Le but du Salon d'Automne est double au moment de sa création : offrir des débouchés aux jeunesartistes et faire découvrir l'impressionnisme et ses prolongements à un public populaire.
Le choix de l'automne comme saison de présentation est stratégique à plus d'un titre : il permet aux artistes de présenter les petits formats réalisés en extérieur au cours de l'été — en se plaçant ainsi à la pointe de l'actualité artistique — et de se démarquer des deux autres grands salons — celui de laSociété nationale des beaux-arts et celui desartistes français — qui ont lieu auprintemps.
Avant-gardiste, le Salon d'Automne a lancé deux grands courants de l'art moderne : lefauvisme en 1905 et lecubisme en 1911. Au salon de 1912,František Kupka présente pour la première fois au public des toilesabstraites non figuratives (Amorpha, fugue à deux couleurs, àPrague,Narodni Galerie, etAmorpha, chromatique chaude, àMalá Strana,musée Kampa).
Catalogue des ouvrages de la 5e exposition du Salon d'Automne auGrand Palais desChamps-Élysées (1906)1903 : L'inauguration du premier Salon d’Automne a lieu le à18 h. Cette heure tardive duvernissage est rendue possible grâce à l'électricité[a 1]. Au total,998 œuvres sont exposées et près de 10 000 invitations sont envoyées dans tout Paris. La première exposition s’étend du au.
1904 : Le, l'inauguration de la deuxième édition du Salon d’Automne est réalisée par le président de la RépubliqueÉmile Loubet. Près de 2 074 œuvres sont exposées dans cette première édition auGrand-Palais[b 1].
1905 : Le Salon d'Automne de 1905 a un très grand retentissement. La salle VII du salon exposent notammentHenri Matisse,Henri Manguin,André Derain,Maurice de Vlaminck etAlbert Marque. Les peintres proposent des toiles aux couleurs vives, pures, disposées en largesaplats. Ces peintures contrastent avec les deux bustes traditionnels d'Albert Marque placés au centre de la salle. Le critique d'artLouis Vauxcelles écrit le dans la rubrique artistique duGil Blas :« La candeur de ces bustes surprend au milieu de l'orgie de tons purs : c'est Donatello chez les fauves »[2]. Dès lors, le mouvement prend le nom defauvisme. Cette édition marque également le début de la répartition des artistes dans le catalogue par ordre alphabétique quelle que soit leur catégorie.
1906 : exposition sur l'art russe.
1907 : grande rétrospective surCézanne avec 50 de ses plus grands tableaux.
1910 : Cette édition voit la presque totale disparition des impressionnistes.18 salles de l'exposition présentent les arts décoratifs allemands : les « Munichois »[a 2].
1912 : Le salon de 1912 est au centre de deux débats,Jacques Villon démissionne du comité. Certains trouvent qu'il y a trop d'artistes étrangers, d'autres critiquent les oeuvres cubistes.Marcel Sembat vient à la rescousse des artistes et du salon :« Mon cher ami, quand un tableau vous semble mauvais, vous avez un incontestable droit : celui de ne pas le regarder, d'aller en voir d'autres ; mais vous n'appelez pas les gendarmes ! »[3]. Cette édition accueille 7 des têtes primitivistes deModigliani ainsi que l'artisteGiorgio De Chirico.
1913 : Le salon cède sa place auSalon de l'Automobile au Grand Palais pour ne s'ouvrir qu'à la mi-novembre. L’huile sur toileTableau, peinte en 1913 parKees van Dongen, est exposée cette année-là et fait scandale pour atteinte auxbonnes mœurs[b 2] à tel point que le secrétaire des Beaux-Arts appelle la police. Le Salon influence à l’international notamment àMoscou,Berlin, ou encore àNew-York où a lieu l’Armory Show.
1914 : Le est annoncée laPremière Guerre mondiale, et leGrand Palais devient unhôpital de guerre. Les expositions sont suspendues pendant les années de conflit, mais des bulletins artistiques sont publiés régulièrement et des conférences sont organisées.
1919 : Le a lieu la réouverture du Salon d’Automne. Dès lors, le salon renoue avec sa réputation scandaleuse d’avant-guerre.Francis Picabia lance en France le mouvementdada avecTristan Tzara. Ses tableaux mécaniques sont accrochés au pire endroit par le jury : sous l’escalier du Grand Palais. Cette édition voit également l'exposition d’œuvres d’artistesmorts pour la patrie tels que le compositeurAlbéric Magnard[c 1].
1920 : Le salon voit enfin la participation deGeorges Braque acceptée. L'artiste expose alors régulièrement au salon entre 1920 et 1946. La rétrospective de cette édition est consacrée àAuguste Renoir. La Salon reçoit également cette année-là un décret signé du président de la République,« énonçant que la Société du Salon d'Automne est reconnue comme établissement d'utilité publique »[c 2].
1921 : L’œuvre dePicabiaL'Œil cacodylate provoque un nouveau scandale auprès du jury. Cependant, membre de la Société du Salon d'Automne, Picabia est assuré de pouvoir exposer[c 3].
1926 : La première apparition de meubles métalliques tubulaires au Salon a lieu en 1926. L’exposition de meubles enaluminium deDjo-Bourgeois etRené Herbst provoquent un nouveau conflit.Pierre Chareau présente également sur son stand un ensemble de mobilier destiné au Grand hôtel deTours en fer martelé. Le métal rendu volontairement visible frappe les esprits[b 3].
1935 :Frantz Jourdain, président fondateur du Salon d'Automne, meurt. Une exposition de ses artistes préférés lui est consacrée parmi lesquels se trouventCézanne,Gauguin,Renoir,Pompon, ainsi que des portraits de sa femme réalisés parPierre Bonnard.George Desvallières devient le nouveau président de l’association.
1943 :Georges Braque a droit à la plus importante exposition qu’un artiste vivant ait eu pendant la guerre. Il y expose six peintures et neuf sculptures.
1944 : L'exposition de 1944 est l'une des plus célèbres du Salon d'Automne. Elle prend le nom de « Salon de la Libération ». Ce fut la plus grande exposition publique en France dePablo Picasso.Guernica y est exposée ainsi que74 autres peintures etcinq sculptures des années de guerre. Cette exposition prend place auPalais de Tokyo.Matisse, le grand rival de Picasso, n'expose pas en 1944, mais Picasso lui rend un discret hommage en exposant parmi ses œuvres une monumentalenature mortefauve de Matisse. Il y a aussi des artistes du groupe surréaliste :Miro,Magritte,Ernst, Tanguy etChaïm Soutine. Une section rend hommage à22 artistes juifs disparus dans lescamps de concentration nazis.
1945 : Le Salon est désigné comme « Salon de la Paix » alors que le climat au sein des sociétaires est tendu. En effet, la pression desidéologies politiques sur la vie artistique constitue un obstacle à leur cohésion. Cette édition fêteHenri Matisse en lui dédiant une rétrospective, plus minimaliste que celle réalisée pour Picasso en 1944. La rétrospective de Matisse expose des œuvres de toutes les périodes de sa vie. Au total,43 œuvres prennent place sur lescimaises dontLe luxe I,Greta Prozor,La Lecture etLe Rideau jaune.
Après la Seconde Guerre mondiale, les nouveaux salons d'art, les foires commerciales, les galeries d'art contemporain se développent considérablement et commencent à remettre en cause la prééminence des vieux salons en tant que principales vitrines du monde de l'art.
1952 : Le Salon d'Automne confirme l'importance grandissante du mouvementNouveau réalisme qui préconise le retour à la réalité objective et au sujet. Ce mouvement est lancé dès 1948 avec la création du groupe « l'Homme Témoin ». Cette même année,André Fougeron lance réellement ce mouvement au Salon d'Automne avecMes Parisiennes[5]. En 1952, trois salles duGrand Palais sont réservées au Nouveau réalisme et attirent l'attention de la critique. Lors du Salon de 1952, a lieu une importante rétrospective consacrée au pionnier du fauvisteLouis Valtat. Ce dernier récemment disparu exposait au Salon d'Automne sans relâche depuis 1904.
1953 : L'exposition de 1953 marque les50 ans du Salon d'Automne. Pour l'occasion,200 œuvres réalisées entre 1903 et 1953 par les plus prestigieux exposants sont présentées. La salle « 1903 » réunit37 artistes parmi les premiers artistes audacieux qui avaient exposés dans le sous-sol duPetit Palais, notammentLéger,Chagall,Matisse,Braque etDufy. Le reste du Salon expose les tout débuts du siècle et l'École de Paris de l'Entre-deux-guerres en passant deRenoir àPicasso. L'exposition rétrospective de cette année est un hommage àKisling, mort récemment[b 5].
Le Salon d'Automne a su s'adapter à l'accélération des évolutions et à la variété de la scène artistique parisienne de l'après-guerre en perpétuant ses traditions de rétrospective historique et d'exposition internationale. De plus, la création dumusée d'Art moderne (MAM) en 1947, dumusée national d'Art moderne - Centre Pompidou en 1977, et de lafoire internationale d'art contemporain (FIAC) en 1974, a contribué à lacanonisation de certains artistes modernes, souvent au détriment d'une grande partie de la création contemporaine. Le Salon d'Automne continue de défendre dans ses éditions la variété des styles et des artistes.
1969 : L'édition de 1969 est baignée dans l'actualité. Les œuvres deRoger Somville abordent laguerre du Viêt Nam. Cet engagement mêlant art etmilitantisme se fait de plus en plus rare sur la scène artistique contemporaine[b 6].
1977 : En 1977, le Salon d'Automne organise une édition « fête du cinéma ». LeSeptième art est représenté au Salon pour la première fois grâce àFrantz Jourdain etCanudo. La rétrospective met à l'honneurvan Gogh.
1979 : L'édition de 1979 remet à l'honneur les artistesfauves des débuts du Salon d'Automne.
1986 : le présidentÉdouard Georges Mac-Avoy organise une exposition rétrospectivePeintres Témoins de leur Temps et présente les affiches du Salon réalisées entre 1951 et 1982[b 7].
Dès l’origine, en recevant de très nombreux artistes étrangers, le Salon d’Automne est tourné vers l’extérieur. En 1946, le nouveau présidentPierre-Paul Montagnac a comme volonté de créer une coopération culturelle entre laFrance et l'Autriche, deux pays que la guerre a opposés,250 sociétaires exposent àVienne. Une telle exposition de groupe à l'étranger (plus de500 envois) a un caractère inédit.
En 1987, les collections du National Cow-Boy and Western Heritage Center sont exposées au Salon.
Aujourd’hui encore, de nombreuses expositions ont lieu à l’étranger, afin de toujours mettre en avant le caractère international du Salon d’Automne. On en compte notamment auJapon,Chine,Chypre,Espagne,Israël,Allemagne,Pologne)[6].
1904 : Laphotographie fait ses débuts au Salon d'Automne en 1904 lorsquePaul Cézanne présente trois cadres contenant chacun neuftirages. Douze artistes exposent à ce Salon dans cette nouvelle section.
Pendant l'Entre-deux-guerres, peu de photographes exposent au Salon. La photographie est alors perçue plutôt comme un support illustratif qu'un art à part entière. Il faut attendre 1977 pour voir réapparaître la photographie au Salon avec 14 exposants. La section photographie du Salon s'officialise en 1979 avecLucien Clergue comme président de section[7].
En 1980, le Grand Prix du reportage photographique deParis Match se déroule au sein même du Salon d'Automne et est remis par le Premier MinistreJacques Chirac[7]. En 1983,Roger Corbeau présente une éblouissante suite de portraits. Cette édition accueille des exposants de grande notoriété, tels quePierre Jahan ouPeter Knapp. En 1987,David Hamilton expose 100 tirages de natures mortes. Cette participation accroît grandement la renommée de la section Photographie[7].
1995 : le Salon est uniquement consacré à la photographie et à la sculpture.Yann Arthus-Bertrand présente en avant-première un choix de photographies grand format issu de son travail aérienLa Terre vue du ciel.
Dès 1911, l'écrivainRicciotto Canudo parle de la naissance d'un6e art, qu'il rebaptisera le7e art : le cinéma[d 1]. C'est à la suite de la rencontre entreRocciotto Canudo etFrantz Jourdain que le Salon d'Automne accueille pour la première fois le cinéma en 1921, se plaçant ainsi en pionnier. Lors de cette exposition, les visiteurs peuvent assister à des conférences, des causeries des auditions musicales et des projections de fragments de films français et étrangers.
1923 : L'édition de 1923 présente des fragments des meilleurs productions cinématographiques de l'année, choisis avec soin par Canudo qui meurt dix jours avant l'ouverture du Salon[d 2].
1931 : L'édition de 1931 marque la fin du cinéma au Salon d'Automne. Cela est dû à lacrise économique que traverse l'Europe et à l'arrivée ducinéma parlant en France. L'augmentation descoûts de production des films met fin au cinéma d'avant-garde français.
1942 : Malgré la période sombre, le Salon d'Automne de 1942 voit le retour du cinéma. Consacrée auxcourts-métrages, l'édition présente essentiellement desdessins-animés et desdocumentaires.
Après l'édition de 1962, le cinéma réapparaît occasionnellement au Salon, en 1965 et 1981[d 2]. Cette disparition s'explique par le développement des cinémas, desciné-clubs et par l'émergence de laCinémathèque française. Le cinéma n'est plus à la recherche d'occasions de reconnaissance. Il est alors exposé dans des lieux qui lui sont exclusivement consacrés.
Pierre Sanchez (préf. Olivier Meslay),Dictionnaire du Salon d’automne (1903-1945) : répertoire des exposants et liste des œuvres présentées, 3 vol., Dijon,L'Échelle de Jacob, 2006.
Le Salon d'Automne à travers ses affiches de 1903 à nos jours (Répertoire des artistes exposants), 2019, Paris, Éditions Lelivredart(ISBN978-2-35532-334-8).