Lestyle et les stigmates sont souvent utilisés encuisine, comme assaisonnement ou comme agent colorant[2]. Le safran, appelé parfois« or rouge », est l'épice la plus laborieuse à produire au monde et donc de haute valeur[3],[4],[5]. Il est originaire deCrète[6], puis s'est répandu auMoyen-Orient[4],[7]. Il a été cultivé pour la première fois dans les provincesgrecques[8], par lacivilisation minoenne, il y a plus de 35 siècles.
Le safran est caractérisé par ungoût amer et un parfum proche de l'iodoforme ou dufoin, causé par lapicrocrocine et lesafranal[9],[10]. Il contient également uncaroténoïde, lacrocine, qui donne une couleur jaune-or aux plats contenant du safran. Ces caractéristiques font du safran un condiment fortement prisé pour de nombreuses spécialités culinaires dans le monde entier, notamment dans lacuisine iranienne. Le safran possède également desapplications médicales.
Lecrocus domestiqueC. sativus L. est uneplante vivace àfloraisonautomnale, inexistante à l'état sauvage. Il appartient à la section « Crocus », série « Crocus » du genre, dans laquelle série se trouvent trois groupes de crocus à safran (9 espèces)[1].
Le mot « crocus » est la transcription latine dugrec ancienκρόκος /krókos qui signifie exactement « safran » depuis l'Antiquité[13] et désignait à l’origine lesstigmates de la plante[14]. Selon les recherches botaniques, le safran serait originaire deCrète, et non d'Asie centrale, comme on le croyait autrefois[10]. LeCrocus sativus résulterait d'une sélection intensive deCrocus cartwrightianus, uncrocus àfloraisonautomnale, originaire de l'est de laMéditerranée[15] par les producteurs, qui désiraient de plus longs stigmates.
La relation phylogénétique entreCrocus sativus (untriploïde stérile) etCrocus cartwrightianus (diploïde) est évidente. Il n'est cependant pas formellement établi si d'autres espèces ont participé à d'anciennes hybridations qui ont abouti auCrocus sativus. L'analyse de l'ADN nucléaire deCrocus sativus confirme queCrocus cartwrightianus est l'ancêtre le plus vraisemblable du safran. D'autres espèces apparentées, notammentCrocus thomasii etCrocus pallasii, sont cependant aussi des ancêtres potentiels. Le safran a un pollen stérile, mais s'il est pollinisé parCrocus cartwrightianus ouCrocus thomasii, il produira des graines[16],[17]. Comme lesfleurs du safran ne produisent pas degraines viables, la plante est dépendante de l'homme pour sa reproduction.
Lecolchique d'automne (Colchicum autumnale), une fleur ressemblante, mais quant à elle toxique.
Après une période de repos en été, appeléeestivation, cinq à onze fines feuilles vertes verticales, pouvant atteindre jusqu'à 40 cm de long, émergent du sol. Enautomne, desbourgeonspourpres apparaissent. C'est seulement enoctobre, après que la plupart des autres plantes à fleurs ont relâché leurs graines, queCrocus sativus développe ses fleurs colorées, allant d'un légerlilas pastel à unmauve plus foncé et strié[18]. Durant lafloraison, le safran mesure un peu moins de 30 cm de haut[19]. Dans chaque fleur, on trouve un style présentant trois fourches, chacune se terminant par unstigmate cramoisi de 25 à 30 mm de long[15].
La fréquence des précipitations est également un élément clé : des pluiesprintanières généreuses, suivies d'étés plutôt secs, sont idéales. De plus, les précipitations tout juste antérieures à lafloraison augmentent les productions de safran ; néanmoins, les temps froids ou pluvieux durant la floraison favorisent les maladies, réduisant ainsi la production. Un climat constamment humide et chaud nuit également aux rendements[21].
Le safran pousse idéalement s'il est exposé directement à la lumière du Soleil, et s'accommode mal à l'ombre. Ainsi, les meilleurs rendements sont obtenus pour les plantations exposées face au Soleil (par exemple vers le sud dans l'hémisphère nord), maximisant l'exposition à la lumière. Dans l'hémisphère nord, la plantation a souvent lieu en juin, lescormes étant enterrés entre 7 et 15 cm de profondeur. La profondeur et l'espacement, en corrélation avec leclimat, sont deux facteurs critiques ayant un impact sur le rendement des plantes.
Le safran préfère lessols argilo-calcaires friables, lâches, à basse densité, bien arrosés et drainés, ainsi qu'une forte teneur en matière organique. Cependant, comme n'importe quel crocus de jardin, il s’accommode aussi des sols légèrement acides, supportant sans difficulté jusqu'à unpH de 6[1]. On utilise traditionnellement des parterres surélevés pour favoriser un bon drainage. D'un point de vue historique, les sols étaient enrichis par l'application de près de 20 à 30 tonnes d'engrais organiques parhectare de terres. Après quoi, et sans ajout supplémentaire d'amendement, lescormes étaient plantés[22].
De nombreux ravageurs (mammifères, insectes,acariens, vers, et mollusques) et agents infectieux (champignons, bactéries, virus) sont susceptibles d'affecter le crocus à safran[1]. Parmi les ravageurs, on trouve entre autres lecampagnol, le sanglier, lestaupins, la larve duhanneton, ainsi que leslimaces et lesescargots[1]. Parmi les maladies fongiques, lapourriture grise (causée par les champignons du genreBotrytis), la fusariose vasculaire (Fusarium oxysporum), la moisissure verte (Penicillium), la pourriture des racines (Pythium), la pourriture violette (Rhizoctonia), la pourriture cotonneuse (Athelia), et la pourriture sèche (Stromatinia), sont les plus fréquentes[1]. Lesparasites comme lesnématodes, larouille des feuilles et le pourrissement ducorme peuvent également poser problème[22].
Mais les ennemis les plus redoutables pour le safran sont certainement les rongeurs. Les campagnols exploitent les galeries creusées par lestaupes (qui ne nuisent pas à la culture) et dévorent les cormes. Une production entière peut être anéantie par ces rongeurs qui sont d'une voracité redoutable. Il est de plus difficile, voire inefficace, d'intervenir en curatif. Pour éviter toute attaque, il est important de planter la safranière loin du potager si celui-ci est affecté. De plus, il est utile de labourer autour de la parcelle car cela détruit les éventuelles galeries. Enfin, planter des bulbeuses répulsives autour de la safranière, telles que lenarcisse, peut s'avérer utile pour freiner l'arrivée du ravageur.
Safraniranien.Safran de première qualité en Autriche.
Plusieurscultivars du safran sont cultivés dans le monde. EnEurope, au moins 3 souches existeraient, se distinguant sur la base de critères morphologiques[1]. Les variétésespagnoles, incluant les noms commerciaux Spanish Superior et Creme, sont évaluées par des normes gouvernementales et présentent généralement une couleur, un arôme et un parfum plus doux. Les variétés italiennes sont plus puissantes, alors que les variétés les plus intenses sont originaires deMacédoine grecque, d'Iran ou d'Inde. Près deKozani, en Grèce, la culture du safran occupe plusieurs centaines d’hectares[14]. Les Occidentaux doivent faire face à d'importants obstacles pour obtenir du safran indien, le pays ayant en effet interdit l'exportation des safrans de meilleure qualité. Hormis ces dernières, d'autres variétés commerciales sont disponibles, provenant deNouvelle-Zélande, deFrance, deSuisse, d'Angleterre, desÉtats-Unis, ou d'autres pays. Aux États-Unis, le Pennsylvania Dutch Saffron, connu pour ses notes terreuses, est vendu en petite quantité[25],[26].
Les consommateurs considèrent certains cultivars comme de qualité « supérieure ». Lesafran de l'Aquila(it) (zafferano dell'Aquila) — présentant une concentration élevée ensafranal et encrocine, une forme particulière, un arôme exceptionnellement piquant et une couleur intense — est cultivé exclusivement sur huithectares de la vallée deNavelli dans la région italienne desAbruzzes, près deL'Aquila. Il a été introduit pour la première fois enItalie auXIIIe siècle par Domenico Santucci, un moinedominicain membre de l'Inquisition[27]. Mais, en Italie, la plus grande exploitation agricole dévolue au safran, par la quantité et la qualité, se trouve àSan Gavino Monreale enSardaigne. Le safran y est cultivé sur40 hectares, représentant près de 60 % de la production italienne ; il contient également d'importantes concentrations en crocine, enpicrocrocine et en safranal. Les variétés Mongra ou Lacha duCachemire (Crocus sativus 'Cashmirianus') sont de loin les plus difficiles à obtenir. Les sécheresses répétées, larouille et les mauvaises récoltes au Cachemire, combinées avec une interdiction d'exportation imposée par l'Inde, contribuent à leur prix élevé. Le safran du Cachemire est reconnaissable par sa couleur marron-pourpre intense, parmi les plus foncées au monde, ce qui confère à cette variété un puissant parfum, arôme et pouvoir colorant. Enfin, des safrans au parfum subtil, le safran duQuercy cultivé depuis leXIIe siècle et celui deMund enSuisse produit depuis leXIVe siècle dans cette région ducanton du Valais.
Quand le safran est séché après sa récolte, la chaleur, combinée à l'action enzymatique, coupe la molécule depicrocrocine pour donner du D-glucose et une molécule desafranal libre[29]. Le safranal, unehuile volatile, donne au safran la plus grande part de son arôme[9],[30]. Le safranal est moins amer que la picrocrocine et compose près de 70 % de la fraction volatile du safran sec dans certains échantillons[31]. Le second élément fondamental à l'origine de l'arôme du safran est le 2-hydroxy-4,4,6-triméthyl-2,5-cyclohexadièn-1-one, dont le parfum a été décrit comme« safran, foin sec[32] ». Les chimistes établirent qu'il est le plus puissant responsable du parfum du safran, en dépit de sa faible présence comparée ausafranal[32]. Le safran séché est extrêmement sensible aux fluctuations du niveau depH, et ses éléments chimiques se décomposent rapidement en présence de lumière et d'agents oxydants. C'est pourquoi il doit être stocké dans un récipient hermétique pour minimiser les contacts avec l'oxygèneatmosphérique. Le safran est légèrement plus résistant à la chaleur.
Le safran est une épice européenne, puisque le berceau géographique duCrocus sativus et de son ancêtre, leCrocus cartwrightianus est la Grèce[2]. Il se serait ensuite répandu sur tout le pourtour méditerranéen, dans le sillage des empires qui se sont succédé avant l'Empire romain[2].
Le précurseur sauvage présumé du safran domestique (Crocus sativus) estCrocus cartwrightianus. Ce dernier était vraisemblablement l'espèce cultivée pour la production du safran dans laGrèce minoenne, puisque les fresques qui nous sont parvenues montrent aussi des crocus à safran avec des fleurs blanches, comme il en apparaît parfois dans cette espèce. Ainsi, le terme « safran » utilisé pour désigner l'épice pouvait-il, dans le passé, faire référence à un produit identique, mais issu d'espèces de crocus à safran différentes de celle exploitée aujourd'hui[1]. Lescultivateurs orientèrent sa production vers la sélection de spécimens possédant les plus longsstigmates. Ainsi émergea dans laCrète de l'âge du bronze tardif un mutant provenant deC. cartwrightianus,C. sativus[35]. Il n'est toutefois pas formellement établi si d'autres espèces, notammentCrocus thomasii etCrocus pallasii, ont participé à des hybridations qui ont finalement abouti auCrocus sativus[16],[17]. Quoi qu'il en soit, il s'est lentement propagé à travers l'Eurasie, atteignant plus tard l'Afrique du Nord, l'Amérique du Nord et l'Océanie.
La France a été pendant plus de cinq cents ans unimportant producteur de safran, réputé pour sa qualité notamment dans le Quercy et enGâtinais (correspondant surtout aux actuels départements numérotés 46 et 45) comme dans le bourg deBoynes, capitale mondiale du safran qui en a de fait régi les prix avec le marché dePithiviers pendant environ 300 ans, en produisait 30 tonnes (soit 120 à 180 millions de fleurs[36],[37]) en 1789, et encore 10 tonnes en 1869.
Récolte journalière des crocus au petit matin par des paysans de la province deKhorasan-e Razavi en Iran.
Avec son goût amer, son parfum de foin et ses notes légèrement métalliques, le safran a été utilisé comme assaisonnement, parfum, teinture et médicament. De l'Antiquité à l'époque actuelle, et partout autour du monde, la plus grande partie du safran produit par les agriculteurs était et est toujours utilisée en cuisine, les traditions culinaires suivant l'expansion de la culture enAfrique, enAsie, enEurope, et enAmérique. D'un point de vue médical, le safran était autrefois utilisé pour traiter un large éventail de maux, aussi divers que lavariole, lapeste bubonique ou encore lesindigestions. Actuellement, plusieursessais cliniques démontrent le potentiel du safran en tant qu'agentantioxydant et commeanticancéreux[40],[41]. Le safran a également été employé pour colorer destextiles et d'autres objets, la plupart d'entre eux porteurs d'une significationreligieuse ou hiérarchique.
Extraction à la main du safran.
Les cultures de crocus à safran, tout comme à ses débuts, restent principalement cantonnées dans une large bande d'Eurasie, allant de lamer Méditerranée jusqu'auCachemire, dans le sud-ouest, et enChine, dans le nord-est. Les principaux pays producteurs de safran dans le monde sont l'Iran, l'Inde, la Grèce, l'Afghanistan, leMaroc et l'Espagne[42]. Ces dernières années, cette mise en culture a aussi gagné laNouvelle-Zélande, l'Australie ou encore laCalifornie.
La plus grande part de la production mondiale, qui s'élève à environ 300 tonnes par an[10] (chiffre incluant le safran sous forme de poudres et de stigmates), provient d'une large ceinture s'étendant de lamer Méditerranée jusqu'auCachemire occidental, à l'est. Tous les continents hors de cette zone, hormis l'Antarctique, en produisent un peu. L'Iran reste le plus gros exportateur mondial, avec près de 100 tonnes par année, principalement vers lesÉmirats arabes unis et l'Espagne. Une étude effectuée par FrancAgriMer en 2013 parle d'un recul régulier de la production en Espagne qui est passée de 35,5 tonnes en 1986 à 1 tonne en 2003 correspondant à 200 hectares, alors que la consommation annuelle serait de 20 tonnes par an[43]. Le ministère de l'agriculture marocain a annoncé qu'entre 2008 et 2019, la superficie de ses cultures de safran s'est multipliée par trois et que sa production a été multipliée par 4,3[44]. L'Afghanistan se profile comme un nouveau concurrent sérieux : ses exportations ont septuplé entre 2011 et 2016[45].
Principaux pays exportateurs et importateurs de safran en 2019[46]
Le prix élevé du safran s'explique par la pénibilité et le temps nécessaire à sa récolte et au tri, qui s'effectue manuellement, d'un grand nombre de petits stigmates, seules parties de la fleur à posséder les propriétés aromatiques désirées. De plus, un très grand nombre defleurs doivent être manipulées pour obtenir finalement une quantité commerciale de safran : unelivre (0,45 kg) de safran sec exige la récolte de près de 50 000[51] à 75 000 fleurs[52], soit une surface de culture minimum équivalente à celle de 2/3 d'unhectare.
Vue d'un fil de safrangrec (longueur d'environ 2 cm).
Les amateurs de safran ont souvent quelques principes de base concernant leurs achats. Ils recherchent des stigmates montrant une colorationcramoisie vive, une légère humidité et une élasticité. Ils rejettent les stigmates, appelés « fils » en cuisine, montrant une colorationrouge brique mate (indicateur d'un âge avancé) et les fils cassés groupés dans le fond du récipient (indicateur d'une sécheresse anormale due à l'âge). On rencontre de tels échantillons âgés autour du mois de juin (saison des récoltes), quand les agriculteurs et les détaillants terminent le stock de la saison précédente avant de commercialiser la nouvelle. Les paysans, grossistes et autres détaillants indiquent l'année de récolte, ou les deux années encadrant celle-ci ; une récolte de2002 en retard serait indiquée« 2002/2003[55] ». Le safran est considéré comme l'épice la plus chère du monde[56].
Le safran est l'un des trois ingrédients essentiels de lapaella valenciana espagnole, et est responsable de sa couleur jaune-orangé caractéristique.
Le safran possède six propriétés gastronomiques. Réputé pour sa propriété colorante et aromatique, le safran possède encore quatre propriétés méconnues : c'est un antioxydant, exhausteur, harmonisant dynamisant[2], ce qui lui donne une polyvalence très étendue, couvrant tout le spectre de l'alimentation humaine, ainsi que des effets culinaires très variés, qui rendent l'usage et la maîtrise de cette épice parfois complexe et difficile[2].
Le safran est très employé dans les cuisines arabe, européenne,indienne,iranienne et d'Asie centrale. Son arôme est décrit par les cuisiniers et les amateurs de safran comme ressemblant aumiel, mais avec des notes métalliques. Il apporte aux mets une coloration jaune-orangé. Ces caractéristiques font du safran uneépice utilisée dans des plats et des transformations aussi différents que desfromages, desconfiseries, certainscurry, desliqueurs, dessoupes, ou encore des plats de viande. Le safran est utilisé enInde,Iran,Espagne et d'autres pays en tant que condiment pour leriz.
Le safran est également utilisé enconfiserie ou dans la préparation deboissons alcoolisées, c'est d'ailleurs sa principale utilisation enItalie[58]. Certainsalcools, comme lachartreuse, legin, l'izarra, ou encore laStrega, se fondent, entre autres, sur le safran pour obtenir un épanouissement de couleur et de saveur. EnSuisse, le safran est utilisé dans plusieurs préparations dont la plus connue reste lacuchaule, brioche à base de safran, fabriquée pour la fête de laBénichon en automne. EnSuède, il entre dans la composition des petites brioches typiques que l'on trouve en fin d'année, pour fêter la Sainte-Lucie (lussekatt, saffransbullar ouluciabullar). Dans laBresse, le fromage de marque « Clon » est parfumé au safran.
Les utilisateurs expérimentés émiettent et pré-imbibent les fils de safran, pendant plusieurs minutes, avant de les ajouter à leurs plats. Ce procédé permet d'extraire la couleur et le parfum dans une phase liquide (eau ouxérès par exemple). Après quoi, la solution est ajoutée au plat avant la cuisson, permettant la bonne distribution du parfum et de la couleur du safran dans le plat, en particulier pour les spécialités cuites au four ou les sauces épaisses[57]>. Le safran en poudre ne nécessite pas cette étape[59].
À cause de sa valeur, le safran était souvent remplacé, ou mélangé, dans les cuisines traditionnelles avec ducarthame des teinturiers (Carthamus tinctorius, que l'on appelle également faux-safran) ou decurcuma (Curcuma longa, appelé également safran des Indes), une plante de la famille du gingembre, dont le rhizome séché donne une poudre jaune entrant usuellement dans la confection de la poudre decurry. Les deux ont des parfums très différents du safran, bien qu'ils imitent parfaitement sa couleur.
Le safran a été apporté par la France en Italie et lerisotto alla milanese (risotto à la milanaise) a été inventé par des Français àMilan à la suite du couronnement deNapoléonIer roi d'Italie àMilan, en 1805. Milan reste encore de nos jours la ville la plus française d'Italie. L'histoire du riz à la milanaise et de la plupart des plats de la cuisine de Milan (osso buco,cotoletta etpanettone) est en lien avec la période de laRépublique cisalpine, créée le 27 juin.
Fleurs deCrocus sativus. De tout temps, elles ont fasciné lesmédecins etapothicaires qui leur trouvèrent nombres d'applications thérapeutiques plus ou moins réelles.
Lescaroténoïdes du safran ont, dans certaines études scientifiques, montré des propriétésanticancéreuses[28],antimutagènes etimmuno-modulatrices. Le composant responsable de ces effets est la diméthyl-crocétine. Ce composé agit sur un large spectre, aussi bien sur les tumeurs murines (chez lesrongeurs) que sur les lignées cellulaires humaines atteintes deleucémie. L'extrait de safran retarde également la croissance desascites, retarde l'apparition descarcinomes dus aupapillomavirus, inhibe les carcinomes squameux, et diminue l'incidence dusarcomes des tissus mous chez les souris traitées. Les chercheurs pensent qu'une telle activitéanticancéreuse est principalement due à la diméthyl-crocétine qui empêche certaines protéines, des enzymes connues comme étant desADN topoisomérases detypeII, de lier l'ADN dans les cellules cancéreuses[63]. Ainsi, lescellules cancéreuses deviennent incapables de synthétiser ou répliquer leur propreADN.
Les effetspharmacologiques du safran sur lestumeurs malignes ont été démontrés lors d'études faitesin vitro etin vivo. Le safran allonge la vie desouris dont lepéritoine est porteur desarcomes, plus précisément des échantillons de S-180, de l'ascite dulymphome de Dalton (DLA) et de l'ascite du carcinome d'Ehrlich (EAC). Les chercheurs ont découvert cette propriété lors de l'administration orale de 200 mg d'extraits de safran par kilogramme de masse corporelle de lasouris. Les résultats montrent que la durée de vie des souris porteuses de tumeur a été augmentée de respectivement 111 %, 83,5 %, et 112,5 % par rapport aux lignées témoins. Les chercheurs ont également découvert que les extraits de safran sont cytotoxiques pour certaines lignées cellulaires tumorales, comme le DLA, EAC, P38B et S-180, cultivésin vitro. Ainsi, le safran a montré d'intéressantes propriétés en tant que nouveau traitement alternatif pour un certain nombre decancers[64].
En plus des propriétés anticancéreuses, le safran est également unantioxydant. Cela signifie que, comme un agent « anti-âge », il neutralise lesradicaux libres. Les extraitsméthanoliques, en particulier, du safran, neutralisent à un taux important les radicaux DPPH (nomenclature de l'UICPA : 1,1-diphényl-2-picrylhydrazyle). Ceci est dû à la donation au DPPH deprotons par deux agents actifs du safran, lesafranal et la crocine. Ainsi, à des concentrations allant de 500 à 1 000 ppm, la crocine permet la neutralisation de respectivement 50 % et 65 % desradicaux. Lesafranal montre néanmoins un taux de neutralisation plus faible que celui de la crocine. Ces propriétés donnent au safran un avenir dans la fabrication d'antioxydants dans l'industrie pharmaceutique etcosmétique, ou encore, en tant que supplément alimentaire[65].
Le safran peut exercer un rôle protecteur contre les troubles neurologiques et psychiatriques et représente un traitement relativement favorable et sûr[66].
Malgré son coût élevé, le safran a été également utilisé pour mettre au point descolorants, en particulier en Chine ou enInde. Les stigmates de safran, même en faible quantité, produisent une lumineuse couleur jaune orangée. Plus la quantité de safran utilisée est importante, plus la couleur du tissu dérive vers lerouge. Cette couleur est néanmoins instable, en effet, l'intense jaune-orangé se dégrade rapidement en un jaune pâle et crémeux[68]. Traditionnellement, seules les classesnobles portaient desvêtements teints au safran. Celui-ci portait ainsi une significationrituelle ethiérarchique. En Europe médiévale, lesIrlandais et lesÉcossais desHighlands portaient un long tricot de toile connu sous le nom deléine, qui était traditionnellement teint grâce au safran[réf. à confirmer][69].
Il y eut de nombreuses tentatives pour remplacer le coûteux safran par un colorant meilleur marché. Les habituels produits de substitution du safran en cuisine, comme lecurcuma, lecarthame ou encore d'autresépices, permettent l'obtention d'une colorationjaune intense qui ne correspond pas exactement à celle obtenue avec le safran. Néanmoins, le principal constituant responsable de la couleur du safran, la crocineflavonoïde, a été découvert dans le fruit dugardénia, nettement moins cher à cultiver. Il est d'ailleurs actuellement utilisé enChine comme colorant de substitution du safran[30].
Le safran a également été employé pour ses seules propriétés aromatiques. En Europe, par exemple, des fils de safran ont été traités et combinés avec des ingrédient tels que de l'orcanette, dusang-dragon (pour la couleur), et levin (pour la couleur), pour produire une huile aromatique connue sous le nom decrocinum. Lecrocinum était ensuite appliqué sur lescheveux pour les parfumer. Une autre préparation, comportant un mélange de safran et devin, était utilisée dans lesthéâtres romains pour rafraîchir l'air[70].
Le safran est classé en fonction de sa qualité. Celle-ci est fixée par des mesures photométriques effectuées enlaboratoire et permettant de déterminer la concentration en crocine (couleur), enpicrocrocine (goût) et ensafranal (parfum). D'autres mesures peuvent être faites sur le contenufloral restant (fleur moins lesstigmates), ou sur le contenu étranger, comme la matière inorganique (« cendres »). Plusieurs pays possèdent leurs propres normes de qualité du safran, dont la France avec les normes NF V32-120-1 et NF V32-120-2, et l'Iran avec la norme ISIRI 259-2[1]. Afin d'uniformiser au niveau mondial la classification du safran, l'Organisation internationale de normalisation a établi diverses catégories standards de safran, regroupées sous la normeISO 3632. Elle propose quatre classes empiriques fixées en fonction de l'intensité de la couleur : IV (qualité faible), III, II et I (qualité supérieure). Les échantillons de safran sont classés dans ces catégories en fonction de la concentration en crocine, qui est déterminée par une mesure de l'absorbance spectroscopique. Selon laloi de Beer-Lambert, celle-ci est définie par, où symbolise l'absorbance. C'est la mesure de latransparence d'une substance donnée ( est l'intensité de la lumière passant à travers l'échantillon, et l'intensité du faisceau incident) pour unelongueur d'onde précise.
Pour le safran, l'absorbance de la crocine est déterminée sur un échantillon séché et pour une lumière de longueur d'onde de 440 nm[71]. Une importanteabsorbance à cette longueur d'onde implique une importante concentration en crocine et donc une couleur intense. Ces données sont mesurées dans divers laboratoires certifiés tout autour du monde. Les résultats obtenus permettent de classer le safran selon son absorbance, une valeur inférieure à 80 pour la catégorie IV, supérieure à 190 pour la catégorie I. L'échantillon le plus fin du monde a atteint une absorbance record de 250. Les prix du marché suivent directement les scores obtenus lors de ces tests[71]. Cependant, beaucoup de cultivateurs, de marchands et de consommateurs rejettent ces résultats scientifiques. Ils leur préfèrent une méthode plusholistique qui juge le safran dans son entier, goût, arôme, parfum et d'autres caractéristiques similaires à celles utilisées par les amateurs devin[55].
La poudre decurcuma est parfois utilisée pour couper le safran en poudre.
Malgré les tentatives de contrôle de la qualité et leur standardisation, l'histoire du safran est entachée par de nombreuses falsifications qui perdurent aujourd'hui, en particulier pour les catégories les moins chères. Elle est mentionnée la première fois enEurope, auMoyen Âge, lorsque les coupables de falsifications étaient exécutés selon le code Safranschou[72].
Les diverses méthodes de falsification consistent principalement en un mélange avec une substance étrangère, comme de labetterave, des fibres degrenade, des fibres desoie teintes en rouge ou lesétamines jaunes inodores et insipides du safran. C'est cependant le safran en poudre qui est le plus falsifié avec ducurcuma, dupaprika, dusaflor et d'autres poudres utilisées pour le couper. Le curcuma, qui partage seulement avec le safran son pouvoir colorant en orange, est d'ailleurs appelé safran des Indes ou safran du pauvre mais il y a tromperie lorsqu'on le nommesafran pei (safran local encréole) ou simplement safran[73].
La falsification peut aussi consister en la vente de mélanges de safran de grades différents[74]. Ainsi, enInde, le safran de haute qualité produit auCachemire est souvent vendu mélangé à des safrans venus d'Iran, nettement moins chers, ce mélange étant ensuite vendu comme provenant totalement du Cachemire. Cette falsification a beaucoup coûté aux cultivateurscachemiris qui voient leur production s'effondrer[75],[76].
Lamythologie grecque prête au safran une origine divine : Krokos, ami d’Hermès, fut frappé au front d’une blessure mortelle pendant unlancer du disque avec le dieu de l’Olympe. Son sang s’écoula dans la terre d’où il resurgit plus tard sous la forme des stigmates rouge sang de la fleur de safran. Et dans lamythologie romaine,Ovide[Note 1] évoque Crocus, un petit garçon amoureux de la jeune Smilax, qui fut métamorphosé en fleur de safran par la force de l’amour[77].
↑abcdef etgC. M. Lachaud,La Bible du Safran. Tout savoir sur le roi des épices de A à Z. Anthropologie, Chimie, Perception, Usages, Recettes et Plus !, Laval-sur-Luzège, C. M. Lachaud,, 217 p.(ISBN978-2-9547159-0-2,présentation en ligne).
↑ChezEschyle (Agamemnon 230) etSophocle (Œdipe à Colone 685) par exemple :Anatole Bailly ; 2020 : Hugo Chávez, Gérard Gréco, André Charbonnet, Mark De Wilde, Bernard Maréchal & contributeurs, « κρόκος », surbailly.app,(consulté le).
↑D. G. Chryssanthi, P. G. Dedes, N. K. Karamanos, P. Cordopatis et F. N. Lamari, « Crocetin inhibits invasiveness of MDA-MB-231 breast cancer cells via downregulation of matrix metalloproteinases »,Planta Medica,vol. 77,no 2,, p.146-151.
↑ShufenHan, YifeiCao, XingrongWu et JiaoyangXu, « New horizons for the study of saffron (Crocus sativus L.) and its active ingredients in the management of neurological and psychiatric disorders: A systematic review of clinical evidence and mechanisms »,Phytotherapy research: PTR,(ISSN1099-1573,PMID38424688,DOI10.1002/ptr.8110,lire en ligne, consulté le).
↑Alors que les pistils de safran valent entre10€ et 50€ le gramme, le curcuma se vend entre 20€ et 150€ le kg, ce qui fait un rapport entre les coûts des deux épices d’au moins 1 à 500.
Paul Chappellier,Sur la culture du safran : Nouveau mode de culture, Traitement de la maladie, Création d’une nouvelle variété, Paris, Imprimerie de la Cour d’Appel, 1844-1897, 40 p.(lire en ligne)
Clotilde Boisvert et Pierre Aucante,Saveurs du safran, Albin Michel,, 126 p.(ISBN978-2226-063502)
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