Langues parlées Arabe,hébreu Langues liturgiques Hébreu samaritain etaraméen samaritain, toutes ces "langues" sont en fait liées à l'hébreu, sauf l'arabe qui a été appris pour communiquer avec les Arabes locaux.
LesSamaritains sont une communauté religieuse très ancienne vivant aujourd'hui encore enPalestine et enIsraël. Les Samaritains sont l'une des plus petites communautés religieuses du monde, puisqu'ils étaient 874 en2022[2], contre 712 en2007[3].
L'autoethnonyme des Samaritains estShamerim (שַמֶרִים, du verbe hébraïquelishmor, « garder » ou « ceux qui gardent »[4]), mot qui signifie « les observants ». Ils emploient parfois une formule récente « Israélites-Samaritains »[5].
Enhébreu moderne, ils sont appelésShomronim (שומרונים), c'est-à-dire « ceux de Shomron » (laSamarie).
Après la mort de Salomon, vers930 av. J.-C., les dix tribus du Nord auraient fait sécession et formé leroyaume d'Israël, ou « royaume de Samarie », du nom de la ville qui devient sa capitale auIXe siècle av. J.-C. Ce royaume est alors devenu le voisin et parfois l'adversaire duroyaume de Juda au Sud, autour deJérusalem.
Leroyaume de Samarie et le royaume de Juda se sont définis de façon ambiguë l'un par rapport à l'autre. Ils faisaient partie d'une même communauté religieuse israélite, mais ils étaient aussi en concurrence territoriale, politique et finalement religieuse.On peut lire dans cette concurrence l'origine des Samaritains.[réf. nécessaire] (La Bible 2 Rois chapitre 17 versets à 24)
Frontières estimées des États du Levant vers800 av. J.-C.
Dans un contexte où religion et politique ne sont pas séparées, le contrôle de la religion est un aspect important du contrôle du pouvoir ; aussi des lieux de culte respectifs ont été mis en place par les deux royaumes. Celui de Juda a été installé àJérusalem, tandis que le royaume de Samarie en installait plusieurs, les deux principaux étant situés« aux extrémités nord et sud du royaume, àBéthel et àDan »[7]. Dans les premiers siècles, cette diversité des temples n'a cependant pas semblé poser trop de problèmes, et n'a en tout cas pas entraîné deschisme officiel. Il faut rappeler que, jusqu'aux alentours de l'an mille avant Jésus-Christ, il n'y avait pas, d'après laBible, delieux de culte permanents et fixes. Le prophèteSamuel est ainsi un prêtre du sanctuaire deSilo. C'était la traduction d'une absence de centralisation historique remontant à l'existence de tribus séparées. Avec la structuration en royaumes, la concurrence a commencé à se faire sentir, et chaque lieu de culte a été progressivement mis en avant par le royaume qui le gérait.
La Bible« nous dépeint immanquablement les tribus du Nord […] désespérément enclines au péché »[8]. Les temples de Samarie sont accusés d'avoir été ouverts aux ritespaïens, et de n'être pas vraiment israélites :
« Les enfants d'Israël firent en secret, contre l'Éternel leur Dieu, des choses qui ne sont pas bien. Ils se bâtirent des hauts lieux[9] […]. Ils se dressèrent des statues et des idoles sur toute colline élevée […]. Ils fabriquèrent des idoles d'Astarté, ils se prosternèrent devant toute l'armée des cieux, et ils servirentBaal. Ils firent passer par le feu[10] leurs fils et leurs filles[11]. »
« L'historien deutéronomiste transmet à ses lecteurs un double message, plutôt contradictoire. D'un côté, il dépeint Juda et Israël [Samarie] comme deux États jumeaux. De l'autre, il les décrit comme férocement antagonistes.Josias ambitionne de s'étendre au Nord. […] La Bible, à l'appui de son ambition, répète donc à satiété […] que sa population est composée d'israélites qui auraient dû accomplir leurs dévotions à Jérusalem […]. La Bible se devait d'ôter toute légitimité aux cultes nordistes — principalement celui du sanctuaire de Béthel — et de montrer que les traditions religieuses du royaume du Nord étaient impies[12] ». « Violence, idolâtrie, cupidité caractérisent le portrait peu édifiant du royaume nordiste d'Israël que nous brossent les deuxLivres des Rois[13] »
Il est impossible de savoir si toutes ces accusations sont fondées, mais elles montrent une forte hostilité envers le royaume et les pratiques religieuses du nord, bien avant l'apparition « officielle » des Samaritains.
Carte de la région après l'expansionassyrienne. La Samarie et Juda font partie de l'empire, Juda avec un statut de vassal et non de simple province.
Le royaume de Samarie a été envahi et détruit par l'Assyrie en722 avant notre ère, qui en a fait une de ses provinces. Le royaume de Juda accepta par contre la suzeraineté assyrienne, et survécut donc. Juda ne reprit une pleine indépendance que sous le règne deJosias (de 639 à 609av. J.-C.)[14], jusqu'à sa destruction par lesBabyloniens et la déportation de sa population en 586-587 avant notre ère.
L'origine des Samaritains selon la tradition juive orthodoxe
LaBible affirme que des populations étrangères auraient été déplacées pour les remplacer sur leur territoire. Ces étrangers auraient créé une religion mélangeant influences israélite etpaïenne, donnant ainsi naissance aux Samaritains.
« Et Israël a été emmené captif loin de son pays en Assyrie, où il est resté jusqu'à ce jour. Le roi d'Assyrie fit venir des gens […] et les établit dans les villes de Samarie à la place des enfants d'Israël. […] Lorsqu'ils commencèrent à y habiter, ils ne craignaient pas l'Éternel, et l'Éternel envoya contre eux des lions qui les tuaient.
On dit au roi d'Assyrie : Les nations que tu as transportées et établies dans les villes de Samarie ne connaissent pas la manière de servir le dieu du pays, et il a envoyé contre elles des lions qui les font mourir […]. Le roi d'Assyrie donna cet ordre : Faites-y aller l'un des prêtres que vous avez emmenés de là en captivité […], et qu'il leur enseigne la manière de servir le dieu du pays. Un des prêtres qui avaient été emmenés captifs de Samarie vint s'établir à Béthel, et leur enseigna comment ils devaient craindre l'Éternel. Mais les nations firent chacune leurs dieux dans les villes qu'elles habitaient, et les placèrent dans les maisons des hauts lieux bâties par les Samaritains[16]. […] Ils craignaient aussi l'Éternel […] et ils servaient en même temps leurs dieux d'après la coutume des nations d'où on les avait transportés. […] Ils suivent encore aujourd'hui leurs premiers usages. […] L'Éternel avait fait alliance avec eux, et leur avait donné cet ordre : Vous ne craindrez point d'autres dieux.
[…] Et ils n'ont point obéi, et ils ont suivi leurs premiers usages. Ces nations craignaient l'Éternel et servaient leurs images ; et leurs enfants et les enfants de leurs enfants font jusqu'à ce jour ce que leurs pères ont fait[17]. »
On note une contradiction dans le second Livre des Rois : les nouveaux habitants de l’ancien royaume de Samarie (devenu province assyrienne) sont décrits comme des étrangers, mais il est aussi indiqué que« l'Éternel avait fait alliance avec eux », comme s'ils étaient les descendants des anciens Israélites. D'un côté ils« craignaient l'Éternel », de l'autre« ils servaient en même temps leurs dieux » (Pour plus d'information sur cette "ambiguïté" lire dans : La Bible le livre 2 Rois chapitre 17 versets 24 à 34). La population maintenant identifiée comme « samaritaine » devient ainsi une population ambiguë, mélange d'étrangers païens et d'influence israélite, globalement rejetée de la communauté.
Selon la bible Crampon, il est clair que l'alliance établie dans les versets 34-36 du2eLivre des rois a été établie avec les "enfants de Jacob" et donc les Israélites de souche[18].« Ils suivent encore aujourd'hui les premières coutumes ; ils ne craignent point Jéhovah, et ils ne se conforment ni à leurs lois et à leurs ordonnances, ni à la loi et aux commandements donnés par Jéhovahaux enfants de Jacob, qu'il appela du nom d'Israël. Jéhovah avait fait une alliance avec eux et leur avait donné cet ordre : " Vous ne craindrez point d'autres dieux, vous ne vous prosternerez point devant eux, vous ne leur offrirez point de sacrifice. Mais vous craindrez Jéhovah, votre Dieu,qui vous a fait monter du pays d'Égypte, par une grande puissance et par son bras étendu ; c'est lui que vous craindrez, devant lui que vous vous prosternerez, à lui que vous offrirez des sacrifices. » " (Bible Crampon[19]2e tome, 1898)
La littérature rabbinique postérieure est également partagée. LeTalmud parle ponctuellement des Samaritains, en des termes divergents, mais qui tranchent parfois avec le rejet total. Le traitéHoulin accepte la viande des animaux qu'ils ont tués commecasher, si un juif a été témoin de l'abattage[20], et le traitéOrlah duTalmud de Jérusalem admet leur pain[21] sous certaines réserves. Dans un autre traité de ce Talmud qui daterait duIer siècle, leur nourriture est considérée comme légale[22]. Un traité mineur (Massekhet Kouthim) confirme leur acceptation partielle :« quand pourront-ils être reçus dans la communauté juive ? Quand ils auront renoncé àHar Garizim (lemont Garizim) et reconnuJérusalem et la résurrection des morts »[23]. Le même traité reconnaît que, dans la plupart de leurs usages, ils ressemblent à desIsraélites.
Ainsi, dès le début de l'ère chrétienne, l'accusation depaganisme est-elle abandonnée par certains religieux juifs. Mais l'accusation de ne pas être d'ascendance israélite subsiste, même si l'approche dutraitéKouttim montre quelques évolutions : les Samaritains pourraient être acceptés « dans la communauté juive » (malgré leurs origines) s’ils réformaient leurs pratiques. Une telle approche « ouverte » de la seconde grande accusation historique juive (ne pas être d'origine israélite) est cependant tout à fait marginale dans leTalmud.
L'origine des Samaritains selon la tradition samaritaine
D'après leur livre des Chroniques (Sefer ha-Yamim), les Samaritains se considèrent comme les descendants destribus d'Ephraïm et deManassé (deux tribus issues de laTribu de Joseph) vivant dans le royaume de Samarie avant sa destruction en 722av. J.-C. La famillesacerdotale affirme descendre de latribu de Lévi. La vision les faisant descendre desanciens Israélites du Nord est assez proche de celle de la majorité des historiens.
Ils ajoutent que « ce sont les Juifs qui se sont séparés d'eux au moment du transfert de l'Arche auXIe siècle » avant notre ère[24]. Selon la deuxième de leurs sept chroniques,« c'estÉli qui causa le schisme en établissant àSilo un sanctuaire dans le but de remplacer le sanctuaire dumont Garizim »[25].
La centralité duMont Garizim n'est pas la seule spécificité des Samaritains. Outre la question de leur origine supposée non israélite par les Juifs, il existe également des différences importantes en matière de textes sacrés, les Samaritains n'acceptant que lePentateuque. Mais le Mont Garizim comme principallieu saint, en lieu et place de Jérusalem, est un marqueur fondamental de la différence avec les Juifs.
Les Samaritains considèrent que, de tout temps, c'est lemont Garizim qui fut désigné par Dieu pour être le centre du culte. Ils citent pour cela les passages duDeutéronome :« Lorsque vous aurez passé le Jourdain, Siméon, Lévi, Juda, Issacar, Joseph et Benjamin, se tiendront sur le mont Garizim, pour bénir le peuple »[26] et plus encore« Et lorsque l’Éternel, ton Dieu, t’aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, tu prononceras la bénédiction sur la montagne de Garizim, et la malédiction sur la montagne d’Ebal »[27]. On trouve d'autres citations, comme dans lelivre des Juges[28] ou dans celui deJosué[29].
Pour les Samaritains,Jérusalem aurait donc été imposée par les Israélites du sud, ceux duroyaume de Juda, les Judéens (les Juifs à partir de l'époque perse), à l'encontre de cette ancienne sanctification.
Certains éléments factuels semblent s'écarter de la vision samaritaine sur la place prééminente duMont Garizim dans le culte desanciens Israélites. La construction du temple sur le mont Garizim est en effet en rupture avec la diversité cultuelle ancienne de la Samarie : les lieux de culte deBéthel et deDan qui dominaient leroyaume de Samarie disparaissent. Il est possible qu’il s'agisse d'une influence judéenne, une volonté de répondre à l'exclusion par une autre légitimité.
À l'inverse, il est notable que le Mont Garizim soit connu duPentateuque (les cinq premiers livres de la Bible), tandis que la centralité de Jérusalem n'apparaît que dans lesLivres de Samuel etdes Rois, décrivant les règnes deDavid etSalomon (mais rédigés plusieurs siècles après).
Ainsi, si le Mont Garizim apparaît bien comme un ancien lieu sacré israélite, il n'était en tout cas pas, à l'époque de l'ancienroyaume de Samarie, le centre du culte, ni même le lieu de culte le plus important.
Historiens et archéologues ont essayé de mettre les thèses religieuses à l'épreuve de l'analyse critique, en particulier en s'appuyant sur des sources textuelles ou archéologiques extérieures à la Bible. Ces sources étant parcellaires, il subsiste cependant toujours des différences d'interprétation entre historiens.
Sargon II et un haut dignitaire. Bas-relief du palais deDur-Sharrukin.
Les archéologues ont exhumé une bonne partie des archives de l'Empire assyrien. Les chroniques assyriennes deSargon II, le roi qui a vaincu le royaume de Samarie, indiquent :
« J'ai assiégé et occupé la ville de Samarie, et ai emmené 27 280 de ses habitants captifs. Je leur ai pris 50 chars, mais leur ai laissé le reste de leurs affaires[30]. »
Certains traducteurs ne sont pas d'accord avec la précision apportée (« ville de Samarie »), considérant que le texte original laisse planer le doute entre la ville et l'État de Samarie.
Il y a un point commun avec lesLivres des Rois : la déportation desIsraélites a bien eu lieu. Mais il y a aussi une différence importante : le nombre des déportés. Pour leSecond livre des Rois, c'est toute la population ou presque qui a été déportée. Pour Sargon II, c'est une minorité. Les archéologues estiment en effet la population du royaume de Samarie à 200 000 personnes, d'après les villes et villages retrouvés. Il y avait bien eu une première déportation dix ans plus tôt, quand le roi assyrienTeglath-Phalasar III avait conquis laGalilée. Mais elle aussi a été chiffrée par les textes assyriens. Le total des deux déportations atteint environ 40 000 personnes, soit 20 % seulement du total des habitants. Sans doute essentiellement l'élite. Les historiens pensent que certains Israélites du Nord seraient également partis en tant que réfugiés vers le royaume de Juda[31].
L'implantation de colons étrangers est indiquée plusieurs fois dans le reste du texte[32], mais à propos d'autres conquêtes. Cette politique d'implantation était manifestement courante, et a donc peut-être été faite en Samarie, comme l'indique leLivre des Rois. On a retrouvé, àGezer et dans les environs, des textescunéiformes duVIIe siècle av. J.-C. contenant des noms babyloniens. La déportation de populationsallogènes en Samarie (au moins dans certaines zones), affirmée par les Livres des Rois, est donc bien confirmée. L'archéologie indique par contre que ce repeuplement est loin d'être massif. Les poteries, inscriptions, villages, etc. montrent une grande continuité avec la période antérieure[33]. LeLivre de Jérémie rapporte que 150 ans après la chute du royaume du Nord, juste après la chute deJérusalem en586 av. J.-C., des Israélites du Nord se sont présentés avec des offrandes pour letemple de Jérusalem :« quatre-vingts hommes vinrent deSichem, deSilo et deSamarie, la barbe rasée, les vêtements déchirés, la peau tailladée d'incisions[34]. Ils apportaient des offrandes de céréales et de l'encens pour les offrir dans le Temple de l'Éternel »[35].
Lagénétique a été sollicitée pour apporter certaines réponses quant à l'origine des Samaritains. L'étude deShenet al., en 2004[PDF] a ainsi porté sur la comparaison entre leschromosome Y de douze hommes samaritains et ceux de 18-20 hommes non samaritains, répartis entre six populations juives (d'originesashkénaze,marocaine,libyenne,éthiopienne,irakienne etyéménite) et deux populations israéliennes non-juives (Druzes etArabes). Les résultats d'analyses précédentes sur des groupes d'Africains et d'Européens ont été intégrés dans l'analyse statistique. L'ADN mitochondrial (hérité des femmes) a également été comparé. L'étude conclut que des ressemblances significatives existent entre les chromosomes Y (masculin) juifs et samaritains, mais que l'ADN mitochondrial (hérité des femmes) diffère entre les populations juives et samaritaines.« À notre surprise, tous les chromosomes Y [donc hérités des hommes] des Samaritains non-Cohen [n'appartenant pas à la famille sacerdotale] appartiennent au groupe Cohen » (unecaractéristique génétique qu'on rencontre majoritairement chez lesjuifs cohanim, c'est-à-dire supposés descendre d'Aaron).« Les données […] indiquent que leschromosome Y [masculin] samaritains et juifs ont une affinité beaucoup plus grande que ceux des Samaritains et de leurs voisins géographiques de longue date, les Palestiniens ».« Cependant, ce n'est pas le cas pour les haplotypes d'ADN mitochondrial [hérités des femmes]. […] Les distances entre Samaritains, Juifs et Palestiniens pour l'ADN mitochondrial [féminin] sont à peu près identiques. De plus, la basse diversité […] suggère que le flux de gènes maternels dans la communauté samaritaine n'a pas été très élevé » (peu d'entrées de femmes dans la communauté).
La thèse dominante chez les historiens est plutôt que 80 % des habitants de l'ancien royaume de Samarie sont restés sur place, et sont devenus les Samaritains (au sens religieux du terme) cités par le Livre des rois[36].
Dans cette optique, les dixtribus d'Israël mystérieusement disparues ne seraient qu'un mythe inventé pour justifier l'exclusion des Samaritains de la communauté israélite : on ne rompait pas avec d'autres Israélites, on constatait leur disparition mystérieuse et leur remplacement par des étrangers.
Les raisons de cette rupture définitive seraient surtout :
En586 avant notre ère, le royaume de Juda tombe à son tour, et une partie de sa population est déportée àBabylone. Après lalibération des exilés parCyrus II en-537, ceux-ci décident de rebâtir letemple de Jérusalem détruit en -586. Les Samaritains proposent alors leur aide :
« Les ennemis deJuda et deBenjamin[37] apprirent que les fils de la captivité bâtissaient un temple à l'Éternel, le Dieu d'Israël. Ils vinrent auprès deZorobabel et des chefs de familles, et leur dirent : nous bâtirons avec vous ; car, comme vous, nous invoquons votre Dieu, et nous lui offrons des sacrifices depuis le temps d'Ésar Haddon, roi d'Assyrie, qui nous a fait monter ici. MaisZorobabel,Josué, et les autres chefs des familles d'Israël, leur répondirent : ce n'est pas à vous et à nous de bâtir la maison de notre Dieu ; nous la bâtirons nous seuls à l'Éternel, le Dieu d'Israël, comme nous l'a ordonné le roi Cyrus, roi de Perse. Alors les gens du pays découragèrent le peuple de Juda ; ils l'intimidèrent pour l'empêcher de bâtir[38]. »
L'exil a en effet modifié les identités ethno-religieuses. Comme l'écrit lerabbinJosy Eisenberg,« LeVIe siècle av. J.-C. a été décisif dans l'histoire des Juifs. En fait, on peut dire qu'il en constitue le véritable commencement, car il voit s'opérer une mutation fondamentale : la fin du temps desHébreux et de l'hébraïsme, la naissance du temps des Juifs et du judaïsme »[39]. Pour les anciens exilés deBabylone, laterre sainte est mal connue. Les anciennes définitions sont réinterprétées. L'exil à Babylone a créé lesJuifs au sens actuel du terme[40]. Elle crée donc, par opposition, les Samaritains « modernes », rejetés du corps israélite.
La question du Temple semble effectivement importante dans la rupture. Tant le royaume de Juda que celui du Nord avaient maintenu des lieux de culte diversifiés. LaBible s'en offusque d'ailleurs, et certains rois du Sud, commeJosias, avaient lutté contre. Après le retour des exilés vers-537, le débat est définitivement réglé : seul letemple de Jérusalem est légitime. Le refus de« Zorobabel, Josué, et les autres chefs des familles d'Israël » de laisser les habitants du Nord se lier au Temple les amène inévitablement à créer leur propre centre religieux, et à parachever la rupture. Ce Temple sera construit un peu avant[24] la conquête d'Alexandre le Grand, ou juste après[42].
Cette rupture n'empêche pas la reprise duPentateuque, issu de sources diverses, mais compilé dans sa forme définitive dans le Sud, enJudée, vers leVIe siècle av. J.-C. On peut donc la supposer postérieure à cette étape, malheureusement mal datée.
Des divergences religieuses et politiques croissantes ont d'abord éloigné Israélites du Nord et du Sud, comme les accusations bibliques contre les pratiques religieuses du Nord en témoignent. On ne sait pas exactement de quand date la rupture définitive entre Juifs et Samaritains. Au plus tôt, elle se produit vers520 av. J.-C., lors de la construction dusecond temple de Jérusalem par certains des anciens exilés juifs àBabylone. Au plus tard, elle est attestée vers330 av. J.-C.
Quelles que soient les raisons de la rupture entre les communautés, et sa date exacte, les Samaritains et les Judéens (qui donnèrent lesJuifs) ne se considèrent plus comme un seul peuple, alors même qu'ils se réclament tous deux de la descendance desHébreux et qu'ils suivent lePentateuque.
Les Samaritains semblent être restés une population assez nombreuse dans le nord de l'actuelterritoire israélo-palestinien : au moins quelques centaines de milliers de personnes jusqu'auVIe siècle, certains auteurs[43] allant jusqu'à 1,2 million auxIVe etVe siècles. Mais ils n'ont jamais plus été un peuple indépendant.
Le royaumeséleucide est un royaume deculture hellénistique, dirigé par une dynastie d'origine macédonienne succédant àAlexandre le Grand et régnant sur une partie duMoyen-Orient, plus particulièrement sur la zone Syrie-Palestine. Le royaume a affirmé très fortement sa culturegrecque, ce qui n'a longtemps pas posé de problèmes particuliers aux Samaritains et auxJuifs vivant enPalestine. La situation change avecAntiochos IV (roi de175 av. J.-C. à163 av. J.-C.). Celui-ci lance en effet, d'après leslivres des Macchabées, une campagne d'hellénisation forcée des populations de son royaume. Cette campagne implique en particulier le culte obligatoire deZeus, représenté sur terre parAntiochos IV. On ne connaît pas les effets de cette politique dans les autres régions du royaume, mais la volonté de transformer leSecond Temple de Jérusalem en temple de Zeus Olympien en -168 aurait obtenu le soutien de certains juifs :« Beaucoup d'Israélites acquiescèrent volontiers à son culte, sacrifiant aux idoles et profanant le sabbat » (1M1.43), tout en en poussant d'autres, lesMacchabées et leurs partisans, à la révolte : « ils rassemblèrent une armée, frappèrent les pécheurs dans leur colère et les impies dans leur fureur » (1M2.44).
D'un point de vue religieux, les Samaritains auraient également accepté de transformer le temple du mont Garizim en temple hellénistique :« Peu de temps après, le roi envoya Géronte l'Athénien pour forcer les Juifs à s'éloigner des lois de leurs pères et à cesser de régler leur vie sur les lois de Dieu pour profaner le Temple de Jérusalem et le dédier à Zeus Olympien, et pour dédier à Zeus Hospitalier celui dumont Garizim, comme le demandaient les habitants du lieu » (2M6.1-2). D'après leslivres des Maccabées, l'acceptation du paganisme grec par les Juifs est partielle et « forcée », quand celle des Samaritains est demandée par« les habitants du lieu ».
En toute hypothèse, ce ralliement religieux éventuel ne semble pas avoir laissé de trace chez les Samaritains après la fin de la dominationséleucide sur la région. Il est donc plausible qu'il ne se soit agi que d'un ralliement politique sans véritable contenu religieux. Mais cette acceptation, qu'elle ait ou non été de pure forme, partielle ou complète, volontaire ou forcée, renforça l'accusation de paganisme déjà portée par le Livre des Rois.
Ainsi, deux siècles et demi après les évènements,Flavius Josèphe rapporte« Les Samaritains, voyant le traitement infligé aux Juifs, cessèrent de se donner pour leurs parents et de prétendre que le temple du Garizim était celui du Dieu tout-puissant, en quoi ils suivaient leur naturel, que j'ai décrit déjà ; mais ils se dirent descendants des Mèdes et des Perses, ce qu'ils sont en effet »[45]. Flavius Josèphe indique même que les Samaritains auraient écrit àAntiochos IV :« Nous te supplions donc, toi le bienfaiteur et le sauveur, d'ordonner à Apollonios, sous-préfet, et à Nicanor, agent royal, de ne pas nous faire de tort en nous accusant des mêmes crimes que les Juifs, qui nous sont étrangers par la race comme par les coutumes, et de consacrer notre temple anonyme au culte de Zeus Hellénios : ainsi nous ne serons plus molestés, et, pouvant désormais vaquer en toute sécurité à nos travaux, nous te paierons des tributs plus considérables »[45].
La réalité des relations entre les Samaritains et lesSéleucides reste difficile à déterminer, puisque les seules sources datant de l'époque sont leslivres des Maccabées (Flavius Josèphe écrivant bien plus tard). Mais la période reste importante dans l'histoire des relations entre Juifs et Samaritains, en ce qu'elle a réaffirmé dans la littérature juive le fait que les Samaritains n'étaient pas d'ascendance israélite, qu'ils pratiquaient volontiers lepaganisme, et qu'ils étaient prêts à s'allier aux ennemis des Juifs.
Les relations avec les Juifs sont globalement restées mauvaises pendant toute l'Antiquité.
Après le succès de la révolte juive contre lesSéleucides, le nouveau royaume juif desHasmonéens, alors dirigé parJean HyrcanIer conquiertSichem et détruit, vers108 av. J.-C., le temple samaritain sur lemont Garizim, puis la ville de Samarie.
Les Samaritains deviennent des sujets d'un État qui ne les considère pas commejuifs.Flavius Josèphe indique cependant que jusqu'auprocurat romain deCoponius (6-8 ap. J.-C.), les Samaritains pouvaient accéder autemple de Jérusalem.
Les provinces du royaume d'HérodeIer le Grand, sous protectorat romain, vers -25.
Après la conquête par lesRomains (protectorat dès63 avant notre ère), la Samarie eut plusieurs rattachements, fluctuants selon les époques. L'empereurAuguste la rattache au royaume client d'HérodeIer le Grand en-30. Par la suite, la province deSamarie et les villes de la côte sont rattachées à la province romaine deSyrie (ou dePhénicie, selon les périodes), et donc échappent à un pouvoir juif. L'Empire romain est tolérant avec les religions des peuples conquis, et la situation des Samaritains s'en est donc sans doute trouvée améliorée.
Les relations avec les Juifs restent difficiles. Une crise éclate ainsi sous le procurat de Coponius (6-8 ap. J.-C.), lorsque« des Samaritains, entrés en secret à Jérusalem, jetèrent des ossements humains sous les portiques[46]. Dès lors on interdit à tous les Samaritains l'accès du Temple, ce dont on n'avait pas l'habitude auparavant »[47].
Parlant de l'époque deJésus (dans lesannées 30 du premier siècle), l'Évangile selon Jean témoigne encore des mauvaises relations entre Samaritains etJuifs : le dialogue entreJésus et la Samaritaine auPuits de Jacob rappelle que « les Juifs, en effet, n’ont pas de relations avec les Samaritains »[48]. Des Juifs utilisent aussi l'accusation de « samaritain » contre Jésus :« N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain et que tu as un démon ? »[49].
Jésus est ainsi provocateur lorsqu'il développe, devant des docteurs de laLoi, laparabole duBon Samaritain, mettant en scène un Samaritain agissant plus moralement qu'un prêtre et qu'unlévite.
La Judée romaine sousTrajan (117 ap. J.-C.) et le rattachement de la Samarie au sud de la province de Syrie.
Peu après la mort duChrist, Josèphe rapporte des affrontements armés directs enGalilée, sous l'empereur Claude :« Entre les Samaritains et lesJuifs s'élevèrent aussi des haines pour la raison suivante. Les Galiléens avaient coutume, pour se rendre aux fêtes dans la ville sainte, de traverser le pays de Samarie. Alors, pendant qu'ils étaient en route, des habitants d'un bourg appelé Ginae, situé aux confins du pays de Samarie et de la grande plaine, engagèrent un combat avec eux et en tuèrent beaucoup […]. Les Galiléens décidèrent la masse des Juifs à courir aux armes […]. Ils pillèrent et incendièrent certains bourgs samaritains. Lorsque Cumanus eut connaissance de cet acte, il prit avec lui l'escadron de Sébaste et quatre cohortes de fantassins, fit armer les Samaritains et marcha contre les Juifs ; il les attaqua, en tua un grand nombre […]. Cumanus et les premiers des Samaritains, envoyés à Rome, obtinrent, de l'empereur un jour d'audience pour parler des litiges qui les divisaient […].Claude […] après avoir ouï les débats, reconnaissant que les Samaritains avaient été les premiers auteurs de ces maux, ordonna d'exécuter ceux d'entre eux qui s'étaient présentés à lui »[50].
L'arrivée de l'empire dans la région en-63 avait permis aux Samaritains de se libérer progressivement des Juifs. Mais les relations avec l'empire furent cependant parfois conflictuelles.
Pendant lesoulèvement juif de 67-73, l'empereurVespasien craint de voir les Samaritains rallier lesJuifs, car« ils semblaient à deux doigts de se révolter […]. Il envoya contre eux Cérialis, légat de la cinquième légion, avec six cents chevaux et trois mille hommes de pied. Le légat […] se borna […] à cerner avec sa troupe toute la base dumont Garizim […]. Or il arriva que les Samaritains manquaient d'eau […]. Cérialis […] gravit alors la montagne et, ayant disposé sa troupe en cercle autour des ennemis, les invita tout d'abord à traiter et à songer à leur salut : il leur promettait la vie sauve s'ils rendaient leurs armes. Comme il ne put les convaincre, il les chargea et les passa tous au fil de l'épée, au nombre de 11 600 »[51].
Sous le règne d'Hadrien (de 117 à 138), « Juifs et Samaritains auraient été frappés d'interdiction desshabbats, desfêtes, de la circoncision (brit milah) ainsi que des bains rituels (mikvé). Les chroniques samaritaines attribuent àHadrien la destruction de tous leurs livres sacrés, à l'exception du Pentateuque et de la généalogie des prêtres »[24].
Si les Samaritains ont gardé un mauvais souvenir d'Hadrien, les Juifs ont eu le sentiment qu'il favorisait ces derniers, au moins en comparaison de son attitude vis-à-vis des Juifs. UnMidrash raconte ainsi : « Imiqentron écrivit à l'EmpereurHadrien :« Si ta haine va aux circoncis, il y a aussi les Ismaélites ; si elle va à ceux qui observent leShabbat, il y a aussi les Samaritains. Mais il se trouve que ta haine ne va qu'à ce peuple, Israël »[52].
Malgré ces affrontements sporadiques, qui se produisent d'ailleurs régulièrement dans beaucoup de provinces romaines, les Samaritains semblent d'abord avoir bénéficié d'une situation satisfaisante. Ainsi, le temple du mont Garizim détruit par lesHasmonéens vers -108 est reconstruit peu après la révolte avortée juive deBar-Kokheba (132-135)[42]. Mais l'empire devientchrétien auIVe siècle, et la traditionnelle tolérance romaine prend fin.
Ainsi, l'empereurZénon (né en427 - règne de474 à sa mort en491) s'en prend aux Juifs et aux Samaritains. Sous son règne, le temple samaritain est une seconde fois détruit[53] (en484, semble-t-il)[42], de façon définitive, sans jamais être reconstruit :révoltes samaritaines (184-572).
À son arrivée au pouvoir,Justinien Ier les prive de certains droits comme celui d'hériter, et fait détruire leurs synagogues[53].Sous la conduite d'un leader charismatique et messianique, nomméJulianus ben Sabar(en) (ou ben Sahir), les Samaritains se soulèvent en529[53]. Avec l'aide desArabesghassanides (deschrétiens), l'empereur Justinien écrase la révolte. Des dizaines de milliers de Samaritains sont tués ou vendus commeesclaves. D'autresse convertissent, sans doute pour échapper à la répression.
La population d'au moins quelques centaines de milliers de personnes, se réduit rapidement à une petite population résiduelle. L'Empire byzantin est le principal responsable du passage des Samaritains du statut de population occupant un territoire qui lui est propre au statut de petite minorité sur sa propre terre d'origine.Procope de Césarée rapporte :
« Une loi […] fut alors passée contre les Samaritains, qui a jeté la Palestine dans un trouble indescriptible. […].Les campagnards, cependant, se réunirent ensemble et décidèrent de prendre les armes contre l'Empereur, en choisissant comme leur candidat au trône un bandit nommé Julian, fils de Sabarus. Et pendant un temps ils s'opposèrent en propre contre les troupes impériales ; mais finalement, défaits dans la bataille, ont été diminués, ensemble avec leur leader. Dix myriades d'hommes[54] sont dites avoir péri dans cet engagement et le pays le plus fertile sur la terre est ainsi devenu privé de fermiers[55]. »
Une autre révolte a lieu en554, durant laquelle les Juifs s'allient aux Samaritains[53], puis un ultime soulèvement a lieu en594, sans succès, et a sans doute contribué à achever l'effondrement démographique de la population samaritaine. L'intolérance byzantine, lachristianisation puis l'islamisation des populations vivant enPalestine les ont touchés comme elles ont touché lesJuifs. Mais, alors que les Juifs ont pu survivre en tant que communauté endiaspora, les Samaritains, restés essentiellement sur le territoire de la Palestine historique, n'ont pu trouver de solutions alternatives.
Des fouilles archéologiques de l’Autorité israélienne des Antiquités (IAA) montrent des inscriptions de bénédiction associée aux Samaritains trouvées àApollonia près deHerzliya et en grec àTzur Natan, datant duVe siècle[56].
L'arrivée desmusulmans auVIIe siècle, après les massacres byzantins duVIe siècle, a sans doute été vécue comme une libération. Les communautés chrétiennes « hérétiques » (du point de vue byzantin) l'ont en tout cas souvent vécu ainsi : les conquérants étaient sensiblement plus tolérants pour ces groupes religieux, auxquels le statut dedhimmi donnait enfin un statut officiel, ce dont ils ne bénéficiaient pas sous l'Empire byzantin.
AuIXe siècle, la ville deYibna sur la côte palestinienne était habitée par des Samaritains[57].
Bonnes au départ, les relations entre les Samaritains et les pouvoirs en place n'ont cependant pas toujours été parfaites. Des sources parlent de destructions de lieux de culte juifs et samaritains auIXe siècle. LesMamelouks auraient détruit des lieux de culte samaritains également auXIVe siècle. Les relations avec lesOttomans auraient été assez mauvaises, sauf vers la fin : « Les Samaritains ont décrit la période ottomane comme la plus mauvaise période de leur histoire moderne. Au cours de cette période, beaucoup de familles samaritaines ont changé leur religion ; plusieurs des familles célèbres deNaplouse, comme les familles Shakhsheer, Yaish et Maslamany étaient samaritaines et sont devenues musulmanes pendant cette période »[58]. En1596, le grand prêtre Pinhas VII fut obligé de s'exiler àDamas, qui ne comptait plus que cent trente-deux Samaritains[24].
En 1867, Naplouse est composée de 4 000 personnes, « la plupart d'entre euxmahométans », certainsjuifs etchrétiens, et environ 150 Samaritains[60]. Déjà très affaiblies par les Byzantins, les communautés samaritaines ont donc continué à décroître lentement, du fait d'un certain nombre deconversions souventforcées au cours des siècles à lareligion musulmane ; certains des noms de familles musulmanes d'aujourd'hui, àNaplouse mais aussi dans le reste de laCisjordanie, sont liés aux Samaritains car leurs ancêtres étaient adeptes de cette religion - comme Al-Muslimani, Al-Yaish et d'autres[61]. Ce phénomène de conversion a touché l'ensemble des populations duMoyen-Orient, et n'est donc pas spécifique aux Samaritains.
À la fin duXIXe siècle, les Samaritains obtiennent une reconnaissance juridique des autorités ottomanes, et leur communauté est officiellement reconnue commemillet[59].
AuXIXe siècle, les voyageurs dépeignent la petite population samaritaine comme particulièrement misérable, formée de boutiquiers, de commis et de tailleurs[59]. LaJewish Encyclopedia de 1905 parle de « lutte pour l'existence, qui peut à peine être continuée »[42].
Les Samaritains ont créé, avant ou après la conquête arabe, des communautés hors de l'actuel territoire israélo-palestinien, comme les Juifs, mais beaucoup moins importantes et aujourd'hui disparues, par dissolution dans l'environnement arabo-musulman.
Communautés samaritaines attestées à différentes époques :
Dans la seconde moitié duXIXe siècle, les Samaritains ne sont plus qu'environ 120, puis 146 en1917[1]. Leur avenir semble menacé par laconsanguinité (il y a un nombre anormalement élevé de handicaps héréditaires au sein de la communauté), la pauvreté et les conversions. Les observateurs de l'époque prédisent souvent leur disparition rapprochée.
Grand prêtre samaritain de Naplouse devant unSefer Torah samaritain, vers 1920.
Sous l'influence d'Yitzhak Ben-Zvi (1884-1963), futurprésident d'Israël (de 1952 à 1963) et grand ami des Samaritains, une école moderne financée par la communauté juive est établie pour les Samaritains sous le mandat britannique, permettant le début d'une « modernisation » culturelle de la communauté, et favorisant son rétablissement économique. Ben-Zvi convainc aussi les Samaritains d'accepter de conclure certains mariages avec des juives (sous réserve que celles-ci deviennent samaritaines). Cesmariages mixtes restent très peu nombreux. Malgré ces bonnes relations, les Samaritains restent réservés face au projet sioniste tout au long du mandat britannique sur la Palestine (1922-1948). Selon les mots d'un grand-prêtre de la fin desannées 1930,« Je ne suis pas l'ennemi de ce que les Juifs aient de nouveau leur propre royaume. Je suis fâché qu'ils doivent s'installer sur la terre qui est Israël, qui n'a jamais été à eux ». L’Israël ici cité est l'ancienroyaume d'Israël, ou de Samarie, qui couvrait le nord de laPalestine mandataire d'alors, et dont les Samaritains se considèrent comme les descendants. L'attitude officielle fut cependant en général moins hostile, pouvant même aller jusqu'à un« prudent encouragement »[59].
Comme pour lejudaïsme, les Samaritains ont eu des schismes et des disputes religieuses, mais qui sont mal connus. Il n'existe aujourd'hui plus qu'un seul courant religieux.
Au-delà de ces différences fondamentales, il existe d'assez nombreuses différences portant sur des détails de rédaction entre la Torah samaritaine et laTorah Juive. Exception faite des divergences portant sur le mont Garizim, ces différences rendent le Pentateuque samaritain plus proche de laSeptante que dutexte massorétique.
« Quant à leurs croyances, les Samaritains pratiquent une religion qui se veut strictement mosaïque. Leur « credo » est fondé sur les cinq données suivantes :
1. L'unité et l'unicité de Dieu. 2. Moïse est le seul prophète. 3. Les Livres de l’Hexateuque sont les seuls inspirés, ce qui peut expliquer le rejet de l'ensemble de la littérature biblique et l'attachement au seul Hexateuque écrit en caractères samaritains, dérivant directement de l'écriture phénicienne. 4. Le mont Garizim est le seul lieu choisi par Dieu pour y recevoir un sanctuaire, siège de sa sainteté, selonDt 11, 9 et 27, 4 où les Samaritains lisent Garizim au lieu d'Ebal. 5. La résurrection des morts pour le Jugement dernier.
[Les Samaritains attendent] l'avènement duTaheb, le messie[64] semblable àMoïse. Il vivra cent dix ou cent vingt ans et fondera un second royaume, qui durera des siècles. Ce sera le retour de laRahouta [la période de la faveur divine][24]. »
Les Samaritains ont également leur propre corpus de traditions et de livres saints pour interpréter le Pentateuque. On y trouve ainsi un livre de prières et de chants, leDefter, qui joue un rôle important dans la liturgie. On y trouve surtout leMemar (enseignement)« qui est plus proche qu'aucun autre livre excepté lePentateuque du cœur du samaritanisme »[65]. Ce dernier livre a été écrit enaraméen samaritain par Marqah (Marcus), unphilosophe samaritain duIVe siècle de l'ère chrétienne, et montre une forte influence de laphilosophie grecque[65]. Le livre est très divers et comprend uneexégèse biblique, des chants et des prières, une approche philosophique des questions religieuses et enfin unethéologie[66].
On peut enfin ajouter le livre des chroniques (Sefer ha-Yamim), œuvre historique mais avec un certain contenu religieux.
Les Samaritains ne reconnaissent pas la centralité dutemple de Jérusalem, et ont leur propre lieu saint, près de l'actuelleNaplouse, sur lemont Garizim. On ne connaît pas la date à laquelle les Samaritains ont sanctifié lemont Garizim. Celui-ci n'était pas en tout cas au centre de l'ancienne religion des Israélites du royaume de Samarie, qui avaient de multiples sanctuaires. La construction sur le mont d'un temple rival de celui de Jérusalem, symbole de la centralité dumont Garizim, daterait d'un peu avant[24] la conquête d'Alexandre le Grand, ou de juste après[42].
C'est autour du mont Garizim que doit résider le grand-prêtre samaritain. Celui-ci est choisi au sein de la famille (ou « maison ») sacerdotale« qui est supposée descendre du fils deAaron, frère deMoïse. […] La personne la plus âgée de la famille […] est habituellement désignée pour être le grand-prêtre de la communauté entière. Dans la religion samaritaine, […] les membres de la famille sacerdotale ne doivent pas travailler, excepté dans les domaines religieux, et le reste des familles samaritaines les aident économiquement […]. Mais de nos jours, […] le nombre des membres de la famille sacerdotale est devenu important [28 % de la communauté en 2003], comparé au reste des Samaritains. […] Les membres de la famille sacerdotale ont commencé à chercher du travail comme n'importe quel autre Samaritain. […]. La famille sacerdotale fournit […] [aussi], le chef des prières (Imam), et les professeurs qui enseignent la langue samaritaine antique (hébreu) »[58] ».
Il existe des prêtres opérant sous l'autorité du grand-prêtre. La communauté deHolon (Israël) a ainsi son propre prêtre.
Un grand-prêtre héréditaire existait dans le judaïsme duSecond Temple de Jérusalem, mais l'institution sacerdotale a été abandonnée après la destruction de celui-ci, lesrabbins restant les seuls responsables religieux.
Pendant la semaine, les prêtres portent des turbans rouges. Lors duShabbat, ils portent des turbans blancs.
Les Samaritains n'ont pas de synagogue au sens juif, même s'ils utilisent facilement le terme. Ceux qui vivent àHolon ont un lieu de prière, mais qui n'a pas la même sacralité que leur centre cultuel du mont Garizim.
« Les enterrements ont lieu au sommet du mont Garizim, ou dans la section samaritaine du cimetière de Kiriat Shaul, àTel Aviv »[58].
Croyants samaritains célébrant le don de la Torah sur le mont Garizim près de Naplouse 1984 De la collection Dan Hadani La Bibliothèque nationale d'Israël
Les Samaritains ne célèbrent pas bon nombre de fêtes religieuses juives, qui ne sont pas prescrites par le pentateuque. Leur fête religieuse principale est la fête dePâque. Contrairement aux Juifs qui l'ont abandonné, les Samaritains ont conservé le sacrifice de l'agneau pascal, normalement effectué la veille de Pâque, sur lemont Garizim.
La pâque n'est cependant pas leur seule fête, puisque« trois fois par an, les pèlerins israélites-samaritains visitent leur lieu saint sur le sommet du mont Garizim. Le septième jour de la pâque, qui est appelé le “festival des pains sans levain”, pourChavouot (pentecôte) et le premier jour de la fête des tabernacles (Souccot) »[67]. Ces trois pèlerinages correspondent étroitement aux trois principaux pèlerinages juifs, lesSheloshet Haregalim.
Au-delà des divergences sur les fêtes, il y a aussi des divergences sur le calendrier religieux. Celui-ci« remonte à la première année de l'entrée du peuple d'Israël en terre sainte […] [alors que] le calendrier hébreu juif […] a commencé la première année de la création. […] [ainsi par exemple, l']année […] 3641 dans le calendrier samaritain, […] [est] parallèle à l'année 5763 dans le calendrier juif et aux années 2002-2003 dans le calendrier civil »[68]. De plus, les calculs de dates ducalendrier samaritain se font sur la base d'uncalendrier lunaire assez similaire aucalendrier juif (alternance d'années de 12 ou 13 mois lunaires), mais dont les règles d'alternances sont différentes. Les célébrations samaritaines tombent donc parfois aux mêmes dates que les célébrations juives équivalentes, mais peuvent aussi en être décalées de quelques jours ou d'un mois. Les mois sont numérotés, et n'ont pas de nom, contrairement au calendrier juif. Pour un exemple des fêtes, des célébrations et de leurs dates, voici la liste des fêtes religieuses de 2002[67] :
Les Samaritains partagent donc avec les Juifs la plupart des fêtes prescrites dans la Bible, mais ils n'observent ni les célébrations instaurées après l'exil de Babylone, ni les commémorations typiquement judéennes comme lesquatre jeûnes.
Unemezuzah au-dessus d'une porte samaritaine, plus grande qu'unemezuzah juive.LaMenorah est considérée par les Samaritains comme leur symbole national.
Au-delà de leurs croyances, de leurs fêtes et de leurs modalités de culte, les Samaritains insistent particulièrement sur 4 pratiques :
Vivre près dumont Garizim (ce qui est remis en cause par l'installation d'une partie de la communauté en Israël).
La participation obligatoire de toute la communauté au sacrifice de Pâque, sur le mont Garizim. Cette obligation posa de nombreux problèmes aux Samaritains d'Israël entre 1949 et 1967, lorsque laCisjordanie était sous autoritéJordanienne et que les frontières étaient fermées. Leroi Hussein et Israël autorisaient normalement la traversée de la « ligne verte » à Pâque.
La célébration duShabbat (y compris l'interdiction d'allumer la lumière pendant le Shabbat).
Le respect des règles de pureté prescrite par laTorah, pour lesquelles les Samaritains ont une interprétation souvent plus stricte. Ainsi, par exemple, les Samaritains interprètent les règles duLévitique 12 comme imposant l'isolement de la femme lors de sesmenstruations ou après une naissance[69]. Lejudaïsme demande plus simplement à la femme de s'isoler de son époux.
Les Samaritains utilisent desmezouzot d'un type particulier, beaucoup plus grosses que lesmezouzot juives, mais refusent l'utilisation desphylactères, à la manière des anciensSadducéens.
LaMenorah est considérée par les Samaritains comme leur symbole national. L'étoile de David, par contre, n'est pas utilisée, car c'est un symbole spécifiquement juif dont il n'est pas fait mention dans la Bible. Il est semble-t-il apparu bien après la rupture entre Juifs et Samaritains.
Contrairement aux Juifs, pour lesquels le statut de Juif se transmet par les femmes, le statut de Samaritain se transmet par l'homme, ce qui a permis le développement récent et limité de mariages d'hommes samaritains avec des femmes extérieures à la communauté.« Il n'y a aucun rite samaritain de conversion. Ce qui est exigé, c'est seulement l'acceptation de la foi de la communauté et de son mode de vie »[70]. Cette absence de rite de conversion semble d'ailleurs plus due à une totale absence de conversion aux époques historiques qu'à un quelconque « libéralisme ». Au contraire, le judaïsme admet les conversions dans certaines conditions précises, et a donc développé des procédures spécifiques. L'absence totale de conversions historiquement prouvées chez les Samaritains est confirmée par l'absence de procédure spécifique, par les graves problèmes deconsanguinité que connaît la communauté et par la génétique :« la basse diversité […] suggère que le flux de gènes maternels dans la communauté samaritaine n'a pas été très élevé » (peu d'entrées de femmes dans la communauté)[71]. L'ouverture actuelle vers l'intégration de femmes « étrangères » au sein du groupe est donc une innovation religieuse remarquable, encore qu'elle ait peut-être aussi été pratiquée au premier millénaire avant l'ère chrétienne, selon une étude génétique de 2004[72].
Les Samaritains ne sont pas reconnus comme juifs par lesjuifs orthodoxes en général et par le rabbinat israélien en particulier. Ce refus est fondé sur les accusations des Livres des Rois selon lesquelles les Samaritains sont d'origine non israélite (plus précisément, ils sont israélites par le père mais non par la mère, comme le confirme la génétique, or pour les juifs, la religion se transmet par la mère), et pratiquent une religion teintée depaganisme (cf. supra).[réf. souhaitée]
On note dans leNouveau Testament, la parabole dubon Samaritain, ainsi que quelques autres allusions indiquant queJuifs et Samaritains ne se fréquentaient pas. Ces textes renvoient cependant plus à la relation entre le samaritanisme et lejudaïsme qu'à la relation entre le samaritanisme et lechristianisme. Par la suite, il a été indiqué plus haut que l'Empire byzantin (chrétien) avait persécuté les Samaritains, puis les avait pratiquement détruits à la suite de leur grande révolte duVIe siècle. Au-delà de ces relations politiques, l'influence religieuse du samaritanisme sur le christianisme ou l'inverse semble faible, voire nulle.[réf. souhaitée]
Les Samaritains sont reconnus commegens du Livre par l'islam, avec un statut (plus ou moins appliqué selon les époques) dedhimmi. Là aussi, les influences croisées semblent marginales. Le samaritanisme était déjà une religion résiduelle à l'avènement de l'islam, ce qui explique aisément une absence d'influence sur la nouvelle religion. Les Samaritains ayant par contre vécu quatorze siècles sous domination musulmane, une influence inverse était plus envisageable. Mais en pratique, si laculture arabo-musulmane a profondément marqué la culture des Samaritains en tant que peuple, la religion musulmane n'a pas laissé de traces mesurables sur lathéologie ou les pratiques religieuses samaritaines.[réf. souhaitée]
Carte des deux communautés samaritaines actuelles.
Une étude interne à la communauté indique que les Samaritains sont« 654 au1er janvier 2003, sur lesquels 346 (179 hommes et 167 femmes) vivent àHolon enIsraël, et 308 (165 hommes et 143 femmes) vivent àNaplouse, enCisjordanie »[1]. La communauté est très soudée. L'étude précédemment citée ne compte ainsi que 7 hommes et 15 femmes ayant quitté la communauté depuis 1938. Lanatalité est moyenne, impliquant une croissance démographique relativement lente : 2,2 à 2,3 enfants par famille[1]. Cette croissance modérée est en partie due au fait que« Les Samaritains se marient à un âge plus avancé, comparé à leurs voisins ; l'âge moyen du premier mariage est de 31,3 ans pour les hommes et de 24,6 ans pour les femmes »[58]. La communauté comptait 414 membres en 1969[58].
Après laguerre de 1948-1949, la frontière avec laJordanie se ferma, rompant les relations entre les deux branches de la communauté. De1951 à1967, le roi de Jordanie autorisa cependant les Samaritains d'Israël à venir àNaplouse (laCisjordanie était à l'époque annexée par laJordanie) une fois l'an, pour la fête dePâque[59]. La quasi-séparation fut particulièrement mal vécue par une communauté minuscule déjà au bord de la disparition.
Les Samaritains vivaient quasiment tous, il y a une centaine d'années, dans un quartier deNaplouse.
Le roiHussein de Jordanie acheta des terres sur lemont Garizim, qu'il remit à la communauté samaritaine. Celle-ci y construisit un village du nom de Kiryat Luza. La zone est le centre de la vie spirituelle de toute la communauté. À ce titre, le grand-prêtre y réside. Pour les Samaritains, la décision de Hussein de Jordanie a donc été particulièrement importante et positive. Le village se trouve près de la ville deNaplouse (l'ancienneShechem), enCisjordanie. On y compte des habitations, un centre communautaire, unesynagogue. Tous les habitants Samaritains de Naplouse ne vivent pas à Kiryat Luza. Sous la pression des deuxIntifada, beaucoup se sont cependant installés dans la zone plus calme duMont Garizim.
Inscription samaritaine sur une pierre de construction, musée samaritain, Naplouse
Les Samaritains de Cisjordanie parlentarabe dans la vie quotidienne, et utilisent une forme particulière d'hébreu pour la liturgie religieuse : l'hébreu samaritain.
Après laguerre des Six Jours, l'administration militaire israélienne de la Cisjordanie, sous la pression de la communauté des Samaritains israéliens, a mis en place une politique favorable aux Samaritains de Naplouse. Tout en en bénéficiant, ceux-ci ont pris bien soin de ne pas apparaître comme des collaborateurs aux yeux des autres Palestiniens[59], et jouent régulièrement un rôle d'intermédiaire entre la population de Naplouse et l'autorité militaire. Après l'éclatement desIntifada, les Samaritains ont tenté de préserver une certaine neutralité, tout en souffrant des troubles et descouvre-feux[59].
Shalom ben Amram ben Yitzhaq (Saloum Cohen, Salum Is'haq al-Samiri), par ailleurs grand-prêtre des Samaritains depuis 2001, a siégé, de 1996 à sa mort le 9 février 2004, au sein duConseil législatif palestinien (parlement de l'Autorité palestinienne), les Samaritains y bénéficiant d'unsiège réservé[73]. Pourles élections de 2006, ce siège a été supprimé, seuls les sièges réservés aux chrétiens ont été maintenus[74].
À partir de1905 quelques familles s'installèrent dans la zone côtière d'Israël, originellement àJaffa, sous la direction de l'entrepreneur Abraham ben Marhiv Tsedaka. Celui-ci, qui a fait sortir la communauté de son isolement géographique et l'a ouverte sur de nouvelles opportunités économiques, a été appelé « la figure samaritaine la plus importante de ce siècle » par le journal samaritainA.B. - The Samaritan News. Certains se réfugient à Naplouse pendant laguerre de 1947-1949.
D'autres Samaritains commencent à venir s'installer en Israël dès1951, dans le cadre d’un programme de réunification des familles validé par laJordanie et Israël.
En1955, sept ans après la création de l'État d’Israël, plusieurs familles à la recherche de travail s'installèrent àHolon, au sud deTel-Aviv, dans un quartier« établi avec la coopération du défunt PrésidentYitzhak Ben-Zvi et du défunt Yefet B. Avraham Tsedaka, chef des Samaritains extérieurs à Naplouse »[75].
« Vers la fin desannées 1950, une centaine de Samaritains ont quitté laCisjordanie pour Israël aux termes d'un accord avec les autorités jordaniennes. Ils ont vécu dans […] la région de Tel Aviv, […] puis sont allés à Holon […] en1965 »[58].
Progressivement, leur petit groupe a augmenté, et ils comptent environ 350 membres en2005. Ils vivent autour de leur lieu de culte, rue BenAmram (du nom du père deMoïse), dans un pâté de maisons qui se trouve le long de l'artère principale de la ville. Leur niveau de vie et leur niveau d'éducation s'avère plus important que celui des Samaritains deCisjordanie.
Les Samaritains de Holon se sont nettementacculturés à la société israélienne, tout en conservant très fortement leurs spécificités religieuses. Ils parlenthébreu dans la vie quotidienne, mais utilisent toujours l'hébreu samaritain pour laliturgie religieuse. Ils« servent dans l'armée israélienne […], excepté ceux qui sont de la famille sacerdotale, parce que leur religion leur interdit de servir dans l'armée, comme les juifs religieux »[58].
C'est la communauté de Holon qui a créé en1969A. B. - The Samaritan News, le premier journal samaritain.
D'un point de vue religieux, les Samaritains sont dirigés par un grand-prêtre résidant àNaplouse. Les prêtres affirment descendre de latribu sacerdotale de Levi[59]. Après laguerre de 1967, les deux communautés, celle de Naplouse et celle deHolon, ont créé chacune un conseil élu de sept membres. Ces deux conseils s'occupent des affaires civiles de lacommunauté, et de l'interface sur ces sujets avec les autorités officielles, palestiniennes et israéliennes.
Au plan familial, les Samaritains sont organisés en huit « maisons » patriarcales, dont quatre sont dérivées d'une grande « maison » originelle, lesDanafis, originaire deDamas, deux autres “maisons” venant de la “maison”Marchiv, dont les origines sont àGaza et Sarafend (Tzrifin), sur la routeTel Aviv -Ramleh »[1]. Les 8 « maisons » sont Dom Kaplanski (la maison sacerdotale), Tsedaka Hatsafari, Altif Danafi, Marchiv Marchivi, Sassoni-Sirrawi Danafi, Yehoshua Marchivi, Meshallema Danafi, Shalabi Danafi. Ces deux dernières sont résiduelles, puisqu'elles ne comptaient qu'une personne chacune en 2003. L'appartenance à une « maison » est transmise par le père, et est censée renvoyer à unetribu particulière de l'ancienroyaume d'Israël. Comme dans beaucoup de sociétés traditionnelles, les anciens y ont un poids particulier, mais ce ne sont pas des instances de pouvoir officielles, avec la particularité que les fonctions religieuses sont réservées à la famille sacerdotale, dont l'homme le plus âgé est normalement désigné comme grand-prêtre.
La population samaritaine par « maisons » et par villes, au[1]
La majorité des mariages traditionnels se font au sein de la même « maison », ce qui n'améliore pas les graves problèmes de consanguinité que connaît la communauté : début 2003, 79 couples venaient de la même « maison », 51 venaient de 2 « maisons » différentes, et 14 incluaient une femme venant de l'extérieur de la communauté[1].
Les Samaritains sont reconnus comme juifs par l'État d'Israël, qui leur ouvre le bénéfice de laloi du retour (attribution automatique de la nationalité aux Juifs et à leurs familles). Leur carte d'identité indique « Juifs samaritains » ou simplement « Juifs »[59]. Ils ne sont cependant pas reconnus commejuifs par le rabbinat orthodoxeisraélien. Les relations sont particulièrement mauvaises avec lesjuifs ultra-orthodoxes, qui les rejettent absolument. En1992, il a même été envisagé de leur retirer le bénéfice de la loi du retour, sous la pression duShass, un parti religieux ultra-orthodoxe. Mais laCour suprême israélienne a confirmé en1994 leur statut officiel de Juifs, donc bénéficiant de laloi du retour.
Les Samaritains eux-mêmes ne se considèrent pas exactement comme juifs (descendants desIsraélites habitant leroyaume de Judée), mais plutôt comme des Israélites (ou desHébreux), descendants des habitants duroyaume de Samarie. Ils reconnaissent les Juifs comme l'autre branche du peuple israélite.
Malgré les affrontements récurrents avec les religieux juifs ultra-orthodoxes, les Samaritains d'Israël sont progressivement devenus desIsraéliens presque comme les autres.
Les Samaritains deNaplouse ont obtenu des papiers israéliens à la fin desannées 1990, mais sans être denationalité israélienne au sens strict. Ils continuent aussi à avoir des papierspalestiniens. Contrairement aux Samaritains d'Israël, dont l'identification à l'État est forte, le rapport àIsraël et auxPalestiniens des Samaritains deCisjordanie est plus ambigu[59], et peut varier d'une personne à une autre :
La majorité tente d'affirmer sa neutralité.
Quelques-uns font le choix d'Israël.
D'un autre côté, le grand-prêtre Saloum Imran Ishak (Shalom ben Amram enhébreu), chef spirituel de la communauté des Samaritains d'Israël et des territoires palestiniens, vivant lui-même près deNaplouse, et décédé à 83 ans en2004, était membre duConseil national palestinien (CNP, Parlement) depuis1996. Enjuillet 2002, des affrontements ont même opposé les Samaritains de Naplouse aux soldats israéliens, en protestation contre le blocus sécuritaire de la région[77].
Cas extrême, lapolice israélienne a annoncé en 2004 avoir arrêté Nadar Tsedaka, un Samaritain deCisjordanie entré dans les rangs duFPLP, une faction palestinienne armée. De fait, les groupes palestiniens, y compris leHamas, les reconnaissent comme Palestiniens, même si en pratique, les papiers israéliens des Samaritains de Naplouse ont tendu la situation.
Les mariages« entre cousins produisent le coefficient d'endogamie le plus élevé enregistré pour quelque population que ce soit »[78]. Aujourd'hui, les problèmes de consanguinité sont tels que la plupart des naissances sont précédées par des examens génétiques à l'hôpital Tel HaShomer, en Israël. Depuis lesannées 1920, les Samaritains acceptent d'inclure des femmes juives dans leur communauté, afin de résoudre ces contraintes. Mais même aujourd'hui, ces mariages posent problème, tant du point de vue des Juifs (le rabbinat israélien a le monopole sur lemariage de tout Juif en Israël, et il s'oppose aux mariages avec les Samaritains) que du point de vue des Samaritains, qui craignent la dissolution dans un ensemble juif bien plus important. Ces mariages sont donc peu nombreux, mais leur nombre augmente. Au, 14 couples mixtes avec des maris samaritains (et dont les femmes ont rejoint la communauté) étaient recensés[1].
Le problème desanomalies génétiques étant aigu, une impulsion plus forte à cette politique de mariages mixtes a été donnée. Le grand-prêtre Eleazar ben Tsedaka a ainsi autorisé les mariages avec des femmesnon juives (souventrusses) :« un chef doit penser au futur. […] le nombre des handicapés parmi nous atteint 12 %. […] C'est pourquoi j'ai publié une directive, indiquant qu'il est possible de prendre une épouse de n'importe quelle communauté, à condition que les femmes deviennent samaritaines avant le mariage »[70]. À ce sujet,Haaretz indique que« devenir samaritain […] n'exige aucun processus spécial. Il n'y a aucun rite samaritain de conversion. Ce qui est exigé, c'est l'acceptation de la foi de la communauté et de son mode de vie »[70], y compris les règles anciennes de pureté, lesquelles ne sont pas si faciles à accepter pour des femmes modernes.
Liste des grands prêtres samaritains (depuis 1613)
↑« Developed Community », A.B. The Samaritan News, magazine bi-hebdomadaire de la communauté,1er novembre 2007.
↑Le nom vient dechomère, « observer, garder ». Les Samaritains sont des « observants » de la seuleTorah, qui ignorent le reste duTanakh, eta fortiori leTalmud.
↑Terminologie récente, utilisée par certains Samaritains pour se désigner et se différencier desJuifs. Elle est en effet le corollaire de la vision que les Samaritains ont des Juifs comme Israélites-Judéens (de laJudée).
↑PourIsraël Finkelstein etNeil Asher Silberman, dansLa Bible dévoilée, le royaume unifié de Saül, David et Salomon n'est qu'un mythe. Ils notent qu'aucune archive connue des États de la région ne parle de ce royaume. Pour eux, deux royaumes auraient, en fait, toujours existé, apparus vers leXe siècle av. J.-C. Cette thèse suscite toujours de vives controverses chez les spécialistes, mais l'existence d'un royaume de Samarie à partir duXe siècle av. J.-C., affirmée par laBible, est par contre acceptée par tous.
↑Les hauts lieux sont des lieux de culte installés sur des collines, et très critiqués dans l'Ancien Testament.
↑On faisait au Moyen-Orient des sacrifices humains d'enfants àBaal, généralement par le feu. Le secondLivre des rois accuse les Israélites de Samarie de s'être livrés à cette pratique.
↑Il est possible qu'il ait existé une première version du Livre des Rois dès la fin duVIIe siècle, qui aurait été complétée auVIe siècle avant notre ère.
↑Samaritain désigne ici les anciens habitants du royaume de Samarie, pas les Samaritains postérieurs.
↑Augustin Crampon,La sainte Bible tome 2, Paris, Éd. Société de Saint Jean, Desclée et Cie. Édit. Pontif.,, 834 p.(lire en ligne), Tome 2, page 576 versets 34-36.
↑« Otham en fut informé. Il alla se placer sur le sommet de la montagne de Garizim, et voici ce qu'il leur cria à haute voix : Écoutez-moi, habitants de Sichem, et que Dieu vous écoute ! » -Livre des Juges, 9:7
↑« Tout Israël, ses anciens, ses officiers et ses juges, se tenaient des deux côtés de l'arche, devant les sacrificateurs, les Lévites, qui portaient l'arche de l'alliance de l'Éternel ; les étrangers comme les enfants d'Israël étaient là, moitié du côté du mont Garizim, moitié du côté du mont Ebal, selon l'ordre qu'avait précédemment donné Moïse, serviteur de l'Éternel, de bénir le peuple d'Israël ».Livre de Josué, 8:33.
↑« Grandes inscriptions du palais de Khorsabad », traduction du docteur Jules Oppert. Voir la version intégrale en anglais sur le site duprojet Gutenberg,ici.
↑Par exemple :« J'ai transporté Amris de Tabal à Assur, avec ses affaires, les membres des familles de ses ancêtres, et les magnats du pays, ainsi que 100 chars ; J'ai établi des Assyriens, dévoués à mon gouvernement, à leur place ». « Grandes inscriptions du palais de Khorsabad », traduction du docteur Jules Oppert. Voir la version intégrale en anglais sur le site duprojet Gutenberg,ici.
↑Une histoire des Juifs, P. 53, Le livre de poche, 1970.
↑Les habitants de la Judée sont les Judéens, enaraméenYehoudaïé, qui a donnéIoudaio en grec, puisJudaei enlatin. Cette dernière racine a donnéJuifs en français,Juden en allemand,Judíos en espagnol, etc. Les Juifs sont donc les Israélites de Judée, par opposition à ceux de la Samarie.
↑Dix myriades : 100 000 hommes. Le chiffre est rond, et peut donc simplement signifier « beaucoup », plus qu'indiquer un recensement précis. Il faut aussi garder à l'esprit que l’histoire secrète est un pamphlet violent contre l'empereurJustinienIer.
↑G. (Guy)Le Strange (Robarts - University of Toronto),Palestine under the Moslems; a description of Syria and the Holy Land from A.D. 650 to 1500. Translated from the works of the mediaeval Arab geographers, London A.P. Watt,(lire en ligne)
↑a etbBenyamim Tsedaka, « The High Priest Aaron Ab-Hisda ben Jacob ben Aaron (1927 – 2013) is no more »,The Samaritan Update, vol. 12, no 4, mars-avril 2013, p. 1-2.[pdf];[html]
Jean-Daniel Macchi, « Les Samaritains : histoire d’une légende. Israël et la province de Samarie » (Le Monde de la Bible 30), Genève, Labor et Fides, 1994.
La version du 8 janvier 2007 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.