Samarobriva Ambianorum (finIIIe - débutIVe siècle) | ||
![]() Autel votif àSamarobriva, déesse tutélaire de la ville romaine (Ier siècle), mis au jour, à Amiens, rue des Jacobins, en 1895. | ||
Localisation | ||
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Pays | ![]() | |
Province romaine | Haut-Empire :Gaule belgique Bas-Empire :Belgique seconde | |
Région | Hauts-de-France | |
Département | Somme | |
Commune | Amiens | |
Type | Chef-lieu deCivitas | |
Coordonnées | 49° 54′ nord, 2° 18′ est | |
Altitude | de 14 à 106 m | |
Superficie | 200 ha | |
Histoire | ||
Antiquité : | Empire romain | |
Géolocalisation sur la carte :Rome antique | ||
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Samarobriva est le nom de la ville d'Amiens à l'époque gallo-romaine. À la suite des destructions de laSeconde Guerre mondiale, des fouilles archéologiques furent entreprises dans le centre-ville et de nombreux vestiges de la ville romaine furent mis au jour avant de procéder à la reconstruction de la ville.Samarobriva est, de ce fait, l'une des cités antiques les mieux connues de laGaule belgique.
Le site sur lequel la ville romaine a été bâtie, correspond à une terrasse alluviale qui repose sur une nappe de silex et de craie allant jusqu'à 5 m d'épaisseur par endroit, recouverte par le lœss constitué de sédiments siliceux et calcaires[1].
Le site deSamarobriva est, en outre, celui d'une double confluence de laSomme et de l'Avre, en amont, de la Somme et de laSelle en aval de la ville.
Le nomSamarobriva apparaît à trois reprises dans laGuerre des Gaules deJules César[2] et dans les lettres deCicéron à son protégéTrebatius Testa, en 54 av. J.-C.[3] Dans saGéographie (rédigée entre 120 et 160)Ptolémée mentionneSamarobrioua ouSamarobriga selon les manuscrits qui nous sont parvenus. Sur laTable de Peutinger et l'Itinéraire d'AntoninSamarobriva est aussi mentionnée. Sur laColonne milliaire de Tongres du début duIIIe siècle est gravéSamarabriva. Enfin, sur un petit autel découvert, rue des Jacobins à Amiens, à la fin duXIXe siècle, est gravé le nom deSamarobriva[4],[5].
Le toponymeSamarobriva signifierait, en gaulois, « Pont ou passage (gué) (briva) sur la Somme (Samara) » mais aucune trace épigraphique antique nommant le fleuve ne nous est parvenue. En outre, l'archéologie n'a pas révélé à ce jour de trace d'occupation gauloise du lieu[6].
Comme un peu partout enGaule, le nom du peuple, lesAmbiens, a fini par se substituer à celui de son chef-lieuSamarobriva (le-s final d'« Amiens » et de nombreuses autres villes s'explique par l'accusatif plurielAmbianos, ou bien par l'ablatif-locatif plurielAmbianis).
Le site d'Amiens fut occupé sur les terrasses fluviatiles dominant laSomme et l'Avre dès lePaléolithique inférieur (~500 000 ans).
Au moment de l'arrivée desRomains, la région était occupée de part et d'autre de laSomme par unetribu gauloise : lesAmbiens depuis au moins leIIIe siècle av. J.-C.
On a retrouvé un monnayage apparu au début duIIIe siècle av. J.-C., inspiré desstatères deTarente, qui montre que lesAmbiens étaient un peuple de commerçants.
Les fouilles archéologiques nombreuses, entreprises depuis leXIXe siècle et surtout depuis 1945, n'ont pas révélé jusqu'à présent l'existence d'un habitat gaulois sur le site d'Amiens[7].
Jules César fit entrerSamarobriva dans l'Histoire en citant ce lieu dans son ouvrageDe Bello Gallico (La guerre des Gaules).
Il y explique qu'après sa première tentative de conquête de laBretagne (l'actuelle Grande-Bretagne), il a pris ses quartiers d'hiver àSamarobriva de l'automne54 av. J.-C. au printemps53 av. J.-C.. Il y a convoqué deux fois unconcilium Galliae (un conseil de représentants de tribus gauloises)
« [...] Quand il eut fait mettre les navires à sec et tenu àSamarobriva l'assemblée de la Gaule, comme la récolte de cette année avait été peu abondante à cause de la sécheresse, il fut obligé d'établir les quartiers d'hiver de l'armée autrement que les années précédentes, et de distribuer les légions dans diverses contrées[8].
« [...] César renvoyaCaius Fabius dans ses quartiers avec sa légion, et résolut d'hiverner lui-même aux environs deSamarobriva avec trois légions dont il forma trois quartiers. Les grands mouvements qui avaient eu lieu dans la Gaule le déterminèrent à rester tout l'hiver près de l'armée[9]. »
Une seconde source écrite mentionneSamarobriva. Pendant l’hiver 54-53,Cicéron écrivit à son jeune ami,Trebatius Testa, admis sur sa recommandation dans l’état-major de Jules César :
« On m'a dit que tu étais devenu épicurien. Ô merveilleux cantonnements ! Qu'aurais-tu fait si je t'avais envoyé à Tarente et non àSamarobriva[10] ? »
César établit donc un camp militaire àSamarobriva qui perdura jusqu'aux premières années du règne d'Auguste. Selon toute vraisemblance, aux abords du ou des camps successifs, se développèrent des habitats civils gaulois, descanabae, ce qui incita sûrement les Romains à établir en ces lieux lechef-lieu de la cité des Ambiens[7]. Mais l'existence d'un camp de légionnaire romain en ce lieu n'étant pas prouvé, il serait possible sinon probable que le camp en question fut situé plus à l'ouest[11] sur unoppidum gaulois par exemple[n 1]. »
Cependant, l'existence hypothétique d'uncamp romain ne signifie pas fondation d'une ville. LaGaule belgique fut, selonTite-Live, secouée par plusieurs révoltes : en 46 av. J.-C., une révolte éclata que le légatDecimus Junius Brutus Albinus aurait réprimée[12]. SelonDion Cassius, en 38 av. J.-C. de nouvelles révoltes éclatèrent enGaule belgique.Octave, chargeaAgrippa de rétablir l'ordre ; en 30 av. J.-C. lesMorins et lesBellovaques voisins desAmbiens étaient encore soulevés.Auguste dut renoncer à son projet d'expédition enBretagne, en 19 av. J.-C., Agrippa fut à nouveau chargé de rétablir l'ordre.Auguste vint en personne enGaule en 16 av.. J.-C. Dans ces conditions, il n'était guère possible de construire une ville avant la fin du Ier siècle av. J.-C.. Les traces archéologiques sur l'existence d'un camp militaire sur le site deSamarobriva sont, de plus, lacunaires. Il semble plus probable que c'est la création du réseau routier en Gaule confiée en 19 av. J.-C. par Auguste à Agrippa qui fut déterminant dans la construction d'une ville romaine àSamarobriva[13]. La conquête de laBretagne à partir du milieu du Ier siècle permit l'essor de la ville.
Marcus Vipsanius Agrippa, gouverneur de laGaule en 19-20 av.-C., sur les instructions d'Auguste, décida la construction d'un réseau de villes et voies romaines à partir deLugdunum (Lyon), afin de contrôler et de romaniser des Gaulois.
Samarobriva fut construite sur le passage de laVia Agrippa de l'Océan qui reliaitLugdunum (Lyon) àGesoriacum (Boulogne-sur-Mer), à l'endroit où elle franchissait la Somme.Samarobriu (Samarobriva Ambianorum) figure sur laTabula Peutingeriana (table de Peutinger).
La ville primitive qui succéda au camp romain (dont on n'a pas retrouvé de vestiges à ce jour) fut construite selon un plan en damier caractéristique des villes antiques, les rues se coupant à angle droit pour former desinsulae (îlots d'habitations). Un premier quadrillage datant du tout début duIer siècle laisse apparaître le tracé de quatredecumani et de sixcardines sur une superficie de 20 ha.
La ville, chef-lieu d'unecivitas, se développa auIer siècle alors que l'empereurClaude décidait de conquérir laBretagne (Grande-Bretagne actuelle) jusqu'à atteindre une superficie de200 ha[14] et une population de 15 000 habitants environ.
La position de carrefour deSamarobriva fut renforcée par la construction de nouvelles routes enGaule belgique :
En plus de ces voies romaines, il convient de ne pas oublier le rôle important que joua laSomme, principal cours d'eau navigable au nord de laSeine drainant une partie du trafic avec laBretagne et l'intérieur de laGaule.Samarobriva, de plus se trouvait au centre d'un chevelu hydrographique qui permettait de faire converger des campagnes vers la ville par les affluents et sous-affluents du fleuve les marchandises sur une distance de 20 à 25 kilomètres.
Samarobriva était indubitablement un carrefour commercial, un centre de redistribution pour les campagnes alentour. Le long du Fossé des Tanneurs ont été mis au jour des vestiges de quais ou de simples appontements renforcés par une double rangée pieux[16]. Le trafic des pondéreux se faisait sur le fleuve, sur des barques à fond plat dont plusieurs exemplaires furent retrouvés dans les vallées de la Somme et de l'Ancre. Faute de document épigraphique ou iconographique (pas de trace de l'existence d'une corporation deNautes comme àLutèce par exemple), la perception de l'activité commerciale deSamarobriva reste lacunaire. Si l'essentiel du commerce se faisait à l'échelle de lacivitas, le grand commerce a laissé de nombreuses traces à Amiens comme en témoignent le nombre important d'amphores retrouvées en provenance de différentes parties de l'empire d'où étaient acheminés du vin, de l'huile, des condiments, des épices, du poisson, de la saumure etc.
Nous sommes peu renseignés sur l'organisation politique et sociale deSamarobriva sous leHaut-Empire romain. La ville était lechef-lieu de lacivitas desAmbiani, c'était une cité stipendiaire comme les cités voisines desBellovaques, desMorins, desAtrébates, desViromanduens. Elle était sous le contrôle dulégat de l'empereur qui siégeait àDurocortorum (Reims), mais possédait une administration autonome. Le pouvoir était exercé par une assemblée de notables qui formaient l'ordre desdécurions[n 2]. Une inscription retrouvée dans un sanctuaire rural deBois-l'Abbé dans laforêt d'Eu dépendant de lacivitas des Ambiens :
« LCERIALIVSRECTVS SACERDOSR [...] VIR Q PRA [...] CINIO [...] NVMINIBVS AVG PAGOCATVSLOV DEO [...] M CVM PROSCAENIO [...] DS [...] »
nous renseigne sur le cursus d'un notable amiénois duIIe siècle, Lucius Cerialus Rectus[n 3], il avait offert au sanctuaire un théâtre et il avait été successivement :
L'archéologie a révélé la présence àSamarobriva de cultes de diverses origines.
Lesdivinités pré-romaines :
Lesdivinités gréco-romaines :
Lescultes orientaux :
Les cultes orientaux se sont développés enGaule belgique par l'intermédiaire des légionnaires romains se rendant enBretagne.
À la charnière desIIIe et IVe siècles,Samarobriva prit le nom d'Ambianorum (Amiens)[7]. Comme la plupart des cités de laGaule romaine, elle prit le nom du peuple gaulois qui la peuplait. L'usage du nomSamarobriva perdura jusqu'au début duIVe siècle comme le montre la borne miliaire retrouvée àLongueau.
Les fouilles archéologiques ont permis de conclure que vers 260,Samarobriva avait perdu la moitié de sa population. La ville et les campagnes voisines subirent plusieurs raids de marins saxons et francs comme en témoignent les trésors monétaires mis au jour.
Samarobriva fut à nouveau détruite par les invasions de Francs et d'Alamans en 275-276. La superficie de la ville se réduisit à30 ha (puis à 20), sa population à 2 ou 3 000 habitants. À la fin duIIIe siècle, la cité se réorganisa et s'entoura d'un rempart qui la protégeait, reprenant le tracé du premier quadrillage, avec des murs de 10 m de haut et de 3,68 m d'épaisseur[19]. L'amphithéâtre fut transformé encastellum[n 7].
En 2006, lors de la construction d'immeubles dans lazone d'aménagement concerté (ZAC) Cathédrale, des fouilles ont permis d'étudier une portion du rempart dressé entre276 et le début duIVe siècle[25],[26] àSamarobriva[27].
Pendant le Haut-Empire,Samarobriva fut une ville étape pour les militaires ou les fonctionnaires se rendant ou venant deBretagne. À partir du milieu duIIIe siècle, les incursions franques et saxonnes par mer et sur terre obligèrent les empereurs à réorganiser la défense des frontières. La menace extérieure entraîna l'enfouissement de trésors monétaires que l'archéologie a mis au jour. Les campagnes et les villes de Gaule belgique furent pillées et parfois détruites.Ambianurum a-t-elle été détruite ? L'archéologie ne peut pas l'attester mais la superficie de la ville diminua.
AuIVe siècle, la ville renforça son rôle militaire,Ammien Marcellin la qualifia de « ville éminente entre toutes ».Ambianurum entra dans le système de défense en profondeur des frontières préconisé parConstantin et devint une ville de garnison.
LaNotitia dignitatum (Notice des dignités, sorte d'annuaire administratif de la fin duIVe siècle) nous indique qu'un corps decataphractaires (cavalerie cuirassée) fut formé à Amiens au début duIVe siècle puis envoyé en Thrace à la fin duIVe siècle. Un corps d'auxiliaires barbares, desSarmates, fut réparti entre lesRèmes et lesAmbiens, leur préfet siégeait à Amiens[28]. Les objets issus de fouilles archéologiques révèlent la présence deGermains à Amiens. AuIVe siècle, il existait àAmbianorum une fabrique impériale d'armesspatharia (épée de cavalerie) et de boucliers (scutaria)[29]. La présence d'une garnison, la fabrique d'armes et la fabrique de manteau redynamisèrent l'économie locale.
C'est dans ce cadre que lechristianisme fit son apparition finIIIe siècle / débutIVe siècle.
L'épisode le plus célèbre de l'histoire d'Amiens au Bas-Empire romain est sans nul doute celui de « La Charité de saint Martin » qui nous est connu par le récit d'un contemporain qui côtoya le saint personnage.
SelonSulpice-Sévère, son biographe,Martin de Tours, légionnaire romain en garnison à Amiens en 334 ou 354, rencontra, à une des portes de la ville, un pauvre dénudé, grelottant de froid, implorant en vain les passants. Martin ému, coupa sachlamyde en deux et en donna une moitié au mendiant[n 8] sous les quolibets des passants. La nuit suivante, le Christ apparut en songe à Martin qui se convertit peu après au christianisme[30]. Sa conversion se fit-elle à Amiens? C'est probable. Il aurait alors existé une communauté chrétienne dans la ville ce qui n'est pas impossible, le premier évêque d'Amiens, historiquement attesté, est un certainEuloge d'Amiens qui aurait participé au pseudo-concile de Cologne, en mai346.
La tradition catholique fait de Firmin le Martyr, le premier évêque d'Amiens. Il serait venu dePampelune en Espagne, en passant par Toulouse - oùHonorat de Toulouse, évêque de la ville, l'aurait ordonné prêtre puis sacré évêque -Angers puisBeauvais, à Amiens où il aurait reçu l'hospitalité du sénateur Faustinien. Le gouverneur romain,Sebastianus, l'aurait fait emprisonner puis décapiter, le, dans l'amphithéâtre transformé en forteresse. Faustinien aurait ensuite récupéré la dépouille de Firmin et l'aurait faite inhumer à Abladène (aujourd'hui quartier Saint-Acheul)[n 9]. Le fils de Faustinien prénommé, lui aussi, Firmin aurait continué l’œuvre du premier évêque d'Amiens. Cependant la seule source mentionnant cet épisode, laVita de Saint Firmin en trois partiesPassion, Invention et Actes, n'est qu'une compilation d'autres ouvrages sans grande originalité[19]. On ne sait donc rien de certain sur le personnage de Firmin[n 10].
En 350, un général romain d'origine barbare,Magnence, né à Amiens en 303, se souleva contre les trois fils deConstantinIer,Constantin II,ConstantIer etConstance II. Proclamé Auguste par la troupe, il fut reconnu empereur par la plupart des provinces occidentales de l'Empire. Il créa à Amiens un atelier monétaire en 350. Battu militairement, Magnence mourut à Lyon en 353. Sur les monnaies de Magnence, l'inscriptionAMBI (pourAmbianurum) est la première mention du changement de nom de la ville qui nous soit parvenue[31].
Au cours duIVe siècle, l'empereur romain aux prises avec les incursions barbares dut se déplacer, avec son administration, là où la situation militaire le demandait. En 367,ValentinienIer s'installa à Amiens et y fit acclamer Auguste, son filsGratien.
Progressivement, les élites municipales délaissèrent la ville et se réfugièrent dans leurvillae à la campagne. La ville cependant resta dépositaire de la culture classique que le christianisme reprit en héritage[19].
La situation aux frontières se dégrada dans tout l'empire, les empereurs furent contraints de rappeler des troupes de la Gaule pour protéger l'Italie et en 406, la poussée barbare sur le Rhin fit céder les défenses romaines. Néanmoins, le débarquement àBononia (Boulogne-sur-Mer) des légions deBretagne commandées parConstantin III permit de renforcer la défense de la Gaule du nord. Il est probable que c'est à ce moment que fut créée une fabrique d'armes àAmbianorum qui aurait perduré jusqu'au milieu duVe siècle. La défense de laBelgique seconde fut confié aux fédérés francs. Mais, selonGrégoire de Tours, le chef francClodion, s'empara deCamaracum et marcha jusqu'à laSomme[32].Ambianorum fut alors intégrée au royaume romain d'Aegidius et deSyagrius qui fut conquis parClovis après laBataille de Soissons en 486.
Samarobriva, en plus d'être un centre commercial important, était un centre de diffusion de laromanisation comme en témoigne son urbanisme et ses monuments. La ville subit deux grands incendies révélés par l'archéologie : le premier vers 80-95, le second vers 160-180 et fut à chaque fois reconstruite[19].
L'organisation urbanistique de la ville s'effectuait à partir d"un quadrillage de voies se croisant à angle droit. Les fouilles archéologiques ont permis de repérer deux quadrillages distincts. Un premier quadrillage primitif, élaboré vraisemblablement sous le règne d'Auguste, formé d'insulae rectangulaires et plus réduites que le second quadrillage, à sa périphérie formé d'insualae carrées et de taille plus grandes. On a repéré sur le plan initial quatre axes est-ouest (décumanus) à partir du cours de laSomme. Sept axes nord-sud (cardo) dont les traces repérées sont plus ténues coupaient lesdecumani à angle droit, lavia Agrippa venant traverser la ville en diagonale venant du sud-est et allant vers le nord-ouest. L'unité de mesure utilisé par les bâtisseurs de ce premier quadrillage était de le pied de Drusus (0,333 m).
Pour le second quadrillage, l'unité de mesure utilisée était le pied monetalis (0,296 m). Les traces de ce second quadrillage nous sont mieux connues, il venait prolonger le premier quadrillage et débordait, vers le sud et l'est, la ligne des actuels boulevards intérieurs et, vers le nord, le cours de la Somme[33].
Les voies urbaines avaient une chaussée composée de silex damé de sable et de craie, leur largeur variait de 4,50 à 6 m. On a constaté que le viaire avait connu plusieurs rehaussements allant parfois jusque 50 cm. Le sol urbain a été ainsi rehaussé, de 3 m en moyenne, à la suite de destructions liées à des incendies le plus souvent. La chaussée urbaine était bombée ce qui permettait l'écoulement des eaux de pluie sur les côtés où étaient aménagés des caniveaux, fossés de 43 cm de large sur 6 cm de profondeur, avec parement de bois au fond et sur les côtés ; il est probable que les caniveaux qui recevaient en outre les eaux usées, étaient recouverts de planches de bois. Aux carrefours, des conduits souterrains permettaient le passage des égouts sous les chaussées.
La largeur des rues du second quadrillage était de 14,70 m environ (de 7 à 9 m pour le premier quadrillage). La largeur étendue des rues isolant lesinsulae les unes des autres était le meilleur moyen, à l'époque, de lutte contre la propagation des incendies[1],[34].
Les travaux de construction de la faculté de droit en 1994 ont permis de mettre au jour de vestiges d'un pont permettant de franchir l'Avre.
Les fouilles archéologiques effectuées lors de travaux d'urbanisme ont mis au jour plusieurs monuments de la ville romaine parmi lesquels :
Leforum romain deSamarobriva était situé entre l'aile est de l'actuelHôtel de ville d'Amiens et leLogis du Roi. C'était le centre politique, économique et religieux de la cité. Il occupait un emplacement équivalent à deuxinsulae, long de 320 m et large de 125 m. Sa construction s'est effectuée en plusieurs étapes. Un premier forum fut construit au début du Ier siècle et qui fut détruit par un incendie au milieu du Ier siècle. Il était composé de bâtiments de bois et de torchis. Le forum fut reconstruit avec des bâtiments en pierre dans la seconde moitié du Ier siècle. Un nouvel incendie amena une restauration et une transformation du forum. Dans la seconde moitié il fut en partie arasé et reconstruit et connut une restauration dans la première moitié duIIIe siècle.
Il s'agissait d'un forum double (deuxinsulae) fermé par un portique intérieur et par un portique extérieur donnant accès à des boutiques. Le forum était divisé par un bâtiment central de grande dimension vraisemblablement unebasilique perpendiculaire à l'axe du forum dont les fondations ont été mises au jour sous l'actuelle place Gambetta. Les deux parties du forum étaient d'inégale dimension, la partie est plus vaste était percée de trois entrées : une entrée monumentale à l'est et une entrée au nord et au sud. Dans la partie ouest, ont été mises au jour les fondations d'un podium de temple situé près du mur fermant le forum à l'ouest. Cette partie communiquait par deux entrées l'une au nord, l'autre sud, avec le reste de la ville. Les fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour des vestiges d'escalier menant au premier étage.
Les seuls vestiges detemple romain mis au jour à Amiens sont ceux du temple du forum. Selon toute vraisemblance, ce temple était dédié auculte de Rome et d'Auguste mais aucune inscription ne permet de confirmer cette hypothèse. Un chapiteau d'ordre ionique duIIe siècle provenant ce temple a été retrouvé auXIXe siècle.
Les fouilles archéologiques ont permis de retrouver à Amiens des éléments de statuaire représentant des divinités :Vénus,déesse mère,Mercure,Bacchus,Jupiter,Mithra (fragments sculptés représentant la jambe d'unCronos mithriaque mis au jour),Sabazios...
Des vestiges de l'amphithéâtre de Samarobriva furent mis au jour en 1900, lors de l'agrandissement de l'hôtel de ville. Lacavea de forme ovale mesurait 113 x 95 m, sa superficie était de 7 700 m2. L'espace laissé aux gradins permet d'estimer sa capacité d'accueil entre 12 000 et 15 000 spectateurs (soit l'équivalent de la population de la ville). Construit au début duIer siècle. Sa localisation au centre de l'agglomération est tout à fait inhabituelle pour une ville romaine est à rechercher vraisemblablement dans la volonté des édiles deSamarobriva de doter leur ville d'un monument majestueux dont elle était jusque là dépourvue et assez rare dans la Gaule du nord. Les difficultés pour insérer le monument dans le tissu urbain obligèrent les constructeurs à opter pour un ovale très ramassé presque circulaire. Il pouvait accueillir entre 12 et 15 000 spectateurs. Il était sur sa façade orientale contigu au forum, les arcades sud de l'amphithéâtre prolongeaient la colonnade extérieure du forum long de 320 m renforçant l'aspect majestueux de l'ensemble. Cette disposition se retrouvait àAugusta Raurica (Augst). Le rez-de-chaussée s'élevait à 5 ou 6 m, il était surmonté d'un étage d'une hauteur identique surmonté d'un mur d'attique ou d'un portique. L'ensemble devait culminer à 20 m de haut environ. Le mur rectiligne de la façade orientale était inhabituel dans ce genre de construction. Peut-être abritait-il des escaliers desservant les étages supérieurs et une entrée d'honneur en communiquant avec le forum. On a daté sa construction entre la fin du Ier siècle date d'un incendie qui ravagea la ville et le milieu duIIe siècle. On sait qu'au Bas-Empire, l'amphithéâtre fut transformé en forteresse et ses ouvertures furent obturées par des maçonneries[35].
Lesthermes romains de la rue de Beauvais (les mieux connus), fouillés de 1949 à 1954 : les thermes primitifs datent du règne deDomitien (fin duIer siècle). Ces thermes furent reconstruits et agrandis jusqu'à atteindre une superficie d'un hectare, auIIe siècle avec : une entrée monumentale, une cour bordée de portiques (lapalestre) deux grandes salles avec piscines bordées de banquettes à l'ouest lefrigidarium puis letepidarium et lecaldarium. Des vestiges d’aqueduc et de deux fours. Les autres salles sont difficiles à identifier. Ces thermes sont parmi les plus vastes de la Gaule sous leHaut-Empire. Ils furent abandonnés au milieu duIIIe siècle à cause des raids barbares ;
Les vestiges de thermes publics furent mis au jour lors des travaux de reconstruction des années 1950, rue Saint-Germain et rue Jeanne Natière, près de l'actuel beffroi. Sur une longueur de 60 m au minimum, ils se composaient de salles à hypocauste, un égout évacuait les eaux vers l'Avre[36].
Les vestiges d'un grandthéâtre romain antique de 120 m de diamètre, datant de la fin duIer siècle ou du début duIIe siècle, ont été partiellement mis au jour en 2006[37] ont été en partie démontés lors des travaux de réaménagement du quartier de La Vallée (près de la Gare du Nord) en mars 2007[38]. Ce théâtre fut édifié sur l'emplacement d'entrepôts détruits vers 120. Ont été mis au jour une partie des gradins qui pouvaient accueillir environ 5 000 spectateurs[39] ;
Les vestiges de huit entrepôts ont été mis au jour dans le quartier de La Vallée en 2006. Ces entrepôts furent construits vers 70 mais détruits vers 120. Longs de 35 m et large de 10, divisés en 14 pièces, ils représentaient une surface de stockage de 3 000 m2. Ces entrepôts orientés nord/sud étaient desservis par des ruelles parallèles avec trottoirs couverts et portique[39].
Différents vestiges d'habitat gallo-romain ont également été mis au jour :
Desnécropoles, toujours situées à l’extérieur de l'agglomération chez les Romains ont été mis au jour. On les trouve àSamarobriva le long des voies romaines surtout à l'est et au sud de la ville. Quatre cents sépultures ont été découvertes[19].
La destruction systématique des vestiges deSamarobriva mis au jour auxXIXe et XXe siècles fait que peu de traces de la ville romaine sont visibles, dans le paysage urbain, aujourd'hui :
La statuette en bronze du dieuPriape duIer siècle, divinité domestique des jardins et des campagnes symbolisant la fertilité, fut découverte àRivery en 1771, dans une sépulture à incinération, dans un coffre cubique de 0,65 m de côté, formé de six pierres scellés par des agrafes en fer. Cette statuette se compose de deux parties : la partie supérieure, représentant le dieu la tête couverte d'uncucullus (manteau gaulois à capuchon), amovible permet de cacher un phallus[22].
La statuette était accompagnée d'une urne de verre (cinerarium ouossuarium) contenant des cendres et des os d'oiseau calcinés, une monnaie cuivre de l'empereurClaude, une sonnette de bronze etc.[46].
LaPatère d'Amiens (seconde moitié duIIe siècle), découverte en 1949, dans les vestiges d'une habitation gallo-romaine, rue des Trois Cailloux, est une coupe en bronze d'un diamètre de 10 cm avec manche, recouvert d'émaux enchamplevé. L'extérieur est ornée d'une inscription, énumération de six stations militaires de la via Militaris reliant les forts du secteur occidental dumur d'Hadrien protégeant laprovince de Bretagne contre les incursions desPictes peuplant laCalédonie (Écosse)[47]. Au-dessous de l’inscription, sur la panse, une ligne crénelée rouge figure schématiquement un mur et ses sept tours formées chacune de quatre rectangles juxtaposés alternativement bleus et verts représentant une assise de maçonnerie[48].
Lemusée de Picardie conserve plusieurs stèles funéraires des (IIe et IIIe siècles) :
La stèle aux trois personnages a été retrouvée en 1882 en réemploi près de la muraille duIVe siècle, place du marché au Feurre. C'est la plus belle de la collection de stèles du musée. Elle daterait du règne deTrajan. Elle représente, logés au creux d'une niche. Trois personnages, membres vraisemblablement d'une même famille sont représentés : à droite, le père barbu, vêtu d'un manteau à capuchon, tient dans les mains une corbeille de fruits ; à gauche, la mère, vêtue d'un manteau dont un pan lui recouvre la tête, enserre son fils, au centre, de son bras gauche ; le jeune homme, entre le père et la mère, tient dans la main gauche un gobelet et à sa ceinture pend une bourse. Dans l'angle supérieur gauche de la stèle figure uneascia, dans l'angle supérieur droit, on voit une sorte de ciseau. Cette scène nous montre la tendresse d'une mère et d'un père pour leur fils défunt, par leur attitude et par les objets qu'ils lui offrent[49].
Un certain nombre de stèles funéraires retrouvées sont celles de militaires duIIIe siècle :
Onze mosaïques ont été retrouvées à Amiens lors de fouilles archéologiques, elles datent pour la plupart de la fin du Ier siècle ou du début duIIe siècle s. Ce sont pour l'essentiel des œuvres d'ateliers de province :
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