « siffler »). Woodard avance également que san pourrait noter le sonts[4].
Une réinterprétation moderne des valeurs des sifflantes duproto-sémitique, et donc du phénicien, pourrait rendre compte des valeurs des sifflantes grecques en ayant moins recours à une éventuelle « confusion ». Le shin aurait la valeurs et serait donc la source de la valeur du sigma ; semka serait reconstruit en uneconsonne affriquée,ts, une meilleure correspondance pour le groupe plosif-fricatifks du xi[5].
Le tableau suivant résume les différentes sifflantes du phénicien et du grec :
San peut s'écrire avec les deux barres verticales droites () ou légèrement inclinées vers l'extérieur (), et d'une longueur égale ou supérieur aux traits intérieurs (). Elle se distingue de la lettremu (Μ) par sa symétrie, le mu possédant une barre gauche plus longue dans ses formes archaïques (,,)[8].
Le dialectearcadochypriote deMantinée utilise une lettre particulière,[9]. Cette lettre ne se rencontre que dans un seul document, une inscription duVe siècle av. J.-C.[10] dédiée àAthéna Aléa(en)[11],[12]. On suppose généralement qu'il s'agit d'une innovation locale basée sur le san, bien que Jeffery la classe comme variante du sigma[9]. Elle semble noter un son/ts/[3] et est appelée « tsan » par certains écrivains contemporains[11].
Dans le dialecte arcadien local, ce son se produit dans les mots qui font référence auproto-grec*/kʷ/. Dans ces mots, les autres dialectes grecs utilisent généralement/t/, tandis que le dialecte chypriote apparenté emploie/s/. On trouve par exemple :
De ces correspondances, on peut conclure que la lettre correspond le plus probablement à un sonaffriqué, peut-être[ts] puis[tʃ], ce qui serait l'étape naturellement intermédiaire entre*/kʷ/ et/s/[13]. La lettre est représentée dans les transcriptions savantes modernes de l'inscription par <ś> (s muni d'un accent aigu) ou <σ̱> (sigma avec un macron souscrit)[11].
EnPamphylie, une lettre épichorique distincte partage la même forme que le « tsan » arcadien mais possède la valeur/w/, complètement différente. Elle est nommée par conventiondigamma pamphylien.
Dans les éditions et transcriptions modernes de l'écriture grecque archaïque, le san est rarement utilisé comme lettre distincte. Comme il n'est jamais différent du sigma à part dans lesabécédaires, il est généralement régularisé en sigma dans les pratiques éditoriales modernes[16].
Le standard d'encodageUnicode introduit la majuscule et la minuscule du san dans sa version 4.0 (2003)[18]. Cette inclusion rend alors nécessaire la création de formes minuscules pour la typographie moderne, pour lesquelles aucune tradition typographique précédente n'existe[19]. Par convention, la plupart des polices de caractères distinguent le san majuscule dumu en ne faisant descendre sa section centrale en V qu'à la moitié au-dessus de la ligne de base, et le san minuscule en lui attribuant une branche verticale à gauche qui descend sous cette ligne de base. Cette convention va d'ailleurs à l'opposé de la pratique épigraphique historique, où le san est plutôt symétrique et le mu possède une branche verticale à gauche plus grande que celle de droite.
La variante « tsan » arcadienne est unifiée avec ledigamma pamphylien, de forme identique, depuis la version 5.1 du standard Unicode[20].