Cet article concerne le « Premier Reich » (962-1806). Pour le « Deuxième Reich » (1871-1918), voirEmpire allemand. Pour l'Allemagne nazie (1933-1945), voirTroisième Reich.
Le contrôle des empereurs sur l'Italie disparaît dès le Moyen Âge, ce qui suscite le conflit entre lesGuelfes (favorables à la papauté) et lesGibelins (favorables à l'empereur) au sein des républiques urbaines italiennes. De leur côté, les rois de France s'emparent progressivement des territoires impériaux limitrophes de leur royaume, à la fin du Moyen Âge (Dauphiné,Provence) et à l'époque moderne (Franche-Comté,Alsace,Lorraine, notamment). Le Saint-Empire se rétracte donc peu à peu sur les territoires de langue allemande, perdant le contrôle desPays-Bas à la suite de la création desProvinces-Unies en 1581.
Né à la même époque que leroyaume de Francecapétien (987), l'Empire connaît une évolution très différente en ce qui concerne le pouvoir du souverain : les rois de France parviennent, au bout de plusieurs siècles, à créer un État centralisé en luttant sans cesse contre les droits et pouvoirs desprinces féodaux ; dans l'Empire, la centralisation se développe non pas au profit de l'empereur, mais au profit de certains des princes, notamment lesmargraves de Brandebourg à l'origine de la maison de Prusse, les ducs de Saxe, les ducs de Bavière, sans que soit mis fin à un émiettement considérable : plusieurs centaines d'entités restent souveraines auXVIe siècle, dont certaines minuscules (par exemple laprincipauté d'Orange).
En raison de sa fondation dans un contexte pré-national et de son caractère supranational, le Saint-Empire romain n'a jamais abouti à la formation d'unÉtat-nation moderne, contrairement à laFrance ou auRoyaume-Uni. Le Saint-Empire est resté un ensemble monarchique et corporatif, dirigé par un empereur et lesÉtats impériaux, et doté de très peu d'institutions impériales à proprement parler.
Le Saint-Empire romain se définit avant tout par des négations :
le pouvoir de gouvernement de l'empire ne se trouve ni uniquement entre les mains de l'empereur des Romains ni uniquement entre celles desprinces-électeurs ou encore d'une assemblée comme laDiète d'Empire ;
Toutefois, l'empire présente des caractéristiques de toutes ces formes étatiques.
En tant qu'« organisation faîtière », l'empire enveloppe de nombreux territoires et sert de cadre juridique à la cohabitation des différents seigneurs. Lesprinces du Saint-Empire, donc des ducs, princes etprince-évêques, sont presque autonomes mais non souverains. Ils reconnaissent l'empereur comme le dirigeant de l'empire et se soumettent aux lois, aux juridictions et décisions de laDiète d'Empire, mais prennent une part active à la politique impériale sur laquelle ils influent, à commencer en élisant l'empereur mais aussi en participant aux diètes et autres représentations corporatives. Contrairement aux autres pays, les habitants ne sont donc pas les sujets directs de l'empereur. Chaque territoireimmédiat a son propre seigneur, et chaqueville libre d'Empire a son maire.
Le Saint-Empire tend finalement à être défini comme un« État complémentaire »[16], une notion introduite en parGeorg Schmidt(de)[17] et qui s'est imposée[18].
L'histoire du Saint-Empire est marquée par la lutte quant à sa nature. Impuissant à briser les entêtements régionaux des territoires, il a fini par se morceler dans une confédération informe. C'est laKleinstaaterei[19].
Le qualificatifsaint souligne ledroit divin de l'empereur et légitime son pouvoir. En acceptant d'être couronnéempereur par le papeLéon III en l'an 800,Charlemagne fonde son empire dans la continuité de l'Empire romain[23], on parle detranslatio imperii, bien que l'Empire romain d'Orient dit byzantin, se place également dans une continuité et cela de manière plus ancienne. Les Byzantins considèrent d'ailleurs l'Empire romain occidental comme auto-nommé et illégitime.Voltaire remarqua ainsi que« ce corps qui s'appelait et qui s'appelle encore le saint empire romain n'était en aucune manière ni saint, ni romain, ni empire »[24].
Lorsque l'empire est fondé dans la moitié duXe siècle, il ne porte pas encore le qualificatif desaint. Le premier empereur,Otton Ier, et ses successeurs se considèrent eux-mêmes et sont considérés comme les représentants de Dieu sur Terre et donc comme les premiers protecteurs de l'Église catholique. Il n'est donc pas nécessaire de souligner la sainteté de l'empire qui continue de s'appelerRegnum Francorum orientalium ouRegnum Francorum. Dans la titulature impériale des Ottoniens, on retrouve toutefois les composantes qui s'appliquent par la suite. Sur les actes d'Otton II datés de 982 pendant sa campagne italienne, on peut lire la titulatureRomanorum imperator augustus (Empereur auguste des Romains), titulature réservée aubasileus deByzance[25]. Son successeurOtton III élève sa titulature au-dessus de tout pouvoir temporel et spirituel en s'octroyant, tout comme lepape, les dénominations« serviteur de Jésus Christ »[C 1] et même plus tard« serviteur des Apôtres »[C 2].
Le rayonnement sacré de l'empire a été mis à mal puis supprimé par le pape lors de laQuerelle des Investitures de 1075 à 1122. La formule latinesacrum imperium naît sousFrédéric Barberousse lorsque les papes essaient de soumettre l'empire ausacerdoce[26]. Elle estattestée en, dans les débuts du chancelariat deRenaud de Dassel[27] : sa premièreoccurrence connue figure dans un document daté de la dernière semaine du mois de[28]. L'empire est déclaré indépendant face à la papauté. Il se fonde dans la continuité de l'histoire sainte. Il s'agit alors peut-être de s'intégrer consciemment dans la tradition romaine antique[26]. Toutefois, la recherche historique remet cette thèse en cause étant donné qu'il pourrait également s'agir d'un concept spécifiquementstaufien et cela d'autant plus que pendant la période antique, ce n'est pas l'Empire romain qui était saint mais la personne de l'empereur[29].
La formule latinesacrum Romanum imperium apparaît sousFrédéric Barberousse. Elle est attestée dès : sa première occurrence connue — legénitif« sacri romani imperii » — figure dans un diplôme daté du et dont l'original, provenant du fonds de l'église romaineSanta Maria in Via Lata, est conservé à laBibliothèque apostolique vaticane[30],[31],[N 5]. Pendant l'interrègne de 1250 à 1273, lorsque aucun des trois rois élus n'est parvenu à s'imposer par rapport aux autres, l'Empire se réclame de l'Empire romain avec le qualificatif « saint ». À partir de 1254, on utilise la dénomination latineSacrum Romanum Imperium (en allemandHeiliges Römisches Reich)[32]. Il faut attendre le règne deCharles IV pour la voir utilisée dans des documents en langue allemande. C'est précisément pendant la période sans empereur au milieu duXIIIe siècle que la volonté d'unpouvoir universel s'est le plus affirmée — même si cette situation a peu changé par la suite.
En 1441, le futur empereurFrédéric III ajoute au nom de l'empire « Teutonicae nationis »[33]. L'Empire s'étend alors en majeure partie sur un territoire germanophone, et malgré cela les Allemands, désunis, sont menacés de devoir partager le pouvoir impérial avec les Bourguignons à l'Ouest et les Tchèques à l'Est, ce qui les pousse à affirmer que l'empire est le leur. En 1486, empereur élu et couronné, Frédéric III utilise la titulature définitive, Heiliges Römisches Reich deutscher Nation[34]. Elle est reprise officiellement en 1512 dans le préambule des actes de la diète deCologne. L'empereurMaximilien Ier avait alors convoqué les états impériaux pour entre autres« maintenir le Saint-Empire romain germanique »[C 3]. Jusqu'en 1806,Saint-Empire romain de la Nation germanique (Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation) est l'appellation officielle de l'Empire, souvent abrégée enSRI pourSacrum Romanum Imperium ouH. Röm. Reich[N 6] en allemand.Calque de l'allemandHeiliges Römisches Reich Deutscher Nation, la locution latinesacrum Romanum imperium Germanicae nationis est attestée en[36],[37].
Le Saint-Empire est dénomméEmpire germanique dans letraité de Bâle du puis dans letraité de Lunéville du[39]. Les deux derniers actes juridiques promulgués par le Saint Empire — à savoir leReichsdeputationshauptschluss de 1803 qui a réorganisé l'empire et la capitulation de l'empereurFrançois II — utilisent la formuledeutsches Reich (Empire allemand). Il n'est plus question de sainteté ni depouvoir universel.
La dénomination française mentionnée démarque celle qui a été officiellement utilisée dans l'Empire duXVIe siècle auXVIIIe siècle, enlatinSacrum Romanum Imperium Nationis Teutonicae (« Saint Empire romain de la nation teutonique »)[40] et enallemandHeiliges Römisches Reich Deutscher Nation[41] (« Saint-Empire romain de la nation allemande »).
La référence à l'Allemagne n'est pas propre à l'historiographie française, étant également employée dans l'historiographie espagnole (Sacro Imperio Romano Germánico), catalane (Sacre Imperi Romanogermànic) et portugaise (Sacro Império Romano-Germânico), mais aussi hongroise (Német-római Birodalom), danoise (tysk-romerske Rige) et suédoise (Tysk-romerska riket). Elle est cependant absente dans d'autres langues, comme enanglais (Holy Roman Empire), enallemand (Heiliges Römisches Reich), enitalien (Sacro Romano Impero) ou encore ennéerlandais (Heilige Roomse Rijk)[42]. EnFrance, la dénomination deSaint-Empire romain (SER) était en usageautrefois[Quand ?][43].
La qualification de « Saint », attestée en 1157[44],[45], a été rajoutée sous le règne deFrédéric Barberousse pour exprimer que lesempereurs règnent pardroit divin. Le nom de « Romain » apparaît vers 1184[44] et est utilisé de façon constante à partir de 1254. Les empereurs étaient titrés « Empereur des Romains », ce qui exprime la prétention de succéder, à travers l'Empire carolingien (établi en 800), à l'Empire romain d'Occident disparu en 476.
Une dénomination plus récente, celle de « PremierReich » (Erstes Reich) ou de « Vieil Empire » (Altes Reich), est parfois utilisée pour le différencier du deuxièmeEmpire allemand, fondé en 1871 (Deutsches Reich).
Avant la mort deCharlemagne en 814, l'Empire carolingien, fondé en 800 par ce dernier, connaît plusieurs partages et réunifications entre ses enfants en 806[46]. De tels partages entre les fils d'un souverain sont prévus par le droit franc et ne signifiaient pas la fin de l'unité de l'Empire étant donné qu'une politique commune tout comme une future réunification dans les différentes parties était possible.
Il était notamment prévu que si l'un des enfants mourait sans descendance, sa partie revenait à l'un de ses frères. L'héritage de Charlemagne revint ainsi tout entier àLouis le Pieux[47] lorsqueCharles etPépin moururent.
Même si la future carte des nations européennes est reconnaissable, les cinquante années qui ont suivi ont amené — le plus souvent à la suite de guerres — leur lot de divisions et de réunifications. LorsqueCharles le Gros,empereur d'Occident à partir de 881, est déposé en 887 par une diète des grands dignitaires deFrancie orientale, entre autres à cause de son incapacité à repousser lesNormands qui ravagent le royaume[49], plus aucun chef d'une des différentes parties de l'ancien Empire carolingien ne sera choisi comme empereur.
Les territoires choisissent leurs propres rois et ces derniers, pour une partie d'entre eux, n'appartiennent plus à ladynastie carolingienne. L'éloignement et la division des parties de l'Empire sont manifestes[50]. Les guerres pour le pouvoir entre Carolingiens ont plongé dans la guerre civile l'Empire, qui devient incapable de se protéger contre les attaques extérieures. Le manque de cohésion dynastique[49] a provoqué la décomposition de l'Empire en de multiples petitscomtés,duchés et autres territoires sous un pouvoir territorial qui le plus souvent ne reconnaissent que formellement les rois régionaux commesuzerain.
En 888, la partie médiane de l'Empire se décompose ainsi en de nombreux petits royaumes indépendants comme laHaute-Bourgogne et la Bourgogne Transjurane, l'Italie (tandis que la Lorraine est annexée à la partie orientale comme royaume subordonné). Les rois de ces royaumes se sont imposés contre les prétendants carolingiens grâce à l'appui des nobles locaux. Dans la partie orientale, les nobles locaux choisissent des ducs. Avec la mort en 911 deLouis l'Enfant, c'est le dernier Carolingien sur le trône de Francie orientale qui disparaît[51]. Cette dernière aurait pu éclater comme l'avait fait laFrancie médiane siConrad Ier n'avait pas été choisi par les grands du royaume. Conrad n'appartient certes pas à la dynastie des Carolingiens mais c'est un Franc de la branche desConradiens. En 919 àFritzlar, le duc de SaxeHenri l'Oiseleur est le premier à être élu roi de Francie orientale sans être de lignée franque[52]. À partir de cette date, ce n'est plus une dynastie unique qui tient les rênes de l'Empire mais ce sont les grands, les nobles et les ducs, qui décident du souverain.
Soucieux de réaliser l'unité du royaume en rassemblant ses différentes composantes politiques,Henri Ier obtint de l'ensemble des grands électeurs que son fils Otton soit désigné comme son successeur.
L'accession au trône d'Otton Ier laisse apparaître une famille royale pleine d'assurance. Otton se fait couronner sur le trône supposé de Charlemagne àAix-la-Chapelle le[54] et cherche à sacraliser son pouvoir. Le nouveau roi se faitoindre et fait vœu de protéger l'Église. Après avoir combattu quelques proches et quelquesducs lorrains, Otton parvient à confirmer et assurer son pouvoir grâce à sa victoire sur les Hongrois en 955 à labataille du Lechfeld près d'Augsbourg. Comme le faisaient les légionnaires romains, l'armée le salue sur le champ de bataille commeImperator[55].
Cette victoire sur les Hongrois permet au papeJean XII d'appeler Otton à Rome et de lui proposer la couronne d'empereur pour affirmer sa position de protecteur de l'Église[56]. À cette époque, le pape, qui est menacé par les rois régionaux italiens, espère s'attirer les bonnes grâces d'Otton. Avec cette proposition, les anciens « barbares » deviennent les porteurs de la culture romaine, et leregnum oriental le successeur légitime deCharlemagne. Otton accepte l'offre du pape et se rend à Rome. Il s'attire alors les foudres de Byzance et des Romains[57].
Le couronnement d'Otton Ier comme empereur le[58] est retenu par la majeure partie des historiens comme la date de fondation du Saint-Empire romain germanique, même si l'idée d'Otton n'est pas de fonder un nouvel empire, mais de le restaurer (renovatio imperii).
L'Empire carolingien tel qu'il existait est en revanche définitivement mort : le processus de division entre laFrancie orientale et laFrancie médiane de laFrancie occidentale étant achevé. Toutefois, Otton s'en veut le continuateur[59]. Avec le couronnement d'Otton, le Saint-Empire obtient une légitimation temporelle, mais aussi sacrée en tant que nouvelImperium Romanum.
C'est sousOtton II que disparaissent les dernières attaches avec la Francie occidentale. Il n'existe plus désormais que des relations de parenté entre les dirigeants des territoires. Lorsqu'Otton II fait duc de Basse-Lotharingie, son cousinCharles en 977, le frère de ce dernier, le roi des FrancsLothaire, se met à revendiquer ce territoire qu'il envahit en 978, allant jusqu'à s'emparer d'Aix-la-Chapelle[67]. Otton part en campagne contre Lothaire et arrive jusqu'à Paris. La situation s'apaise en 980. Les conséquences de cette rupture définitive entre les successeurs de l'Empire carolingien ne seront visibles que plus tard. Toutefois, en raison de l'émergence d'une conscience d'une appartenance française, le royaume français est considéré comme indépendant de l'empereur.
Otton III entouré de princes d'Empire et d'évêques.
Le concept de clientèle impériale est important pour comprendre les systèmes de pouvoir au sein du Saint Empire qui reposent sur laféodalité. Depuis la chute de l'Empire romain, gouvernent ceux qui ont la clientèle la plus puissante. Les princes entretiennent donc un entourage de guerriers qui deviennent leursvassaux[68]. L'entretien de cette clientèle demande des entrées financières importantes. Avant la réintroduction du denier d'argent par lesCarolingiens la seule richesse est la terre. C'est pourquoi les premiers Carolingiens conquièrent toute l'Europe afin de redistribuer à chaque fois des terres à une clientèle de plus en plus nombreuse[69],[70]. C'est ainsi qu'ils deviennent de plus en plus puissants. Mais auIXe siècle, les terres à donner se raréfient et les vassaux ont de plus en plus de désirs d'indépendance c'est donc la surenchère entre les fils deLouis le Pieux pour acquérir le plus de fidélités possibles et s'octroyer l'Empire : ils accordent des terres non plus en viager — Charlemagne récupérait les terres données à la mort du bénéficiaire et pouvait donc les redistribuer — mais à titre définitif, la terre étant ensuite transmise héréditairement[71]. Dès lors l'Empire se dissout et les souverains issus dupartage de Verdun n'ont que très peu de pouvoir.
LesOttoniens changent la donne en se constituant une clientèle d'évêques, auxquels ils distribuent des charges à titre viager. Ils ont bientôt la plus grande clientèle d'Europe et en deviennent les maîtres auXe siècle. Otton Ier confie d'ailleurs le tutorat de ses neveuxLothaire etHugues Capet, respectivement futurs roi etduc des Francs encore mineurs, à son frèreBrunon. En contrôlant l'Italie et laGermanie ils contrôlent l'axe commercial nord-sud de l'Europe et y reçoivent le produit dutonlieu (taxe sur les péages et les marchés). Ils développent d'ailleurs les marchés et les routes dans un Occident en pleine croissance économique. Ils peuvent aussi compter sur les mines d'argent deGoslar qui leur permettent de battre lamonnaie et de dynamiser encore plus le commerce. Enfin, jusqu'àHenri III, les empereurs sont clairement alliés de l'Église et de la réforme monastique. En luttant contre lasimonie, ils récupèrent des évêchés et abbayes dont les autres princes germaniques ont pris le contrôle pour élargir leur propre clientèle et les confient à des abbés ou évêques réformateurs proches d'eux.
Relief en ivoire donné par Otton à la cathédrale de Magdebourg.
Sous les Carolingiens, la mise en place progressive de l'hérédité des charges avait fortement contribué à l'affaiblissement de leur autorité. Pour éviter une pareille dérive, les Ottoniens, qui savent ne pas pouvoir trop compter sur la fidélité des relations familiales, s'appuient sur l'Église germanique qu'ils comblent de bienfaits mais qu'ils assujettissent. Les historiens ont donné au système qu'ils ont mis en place le nom deReichskirchensystem[72]. Il faut dire que l'Église avait maintenu vivante l'idée d'Empire. Elle avait soutenu les ambitions impériales d'Otton Ier[73].
Lesévêques et lesabbés constituent l'armature de l'administration ottonienne. L'empereur s'assure la nomination de tous les membres du hautclergé de l'empire. Une fois désignés, ils reçoivent du souverain l'investiture symbolisée par les insignes de leur fonction, lacrosse et l'anneau. En plus de leur mission spirituelle, ils doivent remplir des tâches temporelles que leur délègue l'empereur. Ainsi l'autorité impériale était-elle relayée par des hommes compétents et dévoués[74]. CetteÉglise d'empire ouReichskirche, assure la solidité d'un État pauvre en ressources propres. Elle permet de contrebalancer le pouvoir des grands féodaux (ducs deBavière,Souabe,Franconie,Lotharingie). L'évêché d'Utrecht constitue, jusqu'aux environs de 1100, l'entité la plus puissante des Pays-Bas du Nord,Liège etCambrai celles desPays-Bas du Sud[75]. La chapelle royale devient une pépinière pour le haut-clergé. Le pouvoir impérial choisit ses hauts dignitaires de préférence dans saparentèle, proche ou élargie. Celle-ci bénéficie des plus hautes charges épiscopales ou monastiques. Le meilleur exemple en est le propre frère d'Otton,Brunon,évêque de Cologne, qui adopte la règle de l'abbaye de Gorze pour les monastères de son diocèse[76]. On peut citer aussiThierry Ier, cousin germain d'Otton,évêque de Metz de 965 à 984 ; un parent proche d'Otton, lemargrave de Saxe Gero, qui fonde l'abbaye de Gernrode vers 960-961, enSaxe ; Gerberge, nièce de l'empereur, abbesse de Notre-Dame deGandersheim. Dans chaque diocèse, on peut ainsi trouver un membre de l'entourage royal car Otton a pris soin de retirer aux ducs le droit de nommer les évêques, y compris dans les diocèses situés dans leurs propres duchés[56].
Avec la généralisation du denier d'argent par les Carolingiens, une révolution économique est en cours : les surplus agricoles deviennent commercialisables et on assiste dans tout l'Occident à la multiplication de la productivité et des échanges[81]. En réunissant Italie et Germanie dans un même empire, Otton Ier contrôle les principales voies de commerce entre l’Europe du Nord et laMéditerranée. Le trafic commercial avecByzance et l'Orient transite en effet par la Méditerranée vers l'Italie du Sud et surtout le bassin duPô et rejoint celui duRhin via lesvoies romaines traversant les cols alpins. Cette voie est à l'époque plus utilisée que la traditionnellevoie rhodanienne, d'autant que l'Adriatique est plus sûre que la Méditerranée occidentale où sévissent les piratessarrasins. Otton sait garder la mainmise sur les péages et développer les marchés nécessaires à l'augmentation de ce trafic. Ainsi, contrairement à ce qui se passe en Francie, Otton garde le monopole de la frappe monétaire et fait ouvrir des mines d'argent près deGoslar[82]. Or, la création d'un atelier monétaire dans une ville ou une abbaye entraîne la création d'un marché où peut être prélevé letonlieu[82]. Cette puissance commerciale lui permet d'étendre son influence à la périphérie de l'empire : les marchands italiens ou anglais ont besoin de son soutien, les Slaves adoptent le denier d'argent[82].
En 968, Otton Ier octroie à l'évêque deBergame les revenus de la foire fréquentée par les marchands deVenise, deComacchio et deFerrare. Le but est d'aider cette ville, qui a été dévastée par les Hongrois. La documentation est très riche sur les marchands d'Allemagne : elle indique qu'il existe de nombreux marchands àWorms,Mayence,Passau,Magdebourg,Hambourg etMersebourg[83]. De nombreux marchands juifs commercent dans les villes allemandes.
L'autre moyen de remplir les caisses est de créer des cours de justice. Celles-ci sont sources d'entrées financières sous forme d'amendes : lewergeld. Comme la monnaie, elles permettent de représenter l'autorité impériale dans tout l'Empire. Ainsi Otton III établit une cour àRavenne composée d'un riche archiépiscopat qui régente toute l'Italie du Nord et commerce avecVenise etPavie[84]. Ces diverses entrées financières sont indispensables pour se constituer une clientèle fidèle.
La régente Théophano puis l'empereur lui-même œuvrent à la création de puissantes principautés ecclésiastiques en concédant des évêchés renforcés de comtés et d'abbayes à des fidèles. Les exemples les plus probants sontNotger qui se voit attribuer une véritable principauté àLiège (en adjoignant à l'évêché les comtés deHuy et deBrunengeruz)[87], ouGerbert d'Aurillac qui reçoit l'archiépiscopat deRavenne dont dépendent quinze évêchés. Il contrôle alors tout le nord de l'Italie[86]. De fait c'est l'autorité impériale qu'il renforce ainsi : c'est sous le règne d'Otton III que l'emprise de l'empereur sur leSaint-Siège est la plus grande car il nomme lespapes sans même en référer aux Romains. C'est ainsi qu'il nomme pape son cousinBrunon qui le couronne en 996[88]. Il déplace sa capitale àRome, voulant créer un monde chrétien unifié[89] mais affaiblissant par là-même considérablement l'Empire.
Lesministériaux commencent à former leur propre ordre au sein de la basse noblesse[94]. Ses tentatives de remplacer l'ordalie par le recours audroit romain dans la partie septentrionale de l'Empire représentent une avancée importante pour le droit dans l'Empire. Conrad poursuit certes la politique religieuse de son prédécesseur mais il ne le fait pas avec la même véhémence. Pour lui, l'important est de savoir ce que l'Église peut faire pour l'Empire et il la considère sous cet aspect utilitariste. La plupart desévêques et des abbés qu'il nomme se distinguent par leur intelligence et leur spiritualité[95]. Le pape ne joue d'ailleurs aucun rôle important dans ces nominations. Dans l'ensemble, le règne de Conrad est prospère, ce qui tient également au fait qu'il gouverne à une époque où flotte une sorte de renouveau qui aboutira à la fin duXIe siècle par le rôle important de l'ordre de Cluny.
À la mort de son père Henri III, son fils monte sur le trône sous le nom d'Henri IV. Étant donné son jeune âge en 1056 — il a six ans — sa mèreAgnès de Poitiers exerce larégence. Cette période de régence est marquée par une perte du pouvoir, Agnès ne sachant pas gouverner[99]. À Rome, l'avis du futur empereur sur le choix du prochain pape n'intéresse plus personne. Le chroniqueur de l'abbaye de Niederaltaich résume la situation de la manière suivante :« […] mais ceux présents à la cour ne s'occupent plus que de leurs propres intérêts et personne n'instruit plus le roi sur ce qui est bien et juste, si bien que le désordre s'est installé dans le royaume »[C 5].
Le conflit avec la papauté : la querelle des Investitures
Alors que la réforme monastique a été le meilleur soutien de l'Empire, les choses évoluent sous Henri III. À partir deLéon IX, les souverains pontifes, inspirés par Hildebrant leur éminence grise (le futurGrégoire VII), vont faire de la lutte contre la simonie un de leurs principaux chevaux de bataille. Profitant de la régence d'Agnès de Poitou, ils parviennent à ce que le pape soit élu par le collège descardinaux et non plus désigné par l'empereur. Une fois cela acquis, ils comptent lutter contre l'investiture des évêques germaniques par l'empereur. Or on l'a vu, les évêques sont la clef de voûte du pouvoir impérial. L'enjeu est clair : l'Occident doit-il devenir une théocratie ? Lorsqu'Henri essaie d'imposer son candidat à l'évêché de Milan en, le pape Grégoire VII réagit aussitôt[100]. En, Henri est mis au ban, tous ses sujets sont relevés de leur serment de fidélité. Les princes de l'Empire exhortent alors Henri de faire lever l'excommunication au plus tard en, sans quoi ils ne le reconnaîtraient plus. Henri IV doit se plier à la volonté des princes et se rend par trois fois en habits de pénitent devant le pape qui lève l'excommunication le[101]. C'est laPénitence de Canossa. Les pouvoirs s'étaient inversés dans l'Empire. En 1046, Henri III avait commandé à trois papes, désormais un pape commande le roi.
La solution trouvée est simple et radicale. Afin d'accéder à l'exigence des réformateurs de l'Église de séparer les devoirs spirituels des évêques des devoirs temporels, les évêques doivent renoncer aux droits et privilèges octroyés par l'empereur ou plutôt par le roi durant les derniers siècles. D'une part, les devoirs des évêques envers l'Empire disparaissent. D'autre part, le droit du roi d'exercer une influence sur la prise de fonction des évêques disparaît également[103]. Étant donné que les évêques ne veulent pas renoncer à leursregalia temporels, Henri force le pape à un compromis. Le choix des évêques et des abbés allemands doit certes se dérouler en la présence de députés impériaux mais le sceptre, symbole du pouvoir temporel des évêques, est donné par l'empereur après son élection et avant son sacre[104]. L'existence de l'Église d'Empire est ainsi sauvée, mais l'influence de l'empereur sur cette dernière s'en trouve considérablement affaiblie[102].
À la mort de Conrad III en 1152, c'est son neveuFrédéric Barberousse, le duc de Souabe, qui est élu roi. La politique de Frédéric Barberousse est centrée sur l'Italie. Il veut récupérer les droits impériaux sur ce territoire et entreprend six campagnes en Italie pour retrouver l'honneur impérial[110]. En 1155, il est couronné empereur. Toutefois, des tensions apparaissent avec la papauté à l'occasion d'une campagne contre les Normands en Italie du Sud. Les relations diplomatiques se détériorent également avec Byzance. Lorsque Barberousse tente de renforcer l'administration de l'Empire en Italie auReichstag deRoncaglia, les cités-États d'Italie du Nord, en particulier la riche et puissanteMilan[111], lui opposent résistance. Les relations sont si mauvaises que laLigue lombarde se crée, s'affirmant militairement contre les Hohenstaufen. L'élection du nouveau papeAlexandre III suscite la controverse, Barberousse se refuse à le reconnaître dans un premier temps[112]. Ce n'est qu'après avoir constaté qu'une victoire militaire n'était pas à espérer — l'armée impériale est décimée par une épidémie devant Rome en 1167 puis elle est battue en 1176 à labataille de Legnano — qu'est signée lapaix de Venise en 1177 entre le pape et l'empereur[113]. Même les villes d'Italie du Nord se réconcilient avec l'empereur qui ne peut plus réaliser ses projets italiens depuis longtemps.
Alors qu'ils étaient réconciliés, l'empereur se brouille avec son cousinHenri le Lion, le puissant duc de Saxe et de Bavière de la maison des Welfs. Alors qu'Henri posait des conditions à sa participation à unecampagne en Italie, Frédéric Barberousse en profite pour le déchoir[114]. En 1180, Henri est mis en procès, le duché de Saxe est démantelé et laBavière réduite[115]. Toutefois, ce n'est pas l'empereur qui en profitera mais les seigneurs territoriaux de l'Empire.
DepuisSaint Louis, la modernisation du système juridique attire dans la sphère culturelle française de nombreuses régions limitrophes. En particulier en terres d'Empire, les villes duDauphiné de Viennois ou ducomté de Bourgogne (futureFranche-Comté) recourent depuis Saint Louis à la justice royale pour régler des litiges. Le roi envoie par exemple le bailli de Mâcon, qui intervient à Lyon pour régler des différends, comme le sénéchal de Beaucaire intervient àViviers ou àValence[126]. Ainsi, la cour du roiPhilippe VI est largement cosmopolite : beaucoup de seigneurs tels leconnétable de Brienne ont des possessions à cheval sur plusieurs royaumes. Les rois de France élargissent l'influence culturelle du royaume en attirant à leur cour la noblesse de ces régions en lui allouant des rentes et en se livrant à une habile politique matrimoniale. Ainsi, lescomtes de Savoie prêtent hommage au roi de France contre l'octroi de pensions. Ceci n'est pas sans conséquences sur le Saint-Empire. Les rois de France ou leur entourage immédiat vont prendre pied dans l'Empire :Charles V reçoit le Dauphiné de Viennois, son frère cadetLouis d'Anjou hérite de laProvence et le benjaminPhilippe le Hardi se taille une principauté à cheval sur le royaume de France et le Saint-Empire (il entre en possession du duché français de Bourgogne, du comté impérial de Bourgogne dit « Franche-Comté », des comtés français d'Artois et de Flandres, du comté impérial d'Alost dit « Flandre impériale », tandis que ses descendants acquièrent notamment le duché impérial deBrabant et les comtés impériaux deHainaut et deHollande). D'autre part, l'annexion de laChampagne par Saint Louis en 1261 et la fiscalité contraignante qu'il y instaure entraîne le déclin desfoires de Champagne qui étaient la plaque tournante du commerce européen, au bénéfice du vieil axe commercial reliant les bassins du Pô (connecté à la Méditerranée) et ceux du Rhin et de la Meuse (connectés à la mer du Nord)via les cols alpestres. Il s'ensuit un renforcement de la puissance et de l'autonomie des villes lombardes et rhénanes ou des cantons suisses. AuXIVe siècle, ce processus est accéléré par laguerre de Cent Ans[127].
Avec le déclin des Hohenstaufen et l'interrègne qui s'ensuit jusqu'au règne deRodolphe Ier, le pouvoir central s'affaiblit[128], tandis que le pouvoir desprinces-électeurs s'accroît. L'expansion française à l'ouest de l'Empire a pour conséquence une baisse totale d'influence sur l'ancien royaume de Bourgogne[129]. Cette perte d'influence concerne également l'Italie impériale (principalement enLombardie et enToscane). Ce n'est qu'avec la campagne italienne d'Henri VII entre 1310 et 1313 qu'est ravivée la politique italienne de l'Empire. Après Frédéric II, Henri est le premierroi de Germanie à pouvoir obtenir la couronne impériale. La politique italienne des souverains de la fin du Moyen Âge est toutefois mise en place dans des frontières réduites par rapport à celles de leurs prédécesseurs[129]. L'influence de l'Empire diminue également enSuisse. Rodolphe Ier essaie de rétablir l'autorité desHabsbourg sur cette dernière alors que l'empereurFrédéric II lui avait octroyé uneimmédiateté impériale en 1240[130]. Rodolphe Ier échoue. À sa mort, les notables d'Uri, deSchwytz et deNidwald se réunissent et signent un pacte d'alliance et de défense en[131]. C'est ainsi que naît laConfédération desIII cantons, première étape vers laConfédération suisse qui va devenir indépendante du Saint-Empire en 1499 avec letraité de Bâle.
Les rois de la fin du Moyen Âge se concentrent davantage sur le territoire allemand de l'Empire et s'appuient plus fortement que jamais sur leurs fiefs respectifs. L'empereurCharles IV fait figure de modèle. Il parvient à rétablir l'équilibre avec la papauté[135]. Pour éviter les conflits qui suivent pratiquement systématiquement l'élection de l'empereur et sont extrêmement préjudiciables pour le Saint-Empire, il promulgue laBulle d'or à Nuremberg le, puis à ladiète de Metz le de la même année[136]. Celle-ci fixe définitivement les règles d'élection de manière que son résultat ne puisse plus être contesté : seuls votent les sept princes-électeurs, qui voient leurs droits augmentés au détriment des villes. Surtout, le nombre d'électeurs étant fixé, cela retire tout pouvoir d'arbitrage au pape donc tout pouvoir de choisir entre les candidats[137]. La Bulle d'or atteste aussi de l'identité désormais résolument germanique du Saint Empire et de sa renonciation à ses prétentions universelles et même italiennes[138]. Elle reste en vigueur jusqu'à la dissolution de l'Empire[135]. Cependant l'augmentation de la puissance des princes-électeurs accroît la vulnérabilité d'un empereur n'ayant pas une clientèle suffisante. Charles IV s'évertue à éviter à son pays les conflits qui déchirent l'Europe (en particulier laguerre de Cent Ans) et négocie avecVenise et laHanse pour augmenter les flux commerciaux entre Méditerranée et l'Europe du Nord. La grande alliance commerciale qu'est la Hanse connaît son apogée et devient une grande puissance de la sphère du Nord de l'Europe. Créée en 1241, elle regroupe un ensemble de plus de300 villes[139] dontHambourg,Lübeck,Riga ouNovgorod. À cette époque, la Hanse est un acteur politique majeur, allant jusqu'à s'interposer militairement au Danemark[139]. De la même manière, inquiétées par le pouvoir croissant des princes, les villes de Souabe se fédèrent, ce qui crée une puissante alliance : laLigue de Souabe. La Souabe est le carrefour où transitent tous les échanges terrestres européens ; s'y rejoignent les bassins du Rhin et du Danube, qui sont connectés à la vallée du Pô via les cols alpins. C'est également durant le règne de Charles IV que se déclenche laPeste noire. En outre, l'Occident, qui a connu une croissance démographique soutenue depuis leXe siècle, a des difficultés pour nourrir sa population, du fait d'unrefroidissement climatique ; les famines, qui avaient quasiment disparu depuis leXIe siècle, refont leur apparition dans les zones les plus industrialisées. Or, le refroidissement climatique, rendant moins rentable l'agriculture dans le Nord de l'Europe, va accélérer la mutation économique, avec une spécialisation de ces régions dans le commerce et l'industrie, accroissant les échanges et la concentration urbaine facilitant la propagation des épidémies, d'autant que les organismes dénutris sont plus vulnérables aux infections[140],[141]. La population est décimée à hauteur de moitié[140] ; lespogroms contre les Juifs se multiplient. Certains les accusent d'avoir empoisonné les puits et d'avoir ainsi propagé l'épidémie[140]. L'Occident traverse une période de crise économique, démographique et sanitaire majeure. Il doit se réadapter à cette nouvelle donne, et cette crise se traduit par un fort courant de réforme politique et spirituel traversant l'Occident avec la revendication par les villes d'un rôle plus important dans la société, et l'apparition de courants contestataires au sein de l'Église aboutissant augrand schisme et à l'épanouissement des idées de précurseurs de laRéforme telsJohn Wyclif ouJean Huss (Jan Hus).
Avec la mort de Charles IV en 1378, c'est le pouvoir de laMaison de Luxembourg qui s'effondre. Le fils du souverain,Venceslas, est même déchu par un groupe de princes-électeurs le, du fait de son incapacité notoire[142]. À sa place, c'est le comte palatin du RhinRobert qui est élu roi. Les soutiens de son pouvoir et ses ressources sont cependant trop faibles pour pouvoir mettre en œuvre une politique efficace. Et cela d'autant plus que la Maison de Luxembourg n'accepte pas d'avoir perdu la dignité royale. Après la mort de Robert en 1410, le dernier représentant de la Maison de Luxembourg,Sigismond, monte sur le trône. Des problèmes politico-religieux s'étaient fait jour, comme le Grand Schisme d'Occident en 1378. Ce n'est que sous Sigismond que la crise est désamorcée. L'action internationale de Sigismond, queFrancis Rapp appelle « pèlerin de la paix »[143] a pour but de préserver ou de retrouver la paix. Avec sa mort en 1437, c'est la Maison de Luxembourg qui s'éteint. La dignité royale passe désormais entre les mains des Habsbourg ; et cela pour ainsi dire jusqu'à la fin de l'Empire.
L'Édit de Worms de 1521 metMartin Luther au ban de l'Empire[148]. L'Édit n'offre encore aucune possibilité de mener une politique favorable à la Réforme, même s'il n'est d'ailleurs pas observé sur l'ensemble de l'Empire, qu'il est ajourné le[148] et que les décisions que prendra par la suite la Diète d'Empire s'en écarteront. La plupart des compromis de la Diète sont imprécis et ambigus et conduisent à de nouvelles querelles juridiques. C'est ainsi par exemple que la Diète de Nuremberg déclare en 1524 que tous doivent suivre l'Édit de Worms « autant que possible »[C 6]. Toutefois, aucune solution de paix définitive ne peut être trouvée, on s'attache à un compromis en attendant le suivant.
Cette situation n'est satisfaisante pour aucune des deux parties. Le camp protestant ne dispose d'aucune sécurité juridique et vit dans la crainte d'uneguerre de religion. Le camp catholique, en particulier l'empereurCharles Quint, ne veut pas d'une division religieuse durable. Charles Quint, qui au début ne prend pas le cas de Luther au sérieux et ne perçoit pas sa portée[149], ne veut pas accepter la situation puisqu'il se considère, comme les souverains médiévaux, être le garant de la véritable Église[150]. L'Empire universel a besoin d'uneÉglise universelle.
La période est également marquée par deux événements. Tout d'abord lesoulèvement des paysans qui fait rage dans l'Allemagne du Sud entre 1524 et 1526, l'année 1525 marquant l'apogée du mouvement[151]. Les paysans ont plusieurs revendications dont l'abolition descorvées ou l'élection des prêtres[151]. Luther exhorte alors les paysans à lapaix et prône la soumission à l'autorité[152]. Le second événement est l'invasion ottomane.Sigismond en tant que roi de Hongrie avait été sévèrement battu à labataille de Nicopolis en 1396[153].Soliman le Magnifique, une fois l'Orient conquis, commence à conquérir l'Europe. Il s'attaque tout d'abord à la Hongrie et remporte labataille de Mohács en 1526. L'Empire ottoman s'étend alors jusqu'àVienne, la Hongrie étant divisée en trois parties : une administrée par les Ottomans, une par le Saint-Empire et la dernière par les princes du lieu[154]. En 1529, Vienne est assiégée. Charles Quint va continuer à combattre les Ottomans afin de préserver la paix dans son Empire[150]. Sa tâche est d'autant plus malaisée que la France en la personne de son roiFrançois Ier soutient les Ottomans. Les Habsbourg multiplient les contacts avec lesSéfévides, dynastie chiite qui règne alors sur laPerse, pour contrer les Turcs sunnites, leurs ennemis communs[155],[156]. Il faut attendre latrêve de Crépy-en-Laonnois de 1544 pour que soit mis un terme à la rivalité entre les deux souverains. Cette rivalité avait été d'autant plus grande que François Ier avait été le rival de Charles Quint lors de l'élection impériale[157]. Trois ans plus tard, Charles Quint signe une paix avec Soliman en 1547. Il doit alors se confronter aux problèmes religieux qui déchirent l'Empire.
Après une longue hésitation, Charles Quint met les chefs de laLigue de Smalkalde, regroupant les princes protestants rebelles, au ban de l'Empire[158] et déploie l’armée du Saint-Empire pour punir les rebelles, c'est laReichsexecution (littéralementexécution d'Empire). Cette confrontation de 1546-1547 entrera dans l'histoire sous le nom deguerre de Smalkalde. Après la victoire de l'empereur, les princes protestants doivent accepter un compromis religieux, l'Intérim d'Augsbourg, lors de la Diète d'Augsbourg en 1548[158]. Les pasteurs peuvent continuer à se marier et les protestants non membres du clergé àcommunier sous les deux espèces. Cette sortie de guerre vraiment favorable pour les états impériaux protestants est due au fait que Charles Quint poursuit des projets constitutionnels parallèlement à ses buts politico-religieux. Ces projets constitutionnels doivent mener à la disparition de la constitution par ordre pour être remplacée par un gouvernement central. Ces buts supplémentaires entraînent la résistance des états impériaux catholiques, si bien que Charles Quint ne trouve aucune solution satisfaisante concernant la question religieuse[159].
Les conflits religieux dans l'Empire sont — dans l'idée que se faitCharles Quint d'un vaste empire habsbourgeois — reliés à unemonarchia universalis qui doit englober l'Espagne, lesterritoires héréditaires des Habsbourg et le Saint-Empire romain germanique[160]. Toutefois, il ne parvient ni à rendre la charge d'empereur héréditaire ni à échanger la couronne impériale entre les lignes autrichienne et espagnole des Habsbourg. Le soulèvement des princes contre Charles Quint sous la conduite du prince-électeurMaurice de Saxe et lapaix de Passau signée en 1552 entre les princes et le futurFerdinand Ier qui en résulte sont les premiers pas vers une paix religieuse durable[161] étant donné que le traité garantit une liberté de culte aux protestants. Il en résultera lapaix d'Augsbourg en 1555.
LaReichsexekutionsordnung promulguée à la Diète d'Augsbourg en 1555 entraîne un affaiblissement de la puissance impériale et un ancrage du principe des états impériaux. Lescercles et lesétats impériaux locaux obtiennent également parallèlement à leurs devoirs habituels la compétence pour appliquer les jugements duReichskammergericht ainsi que la nomination des assesseurs qui y siègent. De plus, ils ont le droit de frapper monnaie et d'exercer d'autres charges réservées jusqu'alors à l'empereur. Puisque l'empereur s'était montré incapable d'assurer une de ses tâches principales, à savoir celle de préserver la paix, son rôle est désormais assumé par les États des cercles impériaux[163].
La paix religieuse proclamée le est aussi importante que l’Exekutionsordnung, elle abandonne l'idée d'un empire uni confessionnellement[164]. Les seigneurs territoriaux obtiennent le droit de décider de la confession de leurs sujets, ce qui est résumé dans la formulecujus regio, ejus religio[165]. Dans les territoires protestants, la juridiction religieuse passe aux seigneurs qui deviennent alors les chefs spirituels de leurs territoires. Toutes les règles édictées conduisent certes à une solution pacifique des problèmes religieux mais elles rendent encore plus visible la division croissante de l'Empire et mèneront à moyen terme à un blocage des institutions impériales[166]. En, l'empereurCharles Quint abdique en faveur de son frèreFerdinand, roi des Romains depuis 1531. La politique intérieure et étrangère de Charles Quint avait définitivement échoué[167]. Ferdinand décide alors de restreindre sa politique à l'Allemagne et il parvient à rattacher lesétats impériaux à l'empereur en faveur de ce dernier[168].
La confessionnalisation et ses conséquences (1555-1648)
Jusqu'au début des années 1580, il règne dans l'Empire une phase sans conflit militaire notable. La paix religieuse n'est qu'une « simple trêve »[169]. C'est à cette époque que s'accomplit la confessionnalisation, c'est-à-dire une consolidation et une démarcation entre les trois confessions que sont leluthéranisme, lecalvinisme et lecatholicisme. Les formes étatiques qui apparaissent dans les territoires à cette occasion posent un problème de niveau constitutionnel à l'Empire. Les tensions s'accroissent du fait que l'Empire et ses institutions ne peuvent plus remplir leur fonction de médiateur. L'empereur tolérantMaximilien II meurt en 1576, son filsRodolphe II nomme une majorité de catholiques auConseil aulique et à la Chambre impériale de justice[170], rompant avec la politique de son père. À la fin duXVIe siècle, ces institutions se bloquent — en 1588 déjà, la Chambre impériale de justice ne fonctionnait plus[171].
Constatant que le système impérial et la paix sont menacés, six princes protestants fondent l'Union protestante le autour deFrédéric IV[169]. D'autres princes et villes d'Empire rejoignent l'Union par la suite. L'électeur de Saxe et les princes du nord refusent d'y participer dans un premier temps, par la suite l'électeur de Saxe s'y rallie. En réaction, les princes catholiques fondent laLigue catholique le autour deMaximilien de Bavière. La Ligue veut maintenir le système en place et préserver la prédominance catholique dans l'Empire. Les institutions et l'Empire se bloquent, annonçant un conflit inévitable[174].
LaDéfenestration de Prague est le déclencheur de cette guerre que l'empereur, espérant au début de grands succès militaires, essaie d'utiliser de manière politique afin d'asseoir son pouvoir face aux états impériaux[175]. C'est ainsi queFerdinand II, élu empereur par tous les princes-électeurs — même les protestants — le malgré la guerre, met le prince-électeur et roi de BohêmeFrédéric V du Palatinat auban de l'Empire en 1621 et donne la dignité électorale àMaximilien Ier de Bavière.
La promulgation de l'édit de Restitution le est le dernier acte de loi impérial important. Tout comme la mise au ban de Frédéric V, il trouve sa source dans la revendication du pouvoir de l'empereur. Cet édit réclame l'adaptation de lapaix d'Augsbourg d'un point de vue catholique. En conséquence, tous les évêchés, les évêchés et archevêchés-princiers qui avaient été sécularisés par les seigneurs protestants depuis lapaix de Passau doivent être restitués aux catholiques. Ces actions n'auraient pas seulement signifié la recatholicisation de grands territoires protestants mais également un renforcement capital du pouvoir impérial puisque les questions politico-religieuses étaient jusqu'alors décidées en commun par l'empereur, lesétats impériaux et les princes-électeurs. En revanche, il se forme une coalition confessionnelle de ces derniers qui n'acceptent pas que l'empereur proclame un édit si tranchant sans leur accord[176].
Carte de la guerre de Trente Ans.
Lors de leur réunion de 1630, les princes-électeurs, sous la conduite deMaximilien Ier de Bavière, obligent l'empereur à renvoyer le généralissimeWallenstein[177] et à accorder une révision de l'édit. La même année, la Suède entre en guerre aux côtés des protestants. Au début, les troupes suédoises se montrent supérieures à celles de l'empereur. Mais en 1632 Gustave Adolphe, roi de Suède, est tué à la bataille de Lützen près de Leipzig. Une chapelle est dressée à l'endroit de sa mort, et une inscription le remercie d'avoir « défendu le luthéranisme les armes à la main. » L'empereur parvient à retrouver l'avantage à labataille de Nördlingen en 1634. Lapaix de Prague signée entre l'empereur et l'électeur de Saxe en 1635 autorise Ferdinand à suspendre l'Édit de restitution pour quarante ans[178]. L'empereur sort renforcé de cette paix puisque toutes les alliances hormis celles des princes-électeurs sont dissoutes et l'empereur obtient le haut-commandement de l’armée impériale, ce que les protestants n'acceptent pas. Des négociations vont d'ailleurs être menées pour revenir sur cette clause du traité[177]. Le problème religieux posé par l'édit de Restitution n'avait été seulement repoussé de quarante ans puisque l'empereur et la plupart des états impériaux s'étaient accordés sur le fait qu'unifier l'empire politiquement, repousser les puissances étrangères du territoire et mettre un terme à la guerre étaient les choses les plus pressantes.
La France entre en guerre en 1635 ; Richelieu intervient aux côtés des protestants pour empêcher un renforcement du pouvoir desHabsbourg en Allemagne, la situation tourne en la défaveur de l'empereur[179]. C'est à ce moment-là que la guerre de religion à l'origine allemande devient un combathégémonique à l'échelle européenne. La guerre se poursuit donc puisque les problèmes confessionnels et politiques qui avaient été réglés provisoirement par lapaix de Prague viennent en second plan pour la France et la Suède. De plus, la paix de Prague présente de graves manques, si bien que les conflits internes à l'Empire perdurent.
À partir de 1640, les différentes parties commencent à signer des paix séparées étant donné que dans l'état actuel des choses, fait de solidarité confessionnelle et de politique d'alliance traditionnelle, l'Empire n'est presque plus défendu. C'est leprince-électeur de Brandebourg qui ouvre la marche en[180]. Il signe la paix avec la Suède et démobilise son armée, chose impossible d'après les conventions de Prague puisque son armée appartient à l'armée impériale. D'autres états impériaux suivent le mouvement. L'électeur de Saxe signe à son tour une paix avec la Suède et l'électeur de Mayence en signe une avec la France en 1647[180]. L'Empire sort de la guerre dévasté.
L'empereur, la Suède et la France s'entendent en 1641 àHambourg pour mener des négociations de paix alors que les combats se poursuivent. Ces négociations ont lieu en 1642 et 1643 àOsnabrück entre l'empereur, les états impériaux protestants et la Suède, et àMünster entre l'empereur, les états impériaux catholiques et la France[181]. Le fait que l'empereur ne représente pas l'Empire à lui seul est un important symbole de sa défaite. La puissance impériale est de nouveau remise en cause. C'est pourquoi les états impériaux voient leurs droits d'autant plus préservés en n'étant pas seuls face à l'empereur, mais en menant les négociations concernant les problèmes constitutionnels sous les yeux des puissances étrangères. LaFrance y montre d'ailleurs toute sa bienveillance puisqu'elle veut absolument réduire le pouvoir desHabsbourg[182] en appuyant fortement la demande de participation desétats impériaux aux négociations[183]. Les états impériaux sont donc admis aux négociations contre la volonté deFerdinand III, empereur depuis 1637, qui veut représenter à lui seul l'Empire aux pourparlers de paix de Münster et Osnabrück[184], régler les questions européennes lors des négociations deWestphalie, signer une paix avec la France et la Suède et traiter les problèmes constitutionnels allemands au terme d'une Diète. Cette dernière va être réunie quelques années plus tard en 1653[185]. Si l'empereur finit par consentir à la participation des états impériaux aux négociations, il le fait pour ne pas se couper définitivement d'eux[186].
Les deux villes où ont lieu les négociations ainsi que les chemins qui les relient sont déclarés démilitarisés (ce qui n'a été complètement appliqué que pour Osnabrück). Toutes les légations peuvent se déplacer librement. Des délégations chargées de la médiation viennent de larépublique de Venise, deRome et duDanemark[187]. Des représentants des autres puissances européennes affluent vers la Westphalie et sont associés aux négociations, excepté l'Empire ottoman et laRussie. Les négociations àOsnabrück se transforment — parallèlement aux négociations entre l'Empire et la Suède — en une convention où sont traités les problèmes constitutionnels et politico-religieux. À Münster, c'est le cadre européen ainsi que des changements juridiques concernant les droits seigneuriaux en ce qui concerne les Pays-Bas et la Suisse. On négocie également une paix entre l'Espagne et lesProvinces-Unies le[188].
Triumphus Pacis, représentation allégorique datée de 1649 des traités de Westphalie.Germania conduit le char tiré par le lion des Habsbourg et l'aigle impériale où est assis l'ange de la paix. Le dieu de la guerre Mars est enchaîné au char.
Dans la période qui suit directement lestraités de Westphalie, la paix est toutefois vue d'une toute autre manière. Elle est saluée avec joie[190] et fait figure de nouvelle loi fondamentale valable partout où l'empereur est reconnu avec ses privilèges et comme symbole de l'unité de l'Empire. La paix met les pouvoirs territoriaux et les différentes confessions sur une même base juridique et codifie les mécanismes nés après la crise constitutionnelle du début duXVIe siècle. En outre, elle condamne ceux de lapaix de Prague. Georg Schmidt résume ainsi :« La paix n'a ni apporté le démembrement de l'État ni l'absolutisme princier. […] La paix a souligné la liberté des États mais n'a pas fait d'eux des États souverains »[C 8].
Même si l'on accorde auxétats impériaux les droits complets de souveraineté et que l'on réinstaure le droit d'alliance annulé par la paix de Prague, ce n'est pas la souveraineté totale des territoires qui est envisagée puisqu'ils restent soumis à l'empereur[174]. Le droit d'alliance — qui va également à l'encontre d'unesouveraineté totale des territoires de l'Empire — ne doit s'exercer ni contre l'empereur et l'Empire, ni contre la paix ou contre le traité. Selon les spécialistes du droit de l'époque, les traités de Westphalie sont une sorte decoutume traditionnelle des états impériaux qu'ils ne font que fixer par écrit[191].
Dans la partie concernant la politique religieuse, les princes changeant de religion ne peuvent plus l'imposer à leurs sujets[181]. Lapaix d'Augsbourg est confirmée dans son ensemble et déclarée comme intouchable, mais les questions litigieuses sont de nouveau réglées. C'est la situation juridique et religieuse en vigueur au qui fait référence[181]. Tous les états impériaux doivent par exemple tolérer les deux autres confessions si celles-ci existaient déjà sur leurs territoires en 1624. Toutes les possessions doivent être restituées à leurs anciens propriétaires et toutes les décisions ultérieures de l'empereur, desétats impériaux ou des puissances d'occupation déclarées comme nulles et non avenues.
Lestraités de Westphalie apportent à l'Empire la paix attendue depuis trente ans. Le Saint-Empire perd quelques territoires situés en France actuelle, lesProvinces-Unies[192], laConfédération suisse[11] et larépublique de Genève[193]. Pour le reste, il ne connaît pas d'autre grande modification. Le pouvoir entre l'empereur et lesétats impériaux est de nouveau équilibré, sans rétablir les pouvoirs comme ils étaient avant la guerre. La politique impériale n'est pas déconfessionnalisée, seul le rapport aux confessions est à nouveau régulé. Selon Gotthard, considérer les traités de Westphalie comme destructeurs de l'Empire et de l'idée d'Empire est l'une des fautes de jugement les plus flagrantes[194]. Les résultats des négociations de paix montrent l'absurdité de la guerre :« Après que tant de vies humaines ont été gâchées pour un but si minime, les hommes auraient dû comprendre comme il est totalement vain de laisser des questions de foi au jugement de l'épée »[C 9].
Des traités de Westphalie à la Révolution française
Après la signature destraités de Westphalie, un groupe de princes exige des réformes radicales dans l'Empire visant à réduire le pouvoir des princes-électeurs et à étendre le privilège de l'élection du roi à d'autres princes d'Empire. Mais, lors de la Diète de 1653-1654, cette minorité princière n'arrive pas à s'imposer. Le recès de cette Diète, appelédernier recès impérial — cette Diète a été la dernière avant qu'elle ne siège de manière permanente à partir de 1663[195] — décide que les sujets doivent payer des impôts à leurs seigneurs pour que ceux-ci puissent entretenir des troupes, ce qui a souvent mené à la constitution d'armées dans les différents territoires les plus grands qui obtiennent d'ailleurs le nom d’états impériaux armés (en allemandArmierte Reichsstände).
Après 1648, la position des cercles impériaux se renforce et on leur attribue un rôle décisif dans la nouvelle constitution militaire impériale. C'est ainsi que la Diète décide d'une nouvelle constitution militaire (Reichskriegsverfassung) en 1681, l'Empire étant à nouveau menacé par les Turcs. Dans cette nouvelle constitution, les contingents des troupes de l'armée impériale sont fixés à 40 000 hommes[196]. Lescercles impériaux sont responsables de leur déploiement[197]. Depuis 1658, c'est l'empereurLéopold Ier qui est au pouvoir. Son action est considérée comme médiocre. Il se préoccupe plus des territoires héréditaires que de l'Empire[198].
Si un titre ou une position dans la hiérarchie de l'Empire et dans la noblesse européenne étaient importants pour le prestige d'un souverain avant laGuerre de Trente Ans, cette situation change car après, seul un titre royal est important au niveau européen[201]. D'autres facteurs entrent à présent également en jeu comme la grandeur du territoire ou la puissance économique et militaire. Désormais le pouvoir qui compte vraiment est celui qui peut être quantifié grâce à ces nouveaux facteurs. D'après les historiens, ceci est une conséquence à long terme de la Guerre de Trente Ans pendant laquelle les titres et les positions juridiques n'ont presque plus joué de rôle, en particulier pour les états impériaux les plus petits. Seuls les impératifs guerriers ont compté.
Le Brandebourg-Prusse et l'Autriche n'entrent donc plus dans le cadre de l'Empire et cela non seulement du fait de leur grandeur territoriale mais aussi du fait de leur constitutionnalité. Les deux territoires sont devenus des États. Il est par exemple difficile dans le cas de l'Autriche de ne pas la différencier du Saint-Empire[202]. Tous deux ont réformé leurs pays et brisé l'influence des États provinciaux. Les territoires conquis se doivent désormais d'être administrés et protégés de manière judicieuse et une armée doit être financée. Les plus petits territoires restent exclus de ces réformes. Un souverain qui aurait voulu mettre des réformes de cette ampleur en œuvre serait inéluctablement entré en conflit avec les tribunaux impériaux, étant donné que ceux-ci soutenaient les États provinciaux dont les privilèges auraient été attaqués par le souverain en question. En tant que souverain autrichien, l'empereur n'a naturellement pas à craindre leConseil aulique comme les autres souverains peuvent le craindre puisqu'il le préside. ÀBerlin, on ne se préoccupe pour ainsi dire pas des institutions impériales. L'application des jugements aurait été effectivement impossible. Ces deux modes de réaction face aux institutions contribuent également à l'isolement par rapport à l'Empire.
Soldats prussiens à labataille de Mollwitz lors de la première guerre de Silésie.
La rivalité que l'on appelledualisme austro-prussien donne lieu à plusieurs guerres[203]. La Prusse remporte les deuxGuerres de Silésie et obtient la Silésie tandis que laguerre de Succession d'Autriche s'achève en faveur de l'Autriche. C'estCharles VII, membre de la famille des Wittelsbach, qui avec l'appui de la France monte sur le trône après cette guerre de succession en 1742[204]. Toutefois, ce dernier ne parvient pas à s'imposer et à sa mort en 1745, lesHabsbourg-Lorraine montent de nouveau sur le trône en la personne deFrançois Ier, l'époux deMarie-Thérèse.
Lors dutraité de Teschen du préparé par laRussie, l'Autriche reçoit certes l’Innviertel, une minuscule région au sud-est de l'Inn, qui lui était promis mais l'empereur fait figure de perdant[206]. Pour la seconde fois depuis 1648, un problème interne à l'Allemagne est réglé grâce à l'aide de puissances extérieures. Ce n'est pas l'empereur qui apporte la paix à l'Empire mais la Russie qui, parallèlement à son rôle de garante de la paix de Teschen, avait été la garante destraités de Westphalie et était ainsi devenue l'un des protecteurs de la constitution de l'Empire. L'Empire s'était désassemblé de lui-même. Même si Frédéric II fait figure de protecteur de l'Empire[207], il n'a pas pour projet de le protéger et de le consolider mais au contraire d'affaiblir l'empereur et à travers lui la structure de l'Empire, ce à quoi il parvient[208]. Le concept d'unetierce Allemagne né de la crainte des petits et moyens états impériaux de devenir l'instrument des plus grands échoue à cause de l'éternelle opposition confessionnelle entre les différents États. Quelques années plus tard,Napoléon donne le coup de grâce à un Empire qui ne présente plus de force de résistance.
Face aux troupes révolutionnaires françaises, les deux grandes puissances allemandes s’allient dans le cadre de laPremière Coalition. Cette alliance n’a cependant pas pour but de protéger les droits de l’Empire mais d'étendre les sphères d’influences respectives de l'Autriche et de la Prusse,[209] leur permettant par le même coup de ne pas laisser leur rival remporter seul la victoire. Avec la volonté parallèle d'agrandir le territoire autrichien — si besoin est au détriment des autres membres de l’Empire — l’empereurFrançois II, élu le, perd l'opportunité d’être soutenu par les autres états impériaux. LaPrusse veut également se dédommager des coûts de guerre engagés en annexant des territoires ecclésiastiques. Il devient ainsi impossible de former un front uni contre les troupes révolutionnaires françaises et d’obtenir de franc succès militaires.
En conséquence, et devant se préoccuper de la résistance née autour de la nouvellepartition de la Pologne, la Prusse signe une paix séparée en 1795 avec la France, lapaix de Bâle[210]. En 1796, leBade et leWurtemberg font de même. Les accords ainsi signés stipulent que les possessions situées sur la rive gauche du Rhin doivent être cédées à la France[211]. Toutefois, les propriétaires sont dédommagés, recevant en contre-partie des territoires ecclésiastiques situés sur la rive droite, qui sont dès lors sécularisés. Les autres états impériaux négocient également des armistices bilatérales et des traités de neutralité.
Situation de l'Europe après le traité de Lunéville.
En, la députation d'Empire consent lors ducongrès de Rastadt à céder les territoires situés sur la rive gauche du Rhin et à la sécularisation de ceux situés sur la rive droite à l’exception des trois électeurs ecclésiastiques. Mais laDeuxième Coalition met un terme au marchandage lié aux différents territoires. Letraité de Lunéville signé en 1801 met fin à la guerre[213]. Approuvé par la Diète, il n’apporte toutefois aucune définition claire en ce qui concerne les dédommagements. Les négociations de paix de Bâle avec la Prusse, de Campo Formio avec l’Autriche et de Lunéville avec l’Empire exigent des dédommagements que seule une loi d’Empire peut entériner. C’est pourquoi l’on convoque une députation pour régler la situation. En fin de compte, la députation accepte le plan de dédommagement franco-russe du sans le modifier substantiellement. Le, la Diète d’Empire accepte définitivement lerecès d'Empire[214].
Presque toutes les villes d’Empire, les territoires temporels les plus petits et presque toutes les principautés ecclésiastiques vont être choisis pour dédommager les puissances lésées. La composition de l’Empire s'en trouve considérablement modifiée. Le banc des princes à la diète autrefois en majorité catholique devient protestant[215]. Deux des trois électorats ecclésiastiques disparaissent. Même l’électeur de Mayence perd son siège pour être nommé àRatisbonne. Parallèlement, il n’existe plus que deux grands princes d’Empire ecclésiastiques : le grand maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem et le grand maître de l’ordre Teutonique. En tout, ce sont 110 territoires qui disparaissent et 3,16 millions de personnes qui changent de souverain[216].
Cette nouvelle organisation territoriale de l’Empire va longtemps exercer une influence sur le paysage politique européen. On a parlé pour l’année 1624 deNormaljahr, c’est-à-dire d’une année servant de référence, il en va de même pour l’année 1803 en ce qui concerne les relations confessionnelles et patrimoniales en Allemagne. Le recès d’Empire crée un nombre clair demoyennes puissances à partir d’une multitude de territoires. Afin de procéder aux dédommagements, onsécularise et onmédiatise. Les dédommagements dépassent parfois ce que la puissance en question aurait dû recevoir au vu de ses pertes[217]. Le margrave de Bade reçoit par exemple neuf fois plus de sujets par rapport à ceux perdus lors de la cession des territoires sur la rive gauche du Rhin et sept fois plus de territoires[215]. L’une des raisons est que la France veut se créer une série d’États satellites, assez gros pour créer des difficultés à l’empereur mais assez petits pour ne pas menacer la position de laFrance.
L’Église d’Empire a quant à elle cessé d'exister[215].Elle avait été si ancrée dans le système impérial qu’elle disparaît même avant que l’Empire s’effondre.[pas clair] Les positions anticléricales de la France ont fait le reste, d’autant plus que l’empereur perd ainsi l’un de ses pouvoirs les plus importants. L’esprit de l’Aufklärung et la folie de puissance absolutiste contribuent également à rendre l’Église d’Empire obsolète et à développer les convoitises de princes d’Empire catholiques.
Le,Napoléon devient l'empereur des Français et il est sacré le. Ce sacre qui renforce son pouvoir montre également sa volonté de devenir l'héritier deCharlemagne[218] et d'ainsi légitimer son action en l'inscrivant dans la tradition médiévale. C'est pourquoi il visite la cathédrale d'Aix-la-Chapelle en septembre 1804 ainsi que la tombe de Charlemagne. Lors des discussions diplomatiques entre la France et l'Autriche en ce qui concerne le titre d'empereur, Napoléon exige dans une note secrète datée du que son empire soit reconnu ;François II quant à lui serait reconnuEmpereur héréditaire d’Autriche. Quelques jours plus tard, le souhait se transforme en ultimatum. Deux solutions s'offrent alors : la guerre ou la reconnaissance de l'empire français. L'empereur François II cède. Le, il ajoute à son titre d'empereur du Saint-Empire celui d'empereur héréditaire d'Autriche pour lui et ses successeurs[219]. Cette démarche représente toutefois une rupture du droit impérial puisque ni les princes-électeurs n'en ont été informés ni laDiète d'Empire ne l'a acceptée. En dehors de toute considération juridique, beaucoup considèrent cette démarche comme précipitée.Friedrich von Gentz écrit d'ailleurs à son ami lePrince Metternich :« Si la couronne impériale allemande reste dans la maison d'Autriche — et on trouve déjà une telle masse de non-politique aujourd'hui où il n'y a encore aucun danger imminent clairement visible que l'on craint le contraire ! — toute dignité impériale est vaine »[C 10].
Toutefois Napoléon perd définitivement patience. Lors de laTroisième Coalition, il fait marcher son armée sur Vienne. Les troupes de l'armée bavaroise et de l'armée du Wurtemberg lui viennent en renfort. C'est ainsi qu'il remporte labataille d'Austerlitz le sur les Russes et les Autrichiens. Letraité de Presbourg que Napoléon dicte à François II et au tsarAlexandre Ier scelle la fin de l'Empire[221]. Napoléon y impose en effet que laBavière soit érigée en royaume comme leWurtemberg et le Bade, se retrouvant ainsi à égalité avec la Prusse et l'Autriche. C'est la structure de l'Empire qui est une nouvelle fois attaquée puisqu'en acquérant leur pleine souveraineté, ces royaumes s'en détachent. C'est d'ailleurs ce que souligne une remarque de Napoléon à son ministre des Affaires étrangèresTalleyrand :« J'aurai cependant arrangé la partie de l'Allemagne qui m'intéresse : il n'y aura plus de diète à Ratisbonne, puisque Ratisbonne appartiendra à la Bavière ; il n'y aura donc plus d'Empire Germanique, et nous nous en tiendrons là »[222].
Médaille de la confédération du Rhin.
Le fait que l'électeur de MayenceCharles-Théodore de Dalberg fasse du grand aumônier de l'empire françaisJoseph Cardinal Fesch soncoadjuteur[223], espérant ainsi sauver l'Empire, porte un dernier coup en faveur de l'abdication de la couronne. Dalberg, chancelier d'Empire et donc en tant que tel chef de la chancellerie d'Empire, gardien du tribunal impérial et des archives impériales, nomme un Français qui ne parle pas un mot d'allemand et qui plus est un oncle de Napoléon. En cas de décès ou de démission de Dalberg, l'oncle de l'empereur français serait alors devenu chancelier de l'Empire. LaDiète d'Empire prend connaissance de la situation le[224]. Selon le ministre autrichien des Affaires étrangèresJohann Philipp von Stadion, il n'y a que deux solutions possibles : la disparition de l'Empire ou sa refonte sous dominance française. C'est ainsi que François II se décide à protester le, en vain.
L'abdication de la couronne impériale est anticipée par un ultimatum présenté le à Paris à l'envoyé autrichien[226]. Si l'empereur François II n'abdique pas d'ici le, les troupes françaises attaquent l'Autriche. Cependant, depuis plusieurs semaines,Johann Aloys Josef von Hügel et le comte von Stadion sont occupés à établir une expertise portant sur la préservation de l'Empire. Leur analyse rationnelle les amène à la conclusion que la France va essayer de dissoudre la constitution de l'Empire et de le transformer en un État fédératif influencé par la France. La conservation de la dignité impériale va inéluctablement conduire à un conflit avec laFrance, le renoncement à la couronne est donc inévitable[227].
Le, on présente l'expertise à l'empereur[228]. Le1er août, l'envoyé françaisLa Rochefoucauld entre dans la chancellerie autrichienne. Ce n'est qu'après que La Rochefoucauld a formellement attesté à von Stadion après de vives confrontations que Napoléon ne coifferait pas la couronne impériale et respecterait l'indépendance autrichienne que le ministre autrichien des Affaires étrangères approuve l'abdication qui est promulguée le.
Dans son acte d'abdication, l'empereur indique qu'il n'est plus en mesure de remplir ses devoirs de chef de l'Empire et déclare :« Nous déclarons donc, par les présentes, que Nous considérons comme dissous les liens qui, jusqu'à présent, Nous ont attaché au corps de l'Empire germanique, que Nous regardons comme éteinte par la formation de la confédération du Rhin la charge et la dignité de chef de l'Empire ; et que Nous Nous considérons par là comme libéré de tous Nos devoirs envers cet Empire »[229].François II ne se contente pas seulement de déposer sa couronne, il dissout entièrement le Saint-Empire sans l'approbation de la Diète d'Empire en proclamant :« Nous délions en même temps les électeurs, princes et États, et tous les membres de l'Empire, nommément aussi les membres des tribunaux suprêmes et autres officiers de l'Empire, de tous les devoirs par lesquels ils étaient liés à Nous, comme Chef légal de l'Empire, par la constitution »[229]. Il dissout également les territoires de l'Empire relevant de son propre pouvoir et les soumet à l'empire autrichien. Même si la dissolution de l'Empire ne suit aucun caractère juridique, il n'y a aucune volonté ni aucun pouvoir pour le préserver.
Après lecongrès de Vienne de 1815, les États allemands se rassemblent au sein de laConfédération germanique. Auparavant, en, un groupe de vingt-neuf souverains de petits et moyens États propose au comité qui s'occupe d'établir un plan visant à construire un État fédéral de réintroduire la dignité impériale en Allemagne[233]. Il ne faut pas y voir l'expression d'une ardeur patriotique mais plutôt la crainte de la domination des princes devenus grâce à Napoléon les rois de territoires souverains comme les rois de Wurtemberg, de Bavière et de Saxe.
L'organisation fédérale qui comporte un très grand nombre de règlements enchevêtrés est déjà critiquée par des contemporains commeSamuel von Pufendorf qui en 1667 écrit sous le pseudonyme de Severinus von Monzambano son œuvreDe statu imperii Germanici afin de soutenir les princes protestants et dans laquelle il décrit l'empire comme « monstro simile »[236].
Toutefois, l'empire est un État avec un chef, l'empereur, et ses membres, lesétats impériaux. Le caractère particulier de l'empire et de sa constitution est connu des juristes de l'époque qui essaient alors de le théoriser. D'après une de ces théories, l'empire est gouverné par deux majestés. On trouve d'un côté lamajestas realis exercée par les états impériaux et lamajestas personalis par l'empereur élu[237]. Cet état de chose est rendu visible à travers la formulation souvent utiliséeempereur et empire (Kaiser und Kaisertum), selon cette théorie juridique l'empereur serait un souverain constitutionnellement soumis à la souveraineté des États. En réalité, avec la montée en puissance de lamonarchie autrichienne au sein de l'empire, le pouvoir des « cercles d'empire » et de la Diète tendait à diminuer.
Cent ans après Pufendorf,Charles-Théodore de Dalberg, l'archevêque de Mayence, défend l'organisation de l'empire avec les mots suivants :« une construction gothique durable qui n'est cependant pas construite selon les règles de l'art mais où l'on habite de manière sûre »[C 12].
Les lois et les textes qui ont fait partie de la constitution impériale ont été élaborés au cours de différents siècles et leur reconnaissance en tant que lois faisant partie intégrante de la constitution n'a pas été générale. Toutefois certaines d'entre elles sont désignées comme étant des lois fondamentales.
La première convention que l'on peut considérer comme étant de droit constitutionnel est celle duConcordat de Worms de 1122 qui met fin à laquerelle des Investitures[238]. La fixation par écrit de la primauté de la nomination des évêques par l'empereur avant leur installation par le pape ouvre au pouvoir temporel une certaine indépendance vis-à-vis du pouvoir religieux. Le concordat est une première pierre dans l'émancipation balbutiante de l'État — que l'on ne peut toutefois à peine qualifier comme tel — par rapport à l'Église.
Parallèlement auStatutum in favorem principum, laBulle d'or de 1356 est le texte considéré comme le véritable fondement de la constitution[238]. Pour la première fois, les principes d'élection du roi sont fermement codifiés[235], évitant par la suite les doubles élections. Le groupe des princes électeurs est également défini[239]. Ces derniers sont déclarés indivisibles pour éviter que leur nombre n'augmente. De plus, la Bulle d'Or exclut tout droit papal sur l'élection du roi et réduit le droit de mener des guerres privées.
Les concordats de 1447 entre le papeNicolas V et l'empereurFrédéric III sont également considérés comme étant une loi fondamentale. Les droits papaux et les libertés de l'Église et des évêques dans l'empire y sont consignés. Sont concernées l'élection des évêques, des abbés et des prieurs mais également l'attribution des dignités religieuses et les questions concernant la succession foncière après la mort d'un dignitaire religieux. Les concordats sont un fondement pour le rôle et la structure de l'Église en tant qu'Église d'empire pour les siècles qui ont suivi.
La réforme d'empire promulguée lors de la Diète de Worms le est une autre évolution majeure de la constitution[240]. Elle met en place lapaix perpétuelle qui interdit toutes les guerres privées que pouvaient alors mener les nobles et essaie d'imposer la puissance de l'État. Tout conflit armé et toute justice privée sont considérés comme anticonstitutionnels. Ce sont les tribunaux des territoires ou plutôt de l'empire quand il s'agit des états impériaux qui doivent régler les litiges. Toute personne rompant la paix perpétuelle s'expose à de lourdes sentences comme des amendes très élevées ou lamise au ban de l'empire.
Suivent ensuite une série de lois d'empire érigées en lois fondamentales : laMatricule d'Empire (Reichsmatrikel) de Worms de 1521 qui fixe les contingents de troupes que tous lesétats impériaux doivent mettre à disposition de l'armée impériale. Elle définit également les sommes à payer pour l'entretien de l'armée. Malgré certains aménagements, cette loi est le fondement de laReichsheeresverfassung. Il faut ajouter à la Matricule d'autres lois de grande importance comme lapaix d'Augsbourg du qui étend la paix perpétuelle au plan confessionnel[241] et abandonne l'idée d'une unité religieuse.
Après laguerre de Trente Ans, lestraités de Westphalie sont déclarésloi fondamentale perpétuelle en 1654[242]. Parallèlement aux changements territoriaux, on reconnaît désormais la souveraineté des territoires de l'empire. Les calvinistes sont également reconnus aux côtés des catholiques et des luthériens. On met en place des dispositions sur la paix religieuse ainsi que pour la parité confessionnelle dans les institutions impériales. Avec ces différentes lois, la construction de la constitution de l'empire était pour l'essentiel finie. Toutefois, certains traités de paix sont ajoutés à la constitution par différents juristes. On trouve par exemple letraité de Nimègue de 1678 et letraité de Ryswick de 1697 qui modifient les frontières de certaines parties de l'empire, mais encore certains recès comme ledernier recès impérial de 1654 et la convention de la Diète perpétuelle d'empire de 1663. Certains historiens actuels considèrent leReichsdeputationshauptschluss comme la dernière loi fondamentale étant donné qu'elle crée un tout nouveau fondement de la constitution de l'empire. Toutefois, tous ne le considèrent pas comme tel car il signe la fin de l'empire. Selon Anton Schindling qui a analysé le potentiel de développement du recès, l'analyse historique doit sérieusement le considérer comme une chance d'une nouvelle loi fondamentale pour un empire renouvelé[243].
LeReichsherkommen (traduit parobservance)[244] regroupe les coutumes régissant les affaires de l'État. LaReichspublizistik se charge de les compiler[245]. Les juristes de l'époque définissent deux groupes : la coutume en elle-même et celle définissant la manière dont les premières doivent être appliquées. On range dans le premier groupe l'accord selon lequel depuis l'Époque moderne seul un Allemand peut être élu roi et que ce dernier doit négocier une capitulation d'élection avec les princes-électeurs depuis 1519 ou encore la pratique selon laquelle le souverain nouvellement élu doit faire le tour de ses territoires[246]. Selon l'ancien droit coutumier, les états impériaux les plus nobles peuvent ajouter « Par la grâce de Dieu » à leur titre. De la même manière, les états impériaux religieux sont mieux considérés que les états impériaux temporels du même rang. On range entre autres dans le second groupe la division desétats impériaux en trois collèges disposant chacun de droits différents, la conduite de la Diète d'Empire et l'administration des services impériaux (Erzämter).
Les souverains impériaux du Moyen Âge se considèrent — en relation avec laRenovatio imperii, la reconstruction de l'Empire romain sousCharlemagne — comme les successeurs directs des césars romains et des empereurs carolingiens. Ils propagent l'idée deTranslatio imperii selon laquelle la toute-puissance temporelle, l'Imperium, est passée des Romains aux Allemands. C'est pour cette raison que parallèlement à l'élection duroi des Romains, le roi revendique d'être couronné empereur par le pape à Rome. Pour la position juridique du chef de l'Empire, il est alors important qu'il devienne également le chef des territoires liés à l'Empire, de l'Italie impériale et duroyaume de Bourgogne.
À l'origine, l'élection du roi doit, en théorie, être décidée par tous les gens libres de l'Empire[118], puis par les Princes d'Empire et ensuite uniquement par les princes les plus importants de l'Empire, en général ceux qui peuvent apparaître comme des rivaux ou qui peuvent rendre impossible le gouvernement du roi. Le cercle précis de ces personnes reste toutefois controversé et à plusieurs reprises on assiste à des doubles élections, les princes ne parvenant pas à se mettre d'accord sur un candidat commun. Il faut attendre la Bulle d'Or pour que le principe de majorité et le cercle des personnes ayant le droit d'élire le roi soient définis.
L'empereur est le chef de l'Empire, le juge suprême et le protecteur de l'Église[248]. Lorsqu'il est question dans les actes de l'Époque moderne d'empereur, c'est toujours le chef de l'Empire qui est désigné. Un éventuel roi élu roi des Romains du vivant de l'empereur désigne seulement le successeur et futur empereur. Aussi longtemps que l'empereur est vivant, le roi ne peut tirer aucun droit propre sur l'Empire à partir de son titre. Parfois, on concède au roi un droit à gouverner comme c'est le cas pourCharles Quint et son frère, le roi des RomainsFerdinand Ier. Lorsque l'empereur meurt ou abdique, c'est le roi qui reprend directement le pouvoir impérial.
Depuis les débuts de l'Époque moderne, le titre d'empereur implique davantage de puissance que ce dernier n'en possède en réalité. Il ne peut pas être comparé aux césars romains ou aux empereurs duMoyen Âge. L'empereur ne peut mener une politique efficace qu'en collaborant avec les états impériaux et en particulier les princes-électeurs. Des jurisconsultes duXVIIIe siècle divisent souvent les compétences impériales en trois groupes. Le premier regroupe les droits comitiaux (iura comitialia) auxquels laDiète d'Empire doit donner son approbation. On compte parmi ces droits les impôts impériaux, les lois impériales tout comme les déclarations de guerre ou les traités de paix qui concernent l'ensemble de l'Empire[249]. Le second groupe regroupe les droits réservés limités de l'empereur (iura caesarea reservata limitata) comme la convocation de laDiète d'Empire, la frappe de la monnaie ou la mise en place de droits dedouane qui nécessitent l'approbation des princes-électeurs. Quant au troisième groupe, celui des droits réservés illimités (iura reservata illimitata ouiura reservata), ce sont les droits que l'empereur peut exercer dans tout l'Empire sans aucune approbation des princes-électeurs. Les plus importants de ces droits sont celui de nommer des conseillers, de présenter un ordre du jour à la Diète d'Empire, et d'anoblir. Il existe d'autres droits moins importants pour la politique impériale comme celui d'attribuer des grades académiques ou de légitimer des enfants naturels.
Les droits impériaux se sont modifiés au cours de l'Époque moderne pour devenir des droits requérant de plus en plus une approbation. La mise au ban était à l'origine un droit réservé, elle est devenue ensuite un droit comitial tributaire de l'approbation de laDiète d'Empire.
L’archevêque de Mayence est un des sept princes-électeurs allemands qui élisaient l'empereur romain germanique, dont le statut fut défini par laBulle d'Or de1356. L'électeur de Mayence détient une position éminente au sein du Saint-Empire romain germanique. Il préside lecollège électoral, c'est-à-dire qu'il convoque les six autres grands électeurs pour le choix du nouveau roi àFrancfort-sur-le-Main. Il est le premier dans le processus d'élection duroi des Romains et pour les délibérations sur lescapitulations[248].
Il a en outre la charge dusacre et de l’onction du nouvelempereur. Il est de droitarchichancelier, et au plan protocolaire le premier conseiller de ladiète d'Empire. Il exerce le contrôle des archives de cette assemblée et détient une position particulière au sein duConseil aulique et de laChambre impériale de justice. En tant que prince de l'État mandataire, la direction ducercle électoral du Rhin lui revient[250]. Toutefois la plupart de ces fonctions ont plutôt un caractère représentatif, et en tant que telles donnent surtout un poids politique auprince-archevêque.
Si on différencie les états impériaux en termes de rang, on les distingue aussi entre États temporels (lesprinces du Saint-Empire et lescomtes du Saint-Empire) et États spirituels (lesprince-évêques et lesprélats de l'Empire). Cette différenciation est d'autant plus importante que des dignitaires ecclésiastiques du Saint-Empire comme les archevêques et les évêques peuvent également être des suzerains. À côté dudiocèse dans lequel l'évêque est le chef de l'Église, ce dernier gouverne également souvent sur une partie du territoire du diocèse en tant que suzerain. Dans ses territoires, le dignitaire ecclésiastique promulgue des lois, encaisse les impôts, octroie des privilèges tout comme le ferait un seigneur temporel. Afin de montrer son double rôle de chef spirituel et temporel, l'évêque prend alors le titre deprince-évêque. Seul ce rôle temporel des princes-évêques justifie leur appartenance auxétats impériaux.
Les princes-électeurs sont un groupe de princes d'Empire ayant le droit d'élire l'Empereur[248]. Ils sont les piliers de l'Empire. Le collège des princes-électeurs représente l'Empire face à l'empereur et agit comme la voix de l'Empire. Le collège des électeurs est lecardo imperii, la charnière entre l'empereur et l'Empire. Les princes-électeurs temporels détiennent les postes impériaux (Erzämter)[252] :archi-maréchal pour la Saxe, archi-chambellan pour le Brandebourg, archi-échanson pour la Bohême, archi-porte-étendard pour le Hanovre, archi-trésorier pour la Bavière, archi-chanceliers pour les archevêques deMayence,Cologne etTrèves[251]. L'un des rôles les plus importants est celui que tient l'archevêque de Mayence en tant que chancelier. Il contrôle différents postes de l'Empire comme la Chambre impériale de justice ou la Diète[253].
C'est à la fin du Moyen Âge que se constitue le collège des électeurs dont le nombre de sept est défini par laBulle d'or de 1356. En font partie les trois princes-archevêques de Mayence, Cologne et Trèves (électeurs ecclésiastiques) et les quatre électeurs laïcs, le roi de Bohême, le margrave de Brandebourg, le comte palatin du Rhin et le duc de Saxe. En 1632, l'empereurFerdinand II octroie la charge électorale palatine au duché de Bavière. Ce sont les traités de Westphalie qui réinvestissent le Palatinat comme huitième électorat (le Palatinat et la Bavière sont à nouveau réunis comme électorat unique en 1777). En 1692, c'est au duché deBrunswick-Lunebourg que revient la neuvième charge électorale[254] qui n'est cependant confirmée par la diète qu'en 1708. Leroi de Bohême joue alors un rôle particulier puisque depuis lescroisades contre les hussites, il ne participe plus qu'à l'élection royale sans prendre part aux autres activités du collège des électeurs, situation qui n'est changée qu'en 1708.
Grâce à leur droit électif et à leur position privilégiée par rapport aux autres princes d'Empire, les princes-électeurs ont un rôle décisif sur la politique de l'Empire en particulier jusqu'à la fin de laGuerre de Trente Ans. Jusque dans les années 1630, ils portent la responsabilité pour l'Empire en tant qu'ensemble. C'est à partir de cette époque que leur revendication de pouvoir exclusif est controversée et remise en cause. Dans les années 1680, la Diète voit son rôle redoré, diminuant ainsi fortement l'influence du collège des princes-électeurs qui y reste cependant le groupe le plus important
Le groupe desprinces d'Empire constitué au milieu du Moyen Âge regroupe tous les princes qui obtiennent leur fief directement de l'empereur. Ce sont des vassauximmédiats. Font partie des princes d'Empire les vieilles maisons comme celle de Hesse mais également d'autres maisons élevées par la suite à ce rang pour services rendus comme celle desHohenzollern[255]. Tout comme les princes-électeurs, les princes d'Empire se divisent en deux groupes : les princes temporels et les princes religieux.
D'après laMatricule d'Empire de 1521, les quatre archevêques deMagdebourg,Salzbourg,Besançon etBrême ainsi que quarante-six évêques font partie des princes d'Empire religieux[256]. Jusqu'en 1792, ce nombre se réduit à trente-trois dont les deux archevêques de Salzbourg et Besançon et vingt-deux évêques. Contrairement au nombre des princes d'Empire religieux qui diminue d'un tiers jusqu'à la chute de l'Empire, le nombre des princes d'Empire temporels augmente quant à lui de plus du double. La Matricule d'Empire deWorms de 1521 en compte vingt-quatre. À la fin duXVIIIe siècle, leur nombre est de 61[257].
Lors de la Diète d'Augsbourg de 1582, l'accroissement du nombre des princes d'Empire est réduit aux dynasties. L'appartenance aux états impériaux est désormais liée au territoire du prince, c'est-à-dire que si une dynastie s'éteint, le nouveau seigneur du territoire reprend cette appartenance. Dans le cas d'un partage d'héritage, les héritiers la reprennent conjointement[258].
Les princes d'Empire forment le banc des princes à laDiète d'Empire. Il est divisé selon la nature de leur pouvoir, temporel ou spirituel. Les voix de chaque prince sont liées au pouvoir qu'il exerce sur un territoire, le nombre des voix étant défini par la Matricule d'Empire. Si un prince temporel ou spirituel règne sur plusieurs territoires, il dispose d'un nombre de voix correspondant[259]. Les plus grands des princes sont en majorité supérieurs aux princes-évêques en matière de pouvoir et de grandeur territoriale et exigent en conséquence depuis le deuxième tiers duXVIIe siècle une assimilation politique et cérémonielle des princes d'Empire avec les princes-électeurs.
À côté des archevêques et des évêques membres du corps des princes d'Empire, on trouve les dirigeants des abbayes et deschapitres immédiats qui forment un corps particulier au sein de l'Empire : les prélats d'Empire parmi lesquels on trouve donc les abbés d'Empire, les prieurs d'Empire et les abbesses d'Empire[260]. La Matricule d'Empire de 1521 compte 83 prélats d'Empire. Leur nombre diminue jusqu'en 1792 à cause des médiatisations, des sécularisations, des cessions à d'autres États européens ou des nominations au rang de princes pour atteindre 40[260]. La sécession de laConfédération suisse contribue également à la diminution du nombre des prélats d'Empire.Saint-Gall,Schaffhouse,Einsiedeln et leurs abbayes correspondantes ne font alors plus partie de l'Empire.
Les territoires des prélats d'Empire sont le plus souvent très petits, n'englobant parfois que quelques bâtiments. Ils ne peuvent donc qu'avec peine se soustraire à l'emprise des territoires avoisinants. La majorité des prélatures d'Empire se situent dans le sud-ouest de l'Empire. Leur proximité géographique laisse se dessiner une cohésion qui se concrétise en 1575 avec la fondation du banc des prélats souabes (Schwäbisches Reichsprälatenkollegium) qui renforce leur poids[261]. À laDiète d'Empire, ce collège forme un groupe fermé et possède une voix curiale ayant le même poids que celle des princes d'Empire. Tous les autres prélats d'Empire forment le banc des prélats rhénans (Rheinisches Reichsprälatenkollegium) qui possède également une voix propre[261]. Ces derniers n'ont toutefois pas l'influence des prélats souabes du fait de leur éparpillement géographique plus grand.
Ce groupe est celui qui compte le plus de membres parmi les états impériaux et regroupe les nobles qui ne sont pas parvenus à faire unfief de leur territoire étant donné que les comtes ne sont à l'origine que les administrateurs de propriétés impériales ou plutôt les représentants du roi dans certains territoires. Intégrés dans la hiérarchie de l'Empire en 1521, les comtes se trouvent entre les princes territoriaux et les chevaliers d'Empire[262] et exercent un réel pouvoir seigneurial[263] ainsi qu'un rôle politique important à la cour[264].
Malgré tout, les comtes, tout comme les grands princes, cherchent à transformer leurs possessions en un État territorial. Dans les faits, ces derniers sont seigneurs depuis le haut Moyen Âge et intègrent parfois le groupe des princes d'Empire comme lecomté de Wurtemberg devenuduché en 1495.
Les nombreux territoires comtaux — lamatricule d'Empire de 1521 compte en effet143 comtés —, le plus souvent petits, contribuent de manière significative à l'impression d'émiettement du territoire impérial. La liste de 1792 en laisse apparaître encore cent, ce qui est à mettre sur le compte non des nombreuses médiatisations ou des extinctions de familles mais bien plus sur celui de la nomination de nombreux comtes au rang de comtes d'Empire mais qui n'ont alors plus disposé d'un territoire immédiat.
Les villes d'Empire forment une exception politique et juridique dans le sens où l'appartenance aux états impériaux n'est pas liée à une personne mais à une ville en tant qu'ensemble représenté par un conseil. Les villes d'Empire se différencient des autres villes en n'ayant que l'empereur pour souverain[265]. Juridiquement, elles sont les égales des autres territoires de l'Empire. Toutefois, elles ne possèdent pas toutes le droit de siéger et de voter à laDiète d'Empire. Seuls trois quarts des86 villes d'Empire citées par la Matricule de 1521[266] siègent à la diète. Pour les autres, l'appartenance aux états impériaux n'a jamais été octroyée. C'est ainsi queHambourg ne siège à la diète qu'en 1770 étant donné que leDanemark conteste ce statut qu'il n'accepte qu'en 1768 avec le traité de Gottorp.
Les villes d'Empire en 1648.
On trouve les fondements des villes d'Empire dans les fondations des villes par les empereurs au Moyen Âge. Ces villes considérées après comme villes de l'Empire sont ensuite uniquement subordonnées à l'empereur. On trouve également des villes qui à la fin du Moyen Âge, renforcées par laQuerelle des Investitures, parviennent à se libérer du pouvoir des seigneurs religieux. Ces dernières appeléesVilles libres n'ont, contrairement aux villes d'Empire, aucun impôt ou troupe à fournir à l'empereur. À partir de 1489, les villes d'Empire et les villes libres forment le collège des villes d'Empire et sont rassemblées sous le terme deVilles libres et d'Empire (Freie- und Reichsstädte), désignation qui au fil du temps devientVilles libres d'Empire.
En 1792, on ne compte plus que51 villes d'Empire. Après lerecès d'Empire de 1803, on n'en compte plus que six :Lübeck,Hambourg,Brême,Francfort,Augsbourg etNuremberg[216]. Le rôle et le poids de ces villes n'avaient fait que diminuer depuis le Moyen Âge étant donné que beaucoup d'entre elles étaient petites et ne pouvaient qu'à grand peine se soustraire à la pression des territoires proches. Lors des réunions de laDiète d'Empire, l'avis des villes d'Empire était la plupart du temps pris en note uniquement pour la forme après que celles-ci s'étaient mises d'accord avec les princes-électeurs et les princes d'Empire.
L'ordre immédiat desChevaliers d'Empire (Reichsritter) ne fait pas partie des états impériaux, on ne trouve donc aucune trace de ces derniers dans la Matricule de 1521[267]. Les chevaliers d'Empire font partie de la basse noblesse et forment leur propre État au sortir du Moyen Âge. Ils ne parviennent certes pas à obtenir une reconnaissance totale comme les comtes d'Empire mais opposent une résistance à l'emprise des divers princes territoriaux et conservent ainsi leur immédiateté[268]. L'empereur requiert souvent les services des chevaliers d'Empire[265] qui parviennent ensuite à exercer une très grande influence au sein de l'armée et de l'administration de l'Empire mais également sur les princes territoriaux.
Les chevaliers jouissent de la protection spéciale de l'empereur mais restent exclus de la diète ainsi que de la constitution des cercles impériaux. Les seuls chevaliers d'Empire présents à la diète sont ceux qui sont en même temps des princes ecclésiastiques[269]. Leur soulèvement entre 1521 et 1526 contre l'empereur marque la volonté des chevaliers de faire partie des états impériaux[270]. À partir de la fin duMoyen Âge, ils se rassemblent en différents groupes qui leur permettent de protéger leurs droits et privilèges et de remplir leurs devoirs vis-à-vis de l'empereur. C'est pourquoi la chevalerie d'Empire s'organise à partir du milieu duXVIe siècle en quinze cantons (Ritterorte) eux-mêmes regroupés en trois cercles (Ritterkreise) : ceux de Souabe, de Franconie etAm Rhein[265]. Les cantons se constituent à partir duXVIIe siècle d'après le modèle de laConfédération suisse. À partir de 1577 se déroulent des rassemblements de chevaliers d'Empire appelésGeneralkorrespondenztage. Toutefois, les cercles et les cantons restent très importants en raison de leur fort ancrage territorial.
La Diète d'Empire (Reichstag) est le résultat le plus important et le plus durable des réformes impériales de la fin duXVe siècle et du début duXVIe siècle[272]. Elle se développe depuis l'époque deMaximilien Ier et en particulier à partir de 1486 où le mode de délibération est divisé entre les princes-électeurs et les princes d'Empire[272] pour devenir l'institution constitutionnelle et juridique suprême sans qu'il y ait eu cependant un acte fondateur ou un fondement légal. Dans le combat entre l'empereur et les princes d'Empire pour que l'Empire soit plus centralisé d'une part ou plus fédéraliste de l'autre, la Diète se révèle être le garant de l'Empire. La Diète comporte trois bancs : celui des princes-électeurs, celui des princes d'Empire et celui des villes d'Empire[273].
Jusqu'en 1653-1654, la Diète se réunit dans différentes villes d'Empire puis à partir de 1663, elle se réunit en diète perpétuelle àRatisbonne. La Diète ne peut être convoquée que par l'empereur qui cependant est obligé à partir de 1519 de recueillir l'approbation des princes-électeurs avant d'envoyer les différentes convocations. L'empereur a également le droit de fixer l'ordre du jour sans toutefois exercer une grande influence sur les thèmes discutés. La Diète est dirigée par l'archevêque de Mayence qui exerce un rôle politique important[253], elle peut durer de quelques semaines à plusieurs mois. Les décisions de la Diète sont consignées dans lesrecès d'Empire (Reichsabschied). Le dernier d'entre eux, ledernier recès impérial (recessus imperii novissimus), date de 1653-1654[249].
Diète de Ratisbonne en 1663.
La permanence de laDiète perpétuelle d'Empire après 1663 n'a jamais été formellement décidée mais a découlé des circonstances des délibérations. La Diète perpétuelle se développe très vite du fait de sa permanence en un simple congrès d'envoyés où les états impériaux apparaissent très rarement. Étant donné qu'il n'a jamais formellement été mis fin à la Diète perpétuelle, les décisions qui y ont été prises sont rassemblées sous la forme d'unConclusum d'Empire (Reichsschluss)[249]. La ratification de ces conclusions est le plus souvent faite par le représentant de l'empereur, le Commissaire principal (Prinzipalkommissar), sous la forme de décrets de commission impériaux (Kaiserlichen Commissions-Decrets).
Les lois nécessitent l'approbation des trois groupes et l'empereur les ratifie[269]. Si des décisions sont prises à la majorité ou à l'unanimité dans les conseils d'États respectifs, les résultats des consultations sont échangés et l'on essaie de présenter à l'empereur une décision commune aux états impériaux. En raison d'un processus toujours plus difficile, on essaie également de faciliter les décisions en mettant différentes commissions en place. Après laRéforme et laGuerre de Trente Ans, se constituent en conséquence de la division confessionnelle de 1653 leCorpus Evangelicorum puis leCorpus Catholicorum. Ces deux groupes rassemblent des états impériaux des deux confessions et discutent séparément des affaires de l'Empire. LesTraités de Westphalie stipulent en effet que les questions religieuses doivent être réglées non plus selon le principe de majorité mais selon celui de consensus.
Les cercles impériaux naissent à la suite de la réforme de l'Empire à la fin duXVe siècle ou plus sûrement au début duXVIe siècle avec la promulgation de lapaix perpétuelle à Worms en 1495. Les six premiers cercles impériaux sont institués à la Diète d'Augsbourg de 1500 en même temps que la création du Gouvernement d'Empire (Reichsregiment)[274]. Ils ne sont alors désignés que par des numéros et se composent de groupes de tous les états impériaux, excepté les princes-électeurs. Avec la création de quatre cercles impériaux supplémentaires en 1517, lesterritoires héréditaires des Habsbourg et lesélectorats sont intégrés à la constitution des cercles. Les cercles sont : l'Autriche, la Bourgogne, l'électorat du Rhin, la Basse-Saxe, la Haute-Saxe, la Bavière, le Haut-Rhin, la Souabe, la Franconie et le Bas-Rhin-Westphalie[274]. Jusqu'à la chute de l'Empire, l'électorat et le royaume de Bohême et les territoires qui y sont liés —Silésie,Lusace etMoravie — restent en dehors de cette division en cercles tout comme laConfédération suisse, la chevalerie d'Empire, les fiefs situés en Italie impériale et quelques comtés et seigneuries d'Empire[274] comme Jever.
Leur mission réside principalement dans la préservation et le rétablissement de la paix nationale en assurant une cohésion géographique entre eux, les cercles s'entraidant en cas de difficultés[274]. Ils ont également pour mission de résoudre les conflits qui éclatent, de faire exécuter les lois impériales[275], de les imposer si besoin, d'encaisser les impôts[276] mais aussi de mener une politique commerciale, monétaire ou encore de santé[277]. Les cercles impériaux disposent d'une diète où sont discutées les différentes affaires économiques, politiques ou militaires, faisant d'eux des acteurs politiques importants, notamment en ce qui concerne la Chambre impériale de justice. Pour Jean Schillinger, les cercles ont probablement« joué un rôle important dans l'émergence d'une conscience régionale dans des territoires comme la Westphalie, la Franconie ou la Souabe »[278].
La Chambre impériale de justice est officiellement créée le en même temps qu'est menée la réforme de l'Empire et qu'est instaurée laPaix perpétuelle sous le règne de l'empereurMaximilien Ier, mais elle avait déjà été instituée sousSigismond en 1415[145]. Elle fonctionne jusqu'en 1806. Elle est avec leConseil aulique le tribunal suprême de l'Empire et a pour mission de mettre en place une procédure réglementée pour éviter les guerres privées ou encore la violence. C'est une institution « professionnalisée et bureaucratisée »[279]. La Chambre se compose d'un juge et de seize assesseurs divisés par moitié entre chevaliers d'Empire et juristes[280]. La première session a lieu le, la Chambre siège alors àFrancfort-sur-le-Main[281]. Après avoir également siégé àWorms,Augsbourg,Nuremberg,Ratisbonne,Spire etEsslingen, elle siège à Spire à partir de 1527[282]. Lorsque Spire est détruite lors de laguerre de la Ligue d'Augsbourg, la Chambre part pourWetzlar où elle siège de 1689 à 1806.
Audience à la Chambre impériale de justice.
À partir de la Diète d'Empire deConstance de 1507, les princes-électeurs envoient six assesseurs à la Chambre, tout comme les cercles impériaux. L'empereur en nomme deux pour ses territoires héréditaires et les deux derniers sièges sont choisis par les comtes et les seigneurs, soit un nombre total de seize assesseurs[283]. Les assesseurs démissionnaires sont remplacés sur proposition des cercles. Lorsque le nombre des assesseurs passe à 24 en 1550[284], le rôle des cercles impériaux reste intact en regard de leur importance pour la paix perpétuelle qu'ils doivent préserver. À partir de cette époque, chaque cercle a le droit d'envoyer deux représentants : unjuriste expérimenté et un représentant de la chevalerie d'Empire. Même après lestraités de Westphalie où le nombre des assesseurs est de nouveau augmenté pour atteindre les cinquante (26 catholiques et 24 protestants)[284] et après ledernier recès impérial, la moitié des assesseurs sont des représentants des cercles impériaux.
En créant la Chambre impériale de justice, l'empereur perd son rôle de juge absolu, laissant le champ libre à l'influence des états impériaux[285], qui sont d'ailleurs chargés de faire appliquer les décisions de justice[286]. Cela n'avait pas été le cas depuis le début duXVe siècle avec la cour d'appel royale. Les premières lois qui sont promulguées comme laPaix perpétuelle ou l'impôt appeléDenier commun montrent toutes ensemble le succès des états impériaux face à l'empereur. Ce succès est également visible à travers le lieu de siège, une ville d'Empire située loin de la résidence impériale[287]. En tant que Cour d'Appel, la Chambre impériale permet aux sujets de faire des procès à leurs seigneurs respectifs[288].
Comme les états impériaux participent à l'établissement et à l'organisation de la Chambre, ils doivent aussi participer aux frais occasionnés étant donné que les taxes et autres prélèvements sont insuffisants. Il y règne en effet une « misère financière »[284]. Afin que la Chambre puisse fonctionner, les États provinciaux approuvent unimpôt impérial permanent (leKammerzieler) après que leDenier Commun a été refusé comme impôt général par la Diète de Constance en 1507. Malgré un montant fixé et un échéancier, les paiements sont sans cesse repoussés[289], ce qui cause de longues interruptions dans le travail de la Chambre. Toutefois, Jean Schillinger souligne que la Chambre a beaucoup fait pour l'unification juridique de l'Empire[278].
Avec la Chambre impériale de justice, le Conseil aulique siégeant àVienne est l'instance judiciaire suprême. Ses membres nommés par l'empereur forment un groupe chargé de le conseiller[290]. Le Conseil aulique se compose de douze à dix-huit membres à l'origine pour atteindre le nombre de vingt-quatre en 1657 puis de trente en 1711[290]. Certains territoires relèvent de la juridiction commune des deux instances mais certains cas ne peuvent être traités que par le Conseil aulique comme les questions de fiefs, l'Italie impériale incluse, et les droits réservés impériaux.
Étant donné que le Conseil aulique ne se tient pas à un règlement juridique comme le fait la Chambre impériale, les procédures devant leConseil aulique sont en général rapides et non-bureaucratiques. De plus, il diligente de nombreuses commissions formées d'états impériaux neutres pour enquêter sur les événements sur place[291]. Les plaignants protestants se sont souvent demandé si le Conseil aulique qu'ils considèrent comme partial leur était destiné — l'empereur est en effet catholique[292].
Le processus de formation d'un État-nation et de son institutionnalisation dans les autres pays européens comme la France et l'Angleterre à la fin du Moyen Âge et au début de l'Époque moderne recouvre aussi la nécessité de posséder des frontières extérieures clairement définies à l'intérieur desquelles l'État est présent. AuMoyen Âge, il s'agit, contrairement aux frontières modernes précisément définies sur les cartes, de zones frontalières plus ou moins larges comportant des chevauchements. À partir duXVIe siècle, on peut reconnaître une surface territoriale propre à chaque territoire d'empire et à chaque État européen.
Le Saint-Empire romain germanique regroupe au contraire tout au long de l'Époque moderne des territoires reliés étroitement à lui, des zones où la présence de l'Empire est réduite et des territoires en marge qui ne prennent aucune part au système politique de l'Empire bien qu'ils soient considérés comme en faisant partie. L'appartenance à l'Empire se définit bien plus par la vassalité au roi ou à l'empereur et par les conséquences juridiques qui en découlent.
Les frontières de l'Empire au nord sont assez claires en raison des côtes maritimes et de l'Eider qui sépare leduché de Holstein faisant partie de l'Empire et leduché de Schleswig, fief du Danemark. Au sud-est lesterritoires héréditaires des Habsbourg avec l'Autriche sous l'Enns, laStyrie, laCarniole, leTyrol et laprincipauté épiscopale de Trente marquent également clairement les frontières de l'Empire. Au nord-est, laPoméranie et leBrandebourg appartiennent à l'Empire. Le territoire de l'ordre Teutonique en revanche est considéré par la plupart des historiens comme n'en faisant pas partie bien qu'il soit d'imprégnation allemande et qu'il soit considéré déjà en 1226 avant sa fondation comme un fief impérial dans laBulle d'or de Rimini[294]. Il possède alors des privilèges, ce qui aurait été insensé si ce territoire n'avait pas appartenu à l'Empire. La Diète d'Augsbourg de 1530 déclare laLivonie membre de l'Empire. Cette même Diète s'est longtemps refusée à transformer ce territoire en duché polonais.
En général, le royaume deBohême est représenté sur les cartes comme faisant partie de l'Empire. Cela est d'autant plus correct que la Bohême est un fief impérial et le roi de Bohême — dignité créée seulement sous lesHohenstaufen — est un prince-électeur. Toutefois, dans la population parlant en majorité le tchèque, le sentiment d'appartenance à l'Empire est très faible, on trouve même des traces de ressentiment[295].
À l'ouest et dans le sud-ouest de l'Empire, les frontières restent floues. Les Pays-Bas en sont un bon exemple. LesDix-Sept Provinces, qui regroupent alors l'actuelle Belgique (à l'exception de laprincipauté de Liège), les Pays-Bas et le Luxembourg, sont transformés en 1548 par le Traité de Bourgogne en un territoire où la présence impériale est faible. Le territoire ne fait par exemple plus partie de la juridiction de l’Empire mais il en reste toutefois membre. Après laguerre de Trente Ans, en 1648, les treize provinces néerlandaises ne sont plus considérées comme faisant partie de l’Empire, ce que personne ne contredit.
AuXVIe siècle, les évêchés deMetz,Toul etVerdun sont progressivement pris par la France, tout comme la ville deStrasbourg annexée en 1681. Quant à laConfédération suisse, elle n’appartient de fait plus à l’Empire à partir de 1648[179] mais, déjà depuis lapaix de Bâle de 1499, elle ne prend plus part à la politique impériale. Malgré tout, la thèse autrefois soutenue selon laquelle la paix de Bâle aurait signifié de facto une sécession de la Confédération de l’Empire ne tient plus car les territoires fédéraux avaient continué à se considérer comme partie intégrante de l’Empire[296]. LaSavoie située au sud de la Suisse appartient juridiquement parlant à l’Empire jusqu'en 1801 mais son appartenance avait été descellée depuis longtemps.
L’Empire d’Allemagne vers 1710 par Nicolas de Fer. Carte de l’empire avec l’empereur Joseph Ier et les frontières intérieures soulignées
C'est par l'effet d'une mise au ban de l’Empire des princes coupables d’avoir embrassé le parti français pendant la guerre de Succession d'Espagne, que les possessions des Gonzagues (Mantoue et Castiglione) seront transférées à la Maison d’Autriche (1707). Les successions ultérieures de Toscane (1718/1737), Parme (1718/1723) et Modène (1771) seront réglées sur la base de leur qualité defiefs d’Empire. Le rite de l'investiture d'Empire demeura la règle dans la plus grande partie du « royaume d’Italie », à chaque mutation successorale de la famille régnante ou à chaque avènement impérial. En 1755, la maison de Savoie verse ainsi pour l’investiture du Piémont et de ses autres possessions 85 000 florins de taxes féodales à la chancellerie viennoise, tandis que les quatre États (Toscane, Parme, Gênes et Lucques) sur lesquels les droits impériaux ont fini par devenir les plus contentieux, ne s’en acquittent pas moins des contributions militaires levées auXVIIIe siècle au nom de l'Empire. La souveraineté judiciaire de l'Empire ne cessera pas de s’exercer en Italie : durant les vingt-cinq années du règne deJoseph II (1765-1790), quelque 150 procès italiens seront en instance auConseil Aulique (« Reichshofrat »). Ces faits soulignent la pérennité au sein du Saint-Empire de cette Italie, que les atlas historiques croient en général pouvoir retrancher à partir du milieu duXVIIe siècle de la carte impériale.
Les origines ethniques de la population de l'Empire sont multiples ; généralement elles comptaient moins que l'adhésion à lareligion chrétienne. Parallèlement aux territoires delangue allemande, on trouve d'autres groupes linguistiques[297]. Les différents dialectes dugroupe allemand (regroupés en trois sous-groupes :bas,moyen, ethaut-allemands) sont majoritaires dans la population du centre et du nord de l'Empire. Mais ce ne sont pas les seules langues, et les territoires de langue allemande se différencient considérablement entre eux[297] en raison des conditions historiques différentes. On trouve également deslangues slaves à l'est, et diverseslangues romanes avec l'émergence de l'ancien français véhiculaire, ancêtre dufrançais moderne, qui persiste durablement dans les anciennes villes-cités de l'ouest de l'Empire, et bien sûr les langues et dialectes italiens au sud desAlpes.
Après lesmigrations germaniques, des territoires orientaux de la future partie de l'Empire de langue allemande étaient encore peuplés en majorité par desSlaves et les territoires occidentaux par desGermains. La frontière linguistique entre Slaves et Germains est déjà établie entre leVIe siècle et leVIIe siècle, avec encore parfois des progressions fulgurantes des Slaves auVIIIe siècle vers l'ouest au détriment des seconds. La tâche politique des élitesfranques puissaxonnes, localement slavisées de mœurs par incorporation familiale ou clanique, aidées par les missions de la religion chrétienne, a été de constituer des marches, qui ont pu favoriser ultérieurement une colonisation médiévale de langue allemande. La plupart des territoires orientaux de la sphère linguistique allemande ont été progressivement intégrés à l'Empire. Mais certains territoires contrôlés plus tardivement par les Germains, comme laPrusse-Orientale, ne furent jamais intégrés à l'Empire. Ces territoires, peuplés auparavant par desBaltes et accessoirement des Slaves, ont étégermanisés dans des proportions diverses à la suite de l’Ostsiedlung (expansion vers l'Est), par des colons germanophones venant des territoires occidentaux. Le réseau des villes libres marchandes de laHanse a notamment favorisé cette expansion en contrôlant la navigation de toute lamer Baltique. Dans certains territoires d'Europe de l'Est, des populations baltes, slaves et germaniques se sont mélangées au fil des siècles.
L'aigle est le symbole de la puissance impériale et cela depuis l'Empire romain auquel le Saint-Empire se rattache[302]. C'est auXIIe siècle avec l'empereurFrédéric Barberousse que l'aigle devient les armoiries de l'Empire et donc le symbole du Saint-Empire romain germanique. Avant cette date, on la[N 8] retrouve sous différents empereurs comme symbole du pouvoir impérial sans toutefois être quelque chose de fixe. On la retrouve en effet sousOtton Ier ouConrad II[303].
Avant 1312, l'aigle impériale sur les armoiries du Saint-Empire est simple[304]. Ce n'est qu'après cette date que l'aigle devient bicéphale sous le règne deFrédéric III (1452-1493). Toutefois, l'apparition de cette aigle bicéphale a été progressive. On la retrouve déjà en 1312 sur labannière impériale et c'est sousCharles IV qu'elle s'impose sur la bannière[305]. La bannière d'Empire suit également l'évolution héraldique. Jusqu'en 1410, elle porte une aigle simple. Ce n'est qu'après cette date qu'elle arbore une aigle bicéphale.
Devant l'avancée des troupes françaises, les regalia sont emportés à Ratisbonne puis à Vienne en 1800[310]. Après l'effondrement de l'Empire, les villes deNuremberg et d’Aix-la-Chapelle se sont disputé la conservation des regalia. En 1938, ils sont transportés sur l’ordre d’Hitler à Nuremberg. Retrouvés dans un bunker en 1945, ils sont de nouveau transportés à Vienne l'année suivante. Les regalia du Saint-Empire sont aujourd’hui letrésor médiéval le plus complet.
↑Le scriniaire impérial Sabbatinus a validé le diplôme par l'apposition de son monogramme et de la mention« sacri romani imperii scriniarius » au lieu du« imperialis aule scriniarius » antérieur[30],[31].
↑Dans les sources primaires, on trouve de nombreuses abréviations commeH. Reich,Heyl. Röm. Reich ou simplementReich. L'abréviation moderneHRR est inexistante.
↑« Knecht der Apostel » Cité dans : Johannes Fried,op. cit.,p. 87.
↑« Erhaltung […] des Heiligen Römischen Reiches Teutscher Nation »[35].
↑« Ich weiß, dass ihr nicht eures Königs Haus zerstört habt, denn damals hattet ihr ja keinen. Aber ihr könnt nicht leugnen, dass ihr einen Königspalast zerstört habt. Ist der König tot, so bleibt doch das Reich bestehen, ebenso wie ein Schiff bleibt, dessen Steuermann gefallen ist. » Cité dans : Karl Kroeschell,Deutsche Rechtsgeschichte. 1. (Bis 1250), Reinbek, 1972,p. 149.
↑« Bleibt die deutsche Kaiserkrone im österreichischen Hause – und welche Unmaßen von Unpolitik schon jetzt, wo noch keine dringende Gefahr vorhanden, öffentlich zu erkennen zu geben, daß man das Gegenteil befürchtet! – so ist jene Kaiserwürde ganz unnütz »[220].
↑abcde etfMatthias Schnettger, « Le Saint-Empire et ses périphéries : l'exemple de l'Italie »,Histoire, économie & société,,p. 16(lire en ligne).
↑Walter Zurbuchen, Société d'histoire et d'archéologie de Genève, « L'établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la république de Genève: une histoire anecdotique »,Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève,vol. Tome XVIII,2e livraison,(lire en ligne).
↑Saint Empire romain germanique (sans trait d'union) dans lesPetit Larousse 2012 etPetit Robert 2012.
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M. Jacquet,Droit public d'Allemagne: contenant la forme de son gouvernement, ses différentes Loix; l'Élection, le Couronnement &c de l'Empereur & du Roi des Romains, leur Origine, Titres, Droits &c. ainsi que ceux des Electeurs, Princes & autres États de l'Empire; y compris ceux de la Noblesse immédiate. On y a ajouté Les Droits de la Noblesse Equestre de la Basse-Alsace, son origine, & autres matieres intéressantes, avec ce qui est analogue à la France. Le tout enrichi d'une compilation de Loix fondamentales de l'Empire, Strasbourgt, 1782, volume 2Lire en ligne.
(fr)Georges Blondel,Étude sur la politique de l'empereur Frédéric II en Allemagne et sur les transformations de la constitution allemande dans la première moitié du XIIIe siècle, Paris, 1892
(fr)Marc Bloch, « L'Empire et l'idée d'Empire sous les Hohenstaufen », in :Mélanges historiques, Paris, 1963,p. 531-559
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